Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

A Journey Beyond Heaven de Masakazu Ishiguro

couv34264808 couv34854728

Titre : A Journey Beyond Heaven

Auteur : Masakazu Ishiguro

Éditeur vf : Pika (seinen)

Année de parution vf : Depuis 2020

Nombre de tomes vf  : 9 (en cours)

Résumé : Dans un Japon dévasté par un mystérieux cataclysme, Maru et Kiruko, deux adolescents de la génération post-catastrophe, tentent de survivre. Malgré la menace de monstres dévoreurs d’humains qui plane, ils ont un objectif : atteindre le « paradis »… Dans un immense jardin coupé du monde, un groupe d’enfants jouit d’une vie douce, protégé par des scientifiques. Le monde extérieur leur est inconnu mais certains d’entre eux se questionnent : qu’y a-t-il au-delà des murs de leur paradis ?
A Journey Beyond Heaven a été élu meilleur manga de l’année par le prestigieux Kono Manga ga Sugoi ! en 2019.

Mes avis :

Tome 1

Depuis sa sortie l’an passé, j’entends beaucoup de bien sur cette série chez nombre d’amis blogueurs (dont je vous mettrai les liens plus bas), mais il semble que la série peine à trouver son public. Pour ma part, je n’avais pas osé me lancer penser y trouver une redite de Dragon Head ou Akira à cause de la lecture que je faisais de la couverture. Grossière erreur de ma part. J’ai donc arrêté de faire ma têtue et j’ai décidé de lui donner sa chance pour donner raison ou tort à ceux qui me vendaient si bien le titre. Verdict : ils avaient 100% raison !

A Journey Beyond Heaven est arrivé chez nous avec une solide réputation. Lauréate du prix 2019 Kono Manga ga Sugoi catégorie « Mangas pour garçons », cette oeuvre est dessinée au Japon depuis 2018 pour le magazine Afternoon par Masakazu Ishiguro. Bien qu’inédit jusque-là en France, ce dernier est très actif dans son pays depuis ses débuts en 2001, et la série qui compte actuellement 5 tomes au Japon, est aussi publiée aux États-Unis sous le titre Heavenly Delusion. Je suis donc assez surprise qu’elle ne fonctionne pas chez nous surtout qu’elle est plein de qualité.

A Journey Beyond Heaven est en effet un titre de science-fiction qui a tout pour plaire aux fans de Dragon Head l’horreur étouffante en moins, d’Akira le cyberpunk en moins, ou encore de Nausicaä la fantasy en moins. On retrouve de ces trois titres la poésie, l’étrangeté, le monde post-apocalyptique dans lequel il n’est pas facile de vivre et le mystère.

L’histoire imaginée par Masakazu Ishiguro se partage entre deux espaces et deux groupes de personnages. Tout commence dans une sorte de bulle où vivent un groupe d’enfants qui semblent coupés de tout sans qu’on sache pourquoi mais dont certains commencent à se poser des questions. C’est un monde aseptisé où tous portent le même uniforme et où ils étudient dans un but inconnu, sous la houlette d’adultes qu’on voit peu et qui ne vivent pas avec eux.

Puis l’histoire bascule et nous nous mettons à suivre un duo de personnages dans un Japon ravagé par un drame dont on ignore tout. Ils font tout pour survivre et mener leur quête à bien : trouver le fameux Paradis où l’un d’eux doit être conduit pour accomplir sa mission. Ce monde-là est à l’opposé du précédent. Les deux adolescents doivent fouiller les maisons pour trouver de quoi survivre, se méfier des adultes pour ne pas être agressés, faire avec la nature hostile et ce qui s’y cache, cela n’a rien d’une sinécure.

