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Les Ogres-Dieux de Hubert et Gatignol

Titre : Les Ogres-Dieux

Auteur : Hubert (histoire) et Gatignol (dessins)

Éditeur : Soleil (Métamorphose)

Années de parution : 2014 – 2020

Nombre de tomes : 4 (série terminée ?)

Résumé du tome 1 : Petit est le fils du Roi-Ogre. À peine plus grand qu’un simple humain, il porte sur lui le signe de la dégénérescence familiale qui rend chaque génération plus petite que la précédente à force de consanguinité. Son père veut sa mort, mais sa mère voit en lui la possible régénération de la famille puisqu’il pourrait s’accoupler à une humaine tel que le fit jadis le Fondateur de la lignée. Elle le confie alors à la tante Desdée, la plus ancienne d’entre eux, qui déshonorée en raison de son amour pour les humains, vit recluse dans une partie de l’immense château. Seulement voilà, contrairement au souhait de sa mère, elle tentera d’élever Petit à l’inverse des moeurs familiales… Tiraillé entre les pulsions violentes dont il a hérité et l’éducation humaniste qu’il a reçue de Desdée, Petit trouvera-t-il sa place ? Et survivra-t-il à l’appétit vorace de sa famille ?

Mon avis :

Tome 1 : Petit

Comme je l’explique plus bas, j’ai commencé cette série en découvrant le tome 2 avec l’historie des chambellans des Ogres-Dieux, alors forcément mon avis sur ce tome 1 ne peut être que différent de celui qui a lu la série dans l’ordre.

J’ai adoré continué à découvrir l’univers des Ogres-Dieux et de leur famille. C’est extrêmement bien écrit et si on est attentif, il y a pas mal de petites allusions à notre propre histoire. Mais comme nous suivons l’histoire du point de vue des Ogres, c’est moins effrayant et moins monumental que dans le tome 2, je trouve. Par contre, cette fois on est en plein coeur du palais et l’on suit la lente déliquescence de celui-ci et de ses habitants, ce qui est terrible. J’ai beaucoup aimé le fil rouge des biographies des anciens Rois, cela montre bien l’évolution que leur famille a connu et c’est un bon rappel pour ce qui se passe dans le présent.

En effet, dans ce tome 1, les Ogres-Dieux sont devenus de plus en plus petits et bêtes du fait de la consanguinité puisque leur population de base était assez réduite. Le dernier roi est ainsi bien ridicule face à la grandeur de sa tante et sa reine est encore plus petite que lui. Sauf qu’un jour, sans s’en rendre compte, elle accouche en plein diner d’un tout petit bébé, à peine plus grand qu’un bébé humain. C’est une honte pour son peuple qui veut le croquer. Sauf qu’elle le sauve et demande à la tante de son époux, la seule à aimer les humains, de l’élever dans le secret. Petit grandit ainsi à l’écart sans que son père le sache. Mais sa mère a de grands desseins pour lui. Elle souhaite qu’il soit le nouveau père fondateur de leur peuple, en faisant des enfants avec des humaines, comme ça avait été le cas il y a longtemps pour leur Fondateur.

C’est donc à travers les yeux de Petit, qui est à la fois dans et hors ce qui se passe dans le château que nous découvrons cette drôle de société. A travers ses yeux mais aussi grâce aux biographies qui parsèment le tome, nous en apprenons plus sur leurs drôles de moeurs qui ont de quoi choquer. C’est brutal, c’est dérangeant mais pas aussi violent que je l’aurais cru. J’ai été plus dérangée par ma lecture du tome 2. Ici, on est quand même avec un héros qui a une aura positive et qui est aimé par son entourage. Il n’a pas une rancoeur qu’il souhaite à tout prix combattre, contrairement à son double dans le tome 2. C’est donc moins sombre même si ce qui lui arrive n’a rien d’enviable. Non, ce qui m’a séduit, c’est vraiment de découvrir l’univers et pas vraiment de suivre ses aventures. Seule la fin, qui bouleverse tout, m’a vraiment bien accrochée de ce côté-là, m’a donné à réfléchir et m’a donné envie de vite lire le dernier tome, qui j’espère lui fait suite en terme de trame narrative.

Pour ce qui est des dessins et du découpage, c’est forcément tout aussi réussi que dans le tome 2, sauf qu’ici on découvre encore plus l’intérieur du château, ses parties habitées et celles laissées à l’abandon, c’est fascinant. L’emploi des noirs, blancs et gris profonds sont splendides une fois de plus et on passe un temps fou à admirer tous les détails des dessins, des décors, des tenues, des expressions des personnages… C’est un ravissement pour les yeux.

