Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Beastars de Paru Itagaki

Titre : Beastars

Auteur : Paru Itagaki

Éditeur vf : Ki-Oon (seinen)

Années de parution vf : 2019-2022

Nombre de tomes vf : 22 (série terminée)

Histoire : À l’institut Cherryton, herbivores et carnivores vivent dans une harmonie orchestrée en détail. La consommation de viande est strictement interdite, et les dortoirs sont séparés en fonction des régimes alimentaires. Tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes… mais la culture ne peut étouffer tous les instincts. Quand le cadavre de l’alpaga Tem est retrouvé déchiqueté sur le campus, les méfiances ancestrales refont surface ! Legoshi est la cible de toutes les suspicions. Parce qu’il était proche de Tem, parce qu’il est une des dernières personnes à avoir été vues en sa compagnie, et surtout… parce que c’est un loup. Pourtant, sensible et timide, il fait son possible pour réprimer ses instincts. Hélas, ses efforts sont vains face au vent de discrimination qui souffle sur le pensionnat… Le seul qui pourra apaiser ce climat de terreur est le Beastar, le leader de l’école. Pour l’heure, les candidats se préparent, les élections approchent… Le favori n’est autre que le cerf Louis, étoile incontestée du club de théâtre auquel appartient Legoshi. Bien décidé à remettre les carnivores à leur place, il fait mine de ne pas craindre les crocs acérés du loup gris. Mais peut-être serait-il mieux avisé de ne pas le sous-estimer !

Mon avis :

Tome 1

Beastars est le dernier gros hit annoncé par Ki-Oon. Le titre est connu au Japon pour avoir remporté le prix Manga Taishô qui a révélé de grands titres comme Chihayafuru, Thermae Romae, March comes in like a lion, Kamakura Diary, ou encore Bride Stories (liste non exhaustive). Du coup, je l’attendais forcément avec impatience.

La qualité est belle est bien au-rendez vous. L’histoire est bien écrite, prenante et plein de belles idées. Les dessins sont originaux, entre le crayonné et l’aquarelle, avec tout plein de petits détails par endroits. L’univers est prometteur et le ton marquant. Cependant, il m’a manqué le petit truc en plus pour en faire un coup de coeur.

Beastars se déroule dans un univers où les animaux remplacent les hommes. On suit donc leur quotidien au sein du lycée dans lequel ils évoluent comme le ferait les hommes. Mais un jour, l’un d’eux, un herbivore, se fait agresser et tuer dans l’enceinte de l’école et l’on soupçonne de suite un carnivore d’en être à l’origine.

Cela vous rappelle quelque chose ? C’est normal, on dirait presque le point de départ de Zootopie, l’un des derniers films de Disney que j’avais adoré à l’époque (chronique ici). L’histoire s’ouvre donc comme un polar par un meurtre irrésolu qui va mettre en péril la coexistence pacifique qui existait entre nos amis carnivores et herbivores, révélant les plus bas instincts de chacun. On assiste alors à des soupçons à tout va, des accusations, du racisme « anti-carnivores », etc…  L’ambiance est sombre, délétère et pesante et les dessins la rendent très bien.

Mais Beastars n’est pas une simple copie de Zootopie, elle apporte aussi sa propre originalité. Nous allons en effet y suivre le jeune Legoshi, un loup gris que tout le monde pourrait soupçonner de par sa nature. Mais c’est en fait un être calme, pacifiste, qui aime vivre sa petite vie tranquille (même si on sent qu’il cache quelque chose). On va d’ailleurs assister à celle-ci entre vie au dortoir des carni, repas au réfectoire, activités après les cours au club de théâtre où il est technicien. J’ai beaucoup aimé cet aspect tranche de vie qui s’ajoute à l’ambiance sombre due au meurtre de son ami. Grâce à cela, on découvre aussi des aspects plus léger de la vie des animaux lycéens. On voit comment ils doivent faire pour coexister. On les suit lors de leurs activités communes. On découvre leurs passions, leurs ambitions, leurs amours…

On fait également des rencontres. Legoshi n’est pas le seul qu’on va suivre, il y a tous les garçons de sa chambre, mais aussi l’énigmatique et charismatique cerf Louis, la mélancolique lapine Haru, et bien d’autres. L’auteur a vraiment pris soin de donner à chacun une partie des caractéristiques de son espèce mais il essaie aussi de tordre ces préjugés pour rendre les personnages moins lisses et j’ai beaucoup aimé cela, notamment lors du chapitre consacré à Haru.

On sent vraiment plein de bonnes idées en germe dans ce premier tome, qui se contente pour l’instant de poser les bases, mais quelles belles bases. On commence à peine à effleurer ce qui pourrait faire toute la complexité du récit : discours sur la différence et la tolérance, travail autour de l’instinct, duels pour la domination, etc. On découvre ici un univers original, porté par des dessins singuliers avec des personnages marquants et attachants. Le titre a vraiment toutes les cartes en main pour devenir une lecture prenante et addictive, et s’il m’a manqué le petit truc en plus ici, j’espère le trouver prochainement dans la suite.

Au passage, je salue le travail sans faille de Ki-Oon, qui propose encore une édition de qualité, avec un papier épais (tome + jaquette), des bonus conservés (historiettes sous la jaquette et pages supplémentaires à la fin), avec une traduction fluide et agréable. Je n’ai trouvé aucun défaut ici. Je vais donc rapidement me jeter sur le tome 2.

Tome 2

Ce tome 2, sorti en même temps que le 1, est un bon complément pour découvrir l’univers de la série et ce vers quoi elle se dirige. On continue à suivre les aventures de Legoshi au sein de son club de théâtre. Ça devient même le lieu de référence du tome au détriment un peu de ce qu’il y a autour et c’est dommage. On ne reparle quasiment pas du meurtre qui a eu lieu au tout début, sauf quand il est question des préjugés sur les loups, et je le regrette aussi. Alors oui, l’ambiance devient plus sombre et mystérieuse mais on y perd un peu en resserrant à ce point l’intrigue sur le club de théâtre et ses membres.

L’auteur s’attarde vraiment sur eux. Il commence à développer plus le caractère de chacun. On apprend ainsi comment les membres ont été recrutés. C’est plein de mystère et forcément ça donne envie de lire la suite pour avoir des réponses à nos questions, savoir qui est Leoshi et d’où il vient, idem pour Louis et les autres. Des tensions continuent à poindre aussi dans le club, lorsque de nouveaux rôles sont proposés à certains et qu’ils veulent en profiter pour faire leur pub en quelques sortes. On s’attarde alors encore une fois à la sempiternelle question des apparences et des caractères inhérents à chaque espèce. La question n’est pas inintéressante mais j’espère qu’on ne va pas tourner autour pendant toute la série. Il va falloir la dépasser un jour pour ne pas la reposer à chaque fois.

Après, j’ai bien aimé le développement des personnages. Ça apportait un bon rythme au tome. Voir Legoshi tour à tour candide, restreignant ses instincts primaires, puis commencer à les assumer voire même à les revendiquer, était assez jouissif. J’ai beaucoup ri aussi du contrepied d’Haru, la lapine, que je ne m’attendais pas à trouver dans ce rôle; Je suis sous le charme du ténébreux Louis. Le chapitre où l’on entend ses pensées est l’un des meilleurs jusqu’à présent. Même Bill, le tigre, qui veut être calife à la place du calife m’a bien amusée, en même temps que j’ai aimé le détester. Ça a donné toutes sortes de péripéties agréables à suivre. Reste que ce n’est toujours pas un coup de coeur pour moi, ça manque vraiment trop d’émotions pour le moment pour pouvoir l’être, même si c’est un joli titre à l’univers bien travaillé et marqué.

Tome 3

Dans ce nouveau tome, l’autrice est très maligne. Elle continue à développer son univers animalier et tout en creusant la psychologie de ses personnages, elle se rapproche lentement mais sûrement de son idée de départ lancée dans les premières pages de sa saga. J’aime beaucoup. Pour autant, cela donne parfois des moments un peu désuets et détachés qui peuvent manquer de force et d’impact. Le titre est assez contemplatif et introspectif dans ces moments-là et ça pourra ne pas plaire à tout le monde, mais moi j’apprécie.

