Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Dans l’abime du Temps de Gou Tanabe et H. P. Lovecraft

Titre : Dans l’abime du Temps

Auteur : Gou Tanabe sur une idée de H. P. Lovecraft

Éditeur vf : Ki-Oon (Seinen)

Année de parution vf : 2019

Nombre de pages : 362

Histoire : En 1935, au fin fond de l’Australie, le Pr Nathaniel Peaslee recherche avec frénésie les traces d’une civilisation inconnue. Il ne comprend pas pourquoi, mais il connaît ces lieux, comme si un autre avait implanté des souvenirs en lui. Il sait que quelque chose d’aussi mystérieux que terrifiant se tapit, là, dans les profondeurs du sable du désert…
Son monde a été chamboulé près de 30 ans plus tôt. À l’époque, il enseigne à la prestigieuse université de Miskatonic. Il mène une vie paisible, entouré de sa femme et de ses enfants… jusqu’au jour où il s’effondre en plein cours. À son réveil, personne ne le reconnaît. Il a toujours la même apparence, mais semble avoir perdu la raison ! Il parle un dialecte inconnu et se comporte comme un étranger. Pire, il se prend de passion pour les sciences occultes, allant même jusqu’à se plonger dans l’étude du Necronomicon, ouvrage maudit entre tous…

Mon avis :

Lovecraft est un auteur dont j’ai mis longtemps à découvrir l’univers de peur que ce soit trop sombre et effrayant pour moi. Du coup, chaque découverte est assez frappante. Je me rends compte du génie du monsieur disparu quand même au début du XXe siècle et qui a inspiré tant d’auteurs après lui. Ki-Oon met les petits plats dans les grands avec cette série de beaux livres mettant en image ses plus célèbres récits. Après Les montagnes hallucinées, place à Dans l’abime du temps où l’on retrouve le même très beau coup de crayon de Gou Tanabe pour nous embarquer dans une histoire abyssale.

Premier point, encore une fois, l’objet livre est de toute beauté. Même reliure souple et pourtant étonnamment solide que dans Les montagnes hallucinées mais dans un gris correspondant bien au ton et à l’ambiance de l’histoire. L’impression, tout comme la traduction sont impeccables et j’adore le petit effet « collection » que cela va donner dans ma bibliothèque.

Pour ce qui est de l’histoire, on nous replonge dans l’univers propre à Lovecraft fait d’anciennes civilisations de créatures étranges qui peuplaient la Terre à un âge inconnu et qui ont laissé des traces mystérieuses que seuls certains scientifiques peuvent reconnaitre et poursuivre. Pour ceux ayant lu Les montagnes hallucinées les points communs sont nombreux et pour autant le titre est très différent.

Cette fois, l’auteur s’intéresse à la possession et au voyage dans le temps de façon assez différente de ce que l’on peut connaitre. Le héros est un économiste célèbre qui se réveille 5 ans après avoir fait un malaise et découvre que pendant ce temps-là une créature d’un autre âge habitait son corps. S’en suit une sorte de voyage à la fois en lui-même et dans les abimes du temps pour découvrir cette étrange créature, ses congénères et les mystères qui les entourent. On est à la fois dans de la SF, du récit d’aventure à la Indiana Jones mais également dans quelque chose de bien plus intime et psychologique qui fait s’interroger sur soi. C’est assez étrange voire dérangeant parfois.

J’ai beaucoup aimé suivre les méandres des pensées du héros, ses avancées et percées sur l’appréhension de cette ancienne civilisation. J’ai trouvé le récit bien construit avec une angoisse d’abord omniprésente qui saisit à la gorge et dérange profondément, puis une lente montée en tension vers un terrible mystère qui pourrait avoir des conséquences sur nous. Pour autant, je ressors un peu frustrée aussi de cette lecture qui semble d’arrêter alors qu’elle démarre et comme c’est la dernière oeuvre de Lovecraft, je doute de trouver une suite à cette trame narrative dans la suite de son oeuvre, mais après tout comme je la connais mal peut-être est-ce que je me trompe.

Les dessins participent grandement à l’immersion dans le récit. Il rendent parfaitement l’angoisse, l’horreur et la peur que ressentent tour à tour les personnages. Cependant, je regrette que leur obscurité soit telle qu’elle empêche de distinguer les créatures et l’action parfois. Je me doute que ça participe bien à l’effet voulu par Lovecraft. Je sais que dans ses récits il livre peu de description et joue plutôt sur les non-dits et l’imagination des lecteurs pour qu’ils se fassent peur eux-même. Je sais aussi qu’il n’est rien de tel qu’une créature qu’on ne montre jamais complètement pour faire bien peur (coucou Alien premier du nom), mais n’empêche ça ma frustrée.

Dernier point que je tenais à soulever et qui est peut-être un point de détail, mais j’ai été agacée de voir le mangaka (parce que ça ne peut venir que de lui) commettre un anachronisme monstrueux en faisant parler de la Seconde guerre mondiale à l’un de ses personnages à demi-mots, alors qu’il est impossible que ça vienne de Lovecraft puisqu’il est mort en 1937… Rien de mieux pour me sortir d’une histoire et titiller mon agacement…

En conclusion, Dans l’Abime du temps se révèle une nouvelle fois passionnant à suivre même si différent des montagnes hallucinées que je lui ai préféré. Ici, nous sommes dans un récit qui nous questionne encore plus et où l’horreur s’accroche à ce que nous avons de plus intime : notre corps et notre esprit. Le traitement du voyage dans le temps et de la possession par l’auteur est encore une fois très surprenant lorsqu’on remet l’oeuvre dans son contexte et rien que pour ça, je suis bluffée !

Ma note : 16 / 20

18 commentaires sur “Dans l’abime du Temps de Gou Tanabe et H. P. Lovecraft

  1. J’aime pas vraiment voir du Lovecraft en image. Je trouve que ça gâche tout ce qu’on s’imagine dans notre tête, car Lovecraft est génial pour décrire des choses (je mets au défi quiconque d’adapter La couleur tombée du ciel).
    Du coup, j’ai pas continué Les montagnes Hallucinées en manga, et je zappe aussi celui-ci. En plus, j’aime pas trop l’édition de Ki-oon, le style cuir est trop lourd et trop souple, l’objet tient assez mal 😕

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    1. Je peux parfaitement comprendre. Je pense aussi qu’une fois qu’on a lu le manga, ça ne sert à rien de lire les romans/nouvelles, ou du moins le plaisir est gâché parce qu’on a les images du mangaka en tête et c’est pas forcément celles que voulait nous transmettre Lovecraft.
      Dommage pour l’édition par contre, moi j’adore. J’aime pas quand c’est trop rigide, j’ai du mal à le tenir avec mes petites mains (cf les rééditions des Tezuka…) ^^!

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  2. J’avais adoré Les montagnes hallucinées. Je rejoins Xander sur le fait que Lovecraft est un maître en matière de descriptions ; cependant, j’ai eu l’impression que parfois le trait du mangaka dans Les montagnes hallucinées était volontairement « flou/vague » pour faire suffisamment travailler notre imagination et – pour ceux ayant lu les textes originaux – leur laisser la place.

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    1. C’est ce que je me suis dit aussi mais je n’en étais pas 100% sûre. C’est là qu’une petite interview du mangaka aurait été intéressante 😉
      Au passage, il y a eu l’annonce du prochain titre aujourd’hui : La Couleur tombée du ciel *0*

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