Un tome 1 qui m’aura donc séduit à nouveau de par son univers décadent et déliquescent qui fascine étrangement. Cependant, je le trouve moins inquiétant et moins sombre que sa suite. C’est un autre point de vue et les deux se complètent bien. Il me tarde maintenant de lire le 3e et dernier (?) tome.

Son histoire commence avant celle de Petit et se termine au même moment.
Les Nobles-Nés dominent le royaume au pied du château des Ogres-Dieux et gouvernent en leur nom. Bien que né parmi eux, la place de Yori n’est pas évidente : si son père – le roi – l’aime, il n’en reste pas moins un bâtard, le fils de la favorite, hétaïre de haut vol.
Sa grâce et son intelligence ne cessant d’attiser la haine de ses demi-frères légitimes, Yori et sa mère finissent dans les bas-fonds de la capitale. Il est alors prêt à tout pour la protéger : contraint de vivre de ses charmes, Yori amorce une ascension qui le mènera à nouveau, des années plus tard, dans l’entourage du Chambellan et au contact des terribles géants de la montagne… Mais à force de compromissions, ne risque-t-il pas de perdre ce qu’il a de plus précieux, et de devenir pire que ceux qui l’ont toujours rabaissé ?

Tome 2 : Demi-sang

Je ne fais jamais les choses comme tout le monde lol Je découvre donc cette saga par son deuxième tome. Merci à Noz de le proposer à 6 petits euros dans ses rayons ! Je lorgnais sur la série depuis des années mais le prix conséquent du tome 1 me faisait reculer…

De quoi parle cette saga des Ogre-Dieux ? Elle raconte de façon assez dantesque les aventures d’un jeune chambellan. Mais pas le chambellan de n’importe quel roi, le chambellan d’un Ogre-Dieu ! En s’inspirant fortement de l’oeuvre de Rabelais, les auteurs de cette saga peignent un univers démesuré et pourtant terriblement proche du nôtre dans lequel les aspirations des déclassés son grande et les désillusions des puissants nombreuses.

Dans ce 2e tome, on prend la saga par la lorgnette d’un jeune bâtard rejeté par la famille de son père qui va tout faire pour prendre sa revanche dans la vie. A ses côtés, j’ai découvert le vaste univers qui l’entoure peuplé de grandes familles aristocratiques mais également de celle plus ancienne des Ogres. Cette dernière semble régner depuis les hauteurs mais ce n’est qu’une apparence et en suivant Yuri, on découvre également toutes les vicissitudes de cette société qui ont conduit à la situation délétère actuelle. C’est assez fascinant. Les auteurs se sont amusés, en plus d’imaginer l’histoire de Yuri dont ils nous relatent la vie de son enfance à maintenant, à constituer en parallèle le destin de plusieurs anciens chambellan, qui ont tous ou presque finis tragiquement ! C’est passionnant. On a l’impression d’être en plein coeur de chroniques royales. Le destin de Yuri n’est pas moins prenant puisqu’il part presque du caniveau pour au final arriver au sommet, mais à quel prix !

En effet, comme l’indiquent les couvertures, les auteurs ont fait le pari d’une histoire sombre, très sombre. Les personnages ont tous des destins tragiques, les trahisons sont foison et les sentiments toujours complexes et souvent trompeurs, le but ultime étant la survie, mais également l’ascension sociale. Quand on voit les sacrifices consentis par Yuri, notre coeur ne peut que saigner et la suite ne s’annonce pas plus gaie à la lumière des dernières pages. C’est sombre et tragique mais j’adore car on sent qu’il y a vraiment de la matière derrière. Ce n’est pas une petite histoire légère, mais une vaste chronique murement réfléchie qui n’est que le reflet de notre propre histoire au final, ce qui la lecture fascinante.

En plus, le trait de Gatignol est sublime. Il a une utilisation très intéressante du noir dans cet album, celui-ci étant omniprésent et ne se détachant que par de fines lignes blanches. Le gigantisme de l’univers des Ogres se fait pesamment sentir, de même que l’insignifiante ostentation des humains vivants à leur pied. Les deux se mélangent avec grand talent et c’est glaçant. Le dessinateur joue à merveille avec nos nerfs, rendant les ogres immenses et terrifiants de part leur taille et leur violence, mais également par leurs émotions brutales parfaitement retranscrites en dessin. L’ascension vers ce sommet détestable que souhaitait tant Yuri est représenté dans toute sa pompe, sa noirceur et son horreur sous le trait très expressif de Gatignol. J’adore la composition de ses pages.

