Livres - Science-Fiction

Dune de Frank Herbert

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Titre : Dune

Auteurs : Frank Herbert

Editeur vf : Robert Laffont (Ailleurs & Demain) / Pocket

Année de parution vf :  Réédition depuis 2020 (grand format) / 2021 (poche)

Nombre de tomes : 6 (série terminée)

Histoire : Il n’y a pas, dans tout l’Empire, de planète plus inhospitalière que Dune. Partout des sables à perte de vue. Une seule richesse : l’épice de longue vie, née du désert, et que tout l’univers convoite.
Quand Leto Atréides reçoit Dune en fief, il flaire le piège. Il aura besoin des guerriers Fremen qui, réfugiés au fond du désert, se sont adaptés à une vie très dure en préservant leur liberté, leurs coutumes et leur foi. Ils rêvent du prophète qui proclamera la guerre sainte et changera le cours de l’Histoire.
Cependant les Révérendes Mères du Bene Gesserit poursuivent leur programme millénaire de sélection génétique : elles veulent créer un homme qui réunira tous les dons latents de l’espèce. Le Messie des Fremen est-il déjà né dans l’Empire ?

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Mon avis :

Tome 1 : Dune

A l’occasion du la sortie du film de Denis Villeneuve, que j’attends avec grande impatience, j’en ai profité pour me lancer dans la relecture de Dune, ce cycle qui m’avait tant fascinée adolescente. Soyons honnête, même sans ce grand réalisateur, j’aurais relu ce cycle. J’avais d’ailleurs prévu de le faire après Hyperion l’an dernier mais j’ai préféré repousser et le faire juste avant la sortie du film pour avoir tout bien fraichement en tête.

Je pense que tous les fans de SF connaissent l’histoire de Dune, qu’ils l’aient lu ou qu’ils en aient vu l’une des adaptations – souvent critiquées mais que j’ai toutes adoré pour ma part ><, je ne vous ferai donc pas l’offense de re-raconter l’histoire, qui de toute façon est trop complexe et foisonnante pour se prêter à l’exercice. Quant aux novices, pour leur laisser le plaisir de la découverte, je leur recommande de ne lire que le résumé ci-dessus, amplement suffisant pour entrer dans l’histoire. Au passage, si vous ne l’avez pas encore vu, filez regarder le dernier trailer du film de Villeneuve, il y a tout dedans !

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Dune est une vaste fresque au croisement de plusieurs genres. Si le titre semble ouvertement appartenir à la science-fiction et au planet opera dans son habillage, il recèle également des tics de narration propres à la fantasy et possède une grande richesse scénaristique qui lui ajoute une dimension politique et religieuse juste fascinante, le tout dans le contexte d’écriture des années 1960, qui aura une certaine influence ici. L’auteur est même visionnaire avec ce peuple en train de préparer son soulèvement version jihad face à l’envahisseur venu ravager sa planète.

Le récit, lui, se présente comme très verbeux dans ce premier tome. L’auteur aime énormément les dialogues et ceux-ci sont très présents à la lecture, parfois un peu trop aux dépends des descriptions qui m’ont manqué. Mais ayant des éléments visuels des films et autres adaptations en tête, j’ai pu facilement me faire une idée de cet univers si particulier qu’est Arrakis, la planète aux déserts et aux vers des sables, ainsi que des nombreux personnages aux personnalités et caractéristiques très fortes qui peuplent l’histoire.

L’univers de Dune est assez fascinant, nous sommes dans un futur où une certaine forme de technologie a été bannie : les robots, mais où les hommes voyagent à travers l’espace grâce à des vaisseaux commandés par une Guilde des voyageurs shootée à une certaine drogue hallucinogène aux drôles de particularités. L’univers connu est gouverné par un Empereur qui doit louvoyer entre les querelles et complots de ses courtisans nobles. C’est là que nous faisons la connaissances de la famille Atréïdes.

Nous allons suivre ceux-ci et leur entourage durant toute la première partie. Les Atréïdes ont dû quitter leur planète de Calladan pour aller sur Arrakis suite à une « promotion » de l’Empereur, autrefois contrôlée par leurs rivaux : les Harkonnen. Le chef de famille est le Duc Leto, un homme solide, qui peut paraitre froid, mais qui est un meneur d’hommes, qui a su se faire aimer et respecter de tous. J’ai aimé le roc que fut ce personnage. Sa compagne, Jessica, est une Bene Gesserit, un ordre de femmes fascinant qui organise à l’aide de prédictions la reproduction entre les grandes familles. J’ai apprécié de voir tout ce qu’elle faisait pour son fils et l’amour qu’elle avait pour son compagnon. Leur fils Paul est encore un adolescent au début de l’histoire, qui est formé par sa mère, mais également par de grands hommes proches de son père, qui sont tour à tour poète, assassin, guerrier ou mercenaire. Paul est un peu falot au début avec ses visions et son côté héros romantique à la Musset ^^! Mais l’ombre d’une trahison plane sur leur maison.

