Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Sidooh de Tsutomu Takahashi

Titre : Sidooh

Auteur : Tsutomu Takahashi

Traduction : Mariko Iki

Éditeur vf : Panini manga (seinen)

Années de parution vf : 2021-2023 (pour cette réédition)

Nombre de tomes : 21 / 25 (en cours)

Histoire : Deux jeunes garçons se retrouvent seuls, livrés à eux-mêmes.
Leurs noms : Shotaro Yukimura, 14 ans. Le grand frère. Gentaro Yukimura, 10 ans. Le petit. Ensemble, ils vont devoir affronter les multiples dangers qui menacent de s’abattre sur eux, dans cette période de grands troubles. Pour survivre.

Mon avis :

Tome 1

Tsutomu Takahashi est un auteur à la patte graphique singulière qui s’est fait remarquer depuis de nombreuses années chez nous. Sans trait sombre, âpre et incisif fait déjà des merveilles dans NeuN en cours de publication chez Pika, mais je le trouve encore plus saisissant dans Sidooh dont Panini signe le retour ici et dont vous pourrez trouver la suite dès demain en librairie avec les tomes 3 et 4.

Sidooh, c’est une histoire de samouraïs dans leur crépuscule, que nous avions déjà eu l’occasion de commencer à lire en France il y a quelques années mais que l’éditeur avait interrompu faute de succès. Cependant avec leur politique actuelle visant à redorer leur blason, Panini le propose à nouveau dans une édition aux nouvelles couvertures sombres et sobres comme j’aime.

Dès les premières pages, nous sommes plongées dans la noirceur et la misère de cette fin XIXe au Japon, période que j’ai déjà pu croiser dans plusieurs oeuvre, mais qui me frappe encore plus ici grâce au ton sans concession du mangaka. En effet, il ouvre son histoire sur le récit d’un terrible incendie ainsi que sur la mort de la mère de ses jeunes héros, victime du choléra, maladie importée par les Européens. Livrés à eux-mêmes, nos deux jeunes choisissent une voie sur le déclin, celle du sabre, mais c’est comme tomber de Charybde en Scylla.

Tsutomu Takahashi n’est pas connu pour faire dans la dentelle et c’est une fois de plus le cas dans l’ouverture de cette série. C’est sombre, très sombre, limite désespéré. Il nous fait le portrait d’un Japon ancien en déliquescence où la vie sociale d’alors mais aussi les traditions sont en perdition face à l’ogre que sont le progrès et l’ouverture aux pays étrangers. C’est une vision bien sûr totalement biaisée mais qui fonctionne à merveille pour le récit dramatique qu’il veut raconter qui n’est pas sans emprunter au chanbara (films d’autrefois sur les samouraïs qui se voulaient réalistes, sombres et épiques).

Les deux jeunes héros choisis pour porter cette histoire en sont l’archétype. La misère leur colle à la peau mais ils luttent malgré tout et font preuve de beaucoup de courage. Ils tentent à leur façon avec leurs connaissances de sortir de ce marasme à l’aide du sabre donné par leur mère qui leur vient de leur père. Sauf qu’ils ne connaissent rien du monde extérieur et que les pièges sont nombreux. C’est donc un récit initiatique bien sombre qui nous attend à leurs côtés à réserver à un public averti car déjà dès ce premier tome nous avons des morts sanglantes, des viols et tentatives de viols, des séquestrations, un embrigadement…

Ce premier tome n’est qu’une petite mise en bouche, je pense, au terrible cheminement promis aux deux jeunes héros qui ne sont pas au bout de leurs peines. L’univers est sombrement fascinant. On se demande bien tout ce qu’il peut nous réserver dans ce Japon vacillant où la tradition va peu à peu laisser place au progrès mais à quel prix.

Les influences sont nombreuses. J’y ai parfois vu de l’Habitant de l’infini d’Hiroki Samura dans le monde glauque et sans pitié dans lequel ils vivent. J’y ai parfois vu du Vagabond de Takehiko Inoue dans la philosophie qui semble s’en dégager. En tout cas, les dessins sont sublimes, noirs, très crayonnés, profonds et dérangeants. J’aime beaucoup leur inspiration évidente venant de la peinture traditionnelle asiatique au pinceau aussi bien du côté des visages et regards ciselés que des paysages qui laissent de fortes impressions. Rien n’est laissé au hasard.

Cette première incursion dans l’univers de Sidooh est une belle réussite, encore faut-il avoir le coeur bien accroché pour y survivre. Je reste cependant un peu sur ma faim face à l’ampleur de la tâche car pour le moment la direction reste bien floue et fugitive. Cependant la noirceur promise est là, le drame annoncé également et c’est raconté avec maestria. Je serai là pour la suite !

Tome 2

Avec cette réédition de Sidooh, Panini a fait le choix stratégique de sortir les deux premiers tomes en même temps, à la lecture de celui-ci je comprends mieux pourquoi, car si le tome 1 seul m’avait séduite mais laissée un peu perplexe, le deuxième a achevé de me convaincre.

Avec ce deuxième tout aussi sombre, Tsutumo Takahashi continue de nous entraîner dans les méandres tortueux de cette société archaïque en fin de règne en nous faisant assister à son terrible dernier champ du cygne.

C’est encore une fois terriblement malsain et dérangeant, la folie grondant de tous côtés, mais que c’est jouissif à lire ! La narration ultra dynamique, immersive et incisive l’auteur, nous fait vivre l’histoire de l’intérieur. On suffoque avec les héros, on a mal avec eux, on a peur avec eux. L’histoire devient enfin plus claire et la vivacité de la plume de l’auteur la rend nerveuse et brutale mais passionnante à suivre grâce à des rebondissements classiques mais parfaitement maîtrisés.

Après avoir découvert la folie de la secte dans laquelle les héros ont atterri à cause de leur malheureuse rencontre, c’est dans un univers proche de celui de Spartacus (je parle des séries TV) que nous nous retrouvons. Séparés, les deux frères ont été faits prisonniers par cette drôle d’engeance où ils sont tombés qui cherchent « des coeurs purs » et rejettent le bas peuple tels des déchets. L’aîné devient ainsi l’objet d’un sacrifice, tandis que le second envoyé avec les femmes, assiste à tout ça impuissant.

Une vraie rage s’empare du lecteur comme des personnages dans ce tome. On rage de se sentir impuissant, de voir de tels sévices s’organiser et d’assister à une telle folie instituée. La secte de maître Rugi est implacable et le fait qu’elle séduise l’élite pour devenir un lieu de spectacle comme dans les arènes lors de l’époque des Romains fait froid dans le dos. La même mise en scène a lieu ici, la même implacabilité et les mêmes injustices.

Heureusement, une voix s’élève discrètement et fait sécession, celle du samouraïs que nos jeunes héros avaient croisé, qui offre une chance de salut à l’aîné dans l’apprentissage du maniement du sabre. Mais avec un enseignement aussi succinct, cela va-t-il suffire ? Le mangaka mise tout sur la force de caractère de son héros, nous faisant bien appréhender que le combat, même au sabre, était avant tout une question de coeur et de volonté, comme Inoue nous l’a bien fait comprendre dans son Vagabond. Une philosophie typique qui contrebalance bien avec la misère de l’époque.

Résultat, dans cette édition de qualité – point que j’avais oublié de souligner -, les dessins du mangaka se veulent encore plus incisifs. Livrant des pages où l’on sent littéralement le feu de l’âme des personnages nous brûler les doigts et la froideur du fer de leur conviction nous glacer le sang. Les coups de sabres déchirent les pages et font voler les certitudes, le tout dans une folie ambiante parfaitement mise en scène au point d’avoir l’impression que l’on s’y noie nous aussi en étant sous psychotropes comme les personnages. Saisissant !