Pour conclure, j’ai adoré ma découverte de l’univers des Ogres-Dieux, qui est un sans faute pour moi. Les auteurs ont créé une saga au monde fantastique et fascinant avec des personnages très sombres au destin tragique. J’adore cette réinterprétations de Gargantua et Pantagruel, c’est vraiment beau et original. Il faut absolument que je me procure la suite maintenant !

Petit – fils du défunt roi Gabaal – assiste, impuissant, à la capture de sa compagne, Sala, par les hommes du Chambellan, tandis qu’il est sauvé par un homme mystérieux appelé Lours. Coutelier et rémouleur itinérant, il a rejoint les Niveleurs, un groupe de résistants qui voit en Petit un atout majeur. En échange de leur aide pour délivrer Sala, Petit devra revendiquer son trône, désavouer le Chambellan et rétablir l’entente entre les géants et les humains. Mais le chemin sera long… Et en voulant piéger Sol, stratège redoutable à la tête des troupes du Chambellan, Lours pourrait bien s’être piégé lui-même… Parviendra-t-il à devenir le grand homme qu’il souhaite être depuis qu’il est enfant ?

Tome 3 : Le Grand Homme

Après avoir découvert la série dans le désordre le plus complet, me voici rendue au dernier tome dont on ne sait pas pour l’instant si ce sera l’ultime de la saga, vu que l’un de ses créateurs est mort en début d’année.

Comme à chaque opus, celui-ci nous embarque dans une toute nouvelle aventure et de nouveaux lieux assez dépaysants par rapport aux premiers puisque la demeure des Ogres Dieux a brûlé. L’angle choisi est également différent. Exit les intrigues de cour, place à une course-poursuite tragique entre un maître et son élève. Résultat, un tome encore excellent mais différent des deux autres.

On m’avait prévenu qu’il fallait le lire de manière assez détachée pour ne pas y chercher le même vertige que précédemment. Je n’ai pas eu besoin de faire cela. Ce troisième tome est pour moi la suite logique de ce qu’on a suivi jusqu’à présent. On a rencontré les Ogres Dieux, découvert leur histoire, assisté à leur chute. Il nous faut maintenant voir comment la vie peut se poursuivre sans eux. Pour cela, nous allons à la rencontre d’un homme important pour la mythologie de l’histoire : Lours. Ancien membre d’une tribu inconnue, il sera le lien entre les Dieux et les hommes, lien qui s’effectuera également par l’entremise de Petit, qui a trouvé refuge auprès de lui. Le duo est mal assorti, qu’importe, leur aventure n’en est pas moins saisissante à suivre.

Avec Lours nous découvrons un aperçu de la vie en dehors du château et de la façon dont la situation pouvait être perçue, car tout n’était pas tout rose pour le peuple. Lours est membre de la Résistance, il souhait renverser les choses mais pas comme ça a eu lieu. On assiste donc à sa désillusion mais également à ses nouvelles ambitions, portées par Petit.

Sauf que plus que la suite d’une histoire politique déjà entamée précédemment, ce nouvel opus est avant tout une histoire humaine. Celle de la relation entre un maître, Lours, et son élève, Sol. On apprend en effet par les pages de textes qui parsème la bande-dessinée que tous les deux se sont connus, se sont aimés à leur façon avant de devenir adversaire. Leur passé à chacun est fascinant, surtout celui de Lours, personnage central ici. On découvre avec lui le parcours d’une vie et pas n’importe laquelle, celle d’un homme qui a dû tout quitter pour se reconstruire ailleurs mais sans pour autant abandonner ses idéaux. Alors il a beau vieillir, il reste fidèle à lui-même et cette dernière aventure est le moyen de l’illustrer.

Et quelle aventure il va vivre ! Pourchassé par Sol, sa bande va fuir à travers le pays jusqu’à ses confins les plus secrets où de révélations puissantes sur l’univers que l’on suit depuis trois tomes vont avoir lui. C’est fascinant et tellement triste de se dire qu’on n’aura peut-être jamais la suite et qu’on restera ainsi sur notre fin quant au devenir de Petit, du régime instauré par le Chambellan, et à l’histoire de ces peuples.

