Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Don’t fake your smile de Kotomi Aoki

Titre : Don’t fake your smile

Auteur : Kotomi Aoki

Éditeur vf : Akata (M)

Années de parution vf : 2020-2022

Nombre de tomes vf : 9 (série terminée)

Histoire : Gaku était autrefois un garçon à problèmes, mais depuis sa rencontre avec la lumineuse Niji, il s’est assagi. Il vit désormais un quotidien de lycéen ordinaire, en compagnie de son meilleur ami, Hiyori. Gaku aime en secret Niji, devenue depuis vice-capitaine du club de judo. Mais aucun de ces trois-là n’était prêt à ce que la vie allait leur faire subir. Entre le coming out pudique de l’un, les méprises de l’autre, et surtout l’agression sexiste infligée à la dernière… Comment se construire à l’adolescence, entre douleur, secrets, culpabilité et faux-semblants ?

Mon avis :

Tome 1

Je suis fan d’Aoki Kotomi depuis ses débuts et elle m’a accompagnée dans mon parcours de lectrice de shojo, évoluant et murissant en même temps que moi. Son dernier titre en date : Lovely Love Lie, sur de jeunes adultes vivant leur rêve dans l’industrie du disque, avait été un grand coup de coeur du début à la fin. Et j’étais impatiente de découvrir ce qu’elle pourrait nous proposer ensuite.

Je l’avoue, j’ai d’abord été surprise d’apprendre que ce serait Akata et non Soleil, son éditeur historique, qui sortirait Don’t fake your smile, mais dès que j’ai écouté la vidéo de présentation de Bruno (le directeur de collection), j’ai compris ce que le titre faisait là. Akata est connu pour ses titres engagés et celui-ci est totalement dans cette ligne éditoriale car cette fois, pas de bluette adolescente comme ce fut souvent le cas au début de sa carrière, non l’autrice parle de quelque chose de grave et d’important : les agressions sexuelles.

Tout démarre pourtant comme une énième romance lycéenne, avec la solaire Niji, vice-capitaine du club de judo, qui aime bien se disputer avec le capitaine, Gaku. Ces amis qui aiment se chambrer forment un joli trio avec Hiyori, autre membre du club. Ce dernier leur demande de rester un soir, mais seul Niji le fait et il lui fait alors une déclaration fracassante : il est gay. Gaku qui les observe depuis dehors pense que c’est une déclaration d’amour et qu’ils sont désormais en couple. Sur ce malentendu, il refuse de la raccompagner chez elle comme d’habitude et malheureusement elle se fait agresser sur le chemin du retour. Le lendemain, elle revient au lycée comme si de rien n’était et annonce à tout le monde ce qu’il s’est passé sur le ton de l’humour mais au final elle a été bien plus marquée que ça. Et c’est l’histoire de sa reconstruction que nous allons suivre.

Je suis ravie de voir une autrice que j’aime parler d’un tel sujet, ça change des romances habituelles et c’est un sujet éminemment d’actualité dont il faut parler. L’autrice le fait avec beaucoup de justesse. D’abord en parlant de l’agression sans voyeurisme aucun, sans regard sordide comme c’est trop souvent le cas, et surtout en ne s’arrêtant pas là. Il y a bien eu agression, c’est lourd, c’est sérieux et ça laisse des marques. L’héroïne, malgré son air bravache, a été ébranlée jusqu’au plus profond d’elle-même. Elle a beau sourire, elle a peur désormais, elle ne veut pas se laisser bouffer par ça, mais c’est plus fort qu’elle. Et l’autrice rend ça à merveille ! C’est beau et terrible à la fois. A cette peur incontrôlable, s’ajoutent les rumeurs, choses pernicieuse que les humains aiment tellement propager et avec un tel drame, c’est un morceau de choix qui s’offre à eux. C’est ignoble mais réaliste et c’est ce que j’aime chez cette autrice. Elle ose nous montrer nos pires travers.

