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Don’t Call It Mystery de Yumi Tamura

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Titre : Don’t Call It Mystery

Auteur : Yumi Tamura

Éditeur vf : Noeve Grafx

Années de parution vf : Depuis 2021

Nombre de tomes vf  : 7 (en cours)

Résumé : Totono Kuno est un étudiant solitaire, qui n’aspire qu’à profiter de ses journées tranquilles, à préparer du curry et à apprécier le passage des saisons. Sa routine est bouleversée le jour où la police se présente à sa porte : l’un de ses camarades de classe a été assassiné et il est le seul suspect… Il faudra à Totono déployer toutes ses capacités de déduction pour lever les soupçons qui pèsent sur lui. Heureusement, il ne manque pas de ressources dans ce domaine !

Mes avis :

Tome 1

Adolescente puis étudiante, j’étais une grande fan des récits d’aventure de Yumi Tamura, une autrice qui n’a malheureusement pas su trouver son public chez nous en France, probablement à cause d’un trait auquel les lecteurs n’étaient pas habitués mais que je trouve plein de charme. Ainsi même si j’ai pu aller jusqu’au bout de Basara avec délectation, ce ne fut pas le cas pour son second titre : 7 Seeds qui fut abandonné au bout de 10 tomes sur plus de 30…

Je ne m’attendais donc absolument pas à voir revenir l’autrice chez nous, mais en 2021, Noeve Grafx nous a fait la belle surprise de sortir en vf l’une de ses dernières séries en cours : Don’t Call It Mystery qui met en scène un héros aux allures de Sherlock à la japonaise. Publié dans le magazine Flowers qui appartient à la Shogakukan, ce josei a tout pour plaire au plus grand nombre : un habillage de polar/thriller moderne, un héros dans les codes actuels du genre, et une édition vraiment très très soignée dont j’ai notamment adoré la traduction avec ses jeux de mots bien trouvés ! Je croise donc fort les doigts pour que l’autrice trouve son public cette fois chez nous.

Don’t Call It Mystery est cependant très différent de la production de l’autrice qui est arrivée chez nous jusque là comme le mentionne le bandeau de l’éditeur. Nous la retrouvons dans « un registre complètement nouveau » pour nous, mais pas totalement pour ceux qui comme moi ont également acquis ses oeuvres sorties aux Etats-Unis : Chicago (Fiche) et Wild Com (Fiche), où on retrouvait déjà un peu cette veine de polar. Mais les années sont passées et c’est avec un habillage bien plus moderne qu’elle revient au genre ici.

Le premier tome de Don’t Call It Mystery nous offre de suivre Totonô Kunô lors de deux histoires où son sens de la déduction et de la répartie sera fort utile. Pour nous faire découvrir ce héros et le mettre en scène, l’autrice n’hésite pas à en faire des tonnes. Lui, qui est un banal étudiant vivant seul et adorant le curry, se retrouve à chaque fois embarqué dans des histoires d’une ampleur incroyable : meurtre d’un camarade de Fac, détournement d’un bus. Il n’a vraiment pas de chance mais pour nous, lecteurs, c’est jouissif à suivre.

Avec sa narration tranquille somme toute mais assez bavarde, l’autrice fait sans cesse basculer le quotidien monotone du héros dans une suite de dialogues de haut niveau où il démontre tout son génie de la déduction pour se sortir des terribles situations dans lesquelles il se retrouve. On a alors l’impression d’assister à une représentation théâtrale ou cinématographique comme dans Douze hommes en colère. C’est certes très riche en texte mais passionnant à suivre et pas du tout lourd à lire au final, car c’est très fin et souvent assez caustique. Totonô, tout comme son prénom, est vraiment un garçon qui sort du lot et sait se faire remarquer, même si parfois c’est en tapant sur le système de ceux en face de lui.