Un deuxième tome qui achèvera de convaincre les hésitants du premier tome qui étaient déjà en passe de craquer. L’univers est sombre très sombre, malsain profondément malsain, mais également vraiment marquant et percutant. Avec sa narration et ses dessins tranchant dans le vif, l’auteur accroche et fascine. J’ai vraiment hâte de découvrir la suite du chemin de croix de nos jeunes héros.

(Merci à Panini et Sanctuary pour ces lectures)

Tome 3

S’il me fallait un tome supplémentaire pour me convaincre, le voilà ! Alternant entre folie furieuse et ligne narrative plus claire, il offre l’équilibre parfois entre ce que je recherchais dans la série.

Celle-ci a un petit côté OVNI comme tout le travail de Tsutomu Takahashi, je trouve. C’est un mangaka qui aime décrire comme la folie se développe chez les hommes et les femmes jusqu’à les mettre en transe et il le fait à merveille ici dans une première partie bluffante. Le combat pour la liberté de Shotaro est à couper le souffle. L’ardeur que celui-ci met à combattre pour sauver sa peau et celle de son frère fait mal, un mal entêtant qui saisit également aux tripes, comme le décor crasseux et fou qui l’entoure.

C’est un monde vraiment malade que Takahashi met en scène avec ses crayonnés directement inspirés de la peinture traditionnelle, qui fait parfaitement ressentir la puissance des auras des personnages, la force de leur âme mais aussi la cruauté coupante du monde dans lequel ils vivent. Le travail sur les postures de samouraïs n’a pas été sans me rappeler celui d’Inoue sur Vagabond, pareil pour la mise en scène précise et incisive du combat. Et le boulot sur les décors, en particulier ceux de la forêt est saisissant, on se croirait vraiment dans un tableau traditionnel. Entêtant.

Après cette explosion de folie et de rage, l’auteur a la bonne idée de calmer le jeu avant de repartir de plus belle. Il offre donc l’un des sauts dans le temps les mieux intégrés à l’histoire que j’ai pu lire. C’est sobre et ça passe comme une lettre à la poste. La transition où il raconte de façon très classique le cadre plus général de l’histoire, s’éloignant enfin du petit microcosme de la secte, pour nous conter ce qu’il se passe ailleurs, a été vécu comme une bouffée d’air frais dans cet univers suffocant.

Pour autant, c’est toujours sombre et complexe, puisque nous sommes dans la période la plus sombre du Bakufu avec cette ouverture non désirée par tous aux étrangers. On replonge ainsi dans la grande Histoire japonaise avec des tenants et aboutissants historiques connus avec lesquels l’auteur va jouer, comme il fera plus tard dans NeuN, pour offrir en parallèle le récit de gamin qui tentent de surnager dans toute ce chaos abominable. Le destin offre une porte de sortie aux deux frères dont ils vont se saisir. Ce n’est que le tout tout début de leurs aventures.

Les questionnements que l’auteur vient à poser sur l’endoctrinement des jeunes esprits mais également sur cette haine de l’étranger enraciné chez les Japonais sont très intéressants. Ce sont des éléments narratifs forts qui engagent le lecteur dans une lecture sombre et complexe mais percutante. Cela donne furieusement envie de voir comme les héros vont se dépatouiller au milieu de tout ce marasme.

Ainsi, avec une note toujours aussi noire, sale et violente, Sidooh poursuit sa route, tout comme ses héros continuent à tenter de survivre dans ce monde hostile à la paix et à la tranquille. Tsutomu Takahashi offre une oeuvre puissante, qui laisse des traces, aussi bien par la folie qui en suinte que par la vision de l’histoire passée du Japon qu’elle présente. Sombre et fascinant.

Tome 4

Ou quand les victimes deviennent les bourreaux, Tsutomu Takahashi n’en finit plus de nous entraîner dans les méandres de cette sombre époque de la fin du Japon traditionnel.

Même si la folie furieuse des débuts se fait moins ressentir du fait de l’échappée des héros hors des murs de la secte, la bouffée d’air offerte est quand même agrémentée d’une impressionnante quantité de sang. Les deux jeunes frères font désormais partis d’un groupe de samouraïs dont le but est d’éliminer les partisans de l’ouverture du pays. Un tâche qui s’annonce sanglante et épuisante.

J’ai bien aimé assister aux premiers pas du groupe. Nous sommes dans un schéma assez classique où l’on nous balance de nouveaux personnages badass pour entourer les héros et leur offrir une aventure qui va élargir leurs horizons tout en leur faisant découvrir encore un peu plus la noirceur de leur monde. Leur chef est toujours le même homme énigmatique et petit parleur qui garde beaucoup de secrets pour lui sur les tenants et aboutissants de leur mission. Le groupe est cependant encore trop fraichement créé qu’on sente une réelle osmose entre eux et c’est juste la combinaison de plusieurs fortes personnalités pour le moment.

Non, ce qui frappe plutôt dans ce tome, c’est la peinture faite des relations entre Occidentaux et Japonais, ceux-ci dans une grande pluralité d’opinions. On assiste avec notre regard extérieur et lointain à l’occidentalisation et la modernisation à marche forcée d’un pays resté longtemps fermé, ce qui va susciter aussi bien la fascination que de grands freins et de grandes craintes. La complexité de ce moment est parfaitement rendu dans les scènes où les différents camps se mélangent.

Nos héros se retrouvent pris entre deux feux avec la mission qui leur est confiée. Cependant ont-ils le recul pour prendre la mesure de ce qu’on leur demande ? Takahashi dénonce-t-il cet embrigadement aveugle de jeunes kamikazes déjà à cette époque ? La mission a de quoi fasciner en tout cas, même si dans ce tome elle démarre à peine. L’auteur prend d’ailleurs son temps pour faire monter la tension autour d’elle, jouant de scènes quotidiennes tranquilles, de petites amourettes, de disputes entre frère pour tranquillement nous amener au climax sanglant de la fin. Simple mais efficace pour montrer que derrière une forme de tranquillité se cache en fait une période d’une extrême violence et injustice, sentiment qui va certainement bouillir et faire exploser nos héros.

Toujours avec une science narrative de premier ordre, Tsutomu Takahashi nous plonge dans ce Japon très noir et complexe de la fin du XIXe siècle où tradition et modernité venue d’ailleurs s’attirent autant qu’elles se repoussent occasionnant des tensions terribles. Les héros sont au coeur de la tourmente. Comment vont-ils en tirer l’épingle du jeu ?

Tome 5

Tome vif et jouissif, Tsutomu Takahashi fait encore preuve de maestria pour mettre en scène la révolte très symbolique de ses jeunes héros en quête de revanche sur la vie.

Ce 5e opus de la série ne développe pas celle-ci de manière profonde ou magistrale, il se contente de mettre en scène le plan de notre groupe qui vise à couler le bateau noir des Américains et ainsi venger leurs amis, rebelles de Mito, assassinés par le Bakufu complices des étrangers. Cela n’a rien de révolutionnaire en soi, c’est même une acte assez classique mais absolument pas classique.

Le mangaka met en scène cette vengeance en plusieurs actes, mettant en avant le beau personnage de Mozu, la seule fille du groupe qui a un charisme de fou. Nous suivons la mise en branle de son plan, ses préparatifs et son déroulement qui bien sûr ne se passe pas comme prévu. Les répercussions sont lourdes pour elle et on voit la considération que les hommes ont des femmes alors, mais dans l’ensemble malgré toutes les promesses d’horreur, nous restons sur quelque chose d’assez superficiel contrairement à un Habitant de l’infini où Samura lui n’hésitait à faire souffrir ses personnages en allant très loin.