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Les premiers temps de l’histoire sont un peu longs. L’auteur prend le temps de planter son décor et surtout les innombrables personnages qui la peuplent. Il nous laisse découvrir la personnalité et le rôle de chacun. Il nous apprend quelles interactions il y a entre eux, à quel genre de relations on peut s’attendre entre chacune des familles, etc. Il nous fait également découvrir cet univers futuriste qui rappelle furieusement la Cour du Roi Soleil avec ses tromperies et chausses trappes. C’est foisonnant et en même temps le rythme est très lent. La plume d’Herbert n’est pas des plus abordable derrière sa simplicité apparente.

Dès le début, on nous annonce une trahison, nous cherchons donc avec les personnages les traces de celle-ci et la façon dont elle va se manifester, rongeant notre frein en nous demandant quand elle va arriver et ce qu’il va se passer ensuite. En lisant cette longue première partie, j’avais un peu l’impression de me retrouver dans le premier tome de Game of Thrones avant la mort de Ned. Je me demande si G.R.R Martins n’aurait pas trouvé l’inspiration ici.

Puis une fois que ce grand moment a eu lieu, l’intrigue prend un tout autre visage. Nous suivons alors Paul vers qui l’intrigue s’oriente de plus en plus. Comme un héros de Fantasy, celui-ci a un grand destin qui l’attend et l’auteur nous y plonge peu à peu dedans à travers des aventures à donner froid dans le dos sur cette planète Arrakis bien hostile au premier coup d’oeil. Avec cette absence de rythme, qui n’en est pas vraiment une mais qui quand même bien présente, l’auteur nous plonge dans les nouvelles aventures de Paul où la planète Arrakis joue un rôle central par sa découverte en tant que telle mais aussi avec la découverte de ses habitants, de leurs croyances et de leurs us et coutumes.

Dans la première partie, nous étions très orienté politique avec cette trahison à venir entre les deux maisons. Dans cette seconde partie, nous nous orientons plus sur la religion et le destin. Herbert est fascinant dans la façon dont il mêle ces deux desseins. Dès les premières pages, on sait que Paul est à part, mais assister à l’éclosion de cela est tout autre : on voit naître un Messie. C’est fascinant de le voir grandir sous nos yeux. C’est fascinant de le voir procéder pour attirer les gens autour de lui. C’est fascinant d’entendre tout ce qu’il pense de ce qu’il se passe et hésiter entre les différents chemins à suivre jusqu’à ce que tout lui échappe, montrant que même en connaissant l’avenir, on n’en est pas le maître pour autant. Herbert joue à merveille la carte de la prédestination.

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Herbert a vraiment développé une oeuvre monde, où tous les éléments s’imbriquent à merveille les uns dans les autres et fascinent. J’ai été fascinée pour le jeu des maisons. J’ai été fascinée par le rôle de Leto et l’entourage qu’il a su se créer (Duncan Idaho, Gurney Halleck, Thufir Hawat, le docteur Yueh…). J’ai été fascinée par les différentes composantes de la planète Arrakis actuelle (vers, épices, Fremen…) et ce que ses habitants souhaitent en faire (une belle fable écologique). J’ai été fascinée par l’évolution de Paul et tout ce qui tourne autour de sa destinée et de ses visions.

Je n’ai pas été autant fascinée par l’écriture, le style, de Frank Herbert que je l’avais été celle par Dan Simmons dans Hypérion. Il a une écriture moins travaillée, plus simple et moins poétique sauf aux rares moments où il évoque par exemple les préceptes Bene Gesserit sur la peur. En revanche, en matière de construction d’univers, l’auteur se pose là ! Quand on se rend compte de tous les éléments qu’il parvient à développer l’air de rien entre les pages des aventures initiatiques de son héros, c’est proprement fascinant. On a l’impression de suivre une succession de dialogues et de pensées intérieures qui ne mènent qu’à une succession d’actions, mais au final en parallèle se dessine un univers extrêmement riche et complexe dont on commence à peine à saisir l’étendue dans ce tome.

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Je comprends la fascination que j’avais pu ressentir à l’époque, quand j’avais découvert le monde de Dune ado. C’était la première fois que je lisais quelque chose d’aussi ambitieux. Et même maintenant, près de 20 ans plus tard, je ressens la même chose. Herbert est l’un des seuls auteurs que j’ai pu lire à avoir poussé le worldbuilding à ce niveau, en plus en l’équilibrant avec une aventure passionnante. Un titre culte et pas pour rien !