Cependant, étrangement, l’ambiance du titre est toute calme, toute tranquille, à l’opposé de ce à quoi on pourrait s’attendre. C’est une sorte de calme qui cache la tempête. On ne sait rien de ce qui a pu conduire notre monde à cet état-là. On ne sait pas d’où sorte ces étranges créatures qui parfois s’en prennent aux héros. On ne sait pas vraiment non plus ce qu’ils cherchent et qui ils sont d’ailleurs. Tout est parfaitement mystérieux et c’est justement ce décalage d’ambiances qui m’a séduite et me fait croire au potentiel de la série.

On sent en effet chez l’auteur une jolie maîtrise du tempo qu’il veut insuffler, des idées qu’il cherche à développer, des ambiances qu’il veut poser. J’en veux pour preuve l’alternance parfaitement fluide qui se fait entre les deux univers sans que cela choque ou gêne, au contraire ça titille encore plus notre curiosité et notre envie de savoir ce qu’il s’est passé et ce qu’il se passe encore.

Les dessins de Masakazu Ishiguro sont parfaitement dans la ligne droite de ceux qu’on trouve dans l’Afternoon. On retrouve cette espèce de ligne claire que j’avais aussi noté dans Eden d’Hiroki Endo, avec un dessin assez sobre et peu d’ombres. Pour autant, aussi bien l’ambiance futuriste post-apocalyptique, que l’ambiance fantastique avec ses drôles de créatures, est parfaitement rendue. L’auteur sait autant dessiner des scènes calmes, tranquilles, presque sereine, que les scènes d’action plus tendues et vives voire inquiétantes. Je regrette peut-être juste le trait un peu trop rond, trop jeune des deux héros que j’aurais aimé un peu plus abîmés par la vie, pour les différencier plus des enfants « du dedans ».

Ainsi, je comprends très bien le coup de coeur de mes camarades et je les remercie de m’avoir incitée à découvrir ce titre. C’est effectivement du bel ouvrage, de la SF comme j’aime, un récit mystérieux et bien mis en scène, qui ne prend pas ses lecteurs pour des idiots et s’inspire à merveille d’une culture SF aussi bien orientale (avec les créatures, l’eau partout…) qu’occidentale (avec ce roadtrip, ce lieu clôt…). Si comme moi, vous aimez ce genre, vous ne serez pas déçu du voyage !

>> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : L’Apprenti Otaku, Les voyages de Ly, Xander, Il était une fois un manga, La pomme qui rougit, Songe d’une nuit d’été, …

Tome 2

Avec ce nouveau tome, je frôle à nouveau le coup de coeur pour ce titre de SF diablement bien composé et mystérieux.

Le périple de Maru et Kiruko se poursuit dans un Japon dévasté par on ne sait quelle catastrophe et peuplé de terribles créatures : les dévoreurs, qui portent bien leur nom. Entre errance dans des endroits quasi désertiques entre deux communautés, nos héros se rapprochent et Kiruko se confie à Maru, lui révélant son secret.

J’ai encore une fois beaucoup aimé le ton de l’histoire, entre action, tragédie et mystère avec une pointe d’humour. Les révélations d’Hiroko nous embarquent dans une toute nouvelle direction très prometteuse faite de drôles d’expériences scientifiques, ce qui pourrait les relier au fameux Centre qu’on suit en parallèle. Les rencontres qu’ils font les amènent aussi vers de nouveaux combats toujours très bien mis en scène. L’auteur s’approprie aussi des références graphiques empruntées aussi bien à Akira d’Otomo qu’à Gyo de Junji Ito. C’est très réussi.

Leur voyage peut sembler vain mais c’est tout sauf le cas. Ça nous permet de voir ce qu’il advient d’une société quand un drame la coupe du niveau technologique qu’elle avait atteint et la pousse à revenir à des bases plus barbares et/ou proche de la nature.