En l’espace de 600 pages, Hubert et Gatignol ont réussi à imaginer un univers vertigineux dans lequel la mise en abyme que nous vivons ne peut nous laisser insensible. Si suite il n’y a pas, on en restera longtemps orphelins.

Bragante, dite Première-née, âgée et affaiblie, décide de révéler à sa petite-fille la vérité sur son histoire. Elle voua une passion aux livres, et ressentit très tôt l’angoisse de donner la vie. Son statut d’aînée la chargera de l’éducation des derniers-nés, mais ne la protégera pas du plus vaillant à qui son père, le roi, l’a promise. D’aînée, elle deviendra reine, sombrant dans l’aveuglement.

Tome 4 : Première Née

Deux ans après le tome 3 et surtout après la mort d’Hubert à 49 ans, alors que je ne l’attendais plus, nous avons droit à un quatrième tome de cette fresque gargantuesque, un tome qui sonne comme un retour aux sources.

Le duo posthume nous propose une plongée passionnante aux sources de la mythologie de l’univers avec le récit de la vie de Bragante, la Première née, fille du premier Ogre Dieu venu s’installer dans ce coin du monde. Avec elle, nous assistons à l’instauration de cette dynastie, à ses premiers pas et à sa lente plongée dans les abîmes de la tyrannie dont on l’a vue brusquement sortir dans les tomes précédents. C’est fascinant.

Mais ce n’est pas que le plan politique et mythologique qui m’a fasciné ici. Non, ce que j’ai adoré c’est la découverte du destin tragique de Bragante et des autres femmes de sa dynastie, un destin qui résonne comme un parallèle très fort avec celui des femmes musulmanes, qui pour certaines ont elles aussi connue harem, sérail et autre gynécée où les limitations et tragédies étaient foison comme ici.

C’est un récit vraiment féministe que nous proposent les auteurs avec une héroïne très forte et charismatique qui va tenter de lutter contre sa destinée. Et même si le final n’est peut-être pas celui que certains pouvaient attendre, je trouve le cheminement très puissant et fort symbolique. Les autres montrent la place centrale des femmes dans l’enfantement, l’éducation des enfants, la sororité. C’est très beau parce que les auteurs n’enjolivent rien et montrent toutes ces facettes dans leurs entièreté sans chercher à en cacher les côtés sombres et âpres. J’ai beaucoup aimé.

Pour ce qui est de la forme, c’est toujours aussi gigantesque, dramatique et fidèle à cette ambiance sombre et cynique qu’on a découvert dans les tomes précédents. J’ai adoré découvrir les premier temps de cette famille de géants, puis assister à leur dégénérescence, notamment à cause de leur consanguinité, le tout sous le terrible regard des femmes. Alors c’était certes moins dynamique que dans les tomes précédents car la tragédie était autre mais c’était passionnant.

De la même façon, les textes qui entament les chapitres m’ont fait le sentiment d’être plus nombreux et plus fouillé, ce qui a malheureusement un peu alourdi et figé la lecture, mais je pense que c’est parce que c’est probablement le dernier tome que nous auront de la série, vu qu’Hubert était le scénariste. On dirait donc qu’ils ont mis dans ce tome tout ce qu’il avait écrit. J’aurais aimé pour ma part qu’on délaye un peu tout ça pour développer une sorte de nouvelle trilogie des origines, mais je doute que ce soit le cas maintenant…

En bref, ce fut une lecture puissante, passionnante malgré les défauts que j’ai soulevés. Bragante est un personnage marquant et les auteurs ont parfaitement su développer leur univers et leur mythologie. Ce sera vraiment un grand regret pour moi de le voir s’arrêter là.

Ma note : 17 / 20

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17 commentaires sur “Les Ogres-Dieux de Hubert et Gatignol

  1. J’avais été un peu déçue du 2, je n’avais pas trop croché à l’intrigue, alors que j’avais mais alors adoré le premier tome ! J’espère que tu pourras le lire, parce que je le préfère très largement personnellement ! 😍

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    1. J’ai vu effectivement que les histoires des deux étaient assez différentes, du moins le point de vue, alors je peux comprendre ta surprise et peut-être ta déception. Du coup, ça me donne encore plus envie de mettre la main sur ce tome 1 !

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  2. J’ai adoré les trois tomes (même si un peu moins le deuxième), pareil le prix me freinait du coup je les ai emprunté à la bibliothèque et du coup je me dis que j’aurai bien envie de me les acheter 😀
    J’espère que tu vas adorer les deux autres. (C’est sûrement pas mal de lire le 1 avant le 3 quand même).

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