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Yoda Bor, Les Chroniques du Chroniqueur, Au pays des cave trolls, Aelinel, Xapur, Dragon Galactique, Vous ?

Et bien sûr, la référence : L’épaule d’Orion

coup de coeur

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Tome 2 : Le Messie de Dune

Autant grâce aux adaptations je me rappelais plutôt bien du premier tome de Dune, autant désormais j’entre dans la partie où seules les très grandes lignes me sont restées en mémoire. J’en apprécie ainsi d’autant plus la redécouverte.

Dans un tome bien court, nous retrouvons Paul, 12 ans plus tard, devenu Empereur et empêtré un peu plus dans les méandres du pouvoir. Frank Herbert va droit au but dans cette suite, proposant une plume de meilleure qualité que dans le précédent tome, car plus équilibrée entre dialogue et narration, et moins poussiéreuse dans un sens. Ça se lit donc comme on boirait du petit lait.

Ce saut dans le temps permet donc de démarrer l’intrigue avec de nouveaux enjeux et un nouvel angle pour le récit. Devenu Empereur avec à ses côtés Irulan, fille de l’ex-empereur élevée dans les précepts Bene Gesserit, Paul n’a pourtant pas d’enfant, ce que cette dernière et celles qui l’ont élevée aimerait pourtant. Paul tient aussi son monde d’une main de fer avec ses alliés Freemen et leur Jihad. Il a donc pas mal d’ennemis qui vont monter un complot en vue de le faire descendre de son piédestal.

J’ai aimé suivre une intrigue plus concentrée et moins éparpillée que la dernière fois mais toute aussi riche et parfaitement construite. Frank Herbert continue de s’appuyer sur son univers fait de sable, d’eau et d’épices, mais aussi de complots, de trahisons et de surprises. Il introduit de nouveaux personnages qui auront toute leur importance, dont le fascinant Hayt, ghola fabriqué à partir du corps de Duncan Idaho, grand ami de Paul mort pour lui. On retrouve également nos héros du premier tome grandis, que ce soit Paul, Chani ou Alia, tous bien installés dans leur rôle. Mais des tensions sont nées entre temps.

Ce tome est donc celui des tensions entre Paul, les Bene Gesserit, la Guilde, les Freemen et leur Jihad. Frank Herbert nous manoeuvre en mettant tour à tour au centre les ambitions politiques des uns, les ambitions eugénistes des autres et les ambitions de liberté des derniers. Paul, lui, n’en peut plus de son rôle de Messie et n’a jamais accepté ce Jihad tragique fait en son nom, mais ses visions le portent vers un destin inéluctable contre lequel il n’ose lutter. J’ai été fascinée encore plus que dans le tome 1 par les « pouvoirs » de Paul et leurs conséquences. Herbert écrit des scènes vraiment fascinantes autour de lui, d’Alia et de Chani.

Cependant, j’ai aussi eu le sentiment d’être dans un tome de transition, faisant le lien entre la lutte pour se venger et gagner le pouvoir de Paul et des Freemen, et la nouvelle génération qui va devoir dépasser toute cette violence pour construire un nouveau monde en germe. J’ai eu le sentiment d’être ici dans un entre deux, presque dans un espace où le temps est suspendu entre cet avant et cet après. C’était étrange car il se passait quand même énormément de choses entre les différents complots et l’évolution des personnages dans leur destinée, mais tout cela passe très vite et la conclusion arrive bien brutalement. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit déjà terminé.

J’ai beaucoup aimé l’évolution de Paul qui symbolise à merveille la solitude du pouvoir sous le trait d’Herbert, au-delà même de ce que lui apportent ses pouvoirs. J’ai été touchée par le drame des femmes qui l’entourent, la question de l’héritier étant vraiment centrale ici pour Irulan et Chani. J’ai apprécié également de peu à peu découvrir la jeune Alia et son futur duo avec Hayt / Duncan. Celui-ci est vraiment la touche de science que j’attendais dans le titre. J’aime quand l’auteur parle de recherche génétique autour de la régénération des corps et des âmes, tout comme j’ai aimé voir les comploteurs s’emparer à nouveau de cette énergie atomique proscrite. C’est prometteur et ça permet d’élargir un peu l’univers pour l’amener plus dans le cadre de la SF.