Dans la première histoire, il se retrouve donc impliqué dans une affaire de meurtre dont tout le désigne comme coupable. Il est donc embarqué par la police et interrogé longuement à plusieurs reprises, mais il ne cède jamais et fait toujours preuve de logique. Une discussion en amenant une autre, il nous permet également de faire connaissance avec les policiers qui l’interrogent, ce qui fait qu’il n’est pas le seul sur scène et qu’on lui donne efficacement la réplique, se crée une connivence entre eux et nous, qui assistons à répétition à ces échanges qui en plus virent sur la vie privée petit à petit. Un jeu d’échanges privés / professionnels s’instaure alors avec une histoire qui gagne et gagne en profondeur au fil des pages jusqu’à la brutale révélation finale qui marque le coup. L’autrice a vraiment le sens du suspense et du coup de théâtre.

Elle réitère cela dans la seconde histoire développée dans ce tome, qui n’est pas terminée à ce jour et qui verra probablement sa conclusion dans le tome 2. Cette fois, Totonô veut aller à une exposition de peinture et monte précipitamment dans un bus, qui quelques minutes plus tard est détourné par un fou armé d’un couteau. Situation, malheureusement courante de nos jours, mais qui va à nouveau permettre à notre héros de mettre en scène son sens de la déduction et de la répartie pour tenter de s’en sortir avec les autres voyageurs. Pour le moment, je trouve l’histoire moins prenante que la première. Les ressorts sont autres. Il y a cependant la même dynamique que précédemment qui s’installe mais avec les autres voyageurs cette fois qu’on voit ainsi se dévoiler. Le coup de théâtre lui intervient dans les dernières pages et n’est pas si surprenant que ça. Il laisse cependant un beau suspense pour la suite et j’ai hâte de connaître le fin de cette histoire.

Au cours de ces deux récits, j’ai donc retrouvé la narration impeccable de cette autrice toujours aussi bavarde qui aime développer ses idées et faire parler ses personnages. Elle a su imaginer un héros atypique, qui certes a un petit côté Sherlock Holmes mais pas que. Il reste d’ailleurs assez mystérieux encore pour le moment. J’aime son côté froid et décalé mais humain aussi. On se demande un peu quel est son parcours personnel, comment il peut être ainsi, comment cela va évoluer pour lui, s’il va rejoindre les forces de police d’une façon ou d’une autre, etc. A côté de lui, dans les nombreuses personnages que l’on croise en arrière-plan, il y a des figures un peu typiques des mangas de Yumi Tamura pour ceux qui les ont lus. C’est pour cela que certains revirements m’ont peu surpris d’ailleurs. J’aime bien retrouver des figures et visages un peu connus avec des rôles légèrement similaires, cela a un côté réconfortant, surtout après avoir attendu tant d’année pour retrouver l’autrice.

Je reconnais cependant que sa narration chargée en bulles et son dessin atypique pourraient ne pas plaire à tout le monde. Pour ma part, je trouve son trait frais et original. Personne ne dessine comme elle. Imaginer un héros sérieux comme Totonô avec une coupe de cheveux aussi décalée est excellent, ça m’a beaucoup fait rire. Les planches ont un vrai charme en tout cas et les personnages ont chacun « des gueules », ce qui fait que ce titre pourrait tout à fait plaire aux habitués des seinen.

Avec ce premier tome, Yumi Tamura frappe fort en revenant sur le sol français, tout comme son éditeur qui nous offre un objet soigné, à la couverture surprenante, l’impression impeccable et la traduction réussie. J’ai vraiment adoré découvrir ce Sherlock japonais décalé mais moderne, le temps de deux aventures, dont la première, terminée, a tenu toutes ses promesses. C’est un excellent polar qui joue sur des codes classiques pour mieux nous surprendre. Avis aux amateurs !

>> N’hésitez pas à aussi aller lire les avis de : Les Voyages de Ly, L’Apprenti Otaku, Fleurs de Sakura, La pomme qui rougit, Manga Astra, Hitman, Swordy, Vous ? 

Tome 2

Il y a quelques mois, je disais mon plaisir de retrouver la plume et le style graphique de Yumi Tamura dans cette drôle de série ni tout à fait polar, ni tout à fait tranche de vie, avec son héros fortement inspiré d’un Sherlock moderne. Ce tome 2 vient confirmer ce sentiment de manière très positive.