Je regrette juste dans ce tome que l’équilibre entre les deux univers qui se croisaient dans le premier tome soit plus bancal. On voit beaucoup Maru et Hiruko, ce que je comprends parce que eux sont à l’extérieur et peuvent voyager, mais j’aurais aimé que les enfants du Centre aient le même traitement, surtout que celui-ci est diablement intriguant. Les brefs moments où on s’y intéresse, je crois que c’est là que l’intrigue prend toute sa saveur (avec les révélations d’Hiruko au tout début). L’auteur nous questionne alors sur une société où on aurait laissé des enfants grandir coupés de tout. Quels rapports auraient-ils au corps, à la sexualité ? Il semble également interroger sur la morale scientifique avec les expériences qu’on commence à entrapercevoir, qui font froid dans le dos.

Tout cela se goupille à merveille pour créer une atmosphère étrange et dérangeante dans laquelle chaque groupe évolue et fait des découvertes plus ou moins précieuses et intrigantes. J’ai vraiment beaucoup aimé le ton, le rythme mais aussi les relations et dynamiques qui se nouent. Le dessin alterne entre SF post-apocalyptique à la Akira et horreur à la Junji Ito. Je ne sais pas si c’est voulu mais ça fonctionne du tonnerre sur moi !

Tome 3

Nouveau tome diablement bien tourné. Tout en faisant des déclinaisons sur le même thème, l’auteur fait subtilement évoluer son récit et sa narration. C’est très très bon.

Avec ses dessins qui ont de plus en plus des tocs provenant d’Akira d’Otomo, l’auteur nous plonge dans un univers toujours plus louche où les mystères sont nombreux et les morales complexes. Si la partie dans le « jardin » se fait de plus en plus discrète, c’est probablement celle qui me fascine le plus et j’aime que les rares moments où on le voit soit maintenant mêlés à la narration du reste de l’histoire. Cela permet de faire des ponts encore plus évidents.

Les thématiques de SF sont toujours aussi plaisantes. Ça parle robot remplaçant l’homme, ça parle médecine, ça parle d’expériences et bien sûr de la notion de genre, qui semble être un élément important ici. Du côté du jardin, justement on a une jolie surprise de ce côté-là, personnellement je n’avais pas su saisir les indices et il faudra que je revienne en arrière pour voir. On y voit également de plus en plus évoluer les adultes avec leurs robots et bien que toujours floues les expériences sont au coeur, nous faisant nous questionner sur la finalité de ces enfants et la raison de la mort de deux d’entre eux. J’aime beaucoup cette atmosphère.

L’ambiance du côté de Kiruko et Maru, elle, est toujours celle d’un survival. L’auteur utilise des topos du genre pour les faire avancer dans leur quête : l’utilisation d’une mystérieuse carte, la rencontre de gang et de manifestants contre… C’est assez classique mais très bien fait, notamment grâce à la vivacité du récit mais aussi grâce à la belle entente entre les deux héros. L’auteur mélange avec talent action et introspection dans ce Japon post-apo où on se demande toujours ce qui a bien pu arriver. J’ai trouvé cependant que c’était un peu plus répétitif ou déjà vu dans ce tome. Il ne leur arrive rien de franchement nouveau ou imprévisible, ni l’attaque de l’ours, ni la petite jeune qui les manipule dans son hôtel, ni le groupe de contestataires qui les embauche. Tout ça rend le récit agréable mais ça ne m’a donné le sentiment de beaucoup avancer tout de même.

A journey beyond heaven continue à bien porter son nom avec son rythme tranquille et son ambiance mystérieuse. On s’est désormais attaché aux personnages. On est curieux de leur devenir. On a envie de percer tous ces mystères avec eux et l’auteur a très bien su écrire tout ça !

Tome 4

C’est toujours aussi passionnant mais perturbant de lire A journey beyond heaven, car effectivement le voyage proposait nous emmène vers des cieux bien compliqués.