Bien que court, ce deuxième tome est ainsi une lecture de grande grande qualité où l’auteur fait preuve d’une plume plus travaillée et agréable à lire. L’histoire continue à prendre de l’ampleur, avec un travail autour de la figure du politique assez magistral. Le monde de Dune est toujours aussi fascinant mais l’auteur se concentre plus sur l’humain ici et je ne lui en veut absolument pas, si ça peut donner une suite aussi prenante et déchirante.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Au pays des cave trolls, Vous ?

coup de coeur

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Tome 3 : Les enfants de Dune

On l’a tous déjà vécu et je l’ai déjà écrit plein de fois mais je vais le redire ici, il n’est jamais simple d’écrire sur un coup de coeur et encore plus quand c’est le coup de coeur des coups de coeur d’une saga. Le premier tome de Dune était déjà brillant par l’exposition de cet univers de dingue qu’il offrait. Le second était excellent dans l’exaltation et la réflexion qu’il apportait autour de la figure du Messie, il commençait à contribuer à bâtir ce qui a fait de Dune une grande saga littéraire au sens propre. Ce troisième tome réunit tout cela pour nous faire vivre une aventure épique qui transcende les générations. Il atteint enfin la dimension narrative complète que j’attendais de ce titre depuis ses débuts un peu arides.

Frank Herbert a vraiment bâti sa saga comme une découverte au long court. Il nous a bombardé d’informations au début, du moins le croyait-on, mais en fait il continue à le faire plus subtilement par la suite, donnant une richesse incroyable à son histoire et à l’univers qui la compose. La seule différence, c’est qu’à partir du deuxième tome, il prête garde également à donner une dimension narrative beaucoup plus fluide et digeste pour ses lecteurs, ce qui change tout. Là, où j’avais un peu trainé la patte pour lire le premier tome, j’ai dévoré celui-ci.

Nous nous retrouvons sur Dune une dizaine d’années après les derniers événements. Paul a disparu dans le désert, ses enfants, deux jumeaux, sont élevés par les Freemen, Alia dirige comme Régente et là-dessus Jessica revient dans un but pas si mystérieux.

Dès les premières pages, nous découvrons comme dans le premier volet une histoire qui va à nouveau s’ouvrir au-delà de Dune pour nous offrir un récit riche en intrigues politiques, écologiques, religieuses, familiales et intérieures. L’auteur est sur tous les front. Il associe pour cela des personnages phares de la saga désormais comme Jessica, Alia, Irulan mais aussi Duncan, Stilgar ou Gurney, et bien sûr la nouvelle génération représentée par les jumeaux de Paul et le neveu d’Irulan, Farad’n. Ils vont tous êtres pris dans un tourbillon d’intrigues pour le futur de l’Empire et de la planète Arakis. J’ai été happée par l’histoire dès les premières pages sans pouvoir en décrocher. C’est fascinant de voir le mélange des différents niveaux d’écriture de l’auteur, l’imbrication des intrigues et le rôle divers des personnages qui pourtant semble tout à fait fluide et facile à suivre. Herbert a fait de gros progrès là-dessus.

Ainsi, on suit à la fois, une Alia complètement folle, qui a définitivement basculée. C’est un personnage fascinant que j’aurais aimé voir mis encore plus en avant avec ce qu’elle vit et les raisons qui l’ont amenée là. On suit également le retour de Jessica, qui titille sur ses relations avec ses enfants et ses relations avec les Bene Gesserit, tant elle est tiraillée entre les deux. Elle joue ainsi un rôle à la fois familial et politique, qui a de doubles implications intéressantes. Les jumeaux, eux, que l’on découvre ici sont juste fascinants dans leur gémellité et leur individualité. Ils apportent beaucoup, surtout Leto, à l’univers de la série et aux réflexions autour de l’héritage. Puis il y a le jeune Farad’n qui signe le retour de la famille de l’ancien Empereur et qui va offrir le pont qu’on attendait entre les deux, ce qu’Irulan n’avait pas réussi à faire à cause de la relation de Paul avec Chani. L’auteur balaie ainsi tous les champs.

L’intrigue, elle, est simple et multiple. Un complot, encore un, se met en place pour renverser Alia et les jumeaux, mais Jessica le déjoue habillement, tout comme Leto et Ghanima, faisant plutôt alliance que la guerre et permettant la naissance d’un nouvel empire. Sur Dune, Alia est également en conflit avec certains Freemen qui ne veulent plus du chemin qu’elle propose. Et Leto, lui, digne héritier de son père, découvre que celui-ci s’est peut-être trompé dans sa lecture de l’avenir et du Sentier d’or qu’il n’a pas voulu emprunté.