Donc dans ce nouveau tome, j’ai aimé continué à suivre les petits moments du quotidien de l’Académie, entre tonte des poilus, préparation de la fête de la météorite et découverte du sandwich préféré de Legoshi. C’est doux et savoureux. Mais ce que j’ai préféré, c’est bien sûr les sujets plus consistants que sont le harcèlement, les préjugés et la lutte contre les désirs dictés par son espèce/la société. C’est fait de manière puissante et subtile à la fois. Je trouve que le fait de mettre ses sujets sur le tapis en utilisant le biais des différentes espèces animales est astucieux, ça permet une vraie richesse des points de vue, la preuve avec le discussion entre Legoshi et le Docteur Panda qu’il rencontre. On est loin des clichés habituels. La découverte de la ville, de sa vie dans les rues et surtout de son marché noir, va dans ce sens également. On veut nous présenter une réalité un peu idyllique d’un côté pour mieux nous assener la froide réalité derrière. Mais n’existe-t-il pas une voie au milieu ? C’est ce que semble chercher Legoshi et j’aime ça.

Après si je reconnais la très bonne qualité de cette série, il me manque toujours le petit truc en plus pour la faire basculer en coup de coeur. J’ai encore du mal à trouver les personnages vraiment attachant et émotionnellement j’ai tendance à rester en dehors. C’est dommage parce que tout le reste est très bon.

Tome 4

Ce tome 4 est peut-être le meilleur jusqu’à présent. Je commence à y trouver ce qui me manquait jusqu’à présent, un fil rouge scénaristique et non pas juste de la tranche de vie animalière, certes bien faite mais un peu trop oubliable. L’auteur commence à trouver le bon rythme et ça fait un bien fou lors de la lecture. Les chapitres défilent et l’histoire devient vraiment addictive.

Alors, quel est ce fameux fil rouge ? Il s’agit bien sûr de la relation entre herbivores et carnivores que l’on nous dépeint depuis le début, mais avec une dimension plus sociale autour du fameux marché noir qu’on a découvert dans le tome précédent. Cela implique à la fois Legoshi, notre héros, mais surtout le charismatique Louis et la lapine sous le charme de laquelle il est tombé, ce qui nous offre pour une fois un triangle amoureux assez intéressant. J’ai aimé voir le mangaka allier avec talent les deux aspects de son intrigue : la sociale et la sentimentale. Le mélange est subtile et réussi. Ça permet de s’attarder sur les personnages et de creuser leurs personnalités mais aussi leurs relations. Haru n’est plus la lapine nympho qu’on croyait au départ, Louis n’est pas juste le jeune premier que tout le monde connait, et Legoshi devient plus que le loup mal dans sa peau qu’il nous montre depuis le début. Ces trois personnages ont vraiment pris une autre dimension ici et j’ai beaucoup aimé.

L’auteur a donc décidé de donner plus de corps à son intrigue et c’était le bon moment pour le faire. Maintenant, j’ai très envie de lire la suite.

Tome 5

Beastars continue à me surprendre avec un tome à mi-chemin entre action et philosophie qui va laisser des traces. J’ai eu le plaisir de retrouver les ambiances qui m’avaient plu à la fois au tout début avec l’histoire du meurtre puis il y a quelques tomes lors de la visite du marché noir. J’en suis ravie !

Haru a été enlevée, il faut maintenant allé la sauver. C’est bien sûr Legoshi qui s’y colle mais l’auteur a la bonne idée de ne pas en faire juste une banale histoire de vengeance avec un gros dur partant bille en tête. Non, c’est l’occasion de reparler du statut de chacun et du chemin à faire pour s’accepter. J’ai beaucoup aimé voir Legoshi faire équipe avec Gohin, monsieur Panda, les deux font la paire. Ce dernier aide vraiment Legoshi a prendre conscience de qui il est, de ce qu’il peut et/ou doit faire. C’est très bien fait. Il n’y a ni trop de blabla, ni trop d’action, les deux s’équilibrent très bien et à mesure que Legoshi prend conscience de lui-même, il prend une autre dimension, gagnant en consistance et en charisme, lui qui était si effacé. Ce tome est vraiment un tournant.

En parallèle, j’ai apprécié d’entendre à nouveau parler de politique, avec la position du maire et de ses administrés face à la menace représentée par un gang de carni. Ça fait vraiment écho à la corruption et la pression exercées par les groupes mafieux à travers le monde. C’était sombre et saisissant de se prendre ça en pleine figure dès l’ouverture du tome. On ressent ainsi encore plus l’injustice ressentie par certains et la terreur ressentie par d’autres. C’est pourquoi, j’ai beaucoup aimé les réactions de chacun. On aurait dit que les proies se révoltaient.

Maintenant après tous ces événements, ça ne peut appeler que des bouleversements importants dont j’espère ne pas me voir privée dans le prochain tome. SPOILER : J’espère par exemple que Louis n’est pas mort mais que sa brusque prise de conscience lui servira pour devenir encore plus charismatique et puissant dans l’univers de Beastars.

Tome 6

Avec ce 6e tome, Paru Itagaki montre une nouvelle fois tout son talent dans le traitement des émotions de ces animaux anthropomorphes pourtant terriblement nature, en le mêlant avec une intrigue de plus en plus tendue.

J’ai encore une fois été bluffée par la première partie qui décortique la relation étrange et complexe qui se noue entre Legoshi et Haru, entre attirance, sentiments amoureux et désirs/instincts bestiaux, c’est très bien fait. Le rendu est parfait. On sent vraiment combien ça les travaille et comme ça les pousse à avancer et murir leur réflexion sur eux-mêmes et leur espèce. Peut-on aller contre son instinct au profit de ses sentiments ? Est-ce bien des sentiments ou est-ce l’instinct animal qui parle ? etc. Du coup, je trouve que ces deux personnages gagnent en carrure. Legoshi n’est plus seulement le loup qui se plaint sans arrêt (bon, il ne l’est plus depuis un moment, c’est vrai) et Haru n’est pas seulement la lapine folle de Louis (c’était déjà en construction mais ça se parachève ici).

En parallèle, je trouve que l’univers de Beastars gagne aussi en consistance. Nous avons d’un côté Juno qui cherche à redorer le blason des carni en se servant de l’exploit de Legoshi, mais également qui aimerait bien gagner son coeur, tout en concourant pour le titre de Beastar. Et de l’autre, nous avons Louis qui a décidé de se battre autrement pour imposer une certaine égalité entre herbi et carni. Son choix n’est pas le plus évident mais je trouve qu’il lui correspond bien et je suis sûre qu’il va beaucoup apporter à l’histoire aussi bien en conflits qu’en dynamiques. Et puis, quelle classe il a notre Louis !

Je ressors donc une nouvelle fois ravie de cette lecture mais également pleine de réflexions sur les thèmes des conventions sociales, de la gestion des différences, de la ségrégation, de l’instinct contre les sentiments, etc. C’est vraiment un titre très riche et surprenant.

Tome 7

Quelle magicienne cette Paru Itagaki ! Dans ce nouvel opus, elle montre que tous les fils d’intrigue qu’elle a lancé depuis le début ne l’ont pas été pour rien, qu’ils sont un seul et même tout et que maintenant on va passer aux choses sérieuses ! Du coup, j’ai presque l’impression d’avoir assisté à une vaste introduction jusqu’à présent.

Ce 7e tome s’ouvre sur la question du Beastars, qui a quand même donné son titre à la saga. Comment élire le prochain ? Qui choisir ? D’habitude, le futur grand Beastars adulte est un ancien élève de l’institut de Cherryton, sauf que le proviseur actuel ne souhaite pas imposer cette responsabilité à un élève. J’aime beaucoup son idée qu’un héros doit émerger seul et non être créé de toute pièce ! Une décision est cependant prise pour satisfaire tous les parties et celle-ci est à l’origine de ce qui va faire rebasculer la série.

Depuis plusieurs tomes, celle-ci était partie dans une direction que je n’avais pas prévu au début, entre tranche de vie et réflexions philosophiques sur la valeur de la vie, tandis que les personnages évoluaient et nous permettaient de découvrir leur univers diablement trompeur. On revient aux sources ici avec la recherche du coupable du meurtre de Tem (cf le tome 1). Un personnages totalement inédit et assez inquiétant choisit notre héros pour mener l’enquête. Personnellement, je n’aurais pas miser un dollar là-dessus, mais c’est finalement un choix assez logique quand on écoute ses arguments. Il a su voir Legoshi pour ce qu’il était : l’alliance d’un grand carnivore et d’un grand coeur, les 2 qualités qu’il faut pour mener l’enquête.

Ainsi l’histoire repart sur des bases que je vais adorer, je le sens. On s’interroge toujours sur le sens de la domination. Qui peut s’en promouvoir ? Dans quel but ? Comment et pourquoi ? Les premières réponses apportées par les différents personnages croisés sont diverses. On a d’un côté un Legoshi qui veut être fidèle à son coeur et lutter contre ses instincts pour qu’ils ne le définissent pas. On a un Louis qui a décidé de mettre un grand coup de pied dans la fourmilière pour ne pas participer à la duperie collective voulant montrer qu’une cohabitation est possible sans heurt et existe entre herbi et carni. Et on a un June qui tente de plaire à tous en leur donnant ce qu’ils veulent. Mais l’un d’entre eux a-t-il seulement raison ? Le chemin qu’ils vont parcourir pour nous le démontrer n’en sera pas moins passionnant j’en suis sûre.