L’auteur joue de sa double trame temporelle impossible à situer. Je passe mon temps à faire des suppositions que je dois rectifier le chapitre d’après. C’est frustrant et passionnant à la fois, comme le fait de suivre à la fois un récit post-apo et un récit en huis clos scientifique. Je regrette juste que le premier prenne autant de place car ce sont les mystères du second qui continuent à m’intriguer le plus.

Maru et Kiruko poursuivent leur quête et tombent sur deux groupes s’affrontant sur fond d’expériences médicales. J’ai beaucoup aimé le personnage du médecin qu’il croise. Quelle belle âme ! Et en plus, il leur fait de sérieuses révélations sur les créatures fantastiques que Maru parvient à tuer grâce à son pouvoir. Il les oriente aussi sur une nouvelle piste pour trouver quelqu’un que Kiruko connaissait. Leur quête est donc loin d’être terminée et reste très intéressante à suivre, même s’il y a une certaine redondance un peu dans la forme qu’elle prend et une petite lassitude parfois pour ma part.

Je suis surtout de plus en plus frustrée de ne pas pouvoir la situer par rapport à ce qu’il se passe dans l’école car l’auteur sème de plus en plus d’indices de liens entre les deux. Mais qui est l’oeuf, qui est la poule, c’est extrêmement dur de le dire…

Dans l’école, on découvre un moment passé de celle-ci particulièrement marquant et les bizarrerie de ses élèves sont de plus en plus visibles alors que rien ne les laissait vraiment voir au début. C’est perturbant et fascinant. J’adore le côté société secrète des adultes, dont la cheffe continue à me faire penser à un personnage d’Akira. J’adore les révélations qui ont lieu qui viennent tout perturber. J’adore le fantastique qui se glisse peu à peu sous la routine tranquille qu’on y percevait. Sous ses dehors calmes, c’est la partie de l’histoire qui peu à peu sort le plus de sa routine et s’éveille.

Ainsi, malgré un rythme toujours aussi lent, A journey beyond heaven poursuit son petit bonhomme de chemin tranquillement, nous assénant des révélations là où on ne les attend et vers des directions qu’on n’avait pas forcément prévu. Le mystère reste complet et à chaque fois qu’on pense avoir saisi quelque chose cela se complique encore. J’adore ça !

Tome 5

Tandis que l’histoire continue d’avancer au rythme qui lui est propre, la narration de Masakazu Ishiguro gagne en force et en fluidité mais les mystères sont toujours aussi épais malgré les quelques indices qu’on semble récolter.

Dans ce tome, j’ai beaucoup aimé la façon dont la ballade présente des héros se goupillait avec le récit de ce qui se passe / se passait au Paradis. J’ai trouvé que l’auteur faisait preuve de bien plus de fluidité dans ses passages de l’un à l’autre, comme s’il cherchait de plus en plus à les imbriquer et à faire le lien entre eux, ce qui était exactement ce que j’attendais.

Ainsi, je reste ultra intriguée par ce que mijotent les pontes du Paradis avec les cobayes qu’ils élèvent. L’un d’entre eux, qui ressemble à s’y méprendre à un personnage d’Akira, nous éclaire d’ailleurs un peu à ce sujet, mais il y a encore tellement de zones d’ombre. En tout cas, cela avance pour Tokio et ses camarades accueillent aussi la nouvelle génération, donc hâte de voir ce que va donner cette nouvelle dynamique.

Pendant ce temps-là, Maru et Kiruko poursuivent leurs recherches. Comme à chaque, ils semblent trouver une piste mais quelque chose ou quelqu’un les retient d’aller trop vite. Cette fois, ils recroisent une tête connue, Jûichi, qu’ils vont aider face à une créature bien effrayante digne de ce mois de novembre où je lis leur histoire. Avec Jûichi, c’est une nouvelle zone d’ombre qui s’ouvre à nous. Qui est-il vraiment ? Comment se fait-il que son fils soit ainsi ?