J’ai adoré suivre les intrigues politique, permettant de voir certains sombrer, se relever ou encore s’affranchir. L’auteur offre un espace à chacun, que ce soit Jessica, Alia, Irulan, Farad’n, Stilgar ou Duncan. J’ai certains petits regrets mais qui tiennent plus à mes préférences personnelles. J’ai également adoré le discours qui va peu peu se glisser dans l’histoire autour de la transformation peut-être trop rapide, trop brutale, de la planète sans avoir tenu compte de son écosystème. Ici, Leto porte une nouvelle voie, un nouveau discours et un nouveau lien également entre le passé, le présent et le futur. La dimension religieuse de l’histoire est d’ailleurs un nouvel élément superbement mis en forme avec les regrets que l’on trouve chez Paul et Stilgar également. Quant à ce que l’auteur dit de l’héritage, c’est proprement fascinant et ça en dit long sur l’émancipation qu’il souhaite à chacun. On doit tous trouver notre propre voie.

Toujours aussi philosophique, mais surtout de plus en plus humain, ce troisième opus m’a offert certaines des plus belles pages de la saga, notamment lors de la matérialisation du choix de Leto. Cette lente transformation qu’il va vivre est fascinante aussi bien d’un point de vue intérieur, écologique (au niveau de la planète), que politique (au niveau de l’Empire). Herbert atteint une forme de complétude qui m’a soufflée, tellement soufflée d’ailleurs que j’en pers mes mots avec cette chronique un peu sans queue ni tête…

Les enfants de Dune est à ce jour, mon tome préféré de la saga. L’auteur a enfin réussi, pour moi, à rassembler tout ce qui fait la force de cette saga : univers fascinant et plume fluide et addictive. Cette nouvelle ouverture de Dune sur l’univers, ouvre aussi une nouvelle voie aux lecteurs, leur offrant un univers bien plus vaste, plus riche, plus peuplé et plus complexe. En mélangeant les histoires de cette étrange famille qu’est celle des Atréides avec celle de la planète Arakis et de l’Empire, l’auteur a trouvé la recette parfaite pour me plaire et produire des moments marquants qui traverseront le temps.

coup de coeur

Tome 4 : L’Empereur-Dieu de Dune

Avec cette saisissante couverture signé Aurélien Police, nous retrouvons donc Leto II, fils de Paul dans cette suite se déroulant des millénaires plus tard. Si le tome précédent avait été un gros coup de coeur et mon préféré jusqu’à présent, le soufflet est quelque peu retombé ici.

Qu’on ne se mente pas, cela reste de la SF diablement prenante à lire, très bien écrite et où la plume de l’auteur devient vraiment de mieux en mieux. Le hic ? C’est que malgré cela, j’ai clairement l’impression que le fond devient de plus en plus classique et répétitif. Ce n’est donc plus la claque des débuts.

Pourtant, on ne peut être que fasciné avec un héros comme Leto, cet homme qui s’est laissé transformé en ver des sables géants pour le bien de tous. J’adore tous les passages décrivant celui-ci, son corps mais aussi son état d’esprit et ses sentiments. Il me fascine, certes d’une manière un peu glauque et frissonnante, mais quand même. Je trouve l’idée du saut dans le temps pour le retrouver une fois la transformation bien avancée et son projet politico-écologique également, très bien vue. On se retrouve ainsi face à un nouvel univers, un nouveau paysage et de nouveaux personnages. Le hic à nouveau, c’est que l’ensemble reste assez superficiel. L’auteur répète sans cesse les mêmes phrases et l’intrigue tiendrait sur bien moins de pages s’il divaguait moins… J’aurais vraiment aimé plus de force et d’audace.

On se retrouve à la place avec un récit centré à la fois sur le projet de Leto, celui des Ixiens avec sa fiancée Hwi mais aussi des forces de l’Empire qui sont encore pas loin malgré le sommeil qu’on leur impose. Nous découvrons tout cela à travers les Mémoires volées de Leto qui accompagnent chaque chapitre en incipit mais également l’histoire à travers le personnage de Siona, la fille de Moneo, sur laquelle Leto compte beaucoup pour la suite de son mystérieux projet. Et avec eux, nous avons également la société des Truitesses, nouvelle armée d’élite des Atréïdes et les Freemen de musée, qui portent bien leur nom, et ont totalement dépéri. Tout cela donne une ambiance qui se veut assez morose, celle d’un monde sur le déclin, c’est du moins l’apparence qu’il veut donner mais au fond tout bouillonne et c’est là que ça devient passionnant.

Malgré une narration un peu mollassonne et répétitive qui manque de nerf, on ne peut que suivre, fascinée, le plan que Leto tente de mettre en branle à la fois autour du ver qu’il devient et des implications de ceci sur la nouvelle transformation d’Arakis, et également autour de Siona et du nouveau ghola de Duncan pour créer de nouveaux Atréïdes qui échapperaient aux plans des autres instances de pouvoir de l’Empire. Excellent ! Tout se met en place assez lentement et de nombreux coups de théâtre viennent émailler cela, ralentissant et faisant diverger les projets parfois, montrant que même le meilleur plan a des failles.