L’autrice nous livre d’abord la fin du mystère du détournement de bus, avant d’emmener notre héros vers Hiroshima pour résoudre de nouveaux mystères. Toujours aussi bavard, celui-ci analyse tout et pose les questions qui font mouche. J’adore ses réflexions sur notre société. Je me sens souvent proche de lui. Ce qu’il dit des harceleurs-harcelés ou encore des schémas familiaux actuels et de la cérémonie de mariage me parle tout à fait ! Après, je reconnais qu’il parle beaucoup et que ça donne des planches assez chargées, ainsi qu’un tome qui met du temps à se lire, mais cela ne se ressent pas sur le rythme de la narration pour moi. L’autrice fait en sorte qu’on ne sente pas de longueurs et que tout s’intègre bien avec de jolis petits rebondissements le moment venu. C’est donc très plaisant à suivre. Et chapeau à la traduction qui est impeccable pour retranscrire les nombreux jeux de mots glissés par l’autrice justement pour complexifier et faire rebondir l’intrigue, ça n’a pas dû être chose aisée.

Mais pour revenir sur les intrigues suivies, j’ai beaucoup aimé celle assez longue sur le détournement du bus. L’autrice joue sur les apparences trompeuses. Elle lance son héros dans une sorte de polar à la Agatha Christie où dans un huis clos, elle cherche à percer les secrets les plus sombres de chacun pour les analyser et trouver la vraie crevure parmi eux. J’ai aimé le regard complexe posé ainsi sur les hommes et la société. C’était amusant de voir Totono y jouer les détectives aux côtés des kidnappeurs et de leur tête pensante, qui fait un bon compagnon pour notre héros. L’intrigue fut vraiment rondement menée.

Et la force de l’autrice est de garder cette ligne par la suite. Alors qu’on imagine que Totono reprend les rênes de sa vie après toute cette histoire, tandis qu’il se rend à Hiroshima pour enfin voir l’expo qu’il souhaite, il est à nouveau impliquée dans de nouvelles histoires en lien avec la précédente sans qu’il le sache. J’ai beaucoup aimé ce mélange d’histoire qui peut sembler brève et anecdotique avec une histoire plus vaste et complexe où les personnages sont tous connectés les uns avec les autres, comme le prouvent les dernières pages. Elle titille vraiment le lecteur ainsi en se demandant comment de tels liens sont possibles et ce qu’ils vont apporter à ce héros en construction.

D’ailleurs, j’ai trouvé qu’au fil des pages, Totono devenait plus sympathique, moins antipathique et plus humain derrière son visage froid. C’est en fait quelqu’un de très intelligent, très logique, qui semble tout voir sous le couvert de mécanismes, équations logiques, d’où ce côté décalé qu’on peut ressentir chez lui. Ça me parle totalement. Mais à côté, il a aussi de brefs moments où il est très humains et touchant, comme lorsqu’il aide cette petite fille ou parle de sa relation avec Garo. J’ai hâte de voir comment il va évoluer.

Yumi Tamura poursuit ainsi avec succès cette saga intrigante et prenante où les réflexions qu’elle fait sur notre société contemporaine me parlent totalement. J’aime la richesse de ses réflexions. J’aime l’aura complexe et humaine de ses histoires. J’aime l’évolution de son héros. Je n’ai qu’une hâte, enchaîner les histoires !

Tome 3

Avec sa première histoire longue s’étalant sur plus d’un tome, nous démontre une nouvelle fois son grand talent de conteuse mais aussi de croqueuse du genre humain et c’est fascinant !

Retrouver Totonô est toujours une sacrée expérience. Ce héros tellement atypique qui n’aime pas se laver chez les autres ou dans un bain public, qui n’aime pas dormir dans la même pièce que quelqu’un, ou qu’une personne lui lave ses vêtements, est également un détective hors pair. Il le démontre une nouvelle fois dans cette sombre histoire familiale que l’on suit depuis la fin du tome précédent mais cette fois il est plutôt extérieur à ce qu’il se passe, ce qui change des histoires précédentes où on l’avait retrouvé impliqué.