Ainsi plus le temps passe, plus la comparaison entre les deux se fait au détriment de Sidooh qui fait plus office de divertissement que d’oeuvre vraiment profonde comme le fut son prédécesseur L’Habitant de l’infini. Alors oui, c’est bien mis en scène, c’est très impactant visuellement. Les scènes de révolte et de combat envoient du lourd. Le dessin très ciselé et crayonné de Takahashi est superbe et rend à merveille ici. Mais intrinsèquement il manque quelque chose. J’ai le sentiment de rester trop en surface, d’avoir des personnages qui sont surtout badass mais qui manque de développement psychologique. Comme nous n’en sommes encore qu’au tout début de la série, 5 tomes sur 25, j’espère que cela viendra ensuite et qu’on n’en restera pas juste à une belle série léchée comme ici. Parce que c’est bien beau de vouloir se révolter mais il faut qu’il y ait du fond et que ça prenne aux tripes, là ce n’est pas encore le cas…

Ainsi avec un tome basé sur une action non-stop où l’auteur met en avant la seule fille du groupe le temps d’un moment signifiant (je l’espère) pour notre groupe de jeunes rebelles, Tsutomu Takahashi continue à nous accrocher mais ne nous scotche pas. Il a encore besoin de développer la psychologie de ses personnages et les idées sous-tendant cette révolte, car pour l’instant c’est encore bien mince quand on gratte un peu…

Tome 6

Avec ce tome, qui est définitivement à lire très très vite après le précédent, l’auteur parachève le premier temps de son histoire. Je trouvais précédemment l’histoire un peu facile, un peu légère. Il me détrompe ici. Nous ne sommes toujours pas au niveau de L’Habitant de l’infini de Samura mais le titre se complexifie joliment.

Dans un premier temps, nous retournons sur ce bateau américain en perdition qui est en train de couler et qui est le théâtre de tous les affrontements et de toutes les contradictions. S’y opposent ainsi, la tradition représentée par le sabre et la modernité représentée par les armes à feu, mais aussi la politique de fermeture et de protection du pays face à celle de l’ouverture aux étrangers, c’est-à-dire le nationalisme contre la mondialisation. C’est un grand classique du genre. Tsutomu Takahashi propose ainsi une vision très sombre de l’autre, de l’étranger, vu les tendances racistes du pays, ça ne sent pas très bon quand même et c’est plein de clichés envers les « méchants » Américains, heureusement que la suite vient temporiser tout ça.

Nous sommes dans un tome où la mise en scène est toujours un peu grandiloquente. Les combats sont d’une grande classe, à l’image du dernier duel sur le bateau de Kiyozo où l’auteur fait preuve d’une science des cadrages de fou. Le rendu très cinématographique est vraiment percutant.

Percutant, c’est le mot parfait pour définir la suite de l’histoire avec trahison. Ce sont les deux éléments clés des chapitres qui vont clore ce tome et cette première partie de la saga. Alors que le naufrage du navire américain s’est presque trop bien passé, la suite est beaucoup moins idyllique, les complications arrivent de partout et les trahisons aussi. Nous avions déjà assisté à celle des Américains envers leurs alliés Japonais mais ça ne va pas s’arrêter là et cela va faire mal.

L’auteur veut aussi nous faire sentir la toute puissance du Bakufu, terrible organisation qui régente la vie de tous. Forcément pour nos rebelles, ce n’est pas simple de rentrer chez eux après ce qu’ils viennent de faire et ils vont payer un lourd tribu. Au rendez-vous pour nous, blessure, torture, piège, perte et retournement de veste inattendue. C’est un final haletant et surprenant que nous réserve le mangaka. Franchement, je ne m’attendais pas à ces bouleversement. C’est brutal, inattendu, cruel, intolérable et tellement triste que ça m’a un peu séchée.

Avec un final aussi surprenant, l’auteur clôt de manière assez magistrale la première époque de son récit. Il offre vraiment une vision cruelle de la vie à nos deux frères idéalistes qui n’ont décidément pas de chance avec les gens à qui ils s’attachent et les idéaux qu’ils veulent défendre. Mais il en faudra plus pour les abattre et nous allons maintenant les voir plonger encore plus dans la politique pleine de turpitude de ce pays en pleine transformation.

Tome 7

Après bien des turpides place enfin à des temps plus calmes, enfin si on peut dire vu les jeunes que l’on suit, où après la vengeance, la philosophie du bushido vient sur le devant de la scène.

Après les lourdes pertes de l’affaire du navire noir, nos héros se sont posés quelques temps à Edo. Nous découvrons Mozu qui joue les devineresses, tandis que les deux frères : Shotaru et Gentaro, tentent de se faire un nom au cours d’un tournoi de samouraïs.

Les dessins de Tsutomu Takahashi continuent à sublimer cette histoire de jeunes enflammés par leur vengeance mais aussi leur passion pour le sabre. Je suis sous le charme de l’ambiance historique qu’il a su rendre ici. Son soin pour les tenus, les décors et en particulier la nature sont magiques. On a parfois l’impression de se retrouver dans un tableau à l’encre de Chine. C’est d’une poésie émouvante malgré la violence de ce que ça raconte.

Les héros vivent dans une époque troublée. Il est heureux de voir que leur petit groupe est resté proche. Il est agréable de les voir avancer ensemble. Le léger saut dans le temps fait du bien. L’auteur nous offre ici un tome de transition avant le prochain acte qui fera avancer les deux frères dans la voie qu’ils rêvent d’emprunter. Le tournoi que l’on suit dans la première partie en est la première marche. On y rencontre plein de figures et d’organisations historiques, un peu trop même pour que le néophyte puissent tout suivre, car malgré les notes en bas de pages, c’est indigeste. Mais la volonté de l’auteur d’ancrer son titre dans une réalité historique est louable.

Heureusement ce tremplin les emmène vers de nouvelles aventures bien plus digestes. En effet, l’aîné y fait une rencontre déterminante, fasciné par la philosophie de l’un des organisateurs. Ce dernier va alors le mettre sur la voie d’un grand maître et qu’il va aller rencontre avec tout son groupe à Aizu. Ce nouveau personnage, Kanbee Sagawa est proprement fascinant. Il a tout ce qui fait les grands samouraïs : l’adresse, la puissance, le charisme mais aussi le culot ! J’ai adoré leur rencontre et le retour de bâton qu’ils se prennent pour les remettre un peu à leur place d’enfants, ce qui a si souvent manqué par le passé, où on a voulu les faire grandir trop vite.

L’auteur nous offre donc de voir les héros suivre enfin la voie qu’ils comptaient suivre au début : apprendre le maniement du sabre des mains d’un expert pour devenir fort. On en aura fait des détours mais on y est et j’ai hâte de voir ça. J’espère juste que malgré le plaisir qu’il prend, et nous aussi, à nous décrire la rudesse et la violence de cette époque, le mangaka restera un temps sur ce chemin avant de les dévoyer vers quelque chose de plus sombre ^^!

Tome 8

Après un début un peu provocateur, j’aime beaucoup la tournure que prend la série depuis quelques temps avec cette vraie réflexion sur le sens de la voie du sabre et l’introduction progressive de l’Histoire avec une grand H dans les aventures de nos deux frères.

Dans ce tome, peut-être le plus calme depuis les débuts de la saga, les deux héros et leurs amis posent enfin leur valise dans une petite ville de campagne : Aïzu. Ils semblent y trouver ce qui leur faisait défaut autrefois et qu’ils cherchaient tant : un foyer, un maître, des valeurs et un but.

J’ai beaucoup aimé la transition qui se produit chez eux. Sho vit une vraie révolution intérieure en se frottant à Kanbee Sagawa. Il trouve enfin quelqu’un à admirer et quelqu’un de qui apprendre. Celui-ci le comprend et le prend sous son aile avec son frère. C’est cependant ce premier que l’on va essentiellement suivre ici. On assiste à la façon maladroite mais sincère avec laquelle il va se lier avec un frère et une soeur, eux aussi sous la protection de Kanbee. Il en résulte un personnage mais tout feu tout flamme, plus posé et plus touchant.