Là où, l’autrice a été maligne aussi, c’est que pour bien parler aux adolescents, elle a choisi un cadre lycéen comme elle l’aurait fait pour n’importe lequel de ses shojo habituels. On se retrouve en terrain connu et le déraillement dû à l’agression se fait alors d’autant plus sentir. De la même façon, son héroïne est très belle. Niji est forte, solaire, amusante. On se dit que rien ne peut lui arriver et pourtant. Elle devient alors d’autant plus humaine et touchante. Comme Hiyori et Gaku, on a envie de la prendre dans nos bras pour la réconforter et lui dire que tout ira bien même si on sait que c’est faux, que ce n’est pas suffisant. C’est tellement beau et triste à la fois.

Mais Aoki Kotomi ne se cantonne pas à cette histoire-là, Don’t fake your smile est heureusement plus qu’un drame autour de l’agression de Niji, ça aurait peut-être été un peu trop mélodramatique pour moi. Elle a décidé de parler également des apparences et des masques que chacun de nous porte au quotidien dans un sens plus large, et ce grâce au trio d’amis qu’elle a si brillamment mis en scène. On a Niji qui cherche à cacher les effets de son agression. Mais on a aussi Gaku qui cherche à cacher ses sentiments pour elle et sa souffrance de la voir mal mais aussi de la voir avec un autre. Et surtout, on a Hiyori qui lui cache qui il est vraiment. Il cache qu’il est gay. Il cache qui il aime. Il cache toutes ses souffrances derrière sa belle gueule et son humour de bon copain. C’est d’une tristesse. J’ai adoré ce personnage et ses rapports avec Niji, même si je n’aime pas ce dans quoi il l’embarque. On sent en tout cas se nouer entre eux des interactions qui ne vont qu’aller en complexité. C’est pour ça que je trouve le titre français diablement bien choisi, chapeau à l’éditeur !

Graphiquement, pas de surprise, si vous connaissez l’autrice, vous retrouverez sa patte et ses gimmicks partout, des grands yeux ronds de l’héroïne à ses SD super drôles et tout choupis. Le dessin est assuré, après on aime ou on n’aime pas ses visages très rond et ses grandes bouches hyper expressives sur des personnages qui changent de tête presque à chaque case. Mais l’écriture est dynamique, les planches sont vives quand il le faut, sombres également quand c’est nécessaire. Ça se lit très très bien. On sent qu’on est avec une autrice qui a de la bouteille ! J’aime toujours autant lire les petits blablas de l’autrice et découvrir les crayonnés de ses couvertures. C’est une mangaka dont j’aime beaucoup les compositions graphiques et la plume.

Sans surprise, Don’t fake your smile fut donc une lecture riche en émotion. J’ai été ébranlée par ce qui arrive à l’héroïne et son groupe d’amis. J’ai été touchée par leur caractère à chacun. J’ai trouvé que l’autrice savait utiliser un ton juste pour parler d’un sujet dur mais sans pour autant tomber dans le misérabilisme et le mélodrame, deux sentiments que je n’aime pas beaucoup. Ici, elle apporte une petite touche de légèreté et de fraicheur par moment qui permet de mieux vivre ses moments difficiles sans pour autant édulcorer ce qui leur arrive à tous. C’est assez fort, je trouve.

Tome 2

Aoki Kotomi continue à confirmer tout le bien que je pense d’elle dans ce tome à l’écriture tout sauf simple où elle continue à revenir sur l’agression de Niji et ses conséquences.

Comme dans le premier tome, j’aime énormément la façon dont l’autrice écrit et développe ses personnages dans cette série. Elle a fait le choix de nous présenter des personnages humains et réalistes, donc qui sont loin d’être parfait à l’exemple de Gaku, le goujat du tome ! D’habitude quand on est auteur, on aime que les lecteurs apprécient nos personnages phares à moins d’avoir bâti l’histoire sur des anti-héros. Mais ici, Gaku est l’exemple typique du jeune mâle qui n’a pas la bonne vision des femmes et des relations avec celles-ci et sans le vouloir, il a parfois des actes et propos totalement déplacés. L’autrice le souligne et veut faire comprendre aux lecteurs que ce n’est pas normal, pas normal de minimiser ce qu’a subit Niji même pour la réconforter, pas normal de l’embrasser sans son consentement même si on est amoureux et qu’on croit qu’elle n’est pas contre, pas normal non plus de la croire à nous comme si c’était un objet.

