Titre : Goodbye my Rose Garden
Auteur : Dr Pepperco
Editeur vf : Komikku
Année de parution vf : 2020-2021
Nombre de tomes vf : 3 (série terminée)
Histoire : Angleterre, 1900. Hanako, jeune servante, est venue d’Asie dans l’espoir de rencontrer son idole, l’écrivain Victor Frank. Alors qu’elle l’attend devant sa maison d’édition, elle croise Alice, critique littéraire, qui lui propose de travailler chez elle. La maîtresse de maison lui fait alors la promesse de lui faire rencontrer l’auteur si Hanako accepte de la tuer.
Mon avis :
Tome 1
Depuis quelques années, les éditions Komikku ont un catalogue aux thèmes qui me parlent, c’est donc toujours avec une certaine curiosité que je regarde leurs nouvelles acquisitions. Alors quand on me vent une histoire se déroulant dans une ambiance d’Angleterre victorienne, moi qui adore cette période, j’ai forcément très très envie de le découvrir.
Goodbye my Rose Garden de Dr Pepperco se présente comme une courte série de 3 tomes où nous allons suivre une jeune japonaise, Hanako, qui s’est rendue à Londres dans l’espoir de pouvoir présenter son roman à l’auteur qu’elle vénère : Victor Frank. Sauf que la société anglaise n’est pas plus ouverte que le japonaise, elle se retrouve donc à la rue et ne tient son salut qu’à la main secourable que lui a tendu la belle et noble Miss Alice. Celle-ci, passionnée de livres tout comme elle, l’embauche à son service comme femme de chambre, sauf qu’un soir elle lui demande de devenir sa complice à l’aidant à se tuer !
Les premières pages de ce titre peuvent être trompeuses. On a l’impression d’être dans la même veine de titres qu’Arte, Isabella Bird, Les fleurs de la mer Égée, etc. L’ambiance est assez légère, l’héroïne est exubérante et parle fort. Cela pétille de partout et l’auteur nous croque joliment (mais avec pas mal de clichés) la société victorienne. Il faut attendre un peu ou bien lire le sous-texte pour se rendre compte que le titre promet d’être plus profond et plus sombre. Dr Pepperco sous prétexte de nous faire suivre une soubrette dans une ambiance à la Downton Abbey, en profite pour parler de tout autre chose. Il est là pour évoquer la condition féminine mais également les amours homosexuelles, deux sujets complexes à l’époque choisie.
Pour aborder cela, le mangaka s’inspire un peu des héroïnes tragiques des shojo-aï des années 70. Miss Alice sous des abords joyeux ou réservés selon la personne en face d’elle, cache une grande souffrance. C’est une femme de la noblesse enfermée dans le carcan de son rang. Elle est obligée de se comporter d’une certaine façon, de s’habiller comme on l’attend d’elle, et d’aimer qui on lui dit d’aimer. Du moins, c’est ce que son entourage aimerait mais ça la ronge. On découvre ainsi au fil des pages, une jeune femme à fleur de beau, très mal, au point de penser à se donner la mort pour échapper au destin qui l’attend et qu’elle voit comme inéluctable.
Sa rencontre avec Hanako va tout changer. Celle-ci est une jeune japonaise qui est venue en Angleterre pour vivre son rêve. Elle est passionnée par les livres comme Alice et elle aimerait montrer ses écrits à l’auteur qu’elle préfère. Elle pense qu’en Angleterre, elle trouvera une égalité de principe entre les hommes et les femmes mais également qu’il n’y aura pas de préjugés sur la personne pour qui on a des sentiments. Elle se trompe lourdement. Pour autant, elle ne perd pas espoir et de part sa rencontre avec Miss Alice, elle va devenir à la fois une bouée et un roc pour celle-ci. Il va donc se nouer une relation très particulière entre les deux. Hanako étant franche, ouverte et pleine d’énergie, tandis qu’Alice est au bord de la rupture.