Pour ma part, j’ai adoré les voir avancer dans la voie qu’ils ont choisi. L’interaction réussie entre Louis et June fut une agréable surprise, de même que la relation que Louis tisse avec le clan des Lions. J’ai adoré le nouvel ami, très surprenant, de Legoshi. La nouvelle recrue du club de théâtre m’intrigue. J’ai été touchée par la brève entrevue entre Haru et Legoshi, celle-ci semble enfin avancer. Mais surtout, la terreur s’est emparée de moi quand Legoshi s’est retrouvé pris à son propre piège en voulant mener l’enquête. Du coup, je comprends parfaitement son intention finale et j’espère qu’elle sera couronnée de succès pour la suite.

Ce nouveau tome de Beastars fut une excellente lecture et une très belle surprise. Je ne pensais pas que l’histoire repartirait dans cette direction et j’en suis ravie. J’avais un peu à contre coeur fait mon deuil. Maintenant qu’on repart dans une sombre enquête et que le lien est fait entre tous les fils de l’intrigue et les personnages, je suis encore plus à fond dedans !

Tome 8

Après un tome aussi fort que le précédent, celui-ci ne pouvait que faire retomber la pression et être un chouïa en-dessous comme c’est malheureusement le cas. La série reste cependant excellente et j’ai beaucoup aimé le tournant plus dur et sombre encore pris par l’histoire, qui perd un peu au fil des tomes ses petits moments d’humour pour devenir plus nerveuse.

Legoshi a donc décidé de se prendre en main, de ne plus être une victime ou un suiveur mais de devenir un justicier et un protecteur. Pour cela, il a besoin de s’endurcir et c’est auprès de Gohin qu’il va le faire. J’ai beaucoup aimé la dynamique de ce duo dans ce tome. L’autrice ne force rien et amène les choses tranquillement. Gohin n’adopte pas vraiment la position du mentor tout puissant, il guide Legoshi en finesse et si ses méthodes peuvent surprendre mais elles sont tout à fait cohérentes avec la série, et montrent que lui aussi a vu la même chose que nous en Legoshi. Je suis fan. Grâce à ça, on découvre un nouveau Legoshi et l’histoire s’ouvre à de nouveaux décors. Legoshi s’endurcit, s’entraine mais paradoxalement il s’ouvre aussi aux autres, pensent plus à eux. J’ai eu un peu de mal au début avec son nouveau look par contre, mais j’ai fini par m’y faire, ça marque vraiment bien la césure.

On découvre donc de nouveaux décors dans ce tome, ceux du Marché noir. Place à ce qui se passe dans l’ombre, club de strip-tease, vente de viande d’herbi, bagarres de rue, etc. C’est l’occasion ainsi de recroiser notre ami Louis, toujours aussi badass et charismatique. J’adore ce personnage et ici c’est un régal de le voir dans sa quête d’indépendance vis-à-vis de ce père adoptif avec qui il a une relation très particulière. J’aime beaucoup ce que leur discussion dit sur l’un et sur l’autre.

Le seul hic au milieu de tout ça, c’est que l’histoire est moins tendue que la dernière fois. Même s’il se passe plein de choses, le rythme est plus tranquille et on a moins peur. C’était ce que j’avais adoré et ce qui me manque un peu ici. Parce que les amours de Legoshi et Haru, c’est pas ça qui me tient en haleine, ni le possible rapprochement, qui sait ?, entre Louis et sa strip-teaseuse. Moi, c’est l’enquête sur le meurtrier de Tym qui m’intéresse et la menace qu’il fait peser sur l’Institut, ainsi que les manipulations en vue de l’élection du Beastars. Alors ça reste un excellent tome parce que la série est très bonne, qu’on développe les personnages et l’univers, mais l’ambiance a déjà été meilleure.

Tome 9

Beastars est une série que j’apprécie énormément et qui s’est vraiment bonifiée depuis ses débuts mais même si ce fut une bonne lecture, je ne suis pas entièrement satisfaite de ce tome que j’ai trouvé un brin brouillon. Les chapitres s’enchaînent moins bien que d’habitude et une certaine révélation tombe complètement à plat…

Paru Itagaki a l’habitude de nous bousculer et d’aller là où on ne l’attend pas. Elle en fait encore la preuve ici, avec la révélation très rapide et inattendue de l’identité du meurtrier de Tem, qu’on cherchait depuis le tome 1, d’entrée de jeu, ce qui rebat les cartes pour la suite. C’était vraiment un élément de l’histoire qui me passionnait, je trouvais l’enquête et surtout l’ambiance pesante que faisait peser la menace fascinante. Exit tout ça ! Après un bête accident au club où un carni arrache le bras d’un herbi sans faire exprès, Legoshi a l’occasion de confondre le meurtrier de Tem. C’est brutal et inattendu et un peu hors propos même. J’aurais aimé que le mystère perdure et soit révélé autrement. Seul point positif de tout ça, la découverte du coupable permet d’enfin nous révéler sa personnalité et de découvrir de nouvelles choses sur les dessous de cette société et le traitement réservé aux grands carnis pour qu’ils puissent vivre parmi les autres.

Le reste du tome consiste en petits moments où le héros poursuit son entraînement auprès de Gohan, retrouve son ami Louis et découvre ce qu’il est devenu, ou encore où son ami Jack nous fait des révélations sur sa famille. L’autrice ouvre pas mal de portes pour la suite, mais ce n’est qu’un faible entrebâillement pour le moment. En effet, l’entraînement avec Gohan ne fait que montrer les capacités innées de Legoshi. Les révélations sur sa famille nous apprennent qu’il n’est peut-être pas comme les autres loups gris. Et sa découverte des liens de Louis avec le gang des lions n’entame pas l’espoir qu’il a placé en lui pour être le prochain Beastars. C’est intéressant, mais ça part vraiment dans tous les sens.

Et puis, il y a l’institut Cherrytown où là aussi d’un coup tout bascule. Certes, on pourrait dire que ce n’est pas volé après tout ce qu’il y a eu, mais ce coup de semonce avec la future séparation des herbi et des carni sort quand même un peu de nulle part… Cependant, j’ai apprécié les beaux moments plein d’amitié entre les deux clans pour lutter contre cette décision même si c’était un peu grandiloquent. Ça permet de voir les relations nouées entre eux, notamment entre Bill et Els, et désormais entre Haru et Juno. Des instants clichés un peu faciles mais plein de bons sentiments.

Ce neuvième tome est donc plutôt une transition pour ma part, entre le nouveau Legoshi et ce qu’il a à accomplir pour obtenir la société qu’il souhait où chacun vivrait en harmonie avec son voisin. C’est toujours un message fort et d’actualité, peut-être un brin trop castrateur pour les carnis à mon goût, mais qui ne peut que marquer.

Tome 10

J’aime toujours beaucoup la série mais j’ai trouvé ce tome un brin plus anecdotique que les précédents qui montaient en puissance, comme si l’autrice calmait le jeu avant de frapper un grand coup.

On se retrouve ainsi avec des chapitres qui se suivent et qui souvent manquent de liant entre eux. Ils sont un peu juxtaposés les uns à côté des autres pour mettre en avant tel ou tel personnage, telle ou telle relation. Pour autant, la trame principale est conservée, pas de doute là-dessus mais elle avance peu ici, Paru Itagaki se contentant de replacer ses pièces.

On se retrouve ainsi avec un chapitre sur Louis et ses sbires où on découvre une nouvelle facette du marché noir et où il se rapproche d’un de ses lieutenants, ce qui le laisse moins seul. Nous avons aussi des retrouvailles émouvantes entre Tao et Kibi pour savoir où en est la situation et faire le lien avec les agressions d’herbi. Mais avant d’y revenir petit retour sur l’entraînement de Legoshi qui se poursuit avec un nouveau pas de franchi, celui-ci fait preuve de plus en plus de détermination et ce qui l’y pousse ce sont ses relations avec Haru, qu’il aime, et Louis, qui est son ami. C’est mignon tout plein. Cependant, il ne faut pas oublier la terrible menace qu’est Rizu, l’autrice ne le rappelle rapidement et brutalement en plein milieu du tome le temps d’un affrontement bref et intense qui annonce la couleur pour la suite et préfigure les derniers chapitres. Pina, l’autre personnage sachant ce qu’il a fait, se voit lui aussi menacé le temps d’une scène glaçante. Et Legoshi prévient Louis afin que la connaissance ne disparaisse pas avec lui.

