Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

L’Enfant ébranlé de Tang Xiao

Titre : L’Enfant ébranlé

Auteur : Tang Xiao

Editeur vf : Kana (Made In)

Année de parution vf : 2020

Nombre de pages : 392

Histoire : Yang Hao, 10 ans, partage son temps entre l’école et les inévitables compositions à rédiger, ses copains, avec qui il joue aux jeux video, et sa vie à la maison.
Yang Hao est à l’âge où l’on fait des choses dont on n’est pas toujours fier et dont on aimerait se repentir. L’âge où l’on fait des rencontres que nos parents n’apprécient guère.
Son père, absent depuis de long mois pour son travail, est enfin de retour à la maison. Ce père qui va venir le chercher après les cours, celui qui va le protéger des plus grands, celui qui va le comprendre…
Du moins, c’est ce qu’imaginait Yang Hao. Mais les choses vont prendre une autre tournure. Une dernière rédaction, avec pour thème « décrivez votre père » va être l’occasion pour Yang Hao de se confronter à la réalité. Faire descendre de son piédestal son père pour s’en construire un « idéal » fait de ses rencontres.
Yang Hao va tout simplement grandir.

Mon avis :

Depuis plusieurs années, je suis assez friande des titres que propose Kana dans sa collection Made In, qui pour moi regroupe des titres d’auteurs, qui sont souvent des oneshots aux thèmes et mises en forme fortes, la preuve avec Undercurrent, qui est l’un de mes titres préférés. L’enfant ébranlé est dans la même veine.

Cette fois, place à un manhua cependant, une bande dessinée chinoise, dessinée et écrite par Tang Xiao diplômé de la Beijing Film Academy en 2011 et qui a sorti son premier livre Summer Vacation en 2014 à Hong Kong avant de remporter le Golden Award de la 12e Japan International Manga Award en 2019. Un jeune auteur définitivement à suivre dont les influences revendiquées sont entre autre Dragon Ball et Saint Seiya, deux dessins animés cultes de mon enfance 😀

Pour ma part, je lis peu de bande dessinée asiatique hors manga et c’est un tort car il y a une vraie richesse dans les productions coréennes, chinoises ou encore taïwanaises et chaque fois que je m’y aventure, c’est une vraie réussite. J’ai par exemple adoré Princesse Vagabonde de Da Xia, Retour aux sources de Hsuan Zuo ou encore Elle qui se laissait dévorer 61Chi. Leur point commun, parler de leur culture et/ou de problème sociétaux encrés dans leur culture. Il en va de même pour L’enfant ébranlé de Tang Xiao.

Dans une petite ville de la Chine des années 90, le jeune Yang Hao partage son temps entre l’école où il adore rédiger des rédactions, ses amis avec qui il joue aux jeux vidéos et sa famille, surtout composée de sa mère puisque son père est le grand absent. Mais cela change le jour où il se fait remarquer pour un de ses textes, qu’il se fait menacer par un autre écolier et que son père rentre. Tout alors se met en branle pour lui prouver que la vie n’est pas immuable mais au contraire qu’elle est très changeante.

J’ai toujours été une fan des récits tranche de vie, surtout quand ils sont bien menés. Ici, le récit de la vie d’écolier et d’enfant de 10 ans Yang Hao m’a beaucoup plus part sa simplicité et son réalisme. Il n’y a rien de flamboyant ici, juste des petits moments de vie que connaissent bien des enfants chinois de son âge dans le même cadre et pourtant c’est passionnant à suivre. On tourne et tourne les pages pour suivre les aventures de ce petit garçon.

Pourquoi ? Parce que Yang Hao est extrêmement attachant. L’auteur a réussi à rendre son héros très réaliste dans sa banalité sans qu’il soit ennuyeux pour autant. C’est juste un garçon de son âge qui aime d’amuser avec ses amis, qui est un brin peureux sur les bords, qui adore écrire pour se vider la tête mais aussi pour délier son imagination, et surtout qui vit dans une drôle de famille.