En cela, Hiyori est un très beau contrepoids, car il comprend bien mieux Niji et les femmes en général que son camarade. Avec lui, nous avons une figure masculine faisant preuve d’un beau féminisme naturellement, sans forcer. Il se met à la place des autres, cherche à les comprendre et ne leur impose pas ses sentiments ou ses désirs. J’aime énormément ce personnage et j’espère qu’on le verra plus par la suite et pas juste comme sidekick comme c’est un peu le cas en ce moment. Pour revenir au sujet « d’être une femme de nos jours », c’est vraiment très bien abordé par l’autrice à nouveau dans ce tome, à travers les conséquences de l’agression sur la psyché de Niji, mais également à travers son propre caractère. On est face à une fille qui déjà naturellement dénonce les petits jeux de séduction et de pouvoir de certain(e)s au nom du bien être des autres. Mais surtout nous sommes avec une jeune fille, forte en apparence, qui pourtant n’arrive pas à surmonter son trauma. Il lui faut réapprendre à faire confiance, trouver le bon équilibre entre confiance et méfiance. Prendre les transports en commun est dur, être aidée, touchée, abordée par un homme la pousse à se poser mille questions. L’autrice ne nous épargne pas et c’est assez réaliste.

Reste cette pointe de thriller autour du coupable de l’agression qui avait été introduite brièvement dans le tome précédent et qui revient ici. Ça me met très mal à l’aise, ce qui est sûrement voulu. Cela permet d’introduire un nouveau personnage vraiment inquiétant à l’attitude plus qu’ambigüe dont j’espère vraiment me tromper sur le rôle dans tout ça sinon ce serait extrêmement glauque. J’attends donc de voir comment son rôle dans tout ça va être développé pour asseoir mon jugement mais pour le moment, il me dérange vraiment.

Ce nouveau tome prouve encore que l’autrice ne tombe pas dans les pièges propres à ce genre d’histoire d’habitude dans les mangas. Ici, c’est vraiment traité avec réalisme, sans épargner les personnages pour autant, on montre très bien leurs failles et faiblesses, et tant pis c’est c’est pas beau à voir. J’approuve !

Tome 3

Je ne peux pas dire que ce soit mauvais, c’est même au contraire carrément excellent mais pour autant ce tome m’a franchement mise mal à l’aise !

Aoki Kotomi met le doigt sur le comportement toxique et masculiniste de certains hommes, comme l’a rarement voire jamais fait une autrice de shojo manga. C’est excellent ! Le chapitre d’ouverture qui fait entendre la voix de Niji pendant que Gaku, le garçon qu’elle aime pourtant, l’embrasse de force est magique ! On entend un discours où l’héroïne elle-même se sent piégée. Piégée entre ses sentiments pour le garçon qu’elle aime et le constat qu’elle est obligée de faire sur son attitude qui n’a rien de saine puisqu’il l’embrasse de force. Elle réalise en plus qu’il l’a toujours prise à la légère et n’a jamais été honnête avec elle parce que c’est « une fille ». J’ai trouvé ce moment extrêmement bien fait, bien mis en scène et décortiqué, mais il m’a mis terriblement mal à l’aise et m’a une nouvelle fois fait réaliser que je n’aime pas Gaku.

Gaku, c’est vraiment la figure du héros qui m’agace profondément. Il est égoïste, égocentrique, immature. Il a d’énormes œillères sur les yeux et il a beau dire qu’il aime Niji, au final, il ne l’écoute jamais. Du coup, je comprends la colère et le malaise de celle-ci. Je ne sais pas ce que l’autrice a prévu pour la suite mais il serait bien de faire évoluer ce personnage et montrer ainsi une prise de conscience masculine sur la condition des femmes.

La condition des femmes est justement à nouveau traité dans ce tome par l’intermédiaire de deux autres moments clés. Il y a d’abord, la très belle diatribe de Niji envers Hiyori où elle lui demande s’il aurait fallu qu’elle soit violée pour qu’on la prenne au sérieux. Et c’est exactement ça malheureusement. Trop de violences faites aux femmes sont minimisées parce que ce ne sont pas des viols et ce n’est pas normal ! Merci à l’autrice de le souligner. Et puis, il y a aussi le très beau thème de la reconstruction qui est abordé avec une héroïne qui cherche à faire à nouveau confiance à ses sentiments et à son corps mais qui explique bien combien c’est compliqué de passer outre le traumatisme même si elle le voudrait. J’ai été terriblement touchée par la détresse de Niji. Cette scène sur le quai de la gare est déchirante !