C’est l’ère du changement, pour lui et pour son frère. Tout en restant très ancré dans leur époque. On les voit se poser et se créer une nouvelle vie avec leurs amis, anciens et nouveaux. C’est apaisant. On entre enfin dans la philosophie de la voie du sabre et on retrouve certaines ambiances de Vagabond quand Miyamoto développait son art au contact des autres. J’ai beaucoup aimé.

Cela ouvre ainsi l’histoire et offre des développements moins tout feu tout flamme que précédemment. Ainsi, une romance nait entre Sho et sa nouvelle compagne sourde, et Gen fait un pas de géant pour lui et pour l’époque avec Mozu. C’est touchant, ces petites doses de romances. Cependant, le drame n’est jamais bien loin et cette accalmie n’était pas faite pour durer. L’Histoire va les rattraper avec la Révolution qui va amener à la fin du shogunat qui est en train de se mettre en place et qui va les embarquer bien malgré eux dans ses méandres, que je ne suis pas sûre de pouvoir entièrement comprendre personnellement.

Reste que cette lecture de Sidooh fut vraiment très belle. J’ai enfin pu profiter pleinement du trait très classique, très asiatique que propose Tsutomu Takahashi, donnant l’impression qu’il dessine encore au pinceau, aussi bien sur les paysages que les personnages. Je suis fan de ses décors dignes des plus belles estampes et des cheveux des héros, notamment ceux de Mozu, qui ont leur vie propre. C’est splendide. Alors quand l’histoire rejoint son talent et propose des chapitres apaisant où la voie du sabre est enfin mise en valeur, je suis conquise !

Tome 9

Avec une narration toujours aussi maîtrisée, Tsutomo Takahashi continue de déployer son histoire de transition entre le Japon féodal et le Japon moderne sur fond de code de l’honneur guerrier. On est à fond dans un Japon traditionnel et nationaliste, mais qu’importe, c’est jouissif à lire.

Je dis qu’importe mais j’avoue que le côté nationaliste qui pointe le bout de son nez avec la critique de « l’invasion » des étrangers m’a quand même pas mal dérangée au début de ce nouveau tome. Jusqu’ici, ça ne m’avait pas autant frappée mais ces quelques pages à critiquer ouvertement les étrangers et ce qu’ils feraient au « vrai » Japon m’ont bien mise mal à l’aise. A côté de ça, c’est vrai qu’on a un habillage très classique avec deux frères pour qui le code de l’honneur guerrier est très important donc j’aurais pu m’en douter ^^!

Mais heureusement, on ne reste pas bien longtemps là-dessus et on repart plutôt dans une nouvelle aventure qui va les amener d’Edo à Kyoto en passant devant le Mont Fuji, pour aller à la rencontre de leur nemesis par excellence. On ne peut pas dire qu’il se passe énormément de choses dans ce tome à part la rencontre avec une figure forte du nationalisme et de la révolution : Shinsaku Takasugi, personnage ayant réellement existé. C’était un samouraï originaire du domaine de Chōshū qui joua un rôle important dans la restauration de Meiji et ici il est fort charismatique. Historiquement, il est à l’origine de l’idée révolutionnaire d’une milice irrégulière auxiliaire (Shotai). Dans le cadre du système féodal, seule la classe des samouraïs était autorisée à posséder des armes. Takasugi favorise le recrutement d’hommes du peuple, créant ainsi des milices paramilitaires socialement mixtes. Dans ces unités, ni le recrutement ni la promotion ne dépendaient en théorie du statut social. J’ai hâte de voir ce que l’auteur va faire de cela, surtout au vu des prédispositions des deux frères.

D’ailleurs, ceux-ci en arrivant à Kyoto vont vite être chargés par le Byakurentai (= à la botte du gouvernement) de surveiller ce qui se passe dans cette ville sujette aux troubles. Mélange d’intrigue politique, révolutionnaire et personnelle sur fond de vengeance, cela annonce du lourd pour la suite. On a déjà droit à quelques jolis combats grâce à Gen la plupart du temps, ce feu-follet tout feu tout flamme. Je suis archi fan de la puissance, de la facilité et du charisme qu’il dégage. Takahashi orchestre en plus ses combats de main de maître les rendant archi vifs. On sent presque le vent qui se déplace sous les coups du sabre. Les autres sont peut-être un peu plus passifs pour le coup dans ce tome. Ils ne font pas grand-chose dans ce tome et assistent juste aux dernières aventures de Gen comme des observateurs, mais on sent que cela prépare quelque chose.

Même s’il n’y a pas d’effet wow dans ce tome, cela reste une excellente lecture où l’auteur continue à laisser l’intrigue déployer ses ailes tranquillement mais sûrement. Certains glissement nationalistes m’ont un peu fait tiquer, mais j’aime toujours autant replonger dans le contexte historique de l’époque. Et c’est fort plaisant de fort Gen entraîner l’histoire dans de nouvelles luttes, surtout qu’avec le retour de Rugi, on est sûr d’avoir quelque chose de sanglant. J’ai très hâte de poursuivre !

Tome 10

Alors qu’au début je craignais une série aussi longue sur un tel sujet, l’auteur n’en finit pas de me surprendre en développant une intrigue extrêmement riche sur fond d’Histoire japonaise moderne où son dessin sombre et crayeux fait des merveilles !

Au programme de ce tome à nouveau complexe, la politique autour des positions de l’Empereur et du jeune Shogun Iemotsu à Kyoto en cette fin XIXe et la question centrale des étrangers. L’auteur mélange avec soin petite et grande histoire autour de nos chers samouraïs, y agrégeant cette fois des questions politiques passionnantes. Cela donne un résultat détonnant où nos héros se voient dans un premier temps confrontés à d’autres samouraïs ayant une philosophie similaire mais pas tout à fait, ce qui donne des étincelles, puis où ils se retrouvent à nouveau face au terrible Rugi qui n’a pas fini d’en faire des siennes.

Je vais être honnête, j’étais un peu perdue dans les premières pages. Le fait que l’auteur parte bille en tête pour nous raconter le périple de l’armée des ronins vers Kyoto, en mélangeant allègrement dans ses propos Empereur et Shogun m’a totalement perdue. Heureusement peu à peu, on parvient à laisser ça de côté pour se concentrer plutôt sur ce que ça signifie pour nos héros.

En effet, Kyoto est une ville explosive à ce moment-là de l’histoire, une vraie poudrière. L’armée des ronins qui a accompagnée le Shogun d’Edo à Kyoto et qui avait pour but de soutenir l’Empereur contre les étrangers à vocation à repartir, ce qui n’est pas du goût du groupe de Toshizo Hijitaka. Ce dernier, figure extrêmement charismatique, va se poser en nouveau rival/allié de nos deux frères. Leur confrontation magnifiquement mise en scène pour le mangaka va rythmer ce tome et l’élever à un niveau rarement égalé dans le titre.

Nos héros font ainsi d’abord se confronter à un groupe similaire au leur mais plus sombre encore, puis s’associer à eux, dans leur but commun de défense de bakufu, ce mode de vie en plein déclin alors que la modernité pointe son nez. Le résultat est cependant complexe car on se retrouve avec un clan disant voulant soutenir les figures d’autorité du pays dans leur lutte contre les étrangers et un autre, mené par Rugi, pour qui ça ne va pas assez vite. Le final est ainsi explosif avec une attaque qui prend tout le monde par surprise et qui est le symbole de la fin d’une ère puisque l’on voit les lames des samouraïs affronter les fusils des soldats rebelles.

Tsutomu Takahashi avec son trait si particulier, nous embarque vraiment dans une fresque historique guerrière de haute volée où l’aventure est parfaitement au rendez-vous. La conjonction entre les deux groupes, celui de Shotaro et celui d’Hijitaka est magistrale dans ce tome, alors que l’ambiance est de plus en plus sombre et délétère dans le pays contre les autorités. Une ambiance crépusculaire où les dessins du mangaka tirent leur épingle du jeu pour nous offrir des scènes de combats magiques où l’on sent les vibrations des sabres, la puissance des coups, l’importance de la bonne prise et du bon geste. C’est une vrai ode à l’esprit guerrier des samouraïs d’antan.