L’air de rien ces chapitres qui ont l’air insignifiants font très bien avancer l’histoire. Ils approfondissent les personnages. On découvre un Legoshi de plus en plus solide et déterminer dans sa quête à faire le bien et rendre les gens heureux quitte à utiliser la force. Ses alliés se préparent aussi, que ce soit Gohan, dont on découvre une facette du métier, Pina qui prend conscience de sa fragilité, ou Louis qui va devoir faire un choix. Je suis juste un poil déçu, qu’Haru et Juno, les seuls personnages féminins significatifs, soient autant en retrait, c’est dommage de ne pas mieux les utiliser. Haru, par exemple, est trop enfermée dans son rôle de « petite amie »…

Il y a une belle évolution sur le thème des herbivores, carnivores avec un discours de plus en plus nuancé et complexe qui me séduit parce qu’on n’est pas juste dans un discours binaire de : « c’est pas bien de manger de manger de la viande », c’est heureusement plus fin que ça. On assiste aussi à la transformation de personnages qui grandissent et mûrissent, se préparant à l’âge adulte. C’est très bien pensé.

Petit bonus ici, sous la jaquette sur la 4e de couverture, la mangaka nous a réservé une petite surprise assez sympa pour décrypter les chapitres.

Cette lecture fut donc à nouveau fort intéressante et enrichissante, Paru Itagaki faisant preuve d’une grande complexité sous la simplicité apparente de ses histoires.

Tome 11

Nouveau grand tome de Beastars qui fera date pour la série ! Pourtant, il ne paie pas de mine avec sa construction très linéaire et surtout très shonen dans les codes avec la mise en scène DU combat tant attendu !

Passons sur la révélation des tomes précédents qu’on ne peut plus taire à présent tant elle est au coeur de tout : celui qui a tué Tem, c’est l’ours Rizu, et Legoshi l’a provoqué en duel pour mettre en terme à tout ça. Enfin, ça c’est sur le papier parce que dans la réalité nous allons assister à quelque chose de bien plus complexe.

La mangaka ouvre le tome sur le grand classique « échauffement » avant un grand combat, à la mode Rocky qui irait faire son footing pour se chauffer et se vider la tête. L’occasion de revoir l’évolution de Legoshi, de l’entendre parler à ses proches et se prouver qu’il n’est plus seul. L’occasion aussi de retrouver Rizu dans son environnement normal avec les autres ours, qui n’ont rien à voir avec lui a priori mais sait-on jamais, désormais je me poserai toujours la question de l’eau qui dort, tout ça tout ça…

Puis vient le moment du Grand Match, celui qu’on attendait ! J’avoue que je n’avais pas d’idée préconçue sur son déroulement mais j’ai quand même réussi à être surprise. Déjà, j’ai trouvé chez l’autrice un grand talent pour rendre toute la sauvagerie et la violence brute et animale de ce moment. On n’est pas avec des humains mais avec des animaux et ce n’est pas pareil. Elle le rend très bien et ça fait bien peur ! Ensuite ce match dispose d’une mise en scène très impactante. Paru Itagaki joue énormément sur des jeux d’ombre du point de vue graphique pour accentuer l’aspect terrifiant mais aussi intime de ce moment. C’est une lutte aussi bien physique chacun avec son rival, qu’intime et intérieur de chacun avec soi-même. Chacun se livre, cela donne lieu à de très beaux échanges parfois même philosophiques sur la valeur de la vie, l’amitié, le regard des autres, etc. Du coup, j’ai trouvé la mise en scène de l’autrice exemplaire. Elle alterne les moments de baston pure avec ceux de discussion, elle y insère aussi des coupures pour parler d’un autre personnage (j’y reviendrai) et des flashbacks nécessaires à la construction de chacun des personnages qui évoluent sous nos yeux. C’est très fort !

Cependant, pour moi, le point d’orgue de ce chapitre n’est pas du tout venu du combat en lui-même mais de ce qui s’est passé en marge : le retour de Louis auprès de Legoshi. Depuis le début, je suis fan de la dynamique qu’il y a entre eux. Ils ont tout deux connus une évolution que je n’aurais jamais imaginé et là encore, je n’aurais jamais pensé que Louis quitterait tout comme ça pour revenir auprès de son ami et l’aider de cette façon. C’est vraiment très extrême et ça en dit long sur sa personnalité et son rapport à l’amitié, lui l’orphelin qui a été vendu. Ce qu’il se passe entre eux est très puissant et mériterait sûrement une analyse de quelqu’un qui s’y connait en psychologie (pas comme moi ^^!). Pour ma part, j’ai été ravie de leurs retrouvailles et en même j’ai été profondément dérangée par un événement qui se produit et qui va trop loin pour ma nature sensible d’humaine. J’attends donc une longue analyse dessus dans les prochains tomes.

En attendant, ce tome m’aura encore fait passer par tout un tas d’émotion. La surprise est sûrement celle qui est revenue le plus souvent après la terreur et la peur. L’autrice a été bluffante de maestria dans la mise en scène de ce moment charnière et le final est tout autant maîtrisé dans sa grande simplicité rappelant les classiques des films noirs et autres polars. J’A-DO-RE !

Tome 12

Après un enchaînement aussi puissant que les derniers tomes, je m’attendais un peu à ce que l’autrice calme le jeu, c’était bien mal la connaître. Ce nouveau tome, certes de transition, rebat les cartes de manière magistrale apportant encore une grande richesse au récit et poussant vers de nouvelles pistes très intéressantes.

J’ai beaucoup aimé que Paru Itagaki fasse démarrer son récit par les conséquences du drame qui vient de se jouer. C’est bon de voir une autrice montrer que la violence a des conséquences et qu’il ne suffit pas d’être dans « le bon camp » pour y échapper. Ainsi, Legoshi va payer lourdement ce qu’il a fait ce qui entraîne le récit dans une nouvelle direction très intéressante.

Place à un Legoshi qui va de plein pied entrer dans la vie d’adulte : appart, voisin, boulot, famille, tout va se bousculer de la meilleure des façons, dans une atmosphère certes loin d’être légère mais pas pesante pour autant. Paru Itagaki continue à développer son univers et montrer les différents types d’interactions autorisées et possibles entre herbi et carni, c’est assez fascinant. J’aime beaucoup ce tournant plus mature et réaliste, plus posé et moins fougueux, plus adulte et moins adolescent.

Louis vit lui aussi avec les conséquences de ces actions qui l’ont poussée dans une voix qu’il pensait avoir réussi à écarter et qu’il semble à la fois réticent et désireux de retrouver. C’est toute l’ambivalence de ce personnage et j’adore ça. Il crée de nouvelles relations avec les anciennes qu’il avait en se servant de ce qu’il a appris, mais ce n’est pas non plus un adulte pour autant et l’autrice nous le rappelle bien dans la fraîcheur de ses réactions vis-à-vis de son père et de June. J’adore ! Les pistes ouvertes sont très prometteuses.

On se retrouve ainsi avec un beau parallèle entre les deux, l’un retournant à la lumière tandis que l’autre retrouve une certaine forme voulue de ténèbres car il a décidé de ne plus se cacher, ne plus se laisser faire. C’est très puissant et ça montre toute l’intelligence du récit imaginé par la mangaka qui prend une nouvelle dimension. Celle-ci s’affirme dans la présence de plus en plus importante de la figure du Beastars. On en découvre l’actuel, un animal fascinant et puissant !, mais également les anciens candidats. Et là, grosse surprise que je n’avais pas vu venir mais qui rejoint ce que je m’imaginais pour le récit présent.

Ainsi, Paru Itagaki prouve encore une fois sa science de la narration, avec un récit qui peut sembler tranquille mais qui est très riche. Elle amorce un nouveau virage très intéressant pour la série où elle démontre combien celui-ci va au-delà des histoires de lycéens que nous suivions. Les messages sociologiques et philosophiques sont toujours aussi puissants et porté par un dessin qui ne fait que se bonifier au fil des pages. Je suis définitivement sous le charme !

Tome 13

Paru Itagaki continue à nous déstabiliser et à envoyer du lourd comme à chaque tome de Beastars mais avec une douceur bienvenue ici qui repose un peu.

Ce nouveau tome de transition permet vraiment à Legoshi de commencer à se trouver une nouvelle place dans la vie, de nouveaux amis, de nouveaux buts et surtout à apprendre à mieux se comprendre lui-même. C’est un tome très philosophique et riche en enseignement comme on pouvait s’y attendre en voyant son grand-père, qui est son modèle, entrer en scène.