Heureusement toute cette atmosphère pesante, qui est renforcée en plus par le rôle plus qu’ambigu de M. Kiryu, est relativisée à plusieurs reprise grâce à des touches d’humour bien distillées. J’avais peur que ça donne faux ou que ça tombe au mauvais moment, ce qui aurait dilué le propos, mais pas du tout, l’autrice gère ça à merveille.

Cependant, je suis un peu triste du rôle d’Hiyori dans ce tome. Je l’ai trouvé particulièrement en retrait malheureusement au profit du « couple », alors que quand il est présent, il crève l’écran. Lui aussi, son ambigüité due aux sentiments qu’il cache et tente d’étouffer, lui fait prendre de mauvaises décisions et rend ses actes pas toujours très corrects. Mais je ne peux m’empêcher de lui pardonner quand je vois ce qu’il traverse et j’ai très peur pour lui pour la suite.

Une nouvelle fois, Aoki Kotomi a frappé fort dans ce tome, pourtant bien trop court (155 pages…). Elle aborde comme jamais la condition des femmes et son message a une valeur universelle, car il ne faut pas croire que ce qu’elle relate n’a lieu qu’au Japon. C’est d’autant plus fort !

Tome 4

Décidément cette série est peut-être la plus aboutie de l’autrice, celle la plus inspirée en matière de messages à transmettre. C’est fou une telle évolution quand on se rappelle ses premières séries.

Pourtant ce tome n’est pas mon préféré de la saga, loin de là. Il a su me mettre mal à l’aise plus d’une fois et me déranger même avec l’orientation qu’il prend. Alors que je voyais une série centrée sur Niji, ce qui lui était arrivé et sa reconstruction, j’ai eu l’impression qu’on basculait de plus en plus, ici, sur un récit concernant Hiyori et son coming-out. Qu’on ne me fasse pas mentir, j’aime beaucoup le personnage, je le trouve extrêmement beau et touchant et j’aime la relation de confident qu’il a auprès de Niji et Gaku, ainsi que le masque qu’il se sent obligé de porter. Mais l’orientation que prend son histoire depuis l’implication de leur prof me dérange vraiment…

J’ai ressenti un puissant sentiment de malaise autour de ce dernier. Ah, ça l’autrice le met parfaitement en scène. Elle l’a introduit comme potentiel agresseur de Niji. Elle poursuit en le rendant extrêmement glauque et inquiétant, tel un vautour qui tourne autour de ses proies avant de frapper. Et là, il a planté ses serres dans Hiyori, le plus faible de la bande. Il m’inquiète énormément. Et en même temps, j’ai beaucoup aimé qu’il pousse notre jeune lycéen à agir de la sorte à la fin du tome. C’est très ambivalent. J’espère vraiment que l’autrice nous prépare quelque chose de sensationnel autour de lui pour casser cette image dérangeante qu’il porte, parce que s’il est juste question de repentir, ça ne passera pas…

A l’inverse, je trouve la trajectoire de Gaku de plus en plus chouette. Ce garçon, ado on ne peut plus banal, qui ne pensait qu’à lui, comme bien des garçons de son âge, est en train de changer. Il tient de plus en plus compte de ce qui est arrivé à Niji pour mieux se comporter avec elle et ne plus être le petit macho qu’il était. La scène lors du changement d’uniforme est très parlante et encore plus celle où il la défend face à ceux qui l’accusaient d’avoir bien cherché son agresseur. Ce furent de très beaux moments, vraiment forts, où des paroles importantes ont été tenues. Elles montrent combien il a changé et cela explique aussi les sentiments qui naissent en Niji. Il y a vraiment, là, la promesse d’un très joli couple même s’il aura encore bien des difficultés et traumas à surmonter.

Dans ce nouveau tome, Aoki Kotomi joue encore à merveille avec la dramaturgie de la double histoire qu’il a mis en place, celle d’une femme agressée qui doit se reconstruire d’un côté, et celle d’un homme qui vit derrière un masque, ne pouvant faire son coming out, de l’autre. Je n’adhère pas forcément à tous les ressorts scénaristiques mais l’autrice a le mérite de me remuer et de me faire réfléchir, la preuve que c’est un excellent titre.