Tome 11

Takahashi continue d’envoyer du lourd avec cette histoire de samouraï sur fond de fin de l’ère des Tokugawa. C’est fascinant et passionnant à regarder malgré toute la violence qui s’y déploie.

Encore une fois, l’auteur fait preuve d’une véritable maestria graphique quand il s’agit de mettre en scène son histoire, notamment lors des scènes de combats au sabre. Il a un sens du découpage incroyable, qui insuffle une vraie énergie à ces pages-là, sans parler de son art d’asséner des pauses à couper le souffle avec de vrais tableaux dignes des plus belles estampes japonaises à un moment où on ne s’y attend pas. C’est un superbe exercice de style qu’il nous offre ici.

L’histoire, elle, n’est pas en reste. Reprenant fidèlement la grande Histoire de la fin du règne de bakufu, il y intègre des éléments dramatiques forts autour de nos deux frères appartenant désormais au Byakurentaï. Cela débute ici par l’incendie d’Ootsu où ils retrouvent leur ennemi de toujours : Rugi, qui est derrière tout ça. Puis cela se poursuit avec l’épineuse question des étrangers dont les dirigeants ne savent trop quoi faire : les laisser ou les expulser. Et c’est à nos frères qu’on va faire appel quand certains clans vont vouloir passer à l’action sans l’autorisation du shogun.

Il résulte de cela une première partie qui m’a littéralement coupée le souffle où Gen est en proie à une vraie folie meurtrière en plein milieu de cet incendie qui a coûté la vie à un de ses amis. Il se retrouve face à des adversaires de taille et c’est l’occasion pour l’auteur de montrer toute la fureur du jeune homme. Encore plus, quand il découvre qui se cache derrière et qu’il a envie de tout envoyer valser pour exercer sa vengeance. Il faut la voix de la raison (et la menace de celle-ci) pour calmer le jeune homme. La façon dont le mangaka joue sur les opposés avec les deux frères me séduit énormément. Passer tout un tome en proie à l’excitation vengeresse du plus jeune serait étouffant, alors la façon dont l’aîné contrebalance apporte un apaisement bienvenu.

Reste que la voie du sabre et tout ce qu’elle implique est encore et toujours au coeur de notre histoire et que l’auteur mélange à merveille les désirs personnels de nos jeunes héros avec leurs fidélités, et ainsi la petite et la grande histoire. C’est prenant et fascinant. La dernière embardée sur la question du étranger promet de nouvelles aventures bien sombres et tendues où Mozu, qui était un peu oubliée, devrait à nouveau jouer un rôle, mais aussi où la question de l’altérité devrait retrouver toute sa place, tout comme celle plus personnelle de la vengeance qu’ils couvent. Plein de belles choses en perspective.

Avec un talent certain, Tsutomu Takahashi continue de me passionner pour cette histoire d’enfants soldats dans un monde en déliquescence qui cherche un nouveau souffle. C’est magistralement exécuté, j’en prends plein les yeux et les émotions fortes sont au rendez-vous. J’espère le voir tenir ce rythme jusqu’au bout.

Tome 12

Encore un superbe tome sur ce Japon crépusculaire où l’auteur se montre magistral et monstrueux dans sa mise en scène du destin tragique de nos jeunes héros.

Pourtant le scénario n’est pas sans failles. Au contraire, celles-ci pullulent de partout à chaque étape du plan du bakufu visant à mettre un terme aux actions du han Choshu mené par Takasugi. Il y a un peu partout des facilités, de grosses erreurs, mais ça n’empêche pas le lecteur de prendre son pied dans ce tome centré encore une fois que un Japon des samouraïs en train de disparaître.

Gen et Sho sont partis avec leurs camarades stopper les exactions de Takasugi et ses amis, mais est-ce vraiment des exactions ? La question est toute posée et on est bien en peine de déterminer quel camp il faudrait suivre plutôt que l’autre. Car oui, Takasugi va à l’encontre des ordres du shogun mais est-ce mal de vouloir protéger son peuple de l’invasion des étrangers qui en plus d’occuper sans rien reverser réduisent des femmes japonaises en esclavage ? On comprend alors chaque camps, celui de Gen et Sho prônant l’apaisement et le dialogue dans le respect des désirs du chef shogunal, mais aussi celui de Takasugi qui appelle à la révolution pour défendre les opprimés. Tsutomu Takahashi rend à merveille ici la complexité de cette époque et des pensées des différents camps.

A côté de cela, nous avons une histoire beaucoup plus simple faite de combats en veux-tu en voilà où chacun y va de son coup de sabre, de son incendie, de sa ruse, le tout face aux armes à feu des étrangers. C’est ultra violent, ça coupe et explose de partout. Les morts sont légions dont certains sont des figures importantes. C’est graphiquement encore une fois très bien mis en scène dans cette Tour de Babel moderne qui brûle avant d’être arrosée par un déluge. Tellement de métaphores ici. Takahashi se fait encore une fois plaisir et nous avec, mais il perd ainsi un peu de vue la réintroduction de Rugi dans le tome précédent pour offrir un tome bonus, annexe, qui délaye un peu l’histoire avant les grandes retrouvailles.

Toujours aussi efficace et prenant ce mélange d’histoire de samouraïs et d’histoire de la fin d’une époque au Japon n’en finit plus de s’étaler sous nos yeux. Le scénario est simple, classique avec pas mal de failles et pourtant on prend un plaisir monstre à les voir se battre pour leurs idéaux avec toute la fougue de la jeunesse.

Tome 13

Je remercie vraiment Panini d’avoir repris cette série mettant en scène une période trouble de l’Histoire du Japon pas forcément souvent présente dans les mangas chez nous. Alors oui, c’est complexe et un peu compliqué de s’y retrouvé parfois, mais l’ambiance pesante de Sidooh est saisissante et les dessins superbement entêtants.

Dans ce nouveau tome, nous jonglons entre les différents clans présents à Kyoto dans cette ère Meiji, post époque Edo, assez sombre et compliquée où le nationalisme monte mais avec de nombreuses ramifications. Ainsi nos héros se retrouvent du côté de ceux défendant le pouvoir en place avec le Nouveau Bataillon d’Elite mais la contestation n’est jamais bien loin et nos témoins privilégiés ne vont peut-être pas pouvoir en rester là.

J’aime beaucoup le tableau très sombre dressé par l’auteur, un tableau dans lequel il ne nous épargne aucune turpitude. Il ose nous montrer combien de beaux idéaux ne suffisent pas dans la vie et combien même la lutte peut se révéler inutile. Il nous montre aussi que le bien et le mal ne sont qu’une notion abstraite en ces temps-là et que chacun a des motivations qui se comprennent. Il nous montre enfin tout un pan de l’Histoire du Japon fort intéressante où nous avons d’un côté les Occidentaux, les étrangers, qui aimeraient pénétrer plus en avant, et de l’autre des Japonais qui pour certains sont ouverts à cela même si avec quelques réticences et d’autres au contraire très hostiles. Tous se rejoignent pour défendre leur culture contre celle trop conquérante des étrangers et on assiste ainsi lentement mais sûrement à la montée de ce nationalisme qui ravagera le pays.

Que viennent faire nos héros dans tout cela ? Il ne sont que des témoins tantôt passifs mais souvent actifs, qui continuent à défendre leur philosophie de vie et qui tentent de tendre la main aux autres. Parfois cela se termine bien, le plus souvent cela se termine mal, mais ils restent droit dans leurs bottes et continuent d’avancer sur leur voie. Je trouve juste regrettable que la confrontation tant attendue avec leur ennemi de toujours : Rugi, soit sans cesse repoussée, car j’ai quand même un peu l’impression de faire du surplace avec eux malgré les nombreuses aventures qu’ils vivent. L’auteur a trouvé un schéma bien rodé pour eux depuis quelques tomes et a trop tendance à le répéter.

