Titre : Ton visage au clair de lune
Auteur : Mika Yamamori
Traduction : Manon Debienne
Éditeur vf : Pika (shojo)
Année de parution vf : Depuis 2022
Nombre de tomes vf : 3 (en cours)
Résumé : Yoi a un corps svelt, des traits fins, et une voix au timbre bas…
Résultat : tout le monde considère Yoi comme un très beau garçon, quitte à en oublier qu’elle est une fille. Adulée de tous, surtout de la gent féminine, de par son allure de héros de conte de fées, elle est surnommée “le prince” par ses camarades de classe. La lycéenne éprouve des sentiments partagés face à cette étrange forme de popularité. Sa rencontre avec Ichimura, l’autre “prince” du lycée qui, lui, est bel et bien un garçon, pourrait bousculer l’image que Yoi a d’elle-même…
Mon avis :
Tome 1
Si vous me lisez depuis un moment, vous savez combien j’aime les shojo et mais aussi combien j’aime les dessins « classes ». Ici, Mika Yamamori, autrice que j’avais déjà repérée lors de son précédent titre chez nous qui avait fait forte impression sur moi grâce à sa romance qui nous prenait à contre-pied, réunit les deux et réussit à m’offrir le petit truc en plus dans cette romance somme toute assez classique sinon.
En effet repérée avec Daytime shooting star où j’avais vraiment été touchée pour son écriture des personnages masculins, j’attendais désespérément son retour, voyant passer des titres comme Tsubaki-chou que j’aurais adoré lire chez nous. Je ne boude donc pas mon plaisir même si c’est avec son titre le plus récent et toujours en cours au Japon avec 4 tomes pour le moment.
Alors que Daytime shooting star proposait comme histoire de départ une romance non-réciproque entre une lycéenne et son professeur, Ton visage au clair de Lune a choisi un tout autre modèle, un modèle qu’on a peu croisé en France pour le moment. En effet, l’héroïne de l’histoire ne sera pas une jeune fille toute mimi et féminine, mais une lycéenne aux traits masculins que tout le monde surnomme « Le Prince » dans son lycée à cause de son apparence androgyne et de ses actions chevaleresques poussées par son grand sens de l’honneur. Yoi est différente des héroïnes dont on nous affuble dans nombre de shojo et c’est rafraîchissant.
Face à elle, l’autrice a mis l’un de ces beaux gosses ténébreux un peu branleurs comme savait si bien en écrire Takanashi Mitsuba. Ichimura est l’autre prince du lycée, mais pas du tout pour les mêmes raisons, et par hasard il va commencer à s’intéresser à elle, ne comprenant pas pourquoi les garçons ne font pas plus attention à une fille qui a un si beau visage et de si belles qualités humaines. Des qualités que je juge prometteuses pour un tel personnage qui sinon n’aurait été qu’un beau ténébreux comme les autres.
La somme des deux, donne des scènes ultra classes où les deux lycéens rivalisent de poses pour nous procurer un effet wow ! Le côté un brin masculin androgyne de Yoi avec sa coiffure à la garçonne est très réussie, tout comme le côté impertinent d’Ichimura avec ses percings et ses cheveux décolorés, ainsi que son look débraillé. On est vraiment dans un titre qui, même s’il veut détruire certains clichés sur les apparences, joue à fond dessus pour fédérer un certain public, comme moi, amateur de belles poses et beaux looks.
La preuve, la romance, elle, est on ne peut plus classique pour le moment. J’ai espoir que cela bascule par la suite car je sais l’autrice capable de bien plus. Mais pour l’instant, nous sommes avec le cliché de la jeune lycéenne naïve et candide qui n’y connaît rien en amour, et va découvrir ces sentiments avec un héros qui semble plus avancé qu’elle sur la question, mais un garçon qui sera respectueux et lui apprendra à s’aimer. Toutes les étapes y sont, de la première rencontre maladroite où ça ne passe pas entre eux, puis de la fascination réciproque, des premières approches qui gênent certains camarades pas très sympa, jusqu’au héros entreprenant qui va la bousculer et la pousser à s’ouvrir à lui et aux autres, et enfin la jeune fille qui commence à changer et s’interroger. Rien de vraiment neuf ici, si ce n’est cette interrogation sur sa féminité puisqu’elle a une apparence plutôt masculine selon les gens, ce qui la rendrait différente des autres jeunes filles de son âge. WTF !