Celle-ci est l’élément clé du récit. Yang Hao vit au sein d’un foyer pour le moins singulier pour moi. Son père est souvent absent parce qu’il doit partir loin pour pouvoir trouver du travail. Sa mère est femme au foyer et s’occupe donc de lui avec sa propre mère. Tout se passe bien sauf que quand son père revient, celui-ci est inéluctablement attiré par l’univers des parties de mah-jong de ses amis et ne peut s’empêcher d’y passer ses soirées. Cela crée des tensions dans le couple, ce que ressent et entend très bien le petit garçon. C’est déchirant de le voir assister à tout ça et on en vient vite à détester ce père qui ne saisit pas bien son rôle aussi bien de parent que d’époux. On a de la peine pour sa femme et son fils, qui va devoir apprendre à vivre dans cette famille loin du modèle parfait qu’il aimerait avoir.

J’ai beaucoup aimé ce va-et-vient incessant tout au long du récit entre désir et réalité qui se rejoint très bien dans la passion pour l’écriture du héros, sorte de miroir cathartique de l’auteur peut-être ? Cela donne une teinte douce amère au récit que l’on retrouve également dans les dessins qui sont emplis d’une nostalgie mélancolique émouvante et déchirante parfois. Le trait de Tang Xiao est grandement influencé par la culture chinoise dont il est issu avec cet aspect crayonné très fort et ce renfort de nuances de gris, ainsi que son trait très ciselé dans les regards (yeux et sourcils) ou encore les paysages extrêmement fins et détaillés qui me rappellent certaines ‘gravures’ (?) et peinture (?) chinoises que j’ai pu voir. Le dessin est éminemment poétique et symbolique à plus d’une reprise tout en retranscrivant à merveille la banalité des lieux qui traversent la vie du héros. J’ai adoré.

Le récit est extrêmement riche. Il aborde aussi bien la vie d’un écolier chinois, son rapport aux jeux (vidéos et autres), ses relations avec ses aînés, la composition de la famille traditionnelle chinoise avec la place des anciens, les ravages de l’absence de travail à la campagne, les tensions dans les couples qui se répercutent sur les enfants, les répercussions d’un divorce, etc. La relation parents-enfant est vraiment au coeur de tout. On la retrouve aussi bien dans l’évolution du héros que dans les personnages qui gravitent autour de lui, qui ont tous des rapports compliqués à leurs parents.

La culture chinoise est également un élément majeur ici. On parle de la vie à la campagne. On nous dépeint les transports rudimentaires à vélo, la place des aînés, les hommes qui doivent aller travailler au loin. On évoque aussi ces jeux traditionnels que sont le mah-jong et le xiangqi. Le décor est vraiment superbement retranscrit et cela rend le récit d’autant plus immersif.

J’ai pour ma part beaucoup aimé suivre le parcours de vie sur quelques mois/semaines de ce jeune garçon de 10 ans. J’ai été touchée par sa détresse vis-à-vis de ce qu’il a vécu, aussi bien à l’école que dans sa famille. J’ai adoré sa passion pour l’écriture et l’exutoire que cela fut pour bien des émotions qu’il peinait à exprimer. Il connait une belle évolution et la figure de l’enseignante est très réussie. Le récit est vraiment émouvant. J’ai souvent eu le coeur au bord des lèvres en lisant ce texte. J’ai été révolté pour ce que subissait le héros et la fin m’a aussi bien déchiré le coeur que donné de l’espoir.

Kana a encore une fois fait une très belle pioche avec ce oneshot. J’ai adoré découvrir les dessins et messages de Tang Xiao. L’histoire ne paie pas de mine, elle est pourtant magnifique et vraiment signifiante. C’est un très beau récit de vie d’un jeune chinois de 10 ans vivant à la campagne au sein d’une famille qui dysfonctionne. Puissant, poétique et mélancolique. On n’en sort pas indemne.

(Merci à Sanctuary et Kana pour cette lecture)

Ma note : 16 / 20

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© 2020 – Tang Xiao -Kana (Dargaud-Lombard s.a.)

11 commentaires sur “L’Enfant ébranlé de Tang Xiao

      1. Oui, j’ai déjà lu plusieurs titres de cette collection comme Undercurrent et Le Pays des cerisier que j’ai beaucoup aimé tous les deux.
        Je me demande aussi si les One shot d’Asano que j’ai lu n’étaient pas dans cette collection.

        Aimé par 1 personne

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