Mais rien n’arrête nos héros qui poursuivent leur route et sont enfin récompensés par des retrouvailles avec un personnage important, malheureusement cela se termine sur ce cliffhanger, ce qui fait qu’on a eu l’impression de suivre une longue introduction à ce moment dans ce tome. Pas grave, la « civilisation » en train de se reconstruire que l’on rencontre à l’occasion a quelque chose de fascinant et c’est bien de prendre le temps de la découvrir un peu.

Dans ce décor de SF post-apo toujours aussi bien dosé, le mangaka entretient son mystère, dévoilant tantôt un fin pan de son voile, pour mieux l’en recouvrir ensuite. Il joue avec nous lecteurs mais on aime se prendre au jeu. On élabore plein de théories qui seront sans doute dédites mais pas grave cette atmosphère lente, pleine de mystères et d’étrangetés est vraiment savoureuse.

Tome 6

Quel tome, bon sang ! L’auteur qui avançait si lentement et précautionneusement a totalement lâché les digues et emballé son histoire pour nous pondre un tome terriblement dévastateur et accrocheur !

Depuis le début de la série, il entretient le mystère, il gère son rythme lentement, tranquillement, distillant très très parcimonieusement des indices sur la réalité de celui-ci et les liens entre les deux mondes qu’il confronte, mais ici, dès la table des matières on sent que cela va changer et l’impact est fort quand on le lit.

Fini le road-trip où on tourne un peu autour du pot en découvrant ce qu’est devenu le Japon et les créatures qui l’habitent. Fini la petit vie quotidienne de nos enfants cobayes dans leur cocon monochrome. Place à du drame psychologique, du bon drame qui saisit aux tripes et des mystères encore plus vastes désormais qu’on commence à faire des liens entre ce qui se passe. Les références à Akira, Dragon Head et aux autres oeuvres comme celles de Stephen King font de plus en plus sens.

Avec un vrai talent de narrateur et de metteur en scène, Masakazu Ishiguro se joue de noue faisant se répondre des noms, des lieux, des images mêmes entre ces deux univers bien distincts qu’il a créée dans son histoire. C’est bluffant et prenant. On sent qu’on est sur le point de découvrir plein de choses, de faire le lien. Le rythme s’accélère à l’aune de cela et la lecture devient de plus en plus fébrile au fil des pages. Il renverse la vapeur, passe d’une histoire toute tranquille où l’horreur se glissait de temps en temps en mode série B, à une histoire bien plus nerveuse où la violence psychologique est partout. J’ai adoré !

Alors oui, j’ai été chamboulée dès le premier chapitre par le choc qu’il nous occasionne quand il s’attaque à l’intimité même des personnages et à leur intégrité psychologique, mais c’était nécessaire pour aborder les questions d’identité et d’eugénisme qu’il veut aborder dans son oeuvre et j’adore ça. J’ai été bouleversée, écoeurée même parce qui se produit des deux côtés, car en plus du choc vécu par Kiruko et Maru avec Robin, il se passe aussi des choses assez atroces dans les Jardins paradisiaques du Centre qui rendent celui-ci tout aussi glauque. Mais c’est ce qui fait la richesse et la profondeur de l’oeuvre.

Pour les amateurs de scénario plus enlevé, je pense que les dernières pages qui viennent brutalement casser le rythme et redistribuer les cartes, vont beaucoup vous plaire, ce fut mon cas. C’était prévisible et en même temps, je ne m’attendais pas à ce que ça se produise à ce moment-là, de cette façon-là et en me laissant avec encore de nouvelles questions. Mais que c’est prometteur pour la suite vu tous les indices distillés sur ces enfants, leurs pouvoirs et leurs liens avec l’autre réalité qu’on suit.