Il y a cependant des petites touches assez sympa aussi qui le démarquent un peu. J’ai apprécié ainsi qu’Ichimura ne soit pas un vrai prince, mais juste un gosse de riche un peu branleur mais prometteur. J’ai adoré que Yoi soit proche de son père qu’elle aide dans son restaurant de curry, dont l’un des potes d’Ichimura est fan. On sent de suite quelque chose de chaleureux se mettre en place. Il y aura je pense plus tard, qui va émerger, la question de la représentation de la féminité qui devrait être diablement intéressant.
Premier tome signant enfin le retour de Mika Yamamori, Ton visage au clair de Lune malgré son intrigue classique dépeignant une romance entre deux lycéens, l’une novice, l’autre mauvais garçon, recèle de jolies petites touches d’originalités avec son héroïne qui se sent plus masculine que féminine, mais qui a le droit à l’amour, elle aussi, comme les autres filles de son âge. Il y a clairement quelque chose de très classe dans le duo de « Deux Princes » que vont former les héros, mais aussi une ambiance très chaleureuse et sensible, où on sent que des sujets plus épineux seront abordés plus tard. Je croise fort les doigts pour que ces promesses soient tenues !
> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : Fantasy Book, Vous ?
Tome 2
Sous ses dehors assez classiques et malgré une absence de travail, au final, sur l’image de la femme tel que je l’aurais attendu, ce shojo se révèle cependant surprenant dans l’écriture poussée qui se fait de ses personnages dans cette première relation.
Après un premier tome qui s’attachait à nous décrire la fascination et l’attirance qu’Ichi avait subitement ressenti pour Yoi malgré sa position de « Prince », nous basculons peu à peu dans l’inverse dans le début de ce tome et l’autrice s’attache à nous décrire comment Yoi, elle aussi, va tomber dans le piège de l’amour avec ce jeune homme tellement attirant.
J’ai beaucoup aimé le genre sur les apparences qui se défont dans ce tome. On découvre au fil de l’évolution de leur duo, maintenant qu’ils testent la relation de couple, que la perception qu’on avait de chacun est bien loin du compte. Yoi se révèle de plus en plus féminine et offre un beau mélange de « Prince » (le fameux cliché des mangas) et de femme peu sûre d’elle découvrant l’amour. Ichi, lui, n’est pas le tombeur attendu et on découvre un garçon plus fin et complexe. C’est quelqu’un qui n’a jamais eu de désir pour lui-même et s’est toujours laissé porter qui apprend à éprouve des sentiments et des désirs, mais peine à mettre les mots dessus. C’est touchant de le voir ainsi tâtonner.
J’aime donc beaucoup l’écriture fine des personnages qui se dessine. Les visages que chacun révèle lors de leurs rendez-vous, en soi banal, touchent car ils fendillent la carapace qu’ils n’ont même pas conscience de porter pour montrer leur vrai visage à l’autre. Ichi est ainsi bien plus maladroit et immature ainsi mais il touche plus. Yoi peut se montrer à la fois naïve et d’une franchise effrayante, mettant les pieds dans le plat et osant parler de sentiments. J’adore ! La mise en scène très classe de Mika Yamamori claque dans ces moments-là.
Du coup, l’habillage lycéen qui me faisait un peu peur au début commence à trouver son sens, l’autrice déconstruisant petit à petit les clichés du genre avec ces images de Prince et Beau Gosse qui cachent tout autre chose. On suit en plus nos héros en dehors et ça fait un bien fou, tout comme j’adore les interventions décalées de leurs amis, qui l’air de rien les aide à y voir plus clair, eux qui ne comprennent pas grand-chose sur eux-même. C’est truffé de belles idées et belles intentions, avec en prime un zeste d’humour bon enfant.
