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Seraphim 266613336 Wings de Satoshi Kon et Mamoru Oshii

Titre : Seraphim 266613336 Wings

Auteurs : Satoshi Kon et Mamoru Oshii

Traduction : Patrick Honnoré

Éditeur vf : IMHO

Année de parution vf : 2013

Nombre de pages vf  : 237

Résumé : L’humanité est touchée par une épidémie mondiale d’une étrange maladie, la maladie des anges. Les personnes infectées voient leurs omoplates se développer en ailes atrophiées. Ils sont plongés dans des rêves plaisants desquels ils ont de moins en moins envie d’émerger. Ils finissent par sombrer dans un état d’hébétude totale et leur corps s’atrophie de manière dramatique. Comme le virus du sida, il peut se passer plusieurs mois avant que la maladie ne se déclare chez une personne infectée.
Le vecteur de la maladie et son origine sont inconnues, mais l’OMS soupçonne que celle-ci se trouve en Eurasie, qui est devenue le royaume des oiseaux. Elle y envoie 4 enquêteurs, les Rois Mages : Balthazar est un vieux chercheur, Melchior un baroudeur, Sera, une petite fille, et Gaspard, un chien.

Mon avis :

Ce n’est pas fait exprès mais depuis quelques semaines, j’enchaîne les oeuvres inachevées de grands maîtres. Après celle de Kentaro Miura et du Studio Gaga : Dur-An-Ki, le mois passé La Forêt millénaire de Jiro Taniguchi, il y a quelques jours, voici celle de deux monstres de l’animation japonaise : Mamoru Oshii et Satoshi Kon.

Comme cela nous est raconté en postface, la rencontre de ces deux grands artistes au début des années 90 a été imaginée pour trouver un second souffle après la fin de Nausicaä et proposer une nouvelle grande fresque de SF à la japonaise aux lecteurs. Malheureusement quand deux hommes aux fortes personnalités se rencontrent, ça donne soit un coup de génie, soit un coup d’épée dans l’eau. Nous sommes à la croisée des deux. Sans parvenir à faire se concilier leurs égos, les deux auteurs ont mis un terme à leur collaboration avant d’avoir parachever leur histoire et nous en sommes les premières victimes.

C’est vraiment extrêmement dommage car ils avaient là, entre leurs mains, avec Oshii au scénario et Kon aux dessins, un oeuvre extrêmement puissante, dans cette veine d’histoire de SF géopolitique qui fera le succès d’Eden à peine quelques années plus tard. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir si Seraphim ne tient pas lieu de source d’inspiration principale à Hiroki Endo tant il y a de similitudes entre les deux.

Nous sommes en effet ici dans un univers post-apo où il y a eu une terrible épidémie qui a ravagé bien des pays. Celle-ci, selon la légende urbaine, transiterait par les oiseaux et transformerait peu à peu ses victimes en ange. Nous suivons les envoyés malgré eux d’une organisation mondiale, l’OMS, qui vont pénétrer en Chine, notamment dans la ville de Shenzen (tiens, tiens, Oshii aurait-il été visionnaire) qui en serait l’un des épicentres, pour reconduire chez elle ensuite, la mystérieuse Sera, qui semble immunisée contre le virus et porteuse d’un autre espoir.

D’emblée, on sent un récit qui se veut ambitieux. L’univers imaginé par les auteurs nous est décrit dans les moindres détails, chaque camp, chaque organisation, chaque micro-clan, tout y est. On a de la géopolitique à échelle internationale, de la politique à échelle nationale mais aussi à échelle plus régionale. On a des grands pontes d’organisations mondiales mais aussi une Triade mafieuse chinoise. On a des implications politiques mais également religieuses, avec d’étranges cultes, et bien sûr économiques et humaines. Tout y passe, c’est super riche et très immersif étrangement grâce à une narration qui nous plonge d’entrée dans le bain.

Tout n’est que mystère, ce virus dont on ne sait pas exactement ce qu’il est, ni d’où il vient, ni comment il fait ; cette petite fille aussi, qui semble tout focaliser autour d’elle et ne dit rien mais dont les yeux nous parlent tant et nous envoûtent. Il y a bien sûr une ambiance étrange, presque de folie ambiante qui s’est emparée de tout le monde, certains se réfugiant dans la science, d’autres la religion, mais le plus grand nombre plus assurément dans la violence. C’est donc un univers bien rude que nous dessine là Satoshi Kon avec des allures de monde post-apo à la Akira, vu qu’il a travaillé avec Otomo, le lien se fait tout seul.

Le récit a tout du polar également, il ressemble à ces vieux films noirs et fait penser aux adaptations des nouvelles de K.Dick pour moi avec ces grosses firmes derrière d’impressionnants et parfois mystiques mystères. Cela confère cependant un découpage assez classique, proche de la BD européenne, parfait pour faire découvrir l’oeuvre en dehors du Japon, mais peut-être un peu frileux et manquant d’originalité à mon goût.

Ce premier tome était déjà extrêmement riche et racontait beaucoup de choses, nous lançait sur pas mal de pistes pour une histoire qui se voulait vertigineuse, et qui, je pense, a dû inspirer bien des auteurs ensuite. Je pense assurément à Hiroki Endo cité plus haut, mais aussi Daisuke Igarashi dans Saru. Il s’est lui-même nourri d’oeuvres de son époque et antérieures, ainsi que des obsessions de son scénariste, puisqu’on retrouve le chien (basset) signature d’Oshii et ces créatures angéliques qu’il développera sous d’autres formes Ghost in the shell, notamment. C’est pétri d’idées et d’influences, des plus universelles avec les références bibliques, religieuses et scientifiques qu’on trouve partout, à d’autres plus intimes.

Seraphim était un projet puissant au potentiel certain, que je suis certaine que j’aurais adoré, tant il me rappelle les débuts de cette oeuvre culte pour moi qu’est Eden : it’s an endless world. C’est donc forcément extrêmement frustrant de savoir que l’égo de ces deux hommes les a empêché de mener ce projet au bout, et en même temps c’est peut-être justement parce qu’ils avaient chacun une vision puissante de ce qu’ils voulaient faire que leur Oeuvre ensuite est si puissante dans les autres supports qu’ils nous ont proposés. Oui, je regrette de ne pas avoir la suite de cette histoire, de ne pas savoir où et jusqu’où ils nous auraient emmenés, mais je ne regrette pas que des artistes n’aient pas cédé pour affirmer leurs convictions, je trouve aussi cela important. Il est peut-être juste mieux qu’un projet vienne des artistes eux-mêmes et non qu’on cherche à les faire s’entendre. Un sujet à réfléchir.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : L’Apprenti Otaku, Vous ?

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6 commentaires sur “Seraphim 266613336 Wings de Satoshi Kon et Mamoru Oshii

    1. Du coup, dur de savoir quoi penser : joie/plaisir de l’avoir découvert ou frustration/agacement de ne pas avoir la suite, dur dur mais sacrée expérience.
      Eden s’est de suite imposé comme une évidence à la lecture et je serais curieuse de questionner Endo là dessus ^^
      Heureusement que les éditeurs font quand même vivre et revivre de tels artistes !

      Aimé par 1 personne

      1. Pour le coup, je pense aussi que dans Eden, il y a un air du temps qui plane dessus, vis-à-vis de la culture japonaise, car je trouve vraiment que la saga de jeux vidéo Metal Gear Solid a des similitudes énormes avec Eden, et en terme de période de production, ça colle globalement.

        Aimé par 1 personne

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