Tome 5

Arrivée à mi-chemin dans la série, l’autrice nous annonce qu’elle se met en mode « romance » et c’est pour moi une première petite déception qui me fait ressortir partagée de ce tome en plus terriblement court puisqu’il se termine à nouveau (!) par une nouvelle qui n’a rien à voir…

J’ai déjà lu des romances de l’autrice et en général, je les apprécie, mais ici, je suivais le titre pour autre chose qu’une banale histoire d’amour entre deux ado et le fait qu’elle cherche absolument à rentrer dans ce cadre m’a vraiment gênée ici.

Heureusement il y a quelques bonnes idées sur la gestion du trauma d’une fille qui s’est fait agresser. L’autrice montre à raison la façon dont l’autre doit réagir et accepter la personne traumatisée avec tout ce que cela englobe, en allant à son rythme et en acceptant ce qu’elle désire ou non. C’était poignant et cela a permis de montrer un Gaku plus mature. L’autrice l’utilisant pour mettre en scène un garçon banal qui doit apprendre à prendre plus conscience des autres autour de lui et ainsi à murir. C’est normal de le trouver pénible et autocentré et c’est agréable de le voir évoluer.

Malheureusement, je ne suis toujours pas fan de cette romance entre Gaku et Niji. Ça me dérange vraiment cette envie de l’autrice d’écrire quelque chose de fleur bleue ici, ça crée un décalage pour moi qui ne colle pas avec le reste de la série. J’ai également été dérangée de la voir « se forcer » pour lui par rapport à des pseudo attentes que pourrait avoir un garçon amoureux. Je n’ai pas aimé la mise en scène. Je lui ai trouvé le cul entre deux chaises, ça se veut romantique mais c’est impossible avec quelqu’un qui a vécu ce qu’a vécu Niji.

Du coup, la mise en scène autour du couple ne m’a pas du tout plu. Elle s’inspire trop des shojos romantiques classiques habituels : on se déclare, on s’embrasse, zut il ne faut pas que ça se sache, on le cache… Et n’a pas sa place ici. En plus, cela occulte Hiyori qu’on ne voit presque pas dans ce tome alors que c’est l’une des clés de la série pour moi. Et quand on le voit, l’autrice gère mal l’évolution des émotions de celui-ci pour pondre quelque chose de vraiment dérangeant, trop dramatique et limite malsain. J’ai l’impression qu’elle tombe dans le cliché que parce qu’il est homo il lui faut quelque chose de glauque. Alors certes ça se voyait autrefois dans une certaines veines de BL et de shojo mais ça a évolué depuis et elle aurait pu écrire une plus belle histoire pour lui quand même.

Je commence donc à être déçue par l’évolution de la série. Si le fond me plait, j’aime qu’on parle d’une jeune fille ayant été agressée et qui essaie de reprendre le cours de sa vie, la façon dont c’est fait est bien trop maladroite depuis quelques temps pour me satisfaire. Entre romance bateau et inappropriée, clichés qui n’ont pas lieux d’être et personnages homosexuels écrits sans nuance, il y a de quoi être déçu. J’espère que la suite va redresser la barre et retrouver le tact du début.

Tome 6

J’ai vraiment entendu tout et n’importe quoi sur ce tome alors j’avais terriblement peur d’être déçue. Ce fut tout le contraire. Comme quoi parfois, il vaut mieux ne pas écouter les autres…

Non, ce n’est pas un tome où il ne se passe rien au contraire, c’est un tome tout en intériorité et riche en belles avancées. L’intrigue se partage à nouveau en deux parties : Niji et Gaku d’un côté, Hiyori et son professeur de l’autre.

Ces derniers m’ont fait craindre le pire avec leur présence plus que malaisante en couverture. L’attitude soumise voire victimaire de l’un et dominatrice de l’autre m’a vraiment perturbée. Heureusement l’intérieur est d’un tout autre tenue. Bien que m’ayant mise mal à l’aise dès le début, je commence à trouver leur relation de plus en plus riche et subtile. Le professeur est certes toujours aussi ambigu, ce qui fait qu’on peut le percevoir comme un danger, mais j’ai l’impression qu’il cache tout autre chose. Et la façon dont il approche Hiyori, tente de le consoler et de le faire avancer, est peut-être maladroite mais elle fait sens aussi. Alors je reste en suspens les concernant.