Cependant, cette oeuvre continue de me marquer aussi bien par la puissance de ses dessins que de ses propos. J’aime découvrir ce moment de l’Histoire japonaise à leurs côtés. J’aime me délecter des planches si japonisantes de l’auteur où décors et costumes, postures et regards sont un régal pour les yeux tant il y fait preuve de virtuosité. Je suis vraiment ravie que l’éditeur ait repris ce titre et en accélère en plus la parution.

Tome 14

Tsutomu Takahashi continue de nous plonger dans le sombre récit des années de tourmentes du pouvoir japonais à l’aube des temps modernes, entre tensions des pour et contre l’ouverture du pays aux étrangers, et changement de paradigmes avec la disparition de la voie du sabre. C’est passionnant et fascinant sous la plume et surtout le crayon de l’artiste.

En effet, le trait du mangaka se prête vraiment à un récit national. Pourquoi ? Parce qu’il est empreint de cette tradition de la peinture au pinceau qu’on voyait autrefois. Ainsi, lorsqu’il capture ses héros en train de se battre on ressent avec force le souffle historique de cette époque passée, tout comme lorsqu’on déambule à leur côté dans une Kyoto disparue depuis. C’est proprement fascinant.

Ces héros sont de plus en plus agités par les événements politiques qui se jouent. Même si nos deux frère, Gen et Shotaro, appartiennent au Byakurentai, ils sont aussi de mèchent avec le nouveau Bataillon d’élite qui est aux ordres du shogunat et qui lutte contre les groupuscules qui veulent renverser le pouvoir et refermer le pays. Ils se retrouvent donc avec leurs amis du moment pris de plus en plus souvent entre deux feux et se voient livrer des duels mortels.

Dans ce nouveau tome, on a pu admirer tout le tragique du désir d’un homme de les rejoindre et des conséquences que cela a pu avoir sur sa vie et celle de sa soeur. C’étaient des chapitres magistraux, où Gen, décidément plus héros de cette histoire que Shotaro, allié à Hijikata sont partis de front tels deux héros fougueux à l’attaque de leurs ennemis. Tsutomu Takahashi brille dans ce genre de chapitre où le sang gicle et les épées taillent dans la chair. C’est magnifiquement orchestré avec un sens du rythme et de la mise en scène parfait pour rendre sublime ces instants sanglants et tragiques. On ressent parfaitement en tournant les pages la puissance de ce duo et la frayeur qu’ils inspirent, tout comme le drame abscons de ces luttes intestines qui n’aboutissent pas à grand-chose si ce n’est la mort de pauvres bougres.

La suite est à l’aune de cela. On suit nos héros pris dans les affaires du Bataillon d’élite et de ceux qui s’opposent à eux et tentent de fomenter un coup de d’état. C’est passionnant de découvrir l’envers du décor de la tambouille politique shogunale à travers ces petites gens qui représentent l’ancien ordre guerrier du Japon, mais c’est aussi glaçant et désespéré. Cependant, j’ai apprécié ici qu’on ne suive pas tout le temps Gen et que l’auteur offre enfin quelques pages à Same, ce compagnon des deux frères toujours présent mais toujours dans leur ombre. Il m’a touché par son sens du devoir envers ses proches et son histoire avec les gens jouant de la musique. C’était émouvant et inattendu de trouver cette parenthèse à ce moment-là de l’histoire.

Continuant à nous plonger toujours plus profondément dans l’Histoire tourmentée de son pays, le mangaka nous régale à chaque tome de son brio scénaristique et de ses prouesses graphiques, dans une vaste fresque pleine d’esprit de liberté et de rébellion où chacun a foi en ses idéaux et se bat pour eux. C’est beau et puissant, émouvant et déchirant. On aime la place accordée aux combats tout autant que celle accordée aux instants plus brefs et poétiques d’un présent torturé par les changements brutaux et inexorables qui s’opèrent.

Tome 15

Ça y est pour les lecteurs de la première heure qui avait vu la série s’arrêter lors de la première parution, voici enfin les tomes inédits de cette aventure sulfureuse où la révolte ne fait plus que gronder mais éclate et nous explose entre les mains.

Dans un tome encore une fois archi dynamique Tsutomu Takahashi nous propose de vivre au plus près les déchirements qui tiraillent la population et les gouvernants japonais à la fin du XIXe siècle. C’est souvent compliqué à suivre car on s’immisce vraiment dans la petite tambouille politique des clans et les combats qui les opposent mais quand ça commence à s’attaquer à une ville de la taille de Kyoto comme ici, cela prend une toute autre ampleur.

J’ai eu l’impression de lire tout ce tome sous apnée tant les héros étaient immergés au coeur des combats du shogunat et de leurs opposants. C’était tendu et passionnant. Je n’ai pas tout compris de l’opposition entre le shogun et le han de Chôshu mais qu’importe, j’ai été bluffée par la violence et le malaise de l’époque. J’ai adoré voir nos deux héros, devenus adultes l’air de rien, avoir la reconnaissance officielle qu’ils attendaient et ainsi participer activement à la défense de leur valeur.

Bien sûr, ils sont choisis pour une mission secrète, une mission de l’ombre, ce qui permet à l’auteur de broder comme il veut pendant que la ville est mise à feu et à sang. J’ai été ravie de les voir retrouver un de leurs maîtres mais déçue que Mozu soit encore mise sur la touche. Pourquoi une femme de son calibre ne pourrait pas participer ? L’Habitant de l’infini nous avait bien démontré que c’était possible. Mais en attendant, nous les suivons dans une mission d’élimination discrète qui, bien sûr, va mal tourner.

La mise en scène à couper au couteau de Takahashi est une nouvelle fois saisissante. On sent les sabres fendre l’air, les balles impactants lourdement les chairs. On saisit sous son trait le changement qui s’opère entre l’ancien et le nouveau monde et la charge mentale que ça provoque chez ceux qui s’y sentent obligés comme Shô. Les pages sont donc vibrantes sous le feu croisé de ces combats et on ne peut que saluer le brio de la dramaturgie choisie par le mangaka.

Avec ces pages désormais inédites, le lecteur poursuit sa plongée dans les méandres de la politique interne perturbée du Japon de la fin XIXe où les disputes entre grands ont de sacrés impacts sur le peuple représentés par les héros et leurs amis. Dans ce combat acharné, les idéaux restent forts et il est beau de voir ces jeunes hommes désormais continuer de lutter pour eux envers et contre tout.

Tome 16

J’ai beau me sentir complètement dans le brouillard encore avec les différentes coalitions qui se montent et vont s’affronter, je suis également fascinée par la mise en scène de ce moment historique clé par Tsutomu Takahashi. Sidooh reste ainsi pour moi peut-être son meilleur titre.

J’ai une fascination pour l’Histoire du Japon depuis quelques temps et je dois dire que malgré son côté très broussailleux, Sidooh y répond totalement. J’adore suivre les deux frères dans les soubresauts de cette histoire, d’une révolte à l’autre, mon toujours animé par la foi de leurs idéaux et cet amour pour leurs proches.

On franchit une nouvelle étape dans ce tome avec un Shotaro qui va tour à tour se marier et prendre la tête d’un contingent de 100 hommes pour aller lutter aux côtés du Shogun contre Rugi et ses alliés avec qui ils ont déjà croisé le fer. Dans une ambiance crépusculaire, nous assistons à la mise en place des deux camps et aux choix de leurs commandants, l’un à l’article de la mort, l’autre sur le point de donner la vie. Le parallèle est intéressant et on espère qu’il dit quelque chose de l’issue de tout cela.