Ce mélange de politique, d’écologie, de génétique et d’introspection qui se fait ici a de quoi surprendre. On prend une toute autre direction que celle des débuts, je trouve. L’auteur remet à nouveau en question la figure du héros qu’il avait monté avec Paul. Il en donne un nouvel écho déformé qui interroge avec cet Empereur-Dieu martyr qui se sacrifie pour le bonheur du plus grand nombre, du moins selon son idée, mais se comporte en tyran en attendant, donnant une vision assez sombre et sans concession du pouvoir sur la masse populaire. J’aime énormément ces noires nuances.

En revanche, je suis bien plus partagée une fois de plus quant à la question des femmes dans cette oeuvre. L’auteur me met souvent mal à l’aide avec l’utilisation qu’il fait d’elle. Tantôt, il semble créer des personnages d’une grande finesse et/ou force qui m’émeuvent comme Hwi et Siona. Tantôt, il propose une instrumentalisation de celles-ci et de leur sexualité qui me dérange profondément, mais je crois que c’est justement son but et il y réussit donc parfaitement.

La nouvelle proposition de l’auteur pour qu’un « messie » échappe à son destin m’a donc autant fascinée que perturbée. J’ai adoré le personnage de Leto, probablement celui qui m’a le plus fascinée dans la saga avec Alia. Mais j’ai trouvé la narration vraiment bancale dans ce nouveau tome et j’aurais aimé une intrigue moins en huis clos, plus sensationnelle et en écho avec la qualification d’ « oeuvre-monde » qu’on donne souvent à la saga. Là, je me suis sentie un peu enfermée, à l’étroit, dans une histoire de famille qui finalement se répète un peu avec ces héros cherchant à protéger leur descendance en échappant à leur destin. Émouvant, remuant et foncièrement intrigant, Dune reste un indispensable dans ma culture SF mais un indispensable non moins dépourvu de failles.

Tome 5 : Les Hérétiques de Dune

Après deux duologie centrée sur les Atréïdes et se déroulant sur la planète Arakis, j’ai été assez dépaysée de me retrouver 5000 ans après les tous débuts de l’histoire avec les Bene Gesserit d’un côté et les Bene Tleilax de l’autre, dans l’espace, sur Gamma et un peu aussi sur la nouvelle Arakis.

Dans cette nouvelle duologie, Herbert décide de nous faire faire un sacré bond dans le temps. Après les événements enclenchés par Leto II, il m’a paru normal de voir les choses sur un temps plus long, mais ce n’est pas pour autant facile de replonger dans une histoire où tant de choses ont changé et où tant de personnages sont nouveaux. Heureusement, la plume de l’auteur est bien moins aride qu’au début et avec toute la vivacité de ses dialogues et de ses descriptions, j’ai pu plonger dans ce nouvel univers.

Celui-ci repose sur une dualité ma foi pas si étonnante. Nous avons d’un côté la branche femelle avec les Bene Gesserit qui tente de manipuler tout le monde pour pouvoir diriger l’univers à sa guise et de l’autre les Tleilaxu et leurs gholas qui tentent d’en faire de même mais de manière bien plus mystérieuse. L’outil pour réaliser leur souhait à tous deux : encore une fois l’épice présent sur Dune, sauf que l’un le détient et pas l’autre. Il faut donc trouver comment palier à cela.

Pendant ce long tome de 500 pages, j’ai donc suivi de nouveaux personnages membres de chacune des organisations fourbir leurs plans. Du côté des Bene Gesserit, plusieurs Mères supérieures veulent manipuler deux enfants afin d’en faire les instruments du futur qu’elles souhaitent. Ces deux enfants sont pour l’un le ghola de Duncan Idaho, encore, et pour l’autre une jeune fille pouvant commander aux vers d’Arakis. Rien de neuf en soi mais des intrigues qui restent passionnantes à suivre car très vivantes, avec des rivalités, des contradictions et des frictions. On passe d’un lieu à l’autre, des lieux qu’on connaissait autrefois et qui ont changé sans changer, mais qu’Herbert nous fait redécouvrir maintenant qu’il a découvert la puissance des descriptions et c’est fascinant en plus d’être immersif.

Les manoeuvres des uns et des autres amènent à de nombreuses scènes d’action bien écrites mais qui continuent parfois à laisser un sentiment de trop peu par rapport aux auteurs très visuels actuellement. Les thèmes, eux, sont ceux qui parcourent l’oeuvre : le dévoiement de la religion, les manipulations génétiques et l’eugénisme, les complots politiques. J’ai apprécié de retrouver cet univers connus mais je n’ai pas été soufflée car il n’y avait pas grand-chose de neuf. J’ai même été assez agacée par le tournant donné aux Bene Gesserit qui deviennent des déesses du sexe sous la plume d’Herbert. Franchement gênant.

