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Le Dévoreur de souvenirs de Kyoya Origami et Nachiyo Murayama

Titre : Le Dévoreur de souvenirs

Auteur : Kyoya Origami (scénario) et Nachiyo Murayama (dessins)

Editeur vf :  Delcourt-Tonkam (Moonlight)

Année de parution vf : 2020

Nombre de tomes vf : 2 (série terminée)

Histoire : Ryôichi, étudiant, mène des recherches sur les légendes urbaines et s’intéresse à la façon dont elles sont propagées. Alors que plusieurs personnes perdent étrangement la mémoire autour de lui, il entend parler d’un mystérieux monstre, le Kiokuya, qui se nourrit de souvenirs. Mais ce Kiokuya existe-il vraiment ? Et pourquoi chercherait-il à effacer la mémoire de ceux qui viennent le voir ?

Mon avis :

Tome 1

Depuis sa sortie, la collection Moonlight de Delcourt-Tonkam a son petit succès sur la blogosphère. Offrant de titres tranches de vie un peu âpres et tourmentés, ils changent des tranches de vie plus léger auxquels on est habitués chez l’éditeur. Le dévoreur de souvenirs est ma première incursion dans cette collection.

Courte série composée de 2 tomes parue en 2017 au Japon, que l’éditeur français a fait le choix de sortir d’un coup en intégralité, elle est également pour moi de découvrir le travail d’un duo d’auteurs que je ne connaissais pas : Kyoya Origami au scénario et Nachiyo Murayama aux dessins, dont j’ai l’impression que c’est ici la première oeuvre. Pour autant, en lisant ce titre, aucune impression de lire une oeuvre de débutant ne se fait sentir bien au contraire. Nous sommes en présence d’un titre abouti et travaillé aussi bien graphiquement que scénaristiquement.

L’histoire est simple, elle s’inspire d’une légende urbaine, comme on en trouve plein au Japon, celle d’une entité qui dévorerait les souvenirs des gens qu’elle croise : le Kiokuya. Le héros de l’histoire, Ryûichi, un étudiant, croise par deux fois dans vie des jeunes filles « victimes » de cette entité. Agacé par ce qu’il considère comme un crime, il décide de mener l’enquête.

J’ai d’emblée beaucoup aimé la tonalité de la série : grise, urbaine, lente et un peu mélancolique. La teinte thriller est également très inspirée et se marie merveilleusement bien au cadre de l’histoire. Nous sommes dans une dynamique de mystère, d’incertitude, de flou, d’inquiétude aussi un peu avec des incidents qui se produisent plusieurs fois autour du héros, qui a de quoi se demander pourquoi c’est toujours lui.

Suivre ainsi le déroulement autour d’une légende urbaine est très intéressant. On en voit d’abord la naissance dans l’esprit dans gens avec cette transmission de bouche à oreille. On en voit les réminiscences des années plus tard de manière un peu fortuite. Puis, on y est directement confronté. On se met ensuite à faire des recherches, impliquant à nouveau bouche à oreille, sites internet et réseaux sociaux. C’est très bien construit et le lecteur sent une certaine emprise avec sa réalité malgré la touche fantastique de l’histoire.

Le fantastique fut d’ailleurs l’un des éléments que j’ai beaucoup aimé ici. Il est intégré au scénario par petites touches discrètes qui prennent peu à peu de l’ampleur. Graphiquement, j’aime beaucoup comment est représenté ce dévoreur de souvenirs et ce qu’il fait. C’est très poétique. Il suffit d’ailleurs de regarder la couverture pour se faire une idée avec ces nuages qui semblent s’échapper du héros, de son quotidien et de son environnement pour venir cacher ce qu’il ne veut peut-être plus voir.

Cela m’amène au fameux thème au centre de toute cette histoire : la gestion de nos traumatismes et de leurs souvenirs. Car si on parle tant du Kiokuya, c’est parce qu’il n’efface pas n’importe quels souvenirs mais ceux qu’on ne peut plus supporter et qu’on aimerait bien qu’on nous efface pour continuer à vivre. Or le héros oppose une toute autre conception, lui. Pour lui, effacer les souvenirs de quelqu’un c’est forcément le changer, lui faire oublier des relations qu’il a noué, des moments qui ont forgé son caractère et ça l’empêche également d’évoluer, de grandir, d’apprendre à surmonter tout ça. Il est donc contre l’action du Kiokuya. A l’inverse, l’avocat qu’il va rencontrer et avec qui il va mener l’enquête, lui, est pour l’intervention de cette entité selon les moments. Il estime qu’il faut ainsi parfois aider les gens pour qu’ils ne sombrent pas et ne fassent pas de bêtises à cause d’un trauma. Il pense qui si on a déjà sauvé quelqu’un, il faut tout faire pour empêcher une rechute. Deux visions qui se comprennent humainement mais qui s’opposent et sur lesquelles les auteurs nous proposent de réfléchir.