Le gros morceau du tome cependant, contrairement à ce que la couverture pourrait faire croire, ce sont Niji et Gaku qui tentent de bâtir une relation en surmontant à la fois le traumatisme de l’agression de Niji mais aussi les sales rumeurs de leurs camarades du lycée qui ne sont pas capables de se mêler de ce qui les regarde. L’autrice interroge donc à nouveau sur notre part de liberté vis-à-vis de la société. Ne s’empêche-t-on pas de vivre comme on le voudrait par peur du regard des autres ? Elle interroge bien sûr aussi encore et toujours sur ce qu’a vécu Niji avec la sempiternelle question : est-ce qu’elle l’a cherché d’une façon ou d’une autre ? Et cette question volontairement provocatrice trouve une réponse belle, courte et particulièrement efficace. Ces questionnements sur notre société sont vraiment la grande force du titre.

Parce qu’en revanche, la romance avance très très lentement et maladroitement. Gaku prend son temps pour ne pas la brusquer après ce qu’elle a vécu, mais il se montre presque trop prévenant. Ils ne veulent pas s’afficher de peur des rumeurs mais c’est encore pire quand ils se cachent pour se voir. Certes cela donne des scènes qui se veulent romantiques et déchirantes avec un lenteur qui nous donne presque l’impression de suivre des ralentis sur les moments clés de l’évolution de leur relation. Mais tout ce désir contenu, cette passion qui effleure, c’est presque trop et la frustration est bien là. Frustration partagée par les deux personnages, mais là où Niji se contente de quelque chose de presque platonique, on sent bien que c’est plus compliqué pour Gaku. C’est là où je trouve l’autrice un peu maladroite pour le moment, mais je ne demande qu’à être démentie, parce que quand elle montre les désirs de celui-ci elle file vraiment les chochottes, le présentant presque comme un potentiel criminel… Dérangeant…

Malgré les maladresses que je perçois dans l’écriture et la mise en scène de la série parfois, celle-ci n’en reste pas moins un très beau titre qui met en avant des questions importantes à soulever à notre époque et qui auraient dû l’être bien avant. Une oeuvre sociétale à lire !

Tome 7

Décidément cette série est vraiment troublante et le sera de bout en bout, je crois. Avec sa double intrigue permanente, elle me fascine par la justesse de son traitement de la post-agression mais me met très mal à l’aise dans la représentation d’une victime d’emprise.

Ainsi Kotomi Aoki sonne toujours très juste pour moi avec le personnage de Niji, dont la romance avec Gaku est au coeur de ce tome. Celle-ci a vraiment envie de faire évolution leur relation. Elle a envie qu’elle soit plus charnelle. Mais comment surmonter ce traumatisme encore bien présent que fut son agression ? Le garçon est patient mais la jeune fille l’est moins. C’est un difficile équilibre à trouver et le fait d’entendre en permanence les pensées de l’un et de l’autre à ce sujet rend le traitement de tout ça très subtile et honnête à la foi. J’ai juste été déçue de la brève tentative d’ajouter une tension inutile avec l’ajout ponctuel d’une pseudo rivale. Ça n’apporte pas grand-chose, même si l’autrice évite la plupart des écueils.

En revanche, du côté de Hiyori, je suis plus perplexe. Depuis le début, sa relation avec M Kiryu me gêne, ou plutôt la façon dont l’autrice la présente me gêne. Je ne vois pas où elle veut en venir. Tour à tour, elle tente de nous présenter Kiryu comme quelqu’un qui porte un masque et n’est pas aussi trouble qu’on pourrait le croire, notamment ici quand elle évoque son passé. Et en même temps, elle fait intervenir une nouvelle personne qui semble en savoir long sur lui et pas dans le bon sens. Elle insinue aussi qu’il pourrait être responsable de l’agression de Niji. Alors, il faudrait savoir, bon sang, parce que c’est hyper perturbant de ne pas savoir sur quel pied danser.