J’ai beaucoup aimé la dynamique de ce tome. Les premiers temps dans Beastars j’aimais suivre l’histoire mais j’avais parfois du mal à voir où l’autrice voulait aller. Je trouve le propos beaucoup plus clair et le message d’autant plus fort. Ainsi, ça m’a fait plaisir de voir Legoshi avancer, faire des rencontres, vivre des moments déterminants pour lui et pour nous lecteurs afin de mieux comprendre vers quoi on s’acheminait, même si je m’en doutais un peu depuis quelques tomes.

La fin de ses retrouvailles avec son grand-père sont pleines d’émotions et sont la première pierre vers sa nouvelle vie. Il découvre son grand-père sous un autre oeil et celui-ci apprend le secret de son petit-fils. C’est une amorce vers la future rencontre déterminante de Legoshi avec l’ancien meilleur ami de son grand-père qui ne devrait plus tarder. Celui-ci cache bien des secrets, mais j’aime la petite vie tranquille qu’il a réussi à se forger après avoir surmonté bien des épreuves en tombant amoureux de quelqu’un de si différent de lui. Le parallèle est facile à faire entre lui et son petit-fils, ainsi qu’avec son meilleur ami, lui et Legoshi-Louis d’un autre côté. Mais l’autrice a pris le temps d’amener l’histoire jusque là pour que cela fasse sens et nous touche.

Ainsi les révélations autour de Legoshi, au lieu de tomber à plat parce qu’on les avait devinées, prennent tout leur sens et leur poids grâce à tout le travail fait au préalable. J’ai adoré le voir évoluer avec ses nouveaux amis qui lui ouvrent de nouveaux horizon et l’apaisent. J’ai adoré le moment où il réalise pour qui, pour quoi et comment se battre sans que cela lui pèse. J’ai adoré sa mise à nue où il fait en quelque sorte son coming-out. C’était d’une émotion et d’une simplicité à la fois. Magique !

Paru Itagaki a vraiment construit son récit avec patience et intelligence pour peu à peu nous amener à ce point charnière. On ne peut maintenant imaginer que le meilleur pour la suite même si la route sera probablement encore semée d’embûches, l’autrice aimant trop dénoncer les méfaits de notre société à travers cette fable animalière.

Tome 14

Que ce tome fut dur après le précédent qui avait si doux malgré la mise à nue du héros. Là, les révélations claquent et font mal !

J’aime beaucoup le tournant de la série depuis quelques tomes. J’y ressens une belle maturité et je trouve la scénario plus clair qu’aux débuts. Voir Legoshi évoluer dans le complexe milieu des adultes est challengeant et permet d’assister à des révélations chocs sur la génération précédente, qui sont bienvenue pour expliquer le monde qui l’entoure désormais hors des murs de l’école.

Comme l’annonce la couverture, après Gosha, c’est au tour de Yahya de se dévoiler et je dois avouer que je ne m’attendais pas à ça de sa part. Le personnage se révèle bien plus sombre et complexe encore que prévu. Il a un côté dangereux, presque psychopathe comme les fous qu’il pourchasse, qui me plaît énormément. Son obsession vis-à-vis de Gosha est assez dramatique et conduit à une confrontation marquante entre Legoshi et lui que l’autrice met encore en scène de manière magistrale, jouant clairement avec nous. Je suis tombée en plein dans le panneau et j’en suis ravie. J’aime les personnages troubles comme lui et Legoshi apporte une réponse toute aussi forte, voire même plus, à cette rencontre.

C’est pour ça que je dis que l’auteur frappe dur ! Il interroge sur la nature profonde des carni, des herbi, sur la prédation et la soumission, sur les couples homogènes et hétérogènes, nous poussant vraiment,nous aussi lecteurs, à la réflexion. C’est là que réside le challenge. En plus, il lie tout ça à l’histoire personnelle familiale et sentimentale du héros comme jamais, amenant une transition toute naturelle vers son histoire avec Haru. Même si je dois avouer que celle-ci ne me passionne pas, je n’accroche pas à leur couple, les réflexions de celle-ci sur ce qu’elle désire pour son couple et ce qu’elle pense de la mixité raciale m’ont percutée là aussi. Une fois de plus, la mise en scène frappe. Elle est le pendant opposée de la précédente qui était brutale et violente, là elle se fait plus douce et insidieuse mais s’achève également par un discours qui laissera des traces.

Même les petits instants plus anecdotiques touchent après cela, que ce soit les retrouvailles avec les amis canins du héros qui font plaisir à voir ou les coucous rapides à ses voisins et à Gohan. Mais surtout on sent un bel équilibre entre les moments forts de l’intrigue et ceux plus légers permettant de souffler. Auparavant je sentais un déséquilibre qu’il n’y a plus ici.

Le tome est ainsi balancé par deux rencontres clés pour Legoshi et son évolution. Le pousseront-elles dans la même direction malgré leurs intentions contraires ? J’ai une petite idée quant à la réponse mais il me tarde déjà de voir comment l’autrice va l’agrémenter. Si elle le fait avec autant de doigté qu’ici, je serai aux anges. En tout cas, elle nous amène lentement mais sûrement vers une confrontation de ces deux univers avec le nouveau personnage qui apparait dans les dernières pages et cela promet encore de belles réflexions sur la nature des herbi et des carni. J’ai hâte une fois de plus !

Tome 15

Quelle maîtrise bluffante du scénario ! En dehors des qualité évidentes de la série depuis ses débuts, je ressors vraiment marquée par le talent de l’autrice pour boucler son histoire comme elle le fait !

Depuis quelques tomes, elle a lentement amorcer un tournant qui explose dans ce tome 15 : la question de la mixité, de l’inter-racialité, et vraiment c’est incroyable la façon dont elle amène tout ça, mélangeant les intrigues et les destins avec une facilité rare !

Le tome s’ouvre avec une alliance surprenante, mais un peu attendue quand même, entre Legoshi et Yasha pour courir après Melon, le léopard-gazelle, qui sème le trouble. J’ai beaucoup aimé la petite dose policière apportée par le duo, ça rappelle bien les tous débuts de la série que j’avais tant aimé. En plus, l’autrice joue parfaitement la carte des opposés qui se complètent à merveille lors d’une mission d’infiltration menée tambours battants, mais pleine de subtilité dans ses propos. Il est assez fascinant de voir comment elle amène son récit jusque là, mélangeant l’intrigue autour du Beastars, celle autour des amours de Legoshi avec celle sur sa famille, pour finir par se raccrocher à ce nouveau personnage hybride, excellent !

Les discussions autour du mélange des races et de leurs conséquences sont puissantes. Depuis le début, on tend à nous présenter cela comme quelque chose de vraiment positif même si difficile à l’exemple de la relation Legoshi-Haru, dont on voit en plus ici un très joli moment. Cependant, jamais l’autrice n’avait creusé à ce point ce que ça signifiait concrètement et voir l’éclairage de Melon est très intéressant et questionne vraiment. En ce sens, les ultimes pages autour de l’histoire familiale de Legoshi et de sa mère sont très puissantes et m’ont complètement bouleversée. Le récit rapide de la vie de celle-ci m’a chamboulée et je trouve que l’autrice a parfaitement mené sa barque pour nous amener là. Excellent !

De la même façon, j’ai été soufflée par la façon dont elle est parvenue à raccrocher en parallèle l’histoire de Louis, l’autre candidat à la place de Beastars, montrant à la fois ses liens avec Legoshi, son passé de chef de gang qu’il n’arrive pas à oublier et le lien qu’il risque de tisser avec ce qui est en train de se passer à plus grande échelle. C’est un joli tour de passe qu’on pourrait croire tiré par les cheveux mais qui est bien subtil en fait quand on connait les personnalités de chacun. L’autrice a un talent certain pour nous amener là l’air de rien. En plus, la mise en scène est vraiment très bonne, fluide, pleine de peps et d’émotion à chaque instant avec beaucoup de symbolique à l’image des métamorphoses physiques connues par les héros au fil des chapitres.

Ainsi, même si j’ai été moins bousculée que lors du tome précédent, je suis une fois de plus soufflée par les qualités de narration et de mise en scène de Paru Itagaki, qui signe vraiment ici une série qui rejoint un peu plus à chaque tome mon panthéon des meilleurs mangas. Elle offre des réflexions vraiment pertinentes sur la mixité et la diversité dans un écrin ultra maîtrisé et attractif, car original et ambitieux. Je suis archi fan !

Tome 16

Avec sa douce couverture mettant en scène la mère de Legoshi toute songeuse, Paru Itagaki annonce la couleur, les relations interespèces vont encore être au centre de notre histoire mais l’amour aussi !