Alors qu’au début, j’avais peur de tomber sur quelque chose de trop léger, notamment à cause du dessin très rond qui est même trompeur en ce qui concerne les apparences des personnages car il les fait paraitre bien trop jeunes. Au final, je suis tombée sur une histoire bien plus riche et profonde. J’ai aimé le travail fait sur la psychologie des personnages, aussi bien Hanako et Alice que Edward, le fiancé de celle-ci. J’ai aimé les sujets abordés et la façon franche et honnête dont ils le sont. Cerise sur le gâteau, nous sommes avec un titre fait pour les amoureux des livres. Il y a de nombreuses références, plus ou moins travaillées, sur les auteurs anglais du XIXe : les soeurs Brontë et leurs noms de plume masculins au début, Mary Shelley et son Frankenstein (il suffit de voir le nom de l’auteur préféré de l’héroïne), Oscar Wilde et son homosexualité, etc. On croise également la plus vieille librairie de Londres : Hatchards, une vraie institution. L’ambiance est donc plus sombre et sérieuse que ne le laissait présager la couverture et les premières pages. J’en suis ravie !
Goodbye my Rose Garden est une belle petite surprise. Si je ne suis pas entièrement convaincue par le travail graphique, trop rond et lisse à mon goût, en revanche j’aime beaucoup la force qui s’échappe des paroles et des actes des personnages. C’est un titre vraiment intéressant à lire sur la question des femmes et des libertés sexuelles. Cela augure de belles choses pour la suite même si on sent bien que le drame n’est pas loin.
(Merci à Sanctuary et Komikku pour cette lecture.)
Tome 2
Deuxième tome, deuxième surprise avec un tome encore très émouvant, qui sonne juste, et qui est bien plus mature que ne le laissent penser les dessins tout doux et jeunots de la couverture.
Comme lors du premier tome, l’autrice manie à merveille son décor d’Angleterre victorienne pour livrer une histoire âpre et douce à la fois sur l’homosexualité et les amitiés féminines à une époque où c’était encore interdit par la loi. Le tome s’ouvre d’ailleurs sur le rapprochement avec l’histoire véridique d’Oscar Wilde, et montre ainsi bien les conséquences réelles de tels sentiments. On comprend mieux alors les réactions des parents d’Alice qu’il ne faut pas juger avec notre regard actuel. Ils cherchent vraiment à protéger leur ou plutôt leurs fille(s).
Mais les choses ne sont pas si simples. L’histoire d’Alice et Hanako est entachée de nombreux secrets qui empêchent d’y voir clair dans leur relation et leurs sentiments. Alice a beau s’ouvrir à Hanako sur son passé avec sa professeure, elle lui tait encore son identité d’écrivaine. Hanako, elle, n’ose pas lui révéler qu’elle connait son ancien amour et que peut-être elle éprouve elle aussi des sentiments pour elle. C’est dramatiquement compliqué et parfaitement mis en scène avec beaucoup de douceur et de bienveillance. On ressent vraiment la puissance des sentiments qu’Alice et Hanako éprouvent l’une pour l’autre que ce soit de l’amitié ou de l’amour. Elles sont là l’une pour l’autre et s’acceptent mutuellement, ce qui est le plus important pour chacune.
Alors oui, les obstacles qui s’accumulent devant elles sont rageant. Le poids de la société, des parents, des amis et même des domestiques est lourd à porter. Mais ça ne les empêche pas de vivre une très belle relation. Reste à voir la forme que cela va prendre. Mais pour le moment c’est une vraie réussite de la part de l’autrice qui narre cela avec beaucoup de justesse dans une dramaturgie parfaitement maîtrisée qui n’en fait pas trop dans le pathos comme on pourrait le craindre. Les dessins sont d’ailleurs merveilleux, ils éblouissent le lecteur que ce soit dans les superbes décors naturels qui rappellent certains titres phares de la littérature anglaise, ou dans l’expression des sentiments complexes des héroïnes, qui m’ont beaucoup émue.
Ce titre court, promis pour s’achever en 3 tomes, est donc une parfaite réussite pour le moment. Il traite avec beaucoup de justesse de l’homosexualité féminine au début du siècle dernier en Europe et aborde plus largement les sentiments que la société réprouvait à l’époque que ce soit entre individus du même sexe ou de classes différentes. Superbement tragique et émouvant !
