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À l’image de Mona Lisa… de Tsumuji Yoshimura

Titre : À l’image de Mona Lisa…

Auteur : Tsumuji Yoshimura

Traduction : Victoria Seigneur

Éditeur vf : Akata (M)

Année de parution vf : Depuis 2022

Nombre de tomes vf  : 6 / 10 (en cours)

Résumé : Bienvenue dans un univers où les enfants naissent sans attributs sexuels. C’est autour de l’âge de douze ans, vers la puberté, qu’en fonction de son ressenti, chaque personne décide : devenir femme ou homme. Mais Hinase a presque dix-huit ans et ne veut pas choisir. Hélas, dans ce monde trop binaire, tandis que la fin du lycée approche, son entourage lui met la pression… à commencer par Shiori et Ritsu, ses deux camarades d’enfance qui ont réalisé leurs sentiments pour Hinase. C’est le début d’un triangle amoureux complexe…

Mon avis :

Tome 1

Akata est l’un des éditeurs phare pour moi sur les questions de genre et de sexualité en France. Alors quand j’ai vu passer un titre au pitch original avec des héros dans un monde où la puberté leur fait choisir leur sexe indéterminé jusqu’alors, ça m’a donné très envie, surtout avec une héroïne encore indéterminée.

Je n’ai jamais été une grande fan du tableau dont la série porte le nom : Mona Lisa ou plus communément La Joconde de Da Vinci, cependant je comprends le mystère qu’elle entretient et j’ai trouvé ça amusant de voir un auteur japonais utiliser ce tableau comme déclencheur de son monde et de son histoire, pour nous offrir une romance différente et culottée à sa façon.

C’est en premier lieu cet univers qui m’a frappée. J’ai beaucoup aimé tomber non pas sur notre simple univers à nous où on aurait un personnage se questionnant sur son genre, mais un autre monde différent et proche à la fois où l’auteur s’échine à faire encore plus ressortir ces traits de notre quotidien tellement genré. Pour cela, l’usage de cette couleur bleu azur présente par touche sensible sur chaque page est une merveilleuse trouvaille. Elle ajoute une narration secrète à celle lisible et c’est fantastique. J’ai adoré la façon dont l’auteur attire ainsi notre oeil sur ce qui est important mais ne se dit pas. C’est très doux.

Il a ainsi extrêmement bien pensé son univers et c’est fascinant et émouvant à la fois de suivre Hinase qui à presque 18 ans n’a pas vécu sa puberté qui aurait dû déterminer son sexe, contrairement à ses amis Shiori et Ritsu qui eux sont devenus respectivement garçon et fille. Nous suivons leur quotidien à trois en tant qu’amis de toujours et désormais lycéens qui vont bientôt devenir des adultes et devoir faire des choix. Mais Hinase semble bloqué à un stade différent des autres et si iel semble faire avec, au fond iel en souffre. Iel pointe ainsi tout ce qui dans sa société et la nôtre pousse les gens à choisir leur camp en quelque sorte et les oblige à un certain comportement adapté à leur genre. *sic*

Et c’est malheureusement là que l’auteur va manquer de finesse et de justesse pour moi. Il va absolument vouloir que son héros/héroïne connaisse un basculement, alors qu’on aurait pu au contraire travailler sur ce statu quo tellement différent. Bref. Pour cela, il va pousser ses meilleurs amis à lui faire une déclaration. Mais le fait que Shiori veuille qu’elle devienne une fille pour lui et Ritsu un garçon pour elle, m’a énormément gênée. Si l’auteur avait poussé son histoire jusqu’au bout ceux-ci aurait dû se moquer du genre de celui/celle qu’ils aiment et non vouloir lui imposer les standards d’une relation hétéronormée. J’ai trouvé d’ailleurs fort dommage que ce soit suite à un comportement attribué au sexe masculin que Ritsu se déclare et inversement pour Shiori. Ça ne casse pas assez les codes.

On se retrouve ainsi avec un triangle amoureux beaucoup trop classique avec les amis d’enfance d’Hinase. Certes, c’est doux et mignon dans le genre, comme bien des auteurs de romances lycéennes savent faire, avec des passages obligés où on efface le tableau ensemble, range la réserve, déjeune dans la classe, participe en EPS… Mais c’est un peu bateau. D’ailleurs ses amis ne sont pas encore très bien écrits ni développés, ce qui fait qu’on n’a pas d’attachement ou de préférence pour l’un ou l’autre, du moins chez moi. Je les trouve même à la limite parfois assez agaçants et les scènes qui se veulent romantiques avec Hinase tombent un peu à plat tant elles sont clichées et pas forcément travaillées en amont. C’est maladroit tout ça. On sent que l’auteur n’est pas forcément à l’aise dans la romance, malgré sa volonté de montrer chez Hinase des sentiments naissants et balbutiants difficilement compréhensibles. Il n’a pas cette justesse avec ses amis, bien plus caricaturaux à leur façon.