Hiyori, lui, a fait son choix de manière totalement bancale, ce qui est déchirant. Il sait qu’il est sous emprise, mais faute de pouvoir recevoir « de l’amour » ailleurs, il préfère ça que rien du tout. C’est flippant. J’ai vraiment de la peine pour lui et je trouve dommage d’une certaine façon que l’on retombe dans le cliché du jeune homosexuel perdu qui tombe dans les serres d’un prédateur, même si je sais que ça existe bien. C’est juste que j’aime tellement le personnage que je lui aurais souhaité un autre destin. Mais je me dis que peut-être l’arrivée, en toute fin de tome, de ce nouveau personnage connaissant Kiryu pourrait changer la donne, du moins je l’espère !

Ainsi, Kotomi Aoki n’épargne toujours pas notre coeur, ni notre âme, avec ce shojo à l’aura sociétal bien rude et réaliste. Oui se reconstruire, c’est dur, le traumatisme reste là longtemps et c’est dur aussi pour ceux près de nous qui ne peuvent aider. Oui, on peut tomber sous l’emprise de quelqu’un sciemment tant le poids de la solitude est dur. Quelle oeuvre forte !

Tome 8

Quel excellent tome une fois de plus ! Ayant été prévenue, je l’ai quasiment lu en apnée, m’attendant à tout moment à LA révélation choc et j’en ai eu une mais il en reste encore à venir. L’autrice est terrible de ménager un tel suspense !

Mais au-delà de cette qualité de page-turner indéniable de l’oeuvre, celle-ci est surtout très importante pour le message envoyé sur les victimes d’agressions sexuelles. Aoki Kotomi frappe fort à nouveau en dénonçant le mal être terrible des victimes encore après, quand tout le monde peut croire que ça va bien, ou plutôt quand tout le monde veut le croire, forçant la victime à jouer le jeu. Le discours brut de Niji quand elle se confie enfin m’a déchiré l’âme. On voit à travers elle combien les mots ont de l’importance, tout comme l’image qu’on veut que les autres aient de nous. Ce poids avec lequel elle vit pour correspondre à leurs attentes de ce qu’est « une victime » et du parcours qu’elle doit suivre pour se reconstruire est effrayant. Bravo à l’autrice de réussir à poser les mots là-dessus et à le dénoncer. C’est important !

Quant à l’oeuvre, en plus de cette dimension de porte-parole, elle est aussi diablement palpitante à suivre. L’arrivée d’une autre victime, dans ce tome, qui a subi la même agression que Niji des années plus tôt, relance totalement l’intrigue et l’enquête. Depuis le début un coupable tout désigné se dessine, mais n’est-ce pas un peu trop facile. Le doute s’est emparé de moi pendant toute ma lecture. J’ai envie de croire ces femmes qui pensent que c’est lui car il faut bien avouer qu’il a un comportement plus que suspect voire toxique. Et en même, je me dis qu’il fait un peu trop le coupable idéal et je m’interroge. Ne serait-il pas lui aussi une victime ? Mais s’il est bien le coupable, mon dieu, que c’était bien pensé et bien écrit car clairement dès qu’il entre en scène, on étouffe et on a des frissons d’angoisse tant il est glauque.

Cette oeuvre est aussi terriblement humaine et ce tome ne démord pas à la règle. J’ai bien sûr été très émue par Niji comme je l’ai dit plus haut mais il y a aussi le cas Hiyori. Ce garçon homosexuel qui vit mal son coming-out, qui se retrouve isolé, qui est entré en connaissance de cause dans une relation qui semble toxique faute de mieux, et qui malgré tout est magnifique. Il défend Niji comme personne avec Gaku et m’émeut vraiment par cette ambivalence entre force apparente et détresse intérieure. Gaku aussi a bien évolué. Il a compris le poids de ses mots et de ses actes. Ce n’est plus le garçon centré sur lui-même et imbuvable qu’il était mais il fait peur aussi et j’espère que l’autrice ne cédera pas à la tentation d’en faire une caricature dans l’ultime chapitre de son histoire.

Ce nouveau tome m’a une nouvelle fois bouleversée. Je suis l’autrice depuis ses débuts en France et quelle évolution ! Cette série fera date. Elle est à mettre entre les mains de tous les adolescents et plus pour son message très fort et important. Mais en plus, elle est superbement écrite et est un thriller très intelligemment conçu, maintenant son suspense jusqu’au bout d’une manière angoissante et toxique. Quelle pépite !