Nous sommes en tout cas dans une belle ambiance guerrière, avec des camps qui se braquent autour de la question des étrangers et du destin du shogunat, des hommes qui peinent à s’identifier dans leurs chefs d’abord puis qui se laissent convaincre par leur charisme. C’est fascinant d’y assister. L’action est ainsi ténue mais annonciatrice d’une suite très tendue et tortueuse avec un retour en force de l’ennemi de toujours : Rugi. J’ai hâte.

Sidooh confirme son statut de très belle fresque historique et guerrière japonaise où les valeurs de ces derniers sont au centre de tout. Il est puissant de voir des jeunes héros grandir et évoluer au sein de cette agitation, prenant peu à peu une place clé et il est temps désormais de frapper fort, ce que l’auteur semble préparé à faire.

Tome 17

Quel tome placé sous le signe de l’urgence ! J’en ai retenu mon souffle pendant toute la lecture.

Avec la guerre intestine entre le Shogun et le Choshu, les batailles battent leur plein, mais pas les grandes batailles auxquelles on pourrait s’attendre, plutôt les petites échauffourées entre petit nombre d’hommes mais qui n’en sont pas moins mortellement dangereuses. Nos héros se battent avec tout ce qu’ils ont, tout ce qu’il leur reste pour tenter d’échapper à cette tuerie en règle.

Tsutomu Takahashi dessine comme personne, les combats plein de feu de la fin de l’époque Edo. C’est brûlant, c’est mortel, c’est terrifiant. Aux côtés de nos deux frères et avec leur petit bataillon faible en hommes, on va tenter d’avancer entre les pièges tendus mais ce n’est pas facile et la lutte fait rage. Celle-ci est mise en scène avec urgence, violence et précipitation, nous montrant que la guerre est sale et injuste. Les moments de bravoure sont rares mais marquant. Le trait de l’auteur se fait de plus en plus vif, peignant avec une douceur mortelle et efficace ces paysages de fin de règne.

Le tome se lit vite. Le piège conçu par Rugi se referme sur Sho et son frère. Ceux-ci ont peu de choix à leur portée. Same continue de les épaules avec beaucoup d’abnégation mais l’ombre de la mort le rattrape et alors qu’il reste plus de 8 tomes, on sent la fin se rapprocher. Ils partent donc la fleur au fusil, à quatre, dans une ultime mission suicide montrant tout le courage (mais aussi un peu la bêtise pour moi) de ces guerriers japonais à l’orgueil trop grand, chercher leur nouveau grand rival : Takasugi.

Tout se ligue pour nous faire sentir cette ambiance plombante de mort. l’intrigue est mortifère. Les personnages flirtent avec la mort et deux d’entre eux sont à la porte du royaume des morts justement. Mais l’auteur poursuit et leur fait brûler la chandelle par les deux bouts. C’est hypnotique à lire et à suivre, l’ultime rebondissement de ce volume ne me fera pas changer d’avis, au contraire.

C’est donc avec une certaine addiction morbide que je continue ma lecture ravageuse de Sidooh et de ses héros qui brûlent d’en découdre pour affronter leurs ennemis qui qu’ils soient et défendre leurs idéaux. L’auteur rend à merveille toute l’ambiance et l’atmosphère de l’époque et de ses japonais si fidèles à leur code de l’honneur pour certain ou si prompt à le bouffer pour d’autres. Avec une aura presque philosophique, on se rapproche de plus en plus de la fin de ce drame. C’est urgent et puissant.

Tome 18

Saluons tout d’abord la parution accélérée de Panini avec un tome par mois, ce qui permet de suivre à merveille l’urgence de l’intrigue de la série et d’éviter de se perdre dans les méandres de celle-ci en en oubliant des pans à mesure que le temps passe. C’est excellent !

Cette revisite des temps obscurs du Japon me passionne à chaque fois et ce même quand le rythme se pose comme ici ou même quand les idées ne sont pas toujours en adéquation avec les miennes, mais l’auteur sait faire revivre ces temps troublés avec fougue et passion. Alternant cette fois entre intrigue politique qui n’en finit pas de se resserrer et histoire plus intime d’un au revoir, l’émotion est au rendez-vous.

J’ai d’abord eu beaucoup de peine lors du choix fait par Samejima que j’ai trouvé déchirant. Bien que totalement d’un autre temps et dans un esprit que j’ai du mal à comprendre, j’ai eu le sentiment que Takahashi racontait cela avec une belle finesse, se mettant tour à tour dans la peau de chacun pour nous faire comprendre le sens que relevait le sepuku pour eux, alors que c’est juste une pratique barbare pour moi. On n’adhère ou pas à ce sens du devoir, cet orgueil, poussé à l’extrême, mais ici, on admire la mise en scène soignée et émouvante de l’auteur, qui ne tombe jamais dans le tape à l’oeil, ce que je craignais vraiment.

Tsutomu Takahashi est au contraire très subtile dans les portraits qu’il présente dans ce tome et le changement d’ère qu’il opère avec eux. On voit ainsi Gen grandir et ne pas coller toujours à cette fameuse doctrine samouraï qu’il aimait tant. Son frère au contraire est plus posé et finalement plus respectueux, ce qui les éloigne parfois. Ils se retrouvent à nouveau au milieu d’événements qui vont les dépasser mais que l’auteur, astucieusement, rapproche de leur but personnel.

Malin comme un singe, l’auteur capture à la fois le tournant de la fin du shogunat et du pouvoir qui se retransfère à l’Empereur, non sans heurt, et le tournant de la vie de ses héros qui doivent affronter une première défaite significative en tant que chefs d’un groupe qui ont perdu beaucoup d’hommes, dont un qui comptait beaucoup pour eux. Toutes ces pertes se mélangent et s’additionnent pour mieux nous conduire à des camps qui vont à nouveau s’affronter et une menace qui va à nouveau parler aux frères Yukimura, puisque personnifiée en ce malade de Rugi !

J’aime la façon dont le mangaka entremêle tout cela et nous montre combien cette période charnière est complexe. Rien n’est blanc ou noir. Chaque homme a sa part d’ombre et de lumière. Le portrait de leur chef, maître Katsu, est ainsi saisissant, et l’au revoir à celui qui fut leur rival, le révolutionnaire Takasugi, telle une bougie qui a brûlé trop vite, fut déchirant. Sans parler, de Mozu, qui bien que reléguée au second plan (que je suis triste de cela), offre un portrait de femme forte et résignée à la fois qui se bat pour le futur de ses congénères. Tout se met en place pour le grand final à venir.

Tome riche, abondant en émotions déchirantes, il y a pourtant plein de moments de grâce ici. L’atmosphère de cette fois d’une époque clé et les valeurs à l’ancienne des samouraïs sont parfaitement rendus par Tsutomo Takahashi même s’il tombe en plein dans une forme d’hagiographie de ces hommes. Il relate ainsi, pour le lecteur averti, cette construction du nationalisme japonais sur fond d’image biaisée de l’esprit guerrier du samouraï d’autrefois, avec une relecture bien trop jusqu’au-boutiste ne tenant pas compte de la réalité de la vie de leurs ancêtres. Passionnant mais un petit éclairage serait nécessaire pour le lecteur non-averti qui pourrait tomber dans le panneau et ne pas comprendre toutes les subtilités de l’oeuvre.

Tome 19

Les derniers instants du shogunat face à la révolte du parti populaire n’en finissent plus et nos héros sont encore et toujours en plein milieu de ces affrontements violents et déchirants.

J’ai un peu l’impression que depuis quelques temps la série fait du surplace et qu’on répète les mêmes scènes. Nos héros se battent encore et toujours avec leur sabre à la main et leur courage chevillé au corps. C’est intense, brûlant, mais extrêmement répétitif. L’auteur nous laisse espérer maintenant que tout se casse la figure un duel, enfin, entre les deux frères et celui à l’origine de leur tragédie : Rugi, mais on est encore dans l’attente et on passe devant les sous-fifres en quelques sortes avant d’arriver au boss final.