Tome 3
Ayant maintenant achevé ma lecture, je peux dire que cette courte série aura tenu ses promesses de bout en bout pour délivrer un message simple et sensible autour de la question de l’homosexualité dans l’Angleterre victorienne.
Cet ultime volume se déroule avec force et simplicité, l’autrice faisant preuve d’une narration efficace et à toute épreuve où le drame et l’émotion sont parfaitement dosés. Les deux héroïnes tentent de faire face à leurs sentiments avec toutes les difficultés propres à cette époque-là et à leur différence de statut social. Franchement, pour avoir lu pas mal de romans se déroulant à cette époque, Dr. Pepperco est parfaitement crédible. Elle tient vraiment compte de la difficulté d’assumer son homosexualité à une époque c’est encore interdit par la loi. Elle tient également compte de la difficulté pour une femme noble de rompre ses engagements, en particulier ses fiançailles, avec les risques que cela occasionne pour la réputation de sa famille. Tout somme vraiment juste.
On ne peut ainsi qu’être émue par ces deux héroïnes qui mettent tout en jeu pour pouvoir être ensemble. Leurs questionnements sur la forme que cela prendra sont tout à fait légitime et ne rendent que plus beaux les moments volés qu’elles parviennent à passer ensemble. J’ai adoré la douceur dans la représentation de leurs sentiments, leurs étreintes sont très émouvantes. Elles parviennent à trouver une complémentarité rare qui crève l’écran. Elles sont juste trop bien ensemble et ça met du baume au coeur.
Bien sûr tout ça est très romanesque. On se croirait dans une romance historique comme on peut en lire chez J’ai Lu dans leur collection Aventures & Passions. Pour les fans du genre, on retrouve bien les rouages qui font le succès de ces titres, mais quand c’est bien fait comme ici, ça ne dérange pas. Cela montre juste combien l’autrice maîtrise l’histoire qu’elle souhait nous conter. Elle tient un très bon rythme pour une série de cette longueur et si ce n’est un final un peu rapide qui aurait bien mérité quelques pages de plus pour mieux conclure sur le destin des deux héroïnes, le reste est vraiment bien équilibré et mené.
Goodbye my rose garden propose donc une belle revisite à la mode LGBT des romances historiques victoriennes auxquelles je suis habituée. Avec un dessin tout doux et une histoire émouvante parfaitement raconté, le titre peut séduire un large public.
Ma note : 15 / 20
©2020 Komikku
Je ne l’avais pas vu passer, mais cela me fait bien envie, d’autant plus avec ce que tu dis du ton, plus sombre qu’il n’y paraît ! Hop, dans ma wishlist, merci pour la découverte 😉
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Ravie de t’avoir convaincue alors, c’est un titre très intéressant et j’ai peur qu’il passe un peu inaperçu au milieu de toutes ces nouveautés, ce serait dommage ^^!
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Je ne suis pas trop fan de l’époque, mais ce manga a l’air d’être intéressant et j’aime le coup de crayon, donc je vais peut-être revoir mon jugement.^^
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Oh tu n’aimes pas l’époque victorienne ? Dommage mais comme tu le sens bien, le titre va au-delà de ça !
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Non, pas trop.^^ Mais bon, des fois je me force et j’ai de belles surprises.
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La sublime couverture de ce manga avait déjà attiré mon attention, mais après lecture de ton avis, j’ai encore plus hâte de lire ce manga. J’adore tout ce qui a attrait à la société victorienne et si en plus, on nous propose des références littéraires, un duo complémentaire et des thèmes de fond intéressants, impossible de résister…
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Chouette, ravie de te donner envie de lire ce joli titre ☺️
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Ravie de te voir conquise comme moi 🙂
On a apprécié les mêmes choses je dirai
❤ ❤ ❤
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Je ne suis pas surprise. Ce titre a vraiment tout ce que tu aimes en plus 😉
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