Titre : Les Seigneurs de Bohen
Auteur : Estelle Faye
Editeur : Critic
Année de parution : 2017
Nombre de pages : 592
Histoire : Je vais vous raconter comment l’Empire est mort.
L’Empire de Bohen, le plus puissant jamais connu, qui tirait sa richesse du lirium, ce métal aux reflets d’étoile, que les nomades de ma steppe appellent le sang blanc du monde. Un Empire fort de dix siècles d’existence, qui dans son aveuglement se croyait éternel.
J’évoquerai pour vous les héros qui provoquèrent sa chute. Vous ne trouverez parmi eux ni grands seigneurs, ni sages conseillers, ni splendides princesses, ni nobles chevaliers… Non, je vais vous narrer les hauts faits de Sainte-Étoile, l’escrimeur errant au passé trouble, persuadé de porter un monstre dans son crâne. De Maëve la morguenne, la sorcière des ports des Havres, qui voulait libérer les océans. De Wens, le clerc de notaire, condamné à l’enfer des mines et qui dans les ténèbres découvrit une nouvelle voie… Et de tant d’autres encore, de ceux dont le monde n’attendait rien, mais qui malgré cela y laissèrent leur empreinte.
Et le vent emportera mes mots sur la steppe. Le vent, au-delà, les murmurera dans Bohen. Avec un peu de chance, le monde se souviendra.
Mon avis :
J’ai découvert Estelle Faye en début d’année avec les deux premiers tomes de sa saga la Voie des Oracles où j’avais beaucoup aimé sa plume. Ici dès les premières pages, j’ai retrouvé le même plaisir avec une plume à la fois légère, acère et acerbe avec laquelle elle nous compte les derniers jours d’un Empire mourant.
Les Seigneurs de Bohen est une vaste fresque de près de 600 pages où l’on croise toute une flopée de personnages qui vont tous contribuer à la chute d’un Empire qui règne depuis plus de 1 000 ans sur un ensemble de terres disparates peuplés d’hommes et de femmes aux cultures bien différentes. Avec beaucoup de soin et de talent, Estelle Faye tisse peu à peu la toile du monde de Bohen sans que cela soit forcé une seule fois. C’est à chaque fois aux détours des aventures de ses personnages qu’on en apprend un peu plus sur ce monde dur, cruel et pourrissant, découvrant les us et les coutumes, le mode de gouvernement, les différents types de magies, les différentes peuplades, etc. La fresque se brosse ainsi au fil des pages sans que l’on s’en rende compte pour former au final un univers assez fascinant qu’on a l’impression d’avoir à peine effleuré et qu’on aimerait vite retrouver.
Si j’ai aimé le talent avec lequel, elle fait ainsi avancer son récit qui part de quelque chose d’assez obscur sans vrai fil rouge à une riche histoire cohérente et passionnante, j’ai tout de même trouvé de nombreuses longueurs et j’ai vraiment eu du mal au début à rentrer dans l’histoire parce que je ne voyais pas où l’auteure voulait en venir. Mais passé le premier quart, le récit est très vite devenu addictif et cela tient en grande partie à ses personnages.
Ceux-ci ont beau être nombreux, très vite certains plus importants que d’autres s’en dégagent comme Sainte-Etoile qui est un peu notre narrateur avec Perdrix. Ce vieux baroudeur en recherche de rédemption m’a de suite plu grâce à sa relation avec Morde, l’esprit avec qui il cohabite et que j’aurais aimé voir plus exploité. Sainte-Etoile a un côté vieux, usé, désabusé qui me plaît. Sa rencontre avec le jeune et idéaliste Sorenz va tout changer. Celui-ci est un peu mon coup de coeur de la saga avec un autre dont je parlerai ensuite. J’ai aimé sa fougue, son envie de revanche, sa bravoure et son attitude bravache parfois. C’est un mercenaire comme je les aime. Je suis plus réservée quand à son secret qui pour moi fut assez mal exploité au point de le rendre un brin ridicule lors de certaines scènes…
Ces deux révolutionnaires ne seront pas les seuls à peupler l’histoire, nous croiserons également l’étrange duo Wens – Janosh qui m’a énormément plu. Wens est un jeune homme condamné pour avoir rêvé trop haut. La vie n’a pas été douce pour lui. C’est aussi le cas de Janosh avec ses rêves de magie interdite. Leur réunion va provoquer des étincelles et une belle relation va se nouer peu à peu même si là aussi j’aurais aimé les voir un peu plus.
Après tous ces personnages « masculins », les femmes ne sont pas en reste avec la belle et puissante Maëve dont l’attirance inébranlable pour la mer m’a fait penser à Althéa des Aventuriers de la Mer de Robin Hobb. J’ai aimé la façon dont elle apprend à maîtriser son pouvoir au fil des épreuves. Je suis beaucoup plus sceptique sur sa vie sentimentale trop fournie à mon goût ^^! Vient d’ailleurs ensuite, la jeune et douce Cigale, soeur d’un autre personnage, qui va gagner en importance au fil des pages sans que l’on s’en rende vraiment compte. Elle est peut-être la plus simple et humaine de tous mais elle aura un rôle crucial.
Autour d’eux, on rencontre tout plein de personnages secondaires, comme l’Empereur, l’Impératrice et leurs filles, qui représentent bien l’Empire en pleine déliquescence, ou bien le garde qui recueille Cigale et son ami, ou encore l’entourage de Sorenz, la famille et les amis de Maëve, etc. Tous ont leur place dans l’histoire et on entend régulièrement leur voie. A cause de cela, c’est peut-être l’un de ces récits qu’il vaut mieux lire vraiment d’une traite pour ne pas être perdu ensuite.
Au niveau des thèmes, ça parle essentiellement de religion, de mythe, de révolution et de liberté, liberté au sens large.
Ainsi on se retrouve avec beaucoup de couples LGBT, peut-être un peu trop même pour que ça semble naturel et non pas forcé. Estelle Faye ne fait pas preuve ici d’un grand talent pour développer ces relations et c’est fort dommage parce qu’elles sonnent creux du coup. On a l’impression d’être face à des gens qui sont plus mû par le désir que par l’amour, ou bien si c’est de l’amour, que ces personnages ont un vrai coeur d’artichaut sauf peut-être Sorenz. Je suis donc assez déçue de ce côté-là, moi qui aime les belles romances.
A l’inverse tout ce qui a trait à la Révolution est très bien amené et développé. On sent bien la rancoeur monter, la résistance se mettre en place, les nouvelles propositions affluer et les tromperies émerger. C’est fait avec beaucoup de doigté et cela rend le récit vraiment intéressant et passionnant de ce côté-là, surtout quand on voit les différentes forces converger dans les derniers chapitres comme on pouvait s’y attendre.
Je ressors donc assez contente de ma lecture malgré certaines petites réserves et j’espère bien qu’un jour l’auteure reviendra à cet univers.