Tome 9 – Fin

Il est l’heure de tirer le bilan sur cette oeuvre à part dans la production de Kotomi Aoki, une des reines du shojo lycéen on ne peut plus classique et donc pas toujours respectueux de ses héroïnes et avec de fortes tendances à déranger (cf son titre avec une romance entre frère et soeur…). Si le propos ici fera date, car c’est l’un des premiers dénonçant les violences faites aux femmes, édités chez nous, il y aurait à redire sur la réalisation de ce propos, surtout dans ce dernier tome.

Je suis en effet assez mal à l’aise quand il s’agit d’évoquer ce dernier tome. En effet, l’autrice a certes était au bout de son propos visant à dénoncer un type ayant agressé des femmes et à dénoncer les réactions virilistes de certains hommes qui ne réalisent pas combien ils sont alors à côté de la plaque, elle a aussi décrit avec un certain réalisme les conséquences d’une agression sur une jeune femme. En revanche, elle a mis bien trop de mélodrame pour ce faire et ce dernier tome est particulièrement maladroit en ce sens.

J’ai été très déçue de la manière dont tout se résout. J’ai trouvé cela beaucoup trop rocambolesque et maladroit, sans un brin de réaliste. L’idée que Gaku prenne tout en main pour s’en prendre au coupable et lui faire payer est ridicule. L’idée qu’Hiyori, meilleur ami de Niji, la victime, aime le coupable tout en sachant qu’il est coupable me reste fortement en travers de la gorge. Alors que Kotomi Aoki est juste dans sa description de ce que traverse Niji, elle tombe beaucoup trop dans la facilité du sensationnalisme en ce qui concerne les garçons. Je n’aime pas. Bien sûr, il a fallu qu’elle invente un passé de victime au coupable, comme si les violeurs étaient forcément tous des victimes… Et bien sûr, personne n’est puni au final. Je n’aime pas. J’ai la même frustration qu’avec En proie au silence. Décidément, il y a encore du boulot à faire au Japon pour défendre les droits des femmes.

Pour autant, je suis contente d’entendre l’héroïne dire qui rien ne justifie ce qu’elle a subi. J’ai été contente d’entendre Gaku prendre conscience de la bêtise et l’égoïsme de ses actes. Tout n’est donc pas à jeter. Nous avons également droit à une belle évolution de Niji qui veut reprendre sa vie en main et lutte au quotidien contre ses peurs pour avancer. C’est beau. Sa première fois toute en douceur et maladresse avec Gaku est très joliment manqué, avec émotion et bienveillance. J’ai également beaucoup aimé les voir quelques années plus tard avec leur enfant et entendre parler d’une école donnant des cours à ses jeunes élèves pour leur apprendre à se défendre et à ne laisser personne toucher leur corps. On est donc sur la bonne voie.

Même si Don’t fake your smile n’est pas ma série préférée de l’autrice, j’ai plus vibré avec Lovely Love Lie, désolée, elle reste en revanche celle au message le plus fort, le plus important. L’autrice y a parfaitement écrit et développé son personnage de victime et elle a su dénoncer des comportements ordinaires qui posent vraiment problèmes. Elle montre aussi le chemin qu’il y a encore à faire dans notre société. Cependant, elle laisse trop au bord de la route ce pauvre Hiyori, l’homo du groupe, et je n’ai jamais ressenti le petit truc en plus pour le couple principal, il m’a toujours manqué quelque chose. C’est pour ça que même si c’est une oeuvre importante, elle n’est pas non plus un coup de coeur pour moi.

Bonus : J’ai adoré retrouver une dernière fois les Crude Play et Mush dans les ultimes pages. J’y ai ressenti bien plus d’émotion que dans les pages de Don’t fake qui ont précédé ><

8 commentaires sur “Don’t fake your smile de Kotomi Aoki

  1. J’ai bien aimé aussi. Ça reste un peu léger car on ne sait pas vraiment ce qu’il s’est passé, je m’attendais à du plus trash (mais bon c’est un shoj^^), donc j’espère quelque chose de plus fort par la suite. Un bon démarrage en tout cas !

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      1. Ouais, je comprends, moi j’adore ça…J’dois avoir un coté malsain xD

        Mais oui, le démarrage est très bon. faut que j’en parle bientot d’ailleurs ^^

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