J’ai encore une fois adoré ce tome. L’auteur joue à merveille avec nos émotions. Elle propose un premier chapitre bouleversant sur la relation complexe que Legoshi a entretenu avec sa mère après que celle-ci ait été touchée par la mutation de son père. Déchirant mais sans pathos inutile, ce qui est tout un art pour arriver à un tel équilibre.

Puis on semble repartir vers quelque chose de plus léger, le temps de retrouver Juno et Louis qui se courtisent oui et non. C’est gentil et un peu désuet, mais sous la légèreté de ces moments se cachent à nouveau la cruciale question des relations interespèces une fois de plus. L’autrice cible tout ce qui les différencie et pourrait les séparer mais qui en fait intrigue plutôt l’autre et suscite son admiration voire son désir. C’est compliqué, surtout dans une société qui pousse uniquement vers les couples de « sang pur » comme nous le découvrons de plus en plus. S’afficher avec quelqu’un de différent est systématiquement mal vu ou problématique, ce n’est pas la norme voulue par la société. L’autrice appuie là où ça fait mal et fait là un parallèle fort avec notre société où les couples différents sont aussi regardés différemment. Ainsi, ce qui pourrait sembler anecdotique est loin de l’être.

Elle réutilise d’ailleurs ce procédé à plusieurs reprise dans le volume, débutant un chapitre par quelque chose qui semble à mille lieu de ce qui nous intéresse pour finalement nous y conduire avec encore plus de facilité et nous asséner une nouvelle révélation. Ce fut le cas avec la mère de Legoshi, ce fut le cas avec Juno, c’est aussi le cas avec l’armée de souris qui soutien Yahya. Tout nous ramène petit à petit à cette nouvelle enquête qui fait graviter tout le monde autour d’elle : la poursuite de la chimère Melon. Et c’est fascinant le rythme d’écriture et la mise en scène dont fait preuve l’autrice pour nous y conduire. Elle semble illustrer l’adage : « Tous les chemins mènent à Rome ».

Car en effet, Melon par ses particularités concentre tout : la question des relations amoureuses interespèces et ce à quoi ça peut conduire, la difficile cohabitation carni-herbi, le marché noir et les gangs. J’ai beaucoup aimé la dernière partie avec le piège tendu de main de maître. Le passage chez le tatoueur paresseux est une petite merveille, aussi bien sur ce qu’il nous apprend sur la psychologie de Melon, que sur l’ingénieuse mise en scène de l’autrice se servant des particularités de chacun (Ah la figure du paresseux !). Mais la suite est tout aussi excellente, jouant sur le caractère de Legoshi et ses nouvelles relations. Melon est astucieux, mais Legoshi l’est tout autant sans le savoir grâce à l’aide qu’il reçoit suite à toutes les bonnes actions qu’il a faite. C’est donc un duel assez équilibré et fascinant.

La dernière pièce est livrée dans les ultimes pages du volume et si elle semble sortir de nulle part pour mieux nous surprendre, elle fait aussi sens avec tout ce qui a été travaillé jusqu’à présent sur cette haine des sangs mêlés. J’ai hâte de voir vers quoi elle va se développer.

Avec un sens du rythme assez fou, Paru Itagaki continue à nous plonger dans son histoire fascinante de gens qui veulent s’aimer sans tenir compte du carcan de la société. C’est beau, dur et fascinant à la fois. Tout est parfaitement maîtrisé, le côté tranche de vie servant le côté polar et le nourrissant. C’est vraiment une très très grande série !

Tome 17

Quel talent de scénariste incroyable a Paru Itagaki ! A 4 tomes de la fin, elle continue de me surprendre en développant et liant les fils de son histoire sur fond de thriller, de romance et de drame sociétal. Passionnant !

Legoshi est toujours en plein quête. Il cherche toujours à arrêter l’hybride, Melon, dans son désir de violence. Pour cela, il va rechercher l’aide des lions et ainsi renouer avec Louis. Quel bonheur ce fut de retrouver ce duo ! C’est vraiment fascinant de voir combien ils fonctionnent bien ensemble, combien ils sont complémentaires et se répondent si bien dans leurs désirs pourtant souvent opposés.

J’ai adoré retrouvé Louis et voir le parcours qu’il a accompli depuis le début. Accepter de sortir de la norme quand on est issu comme lui d’une grande famille n’a rien de simple et pourtant il y parvient. L’autrice use pour cela d’une mise en scène, mise en abyme, d’une superbe efficacité en nouant son destin à celui de Legoshi et des lions, les seuls avec qui il se sent bien. Louis apprend à accepter sa part sombre, sa part différente des autres cerf et des autres herbi. Un beau message d’ouverture !

Après ce passage très intérieur, l’autrice ne perd pas une seconde pour remettre le couvert avec de l’action, de l’action et encore de l’action. Ainsi, les réflexions des héros sur leur nature profonde, leurs relations aux herbis et aux carnis, sont riches et pertinentes. Elles pourraient ralentir le rythme de l’histoire, elles ne font en fait que le nourrir, car elles sont les moteurs de l’action qui aura lieu ensuite.

Ainsi, l’autrice va amener avec audace ses intrigues à se lier entre elles autour notamment de la figure de Haru, qui va devenir un enjeu à la fois pour Legoshi, qui accepte enfin sa relation avec une herbi et ses conséquences, et pour Melon, pour qui elle représente un dangereux déclencheur. Je ne l’avais pas du tout vu venir. Les deux antagonistes, sans le savoir, vont donc mener un double ballet en miroir parfaitement mis en scène pour une mangaka qui s’amuse du parallèle des scènes qu’elle dessine. C’est grandiose !

Melon est l’hybride qu’aurait pu être Legoshi ou que pourrait être ses enfants avec Haru. Il pousse donc celui-ci dans ses retranchements émotionnels et réflexifs autour de cette question de la vie avec « une autre ». Mais nous arrivons au bout de l’histoire, donc les choses s’accélèrent, les scènes clés se multiplient et se renforcent. Ainsi, confrontation il y aura à plusieurs reprise avec chacun des éléments clés de cette histoire. Tout se resserre et s’intensifie. La tension est partout et ne nous lâche pas malgré cette impression souvent de grand calme au milieu de tous ces discours sociologiques et philosophiques. C’est excellent !

Paru Itagaki, l’air de rien, produit encore ici un tome de haute volée où tout se mélange avec harmonie. Les interrogations personnelles de chacun prennent une portée universelle forte pour l’ensemble de la société. Les enjeux de cette poursuite sont vastes et se reflètent dans chaque pan du tome : les dessins, la mise en scène, les paroles, le rythme, l’ambiance, que l’autrice parvient à manier avec beaucoup de talent pour créer une oeuvre à la fois profonde par ses réflexions et passionnante par sa mise en scène et les sensations fortes qu’elle procure. C’est vraiment une série coup de coeur de bout en bout !

Tome 18

Encore un tome diablement bien écrit et donc un avis qui va être dithyrambique de ma part. Ce retour aux sources que l’autrice propose ici est très intelligemment pensé à ce stade de l’histoire. Je ne m’y attendais pas mais j’ai adoré.

Après la « défaite » de Legoshi face à Melon, celui retourne à Cherryton auprès de Jack, qu’il voit comme un refuge. C’est émouvant de voir le temps de quelques pages la place que prennent ces deux derniers dans la vie de Legoshi, à la fois Jack et le lycée de Cherryton. Mais ceux-ci ont bien changé et l’autrice nous embarque avec eux dans une plongée dans le passé des relations herbi-carni saisissante et inattendue. J’adore la façon dont l’autrice bâtit et enrichit la mythologie de sa série. C’est toujours parfaitement pensé et avec une dimension ethnologique et sociologique très intéressante.

Ici, la découverte, à travers ce pauvre Jack qui a bien changé, tout comme le lycée qu’il fréquente, des débuts des relations carni-herbi est surprenante. Personnellement, je ne m’attendais pas à ce retour sur cette époque primitive. L’autrice nous livre en plus un joli pied de nez avec des animaux qui contrairement à ce qu’on aurait cru n’étaient pas dans une dynamique manichéiste à l’époque comme ils le sont désormais, mais plutôt dans une dynamique fusionnelle et syncrétique. C’est un joli message que Paru Itagaki nous envoie.