Son propos est donc ailleurs. Il est dans cette quête de son héros/héroïne qui cherche à comprendre qui iel est. Le passage où sa professeure parle du tableau de Da Vinci et de l’androgynie est d’ailleurs fort éclairant, de même que ses visites chez le docteur qui le/la suit suite à sa particularité. C’est là-dessus qu’il est intéressant de se concentrer ainsi que sur la dénonciation subtile de ces comportements genrés attendus par la société qui rejetterait ou harcèlerait ceux qui sont différents. J’aime beaucoup le mystère qui entoure l’évolution biologique du corps d’Hinase avec ce syndrome qu’on appelle « Syndrome de Mona Lisa ». Il y a plein de questions en suspens autour qu’il me tarde de voir abordées, bien plus que la romance qui s’annonce un peu insipide… Moi ce sont plus les potentielles questions d’asexualité et d’androgynie qui m’intéressent.

Titre original mais maladroit, on ne peut pas nier que A l’image de Mona Lisa se détache dans le paysage de nos lectures mangas habituelles. Avec un regard actuel, l’auteur aborde des questions inédites sous un prisme imaginaire qui change. Certes, il ne va pas jusqu’au bout de son concept pour le moment et propose un triangle amoureux sur des bases bien trop hétéronormées pour être crédible, mais la subtile critique sous-jacente de notre société genrée où être une fille implique certaines actions et être un garçon d’autres actions, elle est pertinente, surtout avec cette belle touche bleutée qui attire sans cesse notre regard dans les pages. Atypique, encore inabouti, mais prometteur. J’ai hâte de voir ce que le titre est encore capable de proposer.

Tome 2

Je remonte rarement la note de mes lectures au fil des tomes, c’est pourtant le cas ici, car derrière l’apparent classicisme de ce triangle amoureux et derrière les quelques maladresses d’écriture qui pointe, il y a aussi un discours particulièrement intéressant sur le genre et l’amour genré.

Le concept de départ, c’est trois amis qui a ont grandi ensemble dans un univers où le sexe ne se détermine pas à la naissance mais en grandissant. Le hic, l’un d’entre eux approche de la fin de cette fourchette où cela peut se produire et rien n’est arrivé pour iel… Sauf qu’une étude secrète montre que les individus comme iel ne dépassent pas la vingtaine. Que faire ?

J’ai beaucoup aimé entrer un peu plus dans la tête des amis de Hinase dans ce tome. J’ai trouvé très pertinent d’entendre ainsi les désirs et questionnements de chacun autour de ce moment charnière et de cet éveil au désir qui se produit de manière aussi maladroite que réaliste. Shiori, qui comme il le dit, a endossé le rôle du méchant de l’histoire est au final peut-être celui qui est le plus ouvert d’esprit. Il aime Hinase en dépit de son sexe, juste pour iel-même et ça me plaît énormément. On sent chez lui quelqu’un de vraiment sensible, l’autrice floutant les codes des genres garçon/fille en lui, le montrant autrefois peureux et fragile « comme une fille », pour ensuite le montrer entreprenant et solide « comme un garçon ». C’est très intéressant et cela en dit long.

A l’inverse, je trouve le personnage de Ritsu moins intéressant. Déjà, peut-être parce que je suis moi-même une femme et donc que j’y suis plus sensible, je n’ai pas aimé qu’on l’affuble d’éléments genrés aussi clichés tels qu’une forte poitrine et que les plans la concernant soient souvent pour mettre en avant ses courbes féminines… Comme si être une fille se résumait à ça. Mais peut-être en est-ce une critique, je ne sais pas. Elle reste cependant intéressante dans son évolution. Quoique très lisse, un peu trop naïve et niaise, j’ai aimé la voir se rendre compte qu’elle imposait à Hinase sa propre vision de ce qu’iel devrait devenir. Au moins, elle en prend conscience.

Après l’histoire, même si elle s’interroge sur les codes genrés de notre société, ce que l’on notamment dans les interactions des héros et dans la façon dont leurs camarades les voient, repose avant tout sur un triangle amoureux des plus classique. Qui a déjà lu ce genre de romance en retrouvera facilement les codes. Le malaise d’Hinase face à Shiori n’est que le témoignage de sentiments et émotions naissantes envers l’autre, ce qui réveille son désir. L’envie de Ritsu de s’accaparer Hinase relève des mêmes sentiments. Quant à Shiori, c’est l’ado typique qui lutte contre ses désirs mais qui ne peut s’empêcher de faire certaines fixettes et de vouloir aller plus loin.

Cependant, là où c’est original, c’est toujours dans le choix de l’utilisation de cette coloration bleue qui parcourt les pages et sublimes tout. On a l’impression que les sentiments de nos héros transpercent les pages et volent de l’une à l’autre pour nous toucher. Cela guide notre regard et renforce notre compréhension sur ce qui se joue. C’est également très poétique et émouvant. Enfin quand on connaît la symbolique de cette couleur d’abord affiliée aux femmes car reprenant le bleu de la Vierge Marie avant d’être accaparée par les hommes, on se dit que l’autrice cherche peut-être à nous transmettre encore autre chose à travers ce choix.