Ainsi, si les lecteurs fan de road-trip, de récit post-apo ou juste de bonne SF avec une dimension psychologique forte, laissaient sa chance au titre, il aurait une chance de bien mieux se vendre qu’il ne le fait actuellement. C’est vraiment triste de voir un titre de cette qualité ne pas avoir l’accueil et les ventes qu’il mérite. Pour ma part, c’est un régal à chaque tome, mais celui-ci signe encore un peu plus cela avec une puissance narrative rarement égalée dans la série. J’ai juste une frustration, qu’on ait rejoint la parution japonaise et qu’on doive désormais attendre encore plus longtemps…

Tome 7

Titre toujours aussi fascinant et énigmatique, A journey beyond heaven maîtrise à merveille le « sense of wonder » dans ce drôle de double univers futuriste où les questions continuent de fuser sans que les réponses se dévoilent vraiment.

Je me suis encore sentie totalement baladée dans cette lecture allant d’un tableau à l’autre assez benoîtement, tentant de faire des liens que je n’arrive pas à conceptualiser jusqu’au bout. C’est un vrai triturement des méninges à chaque fois. Et pourtant, je m’émerveille devant les actions qui ont lieu sous nos yeux dans les deux réalités de l’oeuvre, m’attachant toujours autant aux personnages et à leur devenir.

Au sein de l’institut, tout déraille suite à une attaque extérieure. Un petit groupe d’élèves avec l’aide de certains adultes en profitent pour s’enfuir, les autres sont capturés et passent sous la tutelle de l’Etat (?). Pendant ce temps-là, la cheffe va trop loin et pousse Tokio à utiliser son pouvoir. Tout cela est fascinant. On se demande si ces enfants seront les ancêtres des personnages qu’on suit dans le présent, quel est leur lien avec les créatures qu’on combat et qu’on semble entrapercevoir dans certaines scènes, ou juste ce qu’ils sont devenus dans cette nouvelle vie qu’on leur offre. Mille questions sont là, toujours sans réponse, mais avec l’espoir de les voir se dessiner.

L’auteur est ainsi vraiment doué pour entretenir le mystère. Ce monde aseptisé dans lequel ils vivaient explose, pas de souci, il invente un nouveau cadre tout aussi mystérieux, qui semble plus libre, mais sur lequel on n’en sait guère plus et où on voit aussi des créatures étranges passer à l’attaque et donc où une menace est potentiellement là, cachée. C’est très bien joué.

L’alternance avec le récit des aventures de Maru et Kiruko est malin également, car cette fois, il n’est pas question d’un chapitre sur deux, mais il y a de radicales ruptures en plein milieu des chapitres, ce qui rend les choses encore plus imprévisibles. J’adore ! C’est percutant, entraînant, mystérieux aussi puisqu’on se demande s’il y a un sens à ces ruptures, si le moment choisi pour les faire a une raison, etc. Quel malin ce Masakazu Ishiguro !

Du côté de Maru et Kiruko, c’est cependant toujours aussi classique. Ils vadrouillent sur les routes et font une rencontre, aident une vagabonde comme eux face à une créature et ce faisant découvrent sa terrible histoire. Le monde « présent » qu’ils décrivent n’est vraiment pas joli, à croire qu’à chaque fois, il faut qu’il y ait quelque chose qui déraille. Mais c’est bien aussi de ne pas être dans le monde des bisounours et de montrer qu’après une catastrophe, l’homme peut plutôt avoir tendance à revenir à un état de non-droit où bien sûr les plus forts (les hommes, les adultes, en général) en profitent pour maltraiter les autres. J’ai, en revanche, aimé la réponse apportée. Non, les victimes n’ont pas à le rester et peuvent se rebeller à leur tour. C’était surprenant et jouissif !

Glissant toujours plein de petits indices pour tenter de titiller les méninges des graines de détectives que nous sommes, le mangaka déballe son histoire avec une belle maestria. Pourtant celle-ci est complexe, riche et forte en émotion. Elle porte des messages forts sur les violences faites aux femmes, aux enfants, les dangers de la science, … Une très belle oeuvre de science-fiction comme on en a trop peu en manga en France.