Il y a juste ce thème autour de la femme qui ne rentre pas dans les codes « du féminin » qui peine encore niveau exploitation. Je trouve ça assez léger et maladroit. Il y a parfois des scènes bienveillantes et bien pensées à ce sujet comme lorsqu’ils vont faire les boutiques de vêtements ensemble et qu’Ichi s’accorde avec son look masculin, ou qu’ils vont manger ensemble et qu’il se moque qu’on les prenne pour deux hommes. Mais à côté, les réflexions sur le fait qu’elle se comporte enfin « comme une fille » parce qu’elle commence à éprouver des sentiments et le montre de manière touchante, m’ont fait grincer des dents. Alors je suis partagée.
Ton visage au clair de Lune fait donc partie de ces shojos qui semblent se révéler de plus en plus addictif au fil des chapitres. L’autrice m’avait déjà surprise dans Daytime Shooting Star, sa précédente série chez nous, grâce à une belle écriture de la romance et elle récidive ici avec cette déconstruction des genres avec ces deux héros et cette relation maladroite mais touchante qui s’installe. Je suis en passe d’adorer ^^
Tome 3
C’est surtout porté par le joli trait de Mika Yamamori que Ton visage au clair de lune se détache dans le paysage shojo français, car pour ce qui est de l’histoire, nous sommes de plus en plus dans quelque chose de fort classique. Mignon, gentil mais déjà vu.
Quand on lit du shojo depuis des années et a fortiori des romances lycéennes, on cherche un peu aussi l’originalité, le petit truc en plus qui rend le titre différent. J’ai cru une temps que ce serait le cas ici avec l’androgynie de l’héroïne et le jeu des « deux princes » de son couple avec Ichi. Malheureusement, c’était surtout pour nous vendre le titre et cela s’estompe de plus en plus au profit d’une romance assez banale.
On se retrouve ainsi à suivre encore et toujours les premiers pas maladroits de nos héros : de la gêne d’un premier baiser raté, en passant par les premières fois où on se tient la main, la gestion de la communication par sms ou encore la jalousie qui pointe le bout de son nez. Des éléments joliment traités ici grâce à la naïveté sans commune mesure de Yoi qui est totalement détachée des choses de l’amour, mais des éléments vus, vus et revus. Il manque quelque chose.
Parfois, on a une petite vibration, un petit réveil du thème de départ, comme lorsque Yoi s’interroge sur ce que renvoie son apparence « masculine », mais c’est traité assez maladroitement par une autrice qui se sent obligée de dire qu’une fille s’embellit en tombant amoureuse ou que les garçons aiment les filles en yukata… J’aimerais bien sortir de ces clichés.
Alors certes, je continue à trouver les héros sympathiques. Je m’amuse des décalages créés par l’absence d’intérêt de Yoi pour les relations amoureuses. Je trouve Ichi touchant face à la naissance de ses sentiments qui le chamboulent sans qu’il sache pourquoi. On a une belle ambiance lycéenne avec les deux groupes d’amis, un peu discrets peut-être mais agréables à voir et rappelant des souvenirs comme lors de la scène au CDI. J’aime bien également le nouveau collègue de Yoi, qui semble aussi nature et naïf qu’elle. Il se dégage quelque chose de ce titre quand même.
Romance lycéenne plus classique que ce que j’aurais aimé croire, Ton visage au clair de lune reste une lecture agréable car extrêmement mignonne, avec des héros maladroits qui émeuvent, mais il lui manque le truc en plus dans ses thématiques et sa narration pour se détacher. De beaux dessins ne suffisent pas à faire d’un titre une lecture marquante.
Un manga qui me faisait déjà envie mais ton article me motive encore plus.
Le côté androgyne de l’héroïne a l’air vraiment bien exploité.
Merci de l’avoir présenté.
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Merci, ça me fait plaisir.
J’aime aussi beaucoup ce côté androgyne qui n’est pas si souvent que ça abordé.
J’espère que la découverte te plaira autant qu’à moi 🙂
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