En tout cas, elle développe ensuite toute l’histoire de ce tome autour de cette idée. Elle nous met ainsi face au fait accompli qu’on essayait de nous cacher auparavant : les relations herbi-carni sont vraiment tendues et en train de se dégrader. Ce qui nous conduit naturellement à suivre des conflits entre eux mais aussi et surtout, à l’inverse, de très beaux moments d’entraide, de soutien et de protection. Ainsi, le chapitre où Bill prend son son aile un petit poussin qu’il voulait croquer à la base est-il plein de sens et est loin d’être anecdotique comme je le pensais au début. Tout est comme ça. On suit des moments de vie dont la singularité et la force deviennent éclatantes à l’aune de cette double autre lecture.

Et tout nous pousse à l’alliance Legoshi-Louis à travers ce discours carni-herbi qui étaient en symbiose avant, ne le sont plus, mais aspire à le redevenir. Tout fait sens et quand tout fait sens, naturellement LA scène clé, L’APIX de la série apparait, un moment simple, moins percutant graphiquement et émotionnellement que je l’aurais cru mais qui pourtant fait terriblement sens et marque. C’est surprenant comme l’antithèse de la mise en scène que j’attendais est pourtant fortement porteuse d’impact. Quelle grande autrice est Paru Itagaki !

La série aborde ainsi son ultime virage, avec une belle alliance naissante entre les deux héros qu’on connait depuis le début, qui ont bien cheminé chacun de leur côté avant de se rejoindre. Une ultime étape les attend dans leur affrontement avec Melon, qui se met lentement en place, avec une virée étonnante au Marché noir où ils font une rencontre inattendue, qui va encore les faire bouger sur leur ligne. L’autrice ne nous épargne jamais, elle nous pousse toujours à bouger, réfléchir, avancer, comme ses héros. C’est ce qu’on aime chez elle !

Ainsi, c’est encore avec maestria que Paru Itagaki poursuit son histoire. Alors que je la croyais en voie de prendre une nouvelle direction, elle se plait à l’inverse à tout rassembler, tout consolider, pour nous amener vers l’ultime chapitre de son histoire qui ne devrait plus tarder désormais. Quel superbe fresque animalière et quel superbe coup d’oeil dans le rétro ici pour mieux avancer vers l’avenir !

Tome 19

A quelques tomes de la fin, que voilà une direction surprenante qui décontenance !

Après l’introduction des amis captifs de Louis dans le tome précédent et avec la menace de Melon qui monte, monte, je m’attendais à un tome sous tension et explosif. Je me suis retrouvée avec le calme précédant la tempête. Habillement, l’autrice revient sur l’ensemble des thématiques de l’histoire, faisant lentement progresser celle-ci en mode quasi apaisé pour nous mener tranquillement vers son grand final dans le prochain tome.

Ainsi, le ton général ici est surprenamment calme. On y croise bien sûr nos héros qui se préparent au grand affrontement mais surtout qui préparent leur future vie d’adulte. Il est alors pertinent de voir Legoshi affirmer son respect des herbi et des femmes ainsi que la fascination qu’il ressent envers eux, qui le pousse à sans cesse les protéger en restant le plus juste possible. Il est pertinent aussi de voir émerger la question de métissage et des changements qu’opèrent l’amour chez les gens dans la discussion Haru – Louis. Il est surtout pertinent de découvrir le passé de Melon, qui a fondé l’être qu’il est désormais, et qui le nuance avec intelligence.

Alors non, je n’ai pas eu l’action attendue. J’ai trouvé Kyu intéressante mais un peu fade sur le coup tant j’en attendais plus. Mais j’ai été touchée par ses fragilités et la drôle de relation qu’elle noue avec Legoshi suite à leur point commun. J’ai été surprise par le grand bouleversement qui touche Louis, mais heureuse pour lui tant il semble apaisé. J’ai également été surprise par le tournant pris par le gang des lions, qui amorce si la vague de compréhension pour Melon et sa nature hybride. Enfin, cela m’a fait grand-chose de sentir une grosse vague nostalgique ici entre les souvenirs du lycée de Legoshi et les retrouvailles Yahya – Gosha. Cela fleure bon les bons sentiments tout ça.

Et malgré tout, on persiste à trouver là-dessus le discours très fort de l’autrice sur le multiculturalisme, la tolérance, le pacifisme et l’amour. C’est extrêmement touchant de voir ces héros grandir et s’acheminer vers l’âge adulte avec tous les nouveaux questionnements que cela induit sur leur nature, leurs relations et leurs sentiments. Elle joue à merveille avec nos sentiments en nous émouvant ainsi tour à tour en passant de l’un à l’autre, nous préparant ainsi à l’au revoir qui nous guette. C’est très intelligemment fait, car l’air de rien elle prépare le terrain pour le grand final en nous faisant revoir tout le monde et en amorçant les grands changements qui nous attendent.

Paru Itagaki fait encore du très joli travail ici. Sur un ton qui se veut plus classique, elle parvient encore et toujours à nous surprendre, cassant le rythme et la tension créés dans les tomes précédents pour un climat plus apaisé mais non moins porteur de sens. Elle achemine ainsi son lecteur pour le moment clé de son récit, un moment qui sera assurément riche en leçons et en émotions. J’ai déjà hâte d’y être !

Tome 20

Ça y est la dernière ligne droite est lancée et comme le dit elle-même l’autrice : « J’adore ces moments où la biologie des autres espèces devient fascinante ! « . Cela résume parfaitement mon sentiment dans ce tome où elle lance ce qui sera peut-être l’ultime combat de sa série et les ultimes évolutions et résolutions de ses héros.

Sa narration devient de plus en plus efficace et limpide dans ce tome, les différents blocs de son histoire tombant et s’assemblant sans accroc montrant de plus en plus le fresque globale qu’elle a imaginé et quelle fresque ! Son récit animalier, immense métaphore, pour traiter de la ségrégation raciale est magistrale. C’est à une vraie leçon qu’elle se livre, déconstruisant à la perfection ce qui rythme malheureusement notre société depuis des lustres. Sa justesse dans la définition d’une société avec dominant et dominée est frappante et trouve une réalisation parfaite dans ce tome où les extrêmes montent.

Ce tome est donc dans un premier temps une longue installation en vue du combat entre les deux factions porté par deux métis : Legoshi du côté de la paix et Melon du côté du chaos, tous deux issus d’un mélange d’espèce qu’ils assument plus au moins pleinement. L’un n’en a aucune caractéristique apparentes mais celles-ci sont peut-être en train d’apparaître subrepticement pour le rendre plus fort. L’autre souffre de leur visibilité depuis toujours et leur accentuation fait encore plus dégénérer cela, ce qui joue énormément sur leur opposition.

En attendant, nous assistons avec élégance aux ultimes préparatifs du côté de Legoshi et l’émotion est palpable. L’autrice règle en quelque sorte ses derniers doutes et hésitations autour de sa nature de carni et c’est splendide. On a un enchaînement de relations très fortes, entre lui et Kyu, sa nouvelle maîtresse, entre lui et Haru, sa copine, puis entre lui et Louis, son alter-égo. J’ai été bouleversée et surprise à chaque fois. J’ai aimé découvrir la fragilité morale de Kyu, la force de caractère d’Haru, et le courage incroyable de Louis. Chacun participe de ce nouveau Legoshi qui apparaît peu à peu dans le tome, un Legoshi qui assume sont côté carni, tout comme son amour pour les herbi avec la part d’ombre que ça implique, tout comme son ascendance mixte. Du grand art !

Et tout cela se mélange avec un climat ambiant délétère de plus en plus présent, où la terreur commence à régner à chaque coin de rue. On a donc d’un côté une sorte de bulle dans laquelle repose Legoshi qui se prépare à son ultime face à face, et de l’autre ceux qui sont de plein pied dans la réalité. Mais cette réalité est double, à l’image de Yasha, qui dont l’ombre oeuvre pour que le chaos n’éclate pas. Cependant la bulle de Legoshi, comme la bulle dans laquelle pas mal d’herbi vivent de l’autre côté du mur, est sur le point d’éclater et j’ai hâte d’en voir les conséquences.

Pour le moment, l’autrice nous offre juste les prémices de cet affrontement titanesque, qui emprunte tout à la tragédie grecque, sorte d’Iliade moderne où notre jeune héros va affronter un suite de montagne pour libérer son peuple qu’il veut mixte et métissé mais surtout ouvert à l’autre. Le premier combat, sorte d’espace cathartique, l’oppose à ses origines à travers le gang des varans de komodo et c’est déjà extrêmement intense, percutant et surprenant. Je n’imagine pas la suite.

Beastars est vraiment l’une de ses séries qui m’a faite vibrer à chaque tome et où l’autrice a réussi le tour de force de dévoiler peu à peu sa toile finale pour mieux me surprendre par la force et l’intelligence de celle-ci. Je savais déjà que j’adorais la série, son dessin, son écriture, ce tome enfonce le clou en lui donnant une dimension toujours plus actuelle et moderne malgré ses références antiques. Je suis fan !