Tome 8

Quand j’ouvre un nouveau tome de Journey beyond Heaven, je ne sais jamais trop sur quoi je vais tomber, c’est toujours la surprise et cette fois, peut-être encore plus, avec ce jeu sur les révélations / mystères et les temporalités que l’auteur accentue en les rapprochant.

Avec la vie à l’institut qui a pris fin, on suit ses anciens membres d’une toute autre façon, ce qui ouvre grandement l’histoire. C’est un vrai plaisir de suivre aléatoirement ceux-ci ou plutôt de les croiser de temps en temps où détour d’une route et de voir ce qu’ils sont devenus. L’auteur aime distiller ses mystères et les informations arrivent vraiment au compte goutte sur eux mais cela les rend d’autant plus fascinant. J’ai adoré apprendre chaque petit élément que j’ai pu trouver sur eux, leurs pouvoirs, ce qui se faisait à l’institut, ce qu’il cachait, ses origines et le drame qui semble s’être joué pour eux et pour le restant de l’humanité. C’est très astucieux de la part de l’auteur de parsemer son récit ainsi de bouts d’information que chacun devra ensuite réassembler pour tout remettre dans l’ordre afin de comprendre le tableau général.

Ce tome est donc celui du parcellement et cela se retrouve aussi bien des ces infos disséminées que dans la narration éclatée qu’on reçoit. On croise ainsi plusieurs anciens élèves mais à des moments différents de leur vie, des lieux différents et parfois même avec des gens différents. On continue également à suivre par intermittence notre duo Maru et Kiruko qui poursuivent leur quête en croisant de nouvelles créatures à éliminer et de nouveaux groupes de gens avec qui interagir et apprendre des choses. J’aime toujours autant leur dynamique et l’auteur s’en donne à coeur joie pour nous amuser avec eux. Mais au final, c’est surtout leur rapprochement de la ligne narrative des jeunes de l’institut Takahara qui intéresse et ça arrive à grands pas. Peut-être aura-t-on enfin des réponses sur une certaine ressemblance évidente.

Côté univers, j’ai adoré voir l’auteur développer les pouvoirs de nos jeunes surdoués. J’ai encore plus aimé croiser dans les pages de ce tome des individus au sexe non défini qui partage les deux, c’est tellement rare. Les réflexions sur le genre, le sexe, les sentiments sont faites subtilement mais interpellent. J’ai beaucoup aimé ce que j’ai appris sur l’ancienne patronne de leur institut et ce qu’elle est devenue. Tout le décor post-apo est vraiment bien mené. Il prend son temps et est immersif. Pour une fois, contrairement à Dragon Head, Escale à Yokohama ou Les Promeneuses de l’apocalypse, on n’est pas face à des espaces vides et ça fait du bien. Je reste cependant très curieuse de tout ce qui n’a pas été dit et/ou montré.

Récit toujours aussi entraînant, A journey beyond heaven a vraiment désormais sa marque, son style, son univers que l’auteur creuse de plus en plus au fil des tomes. Avec l’arrivée de l’adaptation animée, je lui souhaite tout le succès du monde pour que les curieux se penchent sur le manga qui est vraiment pertinent et palpitant à suivre avec des questions actuelles sur le rapport à la science, à l’institution politique, au genre, et j’en passe. C’est vraiment un titre de SF comme je les aime avec plein de réflexions sur nos sociétés.

Tome 9

La SF en manga a vraiment le vent en poupe chez moi. Autant, je peine à trouver pleinement satisfaction dans des univers de fantasy, autant je prends mon pied avec l’imagination dont les auteurs de SF manga font preuve. J’adore !

Ce 9e tome de A journey beyond heaven nous offre son lot de révélation et c’est excellent. Alors qu’on s’attendait peut-être à un ou deux recoupements, c’est bien plus que ça que nous donne l’auteur, mais il relance ainsi tout autant de questions. Un équilibre qui me séduit j’avoue tant il rend la lecture palpitante et dynamique.