Ce tome qui nous embarque dans une nouvelle duologie, une nouvelle temporalité et de nouveaux personnages est dans la ligne droite des précédents, voire en est un peu une redite. Ce fut un très bon divertissement malgré mon manque d’attachement aux personnages. J’ai eu beaucoup d’action et j’ai aimé suivre les plans alambiqués des uns et des autres, jusqu’à ce final détonnant, qui laisse un peu sur les fesses. Maintenant, je trouve ça un peu facile de la part d’Herbert, il n’est pas aussi inspiré que lors des tomes précédents ou alors ce n’est que l’introduction de quelque chose qu’on verra dans le prochain et dernier tome. Affaire à suivre.

Tome 6 : La maison des mères

Je vais être sévère avec cet ultime volume écrit par Frank Herbert avant sa mort, des suites existent sous la plume de son fils qui a repris alors les notes de ce dernier pour un tome 7. Pourquoi vais-je être sévère ? Parce que malgré la qualité d’écriture de l’auteur, l’inventivité et la richesse de son univers, il a perdu l’atmosphère si particulière de son oeuvre.

Dans cet ultime volume, l’auteur prend résolument un tournant très très politique autour des femmes du Bene Geserit, seules survivantes en quelques sortes des grandes instances qui régissaient le monde et elles vont essayer à la fois de lutter contre les rebelles qui se dressent sur leur chemin et de rassembler les différents camps disséminés. Sur le papier, c’est fort intéressant et prometteur. Dans la réalité, cela se traîne et se traîne sur des centaines de pages sans qu’il se passe grand-chose.

Dans les précédents diptyques rythmant l’oeuvre, l’auteur nous faisait suivre des membres de la famille Atréides. Il y avait ainsi un attachement important des lecteurs pour les personnages. Ici, le choix de nous transporter dans un futur très lointain, sans la moindre marque, avec juste le ghola de Duncan Idaho comme marque repère, ne fut pas un choix judicieux pour moi. J’ai ressenti un total manque d’attachement envers celui-ci ainsi qu’envers les nouveaux personnages, résultat : je me fichais un peu de ce qui pouvait leur arriver et sans cela ma lecture fut bien fade par rapport aux quatre premiers tomes.

Ces tomes 5 et 6 qui peuvent se lire comme un tout forment en plus une vraie rupture dans l’oeuvre. Non seulement, ils ne forment pas un diptyque puisqu’à la fin du tome 6, il reste encore bien des choses à raconter. Mais en plus, ils nous transportent au final loin de Dune/Arakis dans un univers ultra politique où se sont plus les ambitions des uns et des autres qui portent l’histoire, plutôt que la fascination pour l’épice et les visions qu’elle apportait dans la première partie. Ce changement plaira ou non, je n’en suis pas vraiment fan, je préférais le côté mystique des débuts, mais on ne peut nier que c’est bien écrit et logique.

Ainsi, dans ce tome nous suivons des Bene Gesserit en proie aux attaques des Honorées Matriarches, qui jouent leur dernier atout avec le projet de transformation de la planète du Chapitre en nouvelle Dune, afin de relancer la production de l’Épice. Ainsi la Révérende Mère, Odrade espère que son ghola du légendaire Miles Teg va pouvoir les aider à vaincre les Matriarches avec l’aide de Duncan Idaho qu’elles ont capturé. En parallèle, Scytale, le dernier Maître Tleilaxu, reste le seul à posséder la connaissance pour produire artificiellement l’Épice mais refuse de dévoiler son secret. Il possède aussi une « capsule anentropique » qui recèle des cellules prêtes à régénérer des Danseurs-Visage de la nouvelle génération ainsi que tous les principaux héros de la saga (dont Paul Atréides et dame Jessica), ce qu’il espère monnayer auprès des Sœurs.

L’auteur ajoute aussi des petites nouveautés entremêlées avec le coeur de la saga. Ainsi la Révérende Mère Lucille avec son fardeau des Mémoires Secondes d’autres Bene Gesserit est capturée  sur Gammu et fait la rencontre de Rebecca, une Révérende Mère sauvage juive de l’Israël Secret, à qui elle confie son fardeau. Il y a également, même si c’est précipité, de belles batailles et entourloupes politiques bien dynamiques en fin de tome avec Miles Teg, qu’il faut imaginer dans un corps de petit garçon, qui attaque les Honorées Matriarches sur Gammu, puis sur Jonction mais avec un revirement final bien senti des Honorables Matriarches. Il y a également l’Honorée Matriarche Murbella, compagne de Duncan en captivité, qui après avoir suivi l’enseignement Bene Gesserit va jouer un double jeu auprès de ses anciennes sœurs. Elle réussira à assurer le contrôle sur ses anciennes sœurs en démontrant la supériorité de son héritage mixte. Enfin, Duncan réserve une ultime surprise dans les dernières pages de tome que je n’avais pas vu venir, s’échappant de la planète du Chapitre vers l’inconnu.

