Livres - BD / Illustrations

A short story : La véritable histoire du Dahlia Noir de Run et Florent Maudoux

Titre : A short story : La véritable histoire du Dahlia Noir

Auteurs : Run et Florent Maudoux

Éditeur : Rue de Sèvres (Label 619)

Année de parution : 2022

Nombre de pages  : 112

Résumé : A Short Story retrace avec un souci du détail sans précédent la vraie histoire d’Elizabeth Short, plus connue sous le pseudonyme du Dahlia Noir, qui avait quitté son Massachusetts natal pour s’installer à Los Angeles, envisageant une carrière de star hollywoodienne. L’histoire et les dialogues, écrits d’après les documents déclassifiés du FBI, retrace la vie de cette jeune femme perdue dans Hollywood, en particulier les 3 mois qui ont précédé son horrible assassinat, et repose sur les témoignages recoupés de gens l’ayant connue et côtoyée. De son séjour au Figueroa Hotel avec Marjorie Grahams, à l’incident des trois de San Diego, un récit méticuleusement documenté, loin des clichés habituels sur une figure féminine dont on pensait tout connaître.

Mon avis :

Label 619 est un studio de création français, créé par RUN en juillet 2008, dirigé par RUN jusqu’en 2019, puis co-dirigé par Run, Mathieu Bablet, Florent Maudoux et Guillaume Singelin. À l’origine une simple collection littéraire d’Ankama Éditions fondée en 2008, elle est transformée en un studio de création indépendant en 2019 puis rejoint Rue de Sèvres en 2021.

A Short Story : la véritable histoire du Dahlia Noir est le premier titre de ce label passé chez Rue de Sèvres que j’ai vu passer et quel titre ! Avec sa couverture envoûtante mettant en scène une superbe pin-up sur fond de néon bleu, impossible de ne pas se retrouver scotché devant la couverture !

La découverte fut tout aussi scotchante. En ouvrant le tome, j’ai découvert qu’il s’agit en fait d’un objet assez hybride, mélange de BD et de documents d’archive remis en forme par les auteurs pour nous raconter qui était vraiment la victime du fait divers du Dahlia Noir, triste affaire très célèbre aux États-Unis qui avait même eu droit à une adaptation ciné par Brian De Palma dans les années 2000. L’objet est de toute beauté avec son dos toilé bleu, son papier épais de qualité et surtout l’air un peu rétro de sa maquette. J’ai adoré l’expérience.

Car expérience il y a vraiment ici. Les deux compères, Ru et Florent Maudoux (dont je vous invite à écouter la participation au podcast Blockbuster, si jamais vous voulez découvrir qui ils sont) se sont mis dans la peau d’enquêteurs et ont vraiment effectué un gros travail de recherche et de recoupement pour apprendre qui était Elisabeth Short, la victime, celle qu’on a trop longtemps présentée à tort comme une femme de moeur légère, qui presque avait mérité son sort… Heureusement #MeToo est passé par là et désormais on s’intéresse un peu plus aux victimes de violences sexuelles et surtout on cherche à détricoter ces images connotées de la femme. J’ai beaucoup aimé.

A travers ce travail, les auteurs nous invite dans une vraie plongée en pleine Amérique d’après-guerre, loin des clichés bonimenteurs d’une belle Amérique scintillante où tout est possible pour peu qu’on le veut. On découvre plutôt un pays marqué par ce qu’il vient de vivre, avec des soldats traumatisés, des femmes de soldats ayant sans cesse peur pour eux, une misère galopante, des réseaux de prostitution et une mafia ayant pignon sur rue, et surtout de pauvres bougres qui ont du mal à s’en sortir. On est loin de l’image de carte postale.

Et pourtant, paradoxalement, c’est cette image que revendique l’héroïne future victime. Elle rêve, elle aussi, de ce rêve américain mais va aller de désillusions en désillusions. Malgré un travail qui pourrait paraître un peu froid au premier abord, les auteurs lui redonne à travers la chronologie qu’ils établissent, les lettres, télégrammes et autres preuves qu’ils fournissent, toute son humanité et sa réalité. On découvre le portrait touchant d’une femme enfant en recherche d’une figure paternelle ou d’un homme pour prendre soin d’elle, sans jamais y parvenir. On découvre une femme obsédée par les apparences et son apparence en particulier, qui a besoin de ce masque, ce costume, pour cacher ses faiblesses. C’est clairement le parcours d’une femme pour qui on se doute que ça va mal tourner au vu de ses fréquentations, de son avancée. C’est ce qui est tragique.

Là où les auteurs sont forts, c’est qu’ils parviennent à n’utiliser la BD que comme support coup de poing pour redonner sa matérialité aux passages qu’on connaît le mieux de la vie de la victime. Là où on est attendait sur les zones d’ombres, ils laissent ceux-ci à interprétation, nous fournissant les éléments qui sont connus sans jamais émettre la moindre hypothèses, nous laissant nous faire notre propre avis sur ce qui a pu lui arriver, comment et par qui. Le mystère reste donc entier à la fin de la lecture mais les hypothèses nombreuses pour nous au vu des faits qu’on aura lu et aura pu jouer nous aussi les enquêteurs grâce à eux.

Les dessins de Florent Maudoux viennent superbement accompagner cela avec une esthétique pin-up que j’ai adorée ! Que ce soit dans les pages plus « documentaires » recoupant les faits et les agençant chronologiquement ou dans les pages de bandes dessinées mettant vraiment en scène Elisabeth, ils retranscrivent à merveille cette époque d’or et de paillette mais surtout de masque et de maquillage. J’ai adoré l’esthétique des hommes et femmes croisés, avec leurs tenues, coiffures et allures si typiques. J’ai adoré la présence de nombreuses cartes postales et des paysages qui en sont inspirés qui créent une belle immersion pour le lecteur français dépaysé. C’est splendide et on sent une vraie recherche derrière tout cela comme le prouve l’une des annexes où ils expliquent un peu leur travail. C’est passionnant !

Ouvrage d’enquête et de réhabilitation, A Short Story : La véritable histoire du Dahlia Noir, est l’un de ces titres qui redonne leur vraie dimension aux femmes de notre Histoire. Héroïne ou victime, elles méritent toutes qu’on les connaisse pour ce qu’elles étaient vraiment et non pour l’image que les hommes ont projeté d’elles ou sur elles. Ici, cette façon de battre en brèche le cliché de la Vamp pour nous éclairer sur une femme fragile malmenée par ses rêves, fut poignant et bouleversant avant même de connaître sa fin tragique. Une sacrée expérience !

(Merci à Lireka et Rue de Sèvres pour ce beau moment)

> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : Les voyages de Ly, Bianca, Stemilou, Nath, Vous ?

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2 commentaires sur “A short story : La véritable histoire du Dahlia Noir de Run et Florent Maudoux

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