On retrouve donc à nouveau son intelligence résultat de ses fines observations et de son excellent travail de déduction dans une histoire de famille complexe où l’autrice en profite pour tisser des liens limites fantastiques avec ce qu’il se passe. Dans une ambiance à la Agatha Christie, les héritiers d’une grande fortune sont tour à tour menacé, tandis que leurs parents sont eux-mêmes morts mystérieusement des années plus tôt. Il est question de mystérieux héritages, d’étranges cabanes, de traits génétiques qu’on cherche à faire disparaitre, de familles proches avec de drôles de règles. Tout cela est très mystérieux, avec une belle tension narrative et une peur au début fantastique mais de plus en plus réelle au fur et à mesure. L’autrice fait preuve de beaucoup de talent pour ce genre de récit, s’inspirant des meilleurs et sachant tirer partie de cela pour bâtir une histoire solide.

J’ai beaucoup aimé en plus la façon dont l’autrice utilise chacune de ses histoires pour aborder des sujets de société importants. Ici, on traite de l’importance de faire attention aux enfants, de s’en occuper, de ne pas mal parler d’eux ou devant eux, et des conséquences que cela peut avoir. Elle parle également du travail de mère au foyer et de la reconnaissance qu’on leur doit car c’est trop facile de la part des hommes de croire que c’est la belle vie pour elles. Yumi Tamura met vraiment des propos censés et engagés entre les lèvres de Totonô et j’adore cela. Elle sait remettre certains de ses lecteurs à leur place et c’est mérité, tant pis si ça déplaît à certains (cf. la dernière polémique au Japon où on lui reproche certains de ses propos jugés trop féministes…). Moi, je suis ravie d’avoir ce genre d’autrice publiée chez nous.

Avec ce même mélange subtile et acéré d’histoire pleine de mystères et de critiques sociétales par un esprit ouvert, Yumi Tamura offre ici une oeuvre vraiment singulière. La narration un peu trop dense des débuts laisse peu à peu place à des histoires plus conséquentes mais toujours très bien construites et surtout diablement prenantes où histoire de famille et défense des femmes et des enfants sont des enjeux qui me parlent et me plaisent. Une série qui change mais que j’adore encore une fois grâce à la belle Yumi Tamura.

Tome 4

Même si les tomes sortent au compte-goutte chez nous malgré la popularité grandissante du titre au Japon grâce à son drama, c’est toujours aussi fascinant de suivre les enquêtes de notre chère tête de mouton toujours dans les nuages.

Avec ce tome Yumi Tamura continue de se faire plaisir à coup de critique contre la société moderne japonaise mais pas que. Elle nous régale aussi d’enquêtes variées et assez courtes cette fois. Je m’étais habituée moi aux enquêtes plus longues, alors ça fait bizarre de retrouver une rythme aussi rapide.

Pour autant, la fascination pour les capacités de déduction de Totono est toujours là. J’ai adoré le voir résoudre tour à tour l’histoire de famille des Kariatsumari, celle d’un inconnu amnésique dans le parc fan du nombre 3, celle d’un voisin de lit d’hôpital ancien flic et pour finir les propres énigmes qu’on lui a envoyé par message interposé. C’était varié et amusant, et à chaque fois il y avait un message derrière.

Et au-dessus de tout ça plane comme un mystère, celui du garçon, Goro, que Totono a rencontré dernièrement et qui semble l’observer voir le manipuler de loin. Cela rappelle les grandes heures de séries policières comme le Mentalist où là aussi un être mystérieux manipulaient tout et tout le monde dans l’ombre. Cela confère une vraie aura de mystère à la série qui lui va bien et lui permet d’être autre chose que juste une machine à résoudre des enquêtes.

