Livres - Fantasy / Fantastique

Quand vient la Horde d’Aurélie Luong

Titre : Quand vient la Horde

Auteur : Aurélie Luong

Éditeur : ScriNeo

Année de parution : 2022

Nombre de pages  : 380

Histoire : « On murmurait les terres saccagées, les vivres extorquées à vil prix, les rangées de têtes tranchées, les champs de cadavres mutilés, les filles disparues, les orgies. Car à la tête de tous ces hommes, il y avait celle qui se faisait appeler la Putain Blanche. Ses cheveux blancs lâchés comme ceux des prostituées, ses vêtements indécents, ses yeux rouges, attributs d’une créature de l’Abysse, étaient de toutes les rumeurs. »
Dans une Corée médiévale devenue colonie russe, Ivan, un paysan droit et idéaliste, vit un quotidien morne où son seul but est de survivre un jour de plus. Il rêve pourtant de passer le concours pour devenir magistrat. Mais tout bascule lorsqu’il est enlevé par la Horde Blanche, une troupe de mercenaires dirigée par la Putain Blanche et connue pour faire couler le sang partout où elle passe. Utilisé comme appât pour assouvir une vengeance, Ivan décide d’entrer dans leur jeu, à ses risques et périls… Car quand vient la Horde, la mort n’est pas loin…

Mon avis :  

ScriNeo, c’est l’éditeur des textes d’Aurélie Welleinstein, c’est autrice de dark fantasy qui ne fait tant vibrer par la noirceur de ses univers et des péripéties de ses personnages. J’aurais dû m’en rappeler quand malgré mon envie de découvrir Quand vient la Horde, mes appréhensions quant à la cible jeunesse et Y.A. de l’éditeur, m’ont freinée. J’avais tort et ce roman est une petite pépite !

Premier texte d’Aurélie Luong, ce ne sera clairement pas le dernier ! Avec une force rare celle-ci m’a plongée dans un univers à couper le souffle, un univers étouffant, un univers sanglant qui n’épargne personne, dans lequel elle revisite à merveille le moyen âge coréen dans une épisode et intime histoire de fantasy et de revanche qui fait mal, mais mal.

De l’Histoire de la Corée, je ne connais pas grand-chose à par ce que j’ai grappillé dans des dramas historiques et dans deux-trois essais qui ne faisait qu’esquisser rapidement les grandes lignes de son passé avant de s’attarder sur l’Histoire récente. Je suis donc loin d’être une experte. Cependant, j’ai beaucoup aimé l’ambiance que cela a donné au récit. C’est compliqué, divisé, sale, miséreux et plein de violence. Bref, un décor parfait pour un récit complexe et dur comme celui imaginé par Aurélie.

Tout au long de ces près de 400 pages, l’autrice nous plonge dans la vie d’un groupe de mercenaires : la Horde blanche, dirigée par une femme en quête de vengeance, qui a enlevé le fils présomptif de son ennemi. Dans une Corée divisée en plusieurs petits royaumes, dirigés par des hommes plus ou moins en avance sur leur temps ou tyran, cela se bat de tous les côtés, tandis que le fossé se creuse entre riches et pauvres dans la population. Certains rêvent d’une vie meilleure pour Ivan, le héros de l’histoire, mais ses idéaux vont être mis à mal quand il va se retrouver confronté à la réalité de la vie de ces hommes que le pouvoir loue pour combattre ses ennemis.

J’ai été d’emblée fascinée par le ton sans concession de l’autrice. Tout ce que vit Ivan est très dur, surtout pour un idéaliste comme lui. A ses côtés, nous allons découvrir la vie quotidienne de ses mercenaires fait de combats, de rapines et de viols parfaitement retranscrits sous une plume âpre qui ne nous épargne rien. Tout cela pourquoi ? Pour l’argent qu’ils envoient à leur famille restée derrière. Et leur cheffe pourquoi fait-elle cela ? Dans l’espoir de ce venger de ce qu’elle-même a subi. Le ton est sombre très sombre. On déteste ces mercenaires dans un premier temps quand ils enlèvent et battent Ivan. Puis on en vient à les apprécier quand Ivan se forge une place à leur côté, apprenant à se battre et comprenant leurs idéaux. C’est très ambivalent et parfaitement rendu grâce aux nombreux monologues intérieur du héros qu’on voit changer et s’habituer à la vie de ce camp sous nos yeux ébahis.