Ce thriller urbain fut donc pour moi une lecture vraiment intéressante. Si je trouve les personnages peut-être un peu lisses et transparents par rapport aux thèmes, ces derniers en revanche me plaisent énormément. J’ai beaucoup aimé le travail fait autour de l’ambiance de cette légende urbaine pour lui donner une teinte très spécifique qui se marie bien avec le thème de la gestion des traumas. Si le second tome est dans la même veine, ce titre sera une très belle surprise.

(Merci à Sanctuary et Delcourt-Tonkam pour cette lecture.)

Tome 2

Après un premier tome qui m’avait vraiment emballée, le soufflet est un peu retombé dans ce second tome, sorti en même temps, qui reprend les mêmes ingrédients mais ne pousse pas plus loin. Dommage.

Aux côtés de Ryôchi, on poursuit l’enquête pour découvrir qui est le kiokuya et ce qu’il veut, sauf que celle-ci s’embourbe un peu au fil des pages. Je n’ai pas retrouvé l’enthousiasme que j’avais ressenti dans le tome 1. Les étudiants avec qui cherche Ryôchi sont transparents. Les auteurs ne prennent pas le temps de les développer. Cela manque d’ambition.

En fait, les mangakas se contentent de repartir sur les mêmes bases : évoquer un ou deux cas de personnes ayant perdu la mémoire, suivre Ryôchi qui enquête et se fait embêter par sa petite voisine, mais ça s’arrête là. Les seuls personnages un tant soit peu développés sont le héros et son amie d’enfance. Alors même si j’ai aimé le cadre de la légende urbaine, la thématique de la mémoire et la teinte fantastique, je suis quand même cruellement restée sur ma faim dans ce dernier tome.

J’ai très vite senti venir le dénouement. Je n’ai pas ressenti la surprise attendue. J’ai de plus trouvé le final précipité, ce que l’auteur confirme à demi-mots dans les dernières pages. Par contre, j’ai beaucoup aimé sa teinte douce-amère, il fallait oser conclure ainsi. Je ne suis cependant pas sûre que ça plaise à tout le monde.

Après un très bon début, la suite et fin du Dévoreur de souvenirs déçoit par son absence de développement. J’en attendais tout autre chose. Cela restera un titre tout à fait oubliable malheureusement…

Ma note : 14 / 20

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© Kyoya Origami KADOKAWA / © 2018 Nachiyo Murayama SQUARE ENIX CO.,LTD / ©2020 Groupe Delcourt

11 commentaires sur “Le Dévoreur de souvenirs de Kyoya Origami et Nachiyo Murayama

  1. Le travail réalisé autour de l’émergence de cette légende urbaine a l’air intéressant d’autant que transposable…
    Grâce aux visions antagonistes du héros et de l’avocat quant à l’intervention de ce dévoreur de souvenirs, l’auteur semble également soulever des questions quasi philosophiques qui ne manquent pas d’intérêt et qui promettent de nous faire cogiter, ce que j’apprécie toujours 🙂

    Aimé par 2 personnes

  2. La portée philosophique de cette oeuvre aurait mérité un dénouement final mieux pensé. En refermant le deuxième tome, j’avais cette impression d’un choix de facilité, notamment avec la dernière intervention du …. qui remet les « pendules à l’heure ».

    Il s’agit d’une oeuvre qui m’a poussé à réfléchir sur des questions que je n’avais jamais osé me poser. Vaut-il mieux oublier ou vivre avec ses peines ? Serais-je plus heureux sans savoir tout ce que je sais ? …

    Il faut savoir qu’il s’agit de l’adaptation d’un roman. Il n’est donc pas évitant pour le mangaka d’aller plus loin que ce que l’auteur original a écrit.

    Aimé par 1 personne

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