Je reconnais bien là, l’autrice de 7 Seeds. Les mêmes types de personnages et de thèmes humanistes ressortent de ses histoires et c’est un vrai plaisir. Quand Totono dénonce ceux qui se défaussent sur les autres pour cacher leurs erreurs ou crimes ici, ça fait écho en nous, de même que lorsqu’il critique cette société japonaise où les faiblesses n’ont pas leur place, ou notre vision trop guerrière de la maladie et du soin. L’autrice cherche à nous faire passer de vrais messages de vie importants et on les saisit au bond avec délectation, celle d’un lectorat tout aussi rebelle et contestataire qu’elle. Ça fait du bien de la voir revenir à ses amours (cf son oeuvre Basara où souffle le vent de la révolte).

Ainsi bien que ça n’ait l’air que de banales enquêtes, les histoires de Don’t call it mystery frappent juste et démontrent encore quelle grande autrice sociale est Yumi Tamura. Il est vraiment juste trop dommage que la parution française soit si lente et que les lecteurs n’aient pas accès à ses autres oeuvres plus accessibles et grand public mais tout aussi profondes et belles.

Tome 5

Après une bien longue pause en France, voici enfin le seul titre de Yumi Tamura dispo chez nous enfin de retour et quel retour fracassant !

Malgré sa couverture aux couleurs de Noël, la lecture ne fut pas un cadeau ! Pas que c’est mauvais, c’est même totalement le contraire ! Mais c’est surtout une nouvelle aventure bien chargée psychologiquement que nous propose l’autrice.

Nous retrouvons cette fois Totono pour une histoire entièrement complète sur ce tome. En suivant la mystérieuse Leica, avec qui il correspond de manière tout sauf conventionnelle, celui-ci va se retrouvé mêlé à une nouvelle affaire policière : des incendies criminels qui font périr des parents maltraitant leurs enfants. Ni une ni deux, Totono va se retrouver mêlé à tout ça.

Le titre est toujours aussi bavard mais étrangement, c’est fort bien passé cette fois. Comme dans chaque enquête, celle-ci est le prétexte d’une action coup de poing de l’autrice pour dénoncer un travers ou un manquement de la société japonaise et cette fois, c’est la question de la maltraitance des enfants. Elle nous explique à travers cette histoire poignante et sordide combien c’est dur d’aider des enfants maltraités au Japon à cause d’une loi bien trop protectrice envers la cellule familiale, mais également parce que les solutions ensuite une fois l’enfant retiré ne sont pas la panacée non plus. Pour moi qui travaille avec des enfants, c’est dur d’entendre cela, mais nécessaire. J’ai beaucoup aimé.

Elle mène cela de front avec une enquête passionnante, au rythme assez lent et étrange, où on voit le héros s’impliquer de loin et où on s’amuse des interactions que le hasard (ou pas) met sur sa route. On a l’impression que tout coule de source, que l’autrice dégage une force tranquille dans ce récit étrange et insidieux qui peu à peu nous conduit dan les zones les plus sombres de la psyché de certains. Ainsi, je n’ai pas été surprise outre mesure par le revirement final concernant ces incendies car tout avait été très bien préparé en amont, mais j’en reste non moins marquée. J’ai aussi apprécié de la voir petit à petit, très lentement, dessiner un fil rouge sur l’ensemble de son oeuvre, avec cette Leica qui échange avec Totono mais aussi avec ces mystérieux signes du zodiaque qui apparaissent partout.

Yumi Tamura sait vraiment comment tisser sa toile l’air de rien. Entre enquêtes percutantes, critiques sociétales criantes, personnage qui peu à peu grandi et mystère autour d’un fil rouge ténu, la série devient vraiment de plus en plus addictive au fil des tomes. On en vient alors à regretter fortement le rythme plus que haché de la parution française qui gâche un peu tout et fait s’effilocher un lectorat qui aurait pu être fidèle autrement. Il ne faudra pas venir pleurer quand on nous dira que c’est un four et qu’il n’y aura pas d’autres séries de l’autrice chez nous, mais ce sera un beau gâchis au vu des qualités évidentes de celle-ci une fois de plus. Car si Yumi Tamura vous régale ici, vous n’imaginez pas combien vous seriez séduits par ses séries précédentes que sont 7Seeds et Basara !