Maru et Kiruko se retrouve ainsi face à une ancienne figure de l’institut contre laquelle ils vont se battre, ce qui va nous permettre de découvrir le plein potentiel de Maru au cours d’un combat simple mais éclairant. Kiruko va ensuite tomber « par hasard » sur l’une des personnes qu’elle cherche et en apprendre plus sur elle aussi. Mais le génie du tout est bien sûr, et on s’y attendait, mais quand même ça fait quelque chose, que tout soit lié à un certain degré. Et voir se rejoindre des fils lancés longtemps avant, c’est quand même jouissif.

L’auteur nous confirme donc certains sentiments mais relance aussi l’histoire sur de nouvelles pistes, notamment la nature de Maru, ses parents et ceux qui étaient proche d’eux. Cela interroge énormément sur le rôle de quelqu’un qui va malheureusement disparaître ainsi après un bel acte de bravoure, mais également sur ses proches qu’on retrouve rapidement ici et qui, j’espère, prendront la relève dans l’histoire pour continuer à soutenir cette dynamique de révélation bien débutée.

Être sur les routes avec eux commence à revêtir une toute autre saveur, surtout maintenant qu’on les a lancés sur une nouvelle piste avec les parents de Maru mais pas que. J’espère que l’auteur continuera ainsi à lier simplement mais brillamment la petite histoire en mode road-trip de survie des héros et les mystères de cet univers. Ici, entre les révélations, l’action et les combats bien effrayants, voire glauques, je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer. C’est assez classique dans le fond mais vraiment efficace aussi bien dans le fond que la forme, car l’auteur sait vraiment donner une belle aura de SF à son histoire avec même une touche de body horror glaçante. Perso, je suis fan !

Ce diaporama nécessite JavaScript.

14 commentaires sur “A Journey Beyond Heaven de Masakazu Ishiguro

  1. Merci pour la mention qui m’a permis d’avoir une notification concernant cet article, qui me fait d’autant plus plaisir que je constate que tu es toi aussi convaincue par ces premiers tomes. Comme tu l’as dit en introduction, la série démarre pas très bien chez nous et je trouve ça vraiment injuste tant elle est maîtrisée pour le moment.

    Aimé par 1 personne

  2. C’est vrai que tous les avis que j’ai pu voir passer sont vraiment positifs pour ce titre, et pourtant il ne fait pas de grandes vagues comme d’autres sortis récemment ! Je sens que je vais devoir y apporter ma contribution aussi en me procurant cette saga le plus rapidement possible ! Parce que je suis vraiment de plus en plus intriguée par tous ces avis positifs 😀

    Aimé par 2 personnes

    1. Voilà, c’est ça, c’est surprenant que le titre ne fonctionne pas mieux. Je me demande ce qui bloque les lecteurs : les couvertures ? le titre à rallonge à la signification peu parlante ? l’univers ?
      En tout cas, j’espère que tu fonceras et craqueras car il le mérite vraiment !

      Aimé par 1 personne

      1. Pour ma part, les couvertures ne m’ont pas vraiment attiré, et le titre aussi, ça avait l’air d’être décalé, du coup je ne me suis pas plus arrêtée dessus.
        Il est bien noté en wish list, je suis curieuse !

        Aimé par 1 personne

    1. Youpi, une de plus !
      Le titre est clairement passé inaperçu malheureusement.
      Et pour la petite anecdote, quand j’ai voulu l’acheter, je ne le trouvais pas en rayon, la libraire et son assistante non plus alors qu’il était censé être en rayon. On a dû s’y reprendre à plusieurs fois et finalement il était bien au bon endroit mais on ne le « voyait » pas entre les autres 😅

      Aimé par 1 personne

Répondre à tampopo24 Annuler la réponse.