Heureusement, l’ambiance est au top elle, avec ces villes où la violence éclate de partout. L’auteur met superbement en scène cette ambiance de fin de règne où tout se casse la figure et brûle. C’est superbe, noir et profond. J’ai adoré, encore une fois, la mise en scène des duels de nos héros, experts en sabre maintenant, ce qui donne des combats tranchants et décisifs où leur vie est sur le fil du rasoir à chaque fois. Cet éphémérité de la vie résonne poétiquement avec la finesse du fil de leur sabre.

Bonus, nous avons droit à de jolies inventions de l’auteur, comme celle du combat aérien de Gen à dos de montgolfière qui préfigure les futurs combats en avion des kamikazes. Tsutomu Takahashi avec la science prédictive dont il peut faire preuve laisse ses personnages suggérer le devenir de tels moyens de lutte, ce qui est à la fois fascinant et glaçant, surtout sous son trait toujours aussi sombre et brumeux comme la fumée des explosifs dont ils se servent.

Sidooh poursuit donc son chemin sur la ligne que l’auteur lui avait fixé. L’histoire est toujours aussi sombre, violente et désespérée dans cette époque en fin de règne qui est en train de basculer. Certes, le scénario avance peu avec ce tome mais Takahashi nous livre encore de superbes scènes de combat et de duel à l’ancienne dans l’esprit du bushido qui donnent des frissons et nous acheminent petit à petit vers le final attendu et inéluctable.

Tome 20

Dernière ligne droite pour cette riche saga historique tout feu tout flamme que Panini a eu le mérite de reprendre après un premier abandon. C’est vif, c’est flamboyant, c’est une jeunesse qui se révolte !

Les frères Yukimura continuent d’évoluer dans un Japon en plein bouleversements politiques et sociaux, mais ce qui semble les motiver ces derniers temps, c’est une vengeance qui leur tient à coeur depuis longtemps : vaincre Rugi. Pour cela, ils sont réussis à éliminer deux de ses alliés et c’est maintenant avec un autre qu’ils vont tenter de se rapprocher de lui.

Tsutomu Takahashi est toujours aussi doué pour mettre en scène cette quête de vengeance dans ce Japon à feu et à sang. J’aime énormément la retranscription du contexte historique ici. Malheureusement il est un peu oublié dans ce tome presque en huis clos qui tourne autour d’un tout petit nombre de personnages contrairement à d’habitude. Du coup, j’ai trouvé qu’il manquait de souffle et d’ampleur.

Nous sommes à l’inverse consumés par leur soif de vengeance et le plan qu’ils sont en train de mettre en branle avec Ryan et Saigo, lui nouvel allié inattendu. En dehors des sentiments flamboyants des garçons, en particulier de Gen, je trouve que pour une fois l’auteur survolte un peu son sujet. Il affirme un attachement entre Saigo et Ryan mais je ne l’ai pas vraiment perçu à cause du dessin très figé et étrange du premier. Il affirme aussi la toute puissance de Rugi avec sa flotte et sa forteresse mais il semble manquer quelque chose pour vraiment en sentir l’impact. Ce n’est pas comme autrefois.

Peut-être est-ce parce qu’on se dirige vers la fin, mais je trouve l’ensemble plus lisse et prévisible. Il m’a manqué la sensation de lourdeur, d’étouffement et d’explosion de violence qu’il y avait dans les tomes précédents. Peut-être n’est-ce que le feu qui couve avant l’enflammement des derniers tomes. Je l’espère car le trait de Tsutomu Takahashi est fait pour cela. En attendant, je regrette cet éloignement de la scène historique et politique.

Tome de transition pour nous acheminer au dernier acte et à la vengeance contre Rugi, celui-ci prépare bien le terrain et amène nos deux frères là où ils doivent être, mais pour ce faire, il perd non pas de sa violence mais de son intensité dans celle-ci et surtout le cadre historique et politique se dissout de trop. C’est dommage, l’auteur a eu fait mieux.

Tome 21

Malgré sa couverture trompeuse, toujours pas de retour de Mozu dans l’histoire, petite déception pour ma part, mais plutôt un grand 360° pour préparer tout le monde à revenir sur le champ de bataille. Le souffle guerrier de nos héros n’a pas fini de nous surprendre.

Début sur un ton très sombre avec l’attaque du fort de Rugi par notre trio en sous-nombre complet, la suite est tout aussi noire et désespérée mais c’est justement pour ça qu’on aime Sidooh. Takahashi nous plonge encore et toujours dans les remous de cette histoire de vengeance mais aussi Histoire d’un pays à l’aube de grands changements, et j’aime les deux versants.

J’ai été toujours par la fin tragique de Ryan et sa relation émouvante avec son père qui trouve son achèvement ici avec une scène digne des meilleurs drames. La mise en scène de Takahashi est épique et tragique comme au théâtre, avec un jeu des regards et prises de vue marquant. Le sang coule mais pas pour rien. Les cris retentissent et déchirent le coeur. Malheureusement, l’histoire est en route et le terrible Rugi aussi malgré sa perte. A croire que tel un Titan, il se relève toujours.

La suite du tome consiste à la mise en place des différents camps en vu de l’affrontement final et pour une fois, j’ai réussi à comprendre ce qu’il se passait derrière la complexité de cette Histoire méconnue de moi. J’ai ainsi apprécié de retrouver nos héros fidèles à leurs valeurs dans le camp des outsiders, celui qui défend le Shogunat en train de mourir. On connaît tous l’acte final mais cela reste puissant et prenant de voir comment on va y arriver. Face à eux, le camp du pouvoir est étrangement tout aussi contrasté avec de réelles pourritures et des hommes qu’on a envie de juger bien plus positivement. Cela rend le récit merveilleusement complexe et ambigu, sans blanc ni noir, mais avec plein de nuances.

Je n’ai donc pas ressenti de lassitude alors que le soufflé retombait. Au contraire, comme les héros, j’étais prise par cette histoire pesante et étrange qui ne dit pas son nom où des fous de chaque côté préparent arbitrairement une guerre fratricide qui ne fera bien trop peu d’heureux et beaucoup de malheureux. Mais malgré tout, c’est beau à voir, comme une tragédie grecque. Les deux frères ont atteint une belle maturité. Gen reste tout feu tout flamme, mais il est porté par ses idéaux et l’amour de ses proches. Shotaro, lui, laisse enfin les autres l’approcher et a enfin l’aura d’un vrai meneur d’hommes. Ça fait plaisir à voir. Ils sont prêts.

Sidooh se précise donc de plus en plus, à mes yeux, comme la meilleure série de l’auteur, la plus complète, la plus complexe mais aussi la plus équilibrée et juste dans sa narration. Avec le très beau mais dramatique final du personnage de Ryan, Takahashi nous offre ici une belle émotion. Et quelle force dans l’évolution de nos deux frères-héros qui s’achemine vers ce final explosif pour eux et le Japon. Allez plus que 4 petits tomes !

6 commentaires sur “Sidooh de Tsutomu Takahashi

    1. Je croise les doigts aussi mais ils semblent vouloir aller assez vite si j’en juge le rythme rapide de sortie de 5 premiers tomes. Encore faut-il que les lecteurs soient au rendez-vous, c’est ça le plus dur quand on voit tout ce qui sort en ce moment…

      Aimé par 1 personne

      1. C’est pour ça que je suis contente que ça aille vite au début, on rapproche plus vite de la fin lol Mais oui, ça fait un peu peur…
        C’est chouette de voir ressortir de vieux titres qu’on a pu louper mais cette concentration fait mal au porte-monnaie ^^!

        J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s