Ce n’est donc pas un tome dépourvu d’intérêt. Il a juste fallu attendre les 100 dernières pages pour qu’il se passe vraiment quelque chose, le reste n’étant que de longues palabres souvent pseudo philosophiques et religieuses lourdes et présentant peu d’intérêt pour moi. Cette absence de rythme qui leur est dû fut vraiment dur à vivre. Il y avait vraiment énormément à écrémer pour retrouver au milieu de tout ça les fils d’intrigues intéressants. Le tome aurait largement pu être réduit de moitié vu toutes les redites qu’il contient en lui-même et avec le tome précédent. J’ai eu le sentiment que l’auteur se perdait souvent et peinait à retrouver son chemin alors que c’était beaucoup plus vif et incisif dans les premiers tomes et ici il n’a pas l’excuse de développer un univers, c’est déjà fait.

Malgré une lecture en demi-teinte sur cet ultime volume signé Frank Herbert, j’ai adoré replonger dans l’univers de Dune 20 ans plus tard et je reste très curieuse de la voie que vont emprunter Duncan d’un côté, et la fusion Bene Gesserit – Honorées Matriarches de l’autre. Je lirai donc probablement les suites écrites par son fils à l’aide de ses notes. Ayant cependant préféré l’ambiance du début de la saga avec les Atréides et les Harkonnen, je suis plus curieuse des cycles antérieurs mais j’avoue que face à la diarrhée livresque de Brian Herbert et Kevin J. Anderson, j’ai quelques appréhensions et je peine à voir par quoi commencer. Avis à ceux qui les ont lu et auraient des avis/recommandations 😉

20 commentaires sur “Dune de Frank Herbert

  1. Cette œuvre m’intrigue depuis un moment, mais je n’ai toujours pas osé me lancer, d’autant qu’il semble nécessaire d’en avoir une lecture très attentive… Dans tous les cas, vu ce que tu dis des personnages et des enjeux, je trouve pas mal que l’auteur prenne son temps pour poser son intrigue, même si c’est dommage que les phases de description soient quelque peu occultées. Quant à la dimension politique, elle semble fascinante !
    Je pense privilégier le film, déjà pour combler de descriptions que tu évoques puis pour me motiver à me lancer.

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    1. Après l’auteur rend quand même cela très compréhensible, il intègre bien l’ensemble de la découverte de son univers dans la narration et pour ce qui est un peu compliqué à retenir au début y a un glossaire reprenant les termes clés heureusement pour nous accompagner.
      Mais c’est vrai que commencer par le film aide bien à débroussailler 😁

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  2. Une chronique travaillée et détaillée qui donne envie même si j’ai toujours quelques craintes quant à l’univers. La SF reste quand même un genre parfois compliqué et assez peu accessible. En tous les cas ça fait plaisir de voir que cette relecture confirme ton coup de coeur !

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    1. Merci tu me flattes ! Je reconnais que la SF peut parfois être exigeante mais pas plus que certains textes de chaque genre. Et ici on est clairement dans le haut haut du panier, alors forcément je ne peux que t’encourager à surmonter tes craintes 😉

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  3. C’est un livre qui me faisait un peu peur mais que j’ai beaucoup aimé lire et finalement pas si inabordable que ça. En tout cas j’en garde un super souvenir et j’ai hâte de voir ce que ça va donner à l’écran !

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    1. Moi aussi, j’avais peur de cette réputation « inabordable » alors que je n’avais pas eu ce sentiment ado, alors oui c’est complexe mais Herbert nous accompagne très bien tout du long.
      Alors comme toi, j’ai hâte hâte de voir la nouvelle version au ciné !

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  4. Fascinant, c’est le mot. Même si le début a été un peu compliqué avec la plongée dans l’univers et la multitude de personnages, je n’ai pas arrêtée d’être fascinée par l’imagination et la maîtrise de l’auteur pendant toute ma lecture. J’espère ne pas être déçue par la nouvelle adaptation (je n’ai pas vu les précédentes).
    Et j’adore cette réédition, j’hésite encore à la prendre alors que j’ai déjà acheté les deux premiers tomes en poche ^^

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    1. Cette réédition arrive aussi en poche dès la fin du mois, tu pourras te faire plaisir 😁
      Fascination partagée et depuis que j’ai vu la dernière bande annonce, je suis plus que rassurée pour le film et j’ai encore plus hâte 😄

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