Tome 6

Quel bonheur, après cette longue pause dans la vf, de retrouver l’enquêteur nonchalant de Yumi Tamura, ce cher Totono à la coiffure de mouton improbable !

Tome un peu compagnon, cette fois l’autrice propose de nous embarquer non pas aux côtés de Totono, mais de Garo, en revenant en arrière pour suivre son enquête sur la mort de sa soeur Anju. A ses côtés nous allons être entraînés dans la quête d’un singulier serial killer, ce qui laisse Totono sur le carreau. Pour ne pas le perdre, l’autrice nous offre tout de même une première histoire fort amusante centrée sur lui où il vit son premier Nouvel An avec Leica et bien sûr rien ne se passe comme prévu.

Dans les deux cas, l’autrice nous propose des histoires de meurtres et autres séquestrations qui n’ont rien de tout blanc et rayonnant, c’est à nouveau dans les affres de l’âme humaine qu’elle plonge. Cependant, comme souvent, l’histoire de Totono apporte sa dose de lumière, grâce à l’humour et au décalage qu’il procure à chaque fois. Ainsi on peut s’amuser de sa maladresse avec les filles au cours de ce premier rendez-vous. On peut aussi être saisi par leur complicité et compréhension commune malgré leur caractère inhabituel. Cela donne une petite histoire savoureuse faisant gentiment réfléchir et frissonner, et donnant l’espoir d’un prochain rendez-vous !

Du côté de Garo, c’est plus sombre et désespéré, puisque ce dernier profite de la résurgence d’un tueur qui a fait plein de victime il y a 20 ans et semble recommencer, pour enquêter sur sa propre soeur disparue. A défaut de l’avoir eu dans l’histoire précédente, je m’attendais à avoir ici la réflexion coup de poing sur notre société comme l’autrice aime en asséner dans cette saga. Je ne l’ai pas trouvé ou alors ce fut délayé dans la mise en scène de choses qu’on connaît déjà : prostitution, bavure policière, drame familial, vengeance familiale… Alors, j’ai pris plaisir à suivre cette enquête et ses rebondissements, à la voir côté flic et côté Garo, mais c’était peut-être un peu moins mémorable que d’habitude.

Avec son ténu fil rouge zodiacal, Yumi Tamura continue de nous mener par le bout du nez dans ses enquêtes singulières du fait de leurs intervenants. Peu de Totono cette fois, mais un joli remplacement par Garo pour revenir un peu en arrière avec lui et poursuivre les recherches sur ce psy-zodiacal mystère. Rondement menées, efficaces, les enquêtes font gentiment frissonner mais manquent d’impact par rapport à d’habitude.

PS / J’ai l’impression que la qualité du papier, notamment de la jaquette a changé et pas en mieux…

Tome 7

A un rythme toujours aussi épisodique, ce quoi doit bien achever de plomber la série malheureusement… , nous retrouvons Totono et ses aventures pleines de mystères où il faut bien s’accrocher.

Petit huis clos à la Agatha Christie cette fois avec une invitation du mari de son ancienne psy pour un séjour à la montagne dans un chalet en mode club à énigmes où le concept va se retourner contre ses occupants à notre plus grande joie.

J’ai senti comme une baisse de régime dans ce tome ou alors c’est moi qui me lasse un peu. J’aime toujours autant le fait que Yumi Tamura ne nous prenne jamais pour des idiots et nous offre des histoires complexes avec des personnages tortueux et des thématiques fortes. Mais ici, ça l’a moins fait que précédemment. Peut-être parce qu’on avait enfin un fil rouge avec ces bagues du zodiaque et qu’au lieu de creuser le filon, on part sur quelque chose de totalement décroché et presque anecdotique. Peut-être parce que la critique sociétale fut aussi bien moins forte et marquée que précédemment.