C’est là la force de l’autrice. Elle parvient à nous retourner la tête. On est hyper mal à l’aise face à ce qu’on vit à plusieurs reprises, mais l’espoir naît également et on pense voir les choses autrement, avant d’être rattrapé une nouvelle fois, sans savoir que faire face à cette horreur et cette désespérance. Elle est fascinante dans cette description d’une Corée fantasmée barbare, où avancée sociale côtoient âmes les plus sombres de l’humanité, où le peuple est sans cesse ballotté et victime de tout cela. Les mercenaires ne sont pas des anges, les notables non plus. Ceux qu’on prend pour des Lumières ne sont que de sombres tyrans manipulant tout le monde pour leurs propres ambitions. Ça fait mal.

Au milieu de tout ça cependant, nos héros vivent et quelle vie ! J’ai été touchée par le parcours de vie d’Ivan, confronté à la dure réalité par rapport à ses idéaux. Héros au grand coeur qui ne peut s’empêcher d’aimer et se retrouve pris entre deux feux, deux mondes, deux femmes. Mais encore plus que lui, c’est le personnage de Yekaterina qui m’a fascinée. Cette jeune femme bafouée et violée par un allié qui n’est qu’une boule de colère et de vengeance, forte et fragile à la fois, dirige des hommes bruts comme personne. J’ai adoré sa noirceur, ses abîmes. Elle m’a terriblement émue. A leurs côtés, la troupe de mercenaires qu’on apprend à découvrir, faites de jeunes marqués par la guerre, d’hommes détraqués et de vieux baroudeurs était plus vraie que nature. Elle m’a rappelé un peu la fine équipe de Mulan dans le dessin animé éponyme, la noirceur et les horreurs en plus, ou alors la troupe du Faucon d’Or de Berserk, les idéaux en moins. Ils ont beau être déglingués, on apprend à les aimer et à être touché par leur camaraderie et leur profond respect pour leur cheffe, ainsi que pour leur façon d’intégrer Ivan dans leur vie. C’est déstabilisant.

Avec Quand vient la Horde, je pensais suivre une aventure épique dans la Corée d’autrefois, je ne m’attendais pas à une aventure humaine aussi bien ciselée, aussi fine, aussi profonde et marquante avec des personnages tout sauf manichéen et un univers tout sauf enjolivé. C’est âpre, rude, dure et sans concession. C’est l’humanité dans toutes ses nuances, toute sa complexité et toutes ses ambivalences. Aurélie Luong m’a à nouveau montré qu’il y a de grands auteurs chez ScriNeo, des auteurs qui osent faire mal à leurs lecteurs, mais qui leur offrent des histoires d’autant plus puissantes. Bravo madame et à bientôt !

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Amanda, Adopt a Librarian, Etemporel, Vous ?

8 commentaires sur “Quand vient la Horde d’Aurélie Luong

  1. Oh la la ! Rien que le résumé et sa Corée d’antan me donnait envie mais tant de qualité soulevées me poussent à inscrire ce roman en haut de ma WL !

    Tu sembles avoir été transportée aussi bien physiquement, qu’humainement par cette lecture et ton enthousiasme est purement contagieux.

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    1. Tu me fais un très joli compliment en écrivant ça.
      J’avoue que j’avais quelques réticences parce que pour moi ScriNeo = Y.A. et en général, je trouve ça inabouti et gentillet au final. Mais là, la claque ! J’ai vraiment eu cette noirceur et complexité que j’aime. Donc, il faut que j’arrête avec mes a priori !

      J’ai hâte de voir ce que tu vas en penser en le lisant 😉

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  2. Il est dans ma wish list et je dois dire que je ne m’attendais pas à une telle noirceur, mais ça me plaît bien, surtout en y étant préparée ! J’aime beaucoup les personnages ambivalents qu’on devrait détester ou mépriser pour leurs actes, mais qu’on ne peut s’empêcher d’apprécier…

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