(Merci Ki-Oon pour ces dernières lectures)

Tome 21

Chaque lecture d’un tome de Beastars est incroyable et quand on arrive à un tome de la fin, c’est encore plus le cas tant l’autrice met en scène tout ce qu’elle a pu construire jusqu’au présent pour préparer un final d’une grande justesse et d’une grande puissance.

Il y a autant de scènes incroyables que de personnages puissants dans ce tome. On tremble à chaque tournant. On frissonne d’effroi à chaque action. On a peur pour chacun des personnages et chacun d’eux nous touche en plein coeur. C’est une maestria d’émotions, d’actes et de petites phrases qui sonnent juste sur la question de l’identité, de la mixité et avant tout du vivre ensemble malgré ou plutôt grâce à nos différences. Puissant !

J’ai donc adoré ce nouveau tome, que ce soit les combats de Legoshi dans le marché noir, le courage de Louis et ses retrouvailles avec lui-même, ou la solidarité des herbi et des carni symbolisait par Yahya et Gosha mais aussi par tellement d’autres duos. L’écriture de l’autrice est parfaite. Elle ne fait que monter crescendo et sa narration graphique est du même tonneau avec un jeu d’ombres chinoises et de peaux d’animaux juste fantastique ici !

Elle aborde dans ce dernier tournant des questions aussi puissantes que la place attribuée aux femmes dans la société et celle qu’elles veulent se donner, tout comme elle le fait depuis le début avec les herbi et carni d’un côté, puis avec les métis qui représentent de manière tellement difficile leur rapprochement. C’est superbe !

Pour cela, elle met en scène un Legoshi qui se bat jusqu’au bout, en donnant tout ce qu’il a au fond de lui et tout ce qu’il a appris. C’est émouvant de le voir à ce point se métamorphoser sous nous yeux à chaque affrontement, à chaque rencontre, que ce soit contre les varans, les inari ou contre Melon. Mais justement cela ne serait rien sans de bons antagonistes et Paru Itagaki a su en écrire qui sont à la hauteur de cet incroyable personnage. La chef du gang des Inari est une féministe comme on n’en fait plus. Melon, lui, me fascine par ses névroses et leur manifestation explosive depuis le début et ce n’est pas prêt de s’arrêter alors que sa folie atteint des sommets.

Et puis, face à cela, l’autrice impose un calme d’autant plus surprenant qu’il est inattendu et nourri d’une alliance contre nature qu’on n’attendait pas. C’est fascinant comme elle met en scène le rapprochement évident et existant depuis longtemps sans qu’on s’en rende compte entre carni et herbi. Elle utilise le double phénomène de la conférence de presse révélation de Louis, qui permet de libérer la parole, et de la coupure de courant, qui permet de libérer les instincts, pour libérer les esprits de tous sur cette question fondatrice de l’oeuvre. C’est sublime !

Avec cet avant-dernier tome, l’autrice nous approche toujours plus près de l’apothéose de sa grande oeuvre et elle le fait encore une fois d’une manière magistrale maîtrisant aussi bien le fond, les thématiques, que la forme, la narration graphique mais également ses personnages et leur psychologie toujours aussi finement décrite. Un titre déjà culte !

Tome 22 – Fin

Après quatre ans d’émotion, Paru Itagaki clôt cette fresque animalière si forte qui aura portée un message important du début jusqu’à la fin et qui aura su divertir et ravir le lecteur également par ses aventures et les personnages forts imaginés.

Conclure une série comme Beastars n’a jamais rien de facile. Il faut à la fois savoir apporter un point final à un combat emblématique et trouver les petits points d’équilibre pour montrer l’évolution des personnages et de la société dans laquelle ils vivent qui n’est plus la même depuis le début. L’autrice y a réussi avec une belle teinte douce-amère un poil grinçante et réaliste, qui ne tombe pas dans la facilité.

Cependant tout ne fut pas parfait. Je n’ai pas vraiment eu la vague d’émotion attendue à part à un moment donc je reparlerais ensuite. J’ai trouvé que le combat épique contre Melon que devait être le point culminant de l’histoire a manqué de quelque chose et s’est terminé bien trop vite. Et surtout, j’ai eu bien trop de Legoshi et Haru par la suite, ce qui ne m’a pas convaincue vu que j’ai du mal avec celle-ci et le côté fleur bleue de leur relation. Mon coup de coeur est donc plus allé aux tomes précédents qu’à celui-ci.

Je reconnais cependant une très belle conclusion à une oeuvre portée par un vrai message depuis ses débuts : la solidarité, l’intelligence et l’amitié interespèce, et ça, cela parsème ce dernier tome, sans pour autant avoir un discours aveugle de bisounours. L’autrice nous propose au contraire un discours plein de nuances, où rien n’est blanc ou noir, ce qui fait plaisir à voir.

Il y a d’abord LE moment fort du tome pour moi avec la découverte du père de Melon qui réveille des souvenirs douloureux mais doux chez Gosha, en lien avec sa femme disparue. Cette volonté de l’autrice de montrer que parfois la faute n’incombe pas aux carnis, mais qu’il y a aussi des herbis qui se comportent mal, m’a fait un bien fou. Alors oui, le personnage est détestable, mais c’est la vie. J’ai aimé qu’on nous montre que parfois c’est trop compliqué d’assumer une relation interespèce où tout le monde nous regarde et nous juge.

Cela a donné encore plus de force à la réponse en face. L’autrice nous montre en effet toute la panoplie d’amours possible dans ce monde, d’une relation d’entre soi où on ne se connaît pas et où il faut tout construire (Louis), à un nouvel amour à trouver après avoir tout donné (Juno), en passant par une relation entre herbi et carni où chacun assume ses différences (Legoshi et Haru). Il est juste dommage de s’arrêter en si bon chemin et de ne pas réellement montrer leur vie de couple ensuite. Je pense que cela aurait été un développement très intéressant.

L’amitié n’est également pas en reste et j’ai énormément aimé la retrouver. Il y a bien sûr les relations fusionnelle de Yahya et Gosho, ainsi que de Louis et Legoshi, mais également celles plus discrètes formées au court de la saga, sur laquelle l’autrice revient avec émotion pour clore sa série et dire un peu au revoir à tout le monde. On prend grand plaisir à faire ce tour d’horizon, que ce soit pour Louis et ses loups, Legoshi et ses camarades canins, Pina et ses amis du club de théâtre, etc. Cela m’a touchée.

Après ce tome est surtout riche en symbolique et ce dès la sa couverture et sa page de titre. Il nous dit qu’il est temps de tenir son destin entre ses mains, à l’image de cette Lune, symbole de bien des transformations pour les loups, enfin capturée par Legoshi. Il nous dit aussi que le mieux passera par un vivre ensemble où chacun acceptera les particularités de l’autrice même celles qui font peur, d’où le couple de héros s’affichant patte dans la patte.

Du coup, même si la construction est très classique, même si certains pans du scénario vont trop vite, même si cela manque de page à la construction graphique forte, c’est le voyage depuis le premier tome qui l’emporte ici et émeut le lecture une ultime fois. Non, ce tome n’est pas un coup de coeur en lui-même, mais oui la série m’a ravie de bout en bout et l’autrice a su porter une conclusion qui me plaît énormément par ses rappels à une réalité éloignant la série de la fin « bisounours » que je craignais. Elle reste donc drôle et grinçante jusqu’au bout, percutante et émouvante, nous touchant avec ses personnages ayant bien grandi et son monde à l’aube d’un changement de paradigme certain. Il est presque frustrant de s’arrêter là, tant il aurait été chouette d’avoir un petit chapitre bonus, des années plus tard, pour voir tout ce que ça a impulsé sur le long terme.

Je referme cependant ce tome et cette saga sur une note très positive. Cette fable animalière m’aura souvent faite vibrer, parfois faite trembler, souvent déchirée. Paru Itagaki a vraiment su imaginer un monde puissant à la thématique éculée mais au traitement persistant grâce à sa puissance narrative et émotionnelle, la preuve d’une grande autrice. J’espère qu’elle ne me fera pas mentir dans ses prochaines séries que je compte bien découvrir en vf !

18 commentaires sur “Beastars de Paru Itagaki

  1. « C’était sombre et saisissant de se prendre ça en pleine figure dès l’ouverture du tome. On ressent ainsi encore plus l’injustice ressentie par certains et la terreur ressentie par d’autres. C’est pourquoi, j’ai beaucoup aimé les réactions de chacun. On aurait dit que les proies se révoltaient. » +1

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