Pour autant, j’ai pris plaisir à suivre Totono dans ses aventures. J’ai aimé me retrouver dans ce lieu étrange et singulier qui rappelle tellement nombre de cosy crime : le lieu isolé avec un groupe d’individus tous plus louches les uns que les autres, c’est quand même une base qu’on retrouve très souvent. Ici, avec Totono en héros, cela a une saveur particulière car il ne pose pas le même regard que nous sur les situations, ce qui nous oblige à réfléchir différemment. J’ai aimé ce côté « ça part étrangement dans tous les sens » et plein de petits sujets à priori anecdotiques viennent nous frapper. C’était un confus qui permettait de nous tourner la tête, de rendre la phrase narrative plus mystérieuse et la résolution moins facile. Pour autant, j’ai pris plein de petites choses de la question de la santé mentale, de la relation patient médecin, en passant par les protections de la société qui fonctionnent si mal, sans oublier le poids du regret et de l’erreur, ou la question des aidants et la jalousie envers ceux qui réussissent et « ont une vie plus facile ». Ce côté social me parle toujours.

J’ai juste été moins prise par ce scénario car je me suis souvent sentie extérieure à l’histoire et que je ne voyais pas où on voulait en venir. Je n’ai pas compris non plus trop les motivations finales du coupable. J’ai eu l’impression qu’à force de circonvolutions l’autrice accouchait de quelque chose de bien flou, manquant d’impact et pas forcément cohérent. Ça n’a pas fonctionné avec moi cette fois alors que j’attendais une certaine émotion vu que Totono connaissait la première victime et qu’elle avait une place importante dans sa vie. Je note cependant les 2-3 images permettant d’éclairer le personnage, parlant de son enfance et de sa relation présente avec Azu (?).

Rendez-vous dans un an pour le prochain tome… que c’est frustrant ! Nous sommes ici avec un cosy crime des plus savoureux, avec un personnage atypique, des réflexions sociales percutantes, une gestion des enquêtes prenantes, mais l’essai peine à se transformer notamment parce qu’il y a bien trop de temps entre les lectures pour développer une urgence ou un attachement. L’éditeur flingue lui-même l’avenir de la série et de son autrice. Je ne suis que tristesse.

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11 commentaires sur “Don’t Call It Mystery de Yumi Tamura

  1. Un des avantages quand je suis mentionné (je t’en remercie d’ailleurs) est que je ne peux pas louper l’article !
    Comme j’avais quelques minutes à tuer j’en ai profité, et je trouve très sympa d’avoir l’avis de quelqu’un qui connait bien l’autrice.

    Sur ce titre en particulier, on est plutôt en phase. On a soulevé les mêmes qualités comme le sens du dialogue de la mangaka, ou le personnage principal.

    Pour ma part, j’ai été conquis ce qui me laisse à dire que laccueil froid de la mangaka en France est une belle injustice. J’espère qu’avec cette serie, ce sera la bonne !

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    1. Je vais essayer de continuer à le faire alors 😉
      Oui c’est totalement immérité cet accueil tiède autrefois alors que l’autrice est une grande conteuse et qu’elle sait très bien capturer la psychologie des personnages et développer des intrigues à thématiques fortes. 7 seeds est vraiment l’un des meilleurs récits de SF post-apo que j’ai pu lire et en dehors de sa longueur je ne comprends pas son échec 😥

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      1. Depuis que j’ai appris que le shonen représente chez nous 80% des ventes de manga, je pense que j’ai un élément de réponse.

        On en a déjà brièvement parlé, mais tout ce qui est étiqueté « féminin » part malheureusement avec un handicap. D’où le fait que je ne jette pas la pierre aux éditeurs qui rechignent à utiliser le terme shojo…

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  2. Étant fan des personnages à la Sherlock Holmes, a fortiori quand un protagoniste n’en est pas une pâle copie, ce titre ne peut que me tenter. J’aime quand un(e) auteur(e) fait appel au sens de la déduction de son héros et qu’iel n »hésite pas à l’auréoler d’un petit côté caustique.
    Je suis juste un peu réservée sur la présence de deux histoires et pas d’un seul fil narratif, parce qu’en général, je trouve ça moins profond et prenant. Mais le manga reste néanmoins très tentant, d’autant que j’aime vraiment l’effet sur la couverture (oui, je radote).

    Aimé par 1 personne

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