Mélange de triangle amoureux classique où les sentiments s’éveillent de manière poignante et maladroite, et de questionnements sur la société genrée dans laquelle on vit. La remise en cause de ces codes est subtiles et percutantes à la fois, nous poussant à réfléchir sur ce qu’on fait nous aussi qui pousse les individus, parfois malgré eux, à s’attacher à la définition sociétale d’un sexe. Un très bon titre à décrypter pour évoquer la question.

Tome 3

C’est toujours avec une belle et émouvante complexité que Tsumuji Yoshimura questionne les notions de genre et de sexualité dans son univers atypique où les personnes voient leur sexe se déterminer à l’adolescence, mais pas son/sa héros/héroïne.

Avec toute la sensibilité qu’iel met depuis les premiers chapitres, l’histoire se développe et se complexifie. Dans ce tome, on voit à quel point le mental est important. Hinase est vraiment de plus en plus perturbé par les questions qu’iel se pose sur lui/elle-même mais aussi sur ses relations avec ses meilleurs amis, et ce sans pouvoir se confier ce qui est d’autant plus dur. C’est assez poignant de le/la suivre dans ses tourments et s’y assister impuissant, pouvant juste nous raccrocher à cette couleur omniprésente dont les touches bouleversent de plus en plus.

Suite à son accident, Hinase est bouleversé(e) et tout se mélange pour iel. Iel se cherche et se questionne sur lui/elle-même, ce qui est normal mais cela a des répercussions sur ses amis qui ne se rendent pas forcément compte de tout cela, ayant, eux traversé une puberté normale en comparaison. Ainsi tout en cherchant à lui faciliter les choses, Shiori va encore plus blesser et perturber Hinase, qui va se rabattre sur Ritsu, pensant trouver la tranquillité, mais se retrouvant avec de nouvelles sources de perturbation. Que c’est compliqué !

L’auteur associe ainsi à la fois la quête intérieure de son héros/héroïne vis-à-vis de l’identité genrée qu’iel souhaiterait ou non adopter et sa quête sociale et sentimentale du couple potentiel qu’iel pourrait former. Tout se mélange, mais l’auteur décortique très bien cela et fait la part des choses, montrant comment l’un influe sur l’autre et vice versa. Il commence également à émerger l’idée d’un non-choix ou plutôt d’une troisième voie qui me plaît assez, puisqu’après tout pourquoi être obligé de se genrer homme ou femme, si ni l’un ni l’autre ne nous convient. L’auteur traite également avec finesse les codes que la société attache à chaque genre, montrant les ravages que cela peut faire. Pourquoi traiter un garçon et une fille différemment ? Pourquoi associer des traits de caractères, des capacités ou des orientations professionnelles à l’un ou à l’autre ? Tsumuji Yoshimura questionne très bien tout cela.

Le lecteur se retrouve vraiment plongée ainsi dans la psyché tourmentée, à juste titre, d’Hinase. On se retrouve parmi ses questionnements, pas forcément sur le genre à adopter, on n’a pas tous eu cette interrogation, mais sur ses rapports avec ses amis, sur le fait des choses qui changent quand on grandit, sur l’évolution de leurs relations, sur les petits signes qui pourraient montrer un attachement mais qu’il ne comprend pas forcément, etc. Le seul défaut est peut-être que parfois l’auteur a tendance à trop dramatiser tout cela. On dirait que chaque choix des personnages est douloureux et compliqué, que ce soit Hinase avec Ritsu et Shiori ou Shiori avec son avenir et ses parents. Heureusement, c’est bien plus simple avec Ritsu qui dédramatise un peu tout cela avec sa fraîcheur, sa franchise et sa simplicité. Ça fait du bien.

La valse des sentiments est encore loin d’être terminée. Je comprends au fil des tomes comment l’auteur a pu faire durer sa série une dizaine de tomes vu le soin qu’il prend à tout décrypter et mettre en scène. Dans ce tome, j’ai aimé la mise en avant de Ritsu pour tenter d’équilibrer avec les perturbations causées par Shiori auprès d’Hinase. L’auteur entremêle vraiment bien les questionnements intérieurs et extérieurs d’Hinase, ceux sur son genre et ceux sur ses relations, montrant bien au final combien la vie en société nous oblige à tout mêler alors que ça ne devrait pas être le cas. Ajoutez à cela une mise en scène toujours aussi belle et puissante avec ce bleu turquoise qui nous guide dans nos interrogations et tourments avec une poésie touchante et vous comprendrez pourquoi la fan de patte artistique que je suis aime tant cette série !

Après des débuts un peu maladroit, la série équilibre de plus en plus ses réflexions autour des notions de genre, de sexualité et de sociabilisation, avec une belle justesse et beaucoup de finesse dans une oeuvre portée par une touche graphique forte avec cette couleur bleu turquoise entêtante. Le cheminement d’Hinase est encore long et complexe mais iel se pose les bonnes questions et est bien entouré. Si je regrette la touche un peu trop mélodramatique, force m’est de constater que c’est elle aussi qui donne toute son émotion au titre. C’est donc une excellente lecture que je recommande à tous car elle interroge vraiment notre société sous un angle pertinent concernant les hommes et les femmes.

Tome 4

Chaque tome montre un peu plus l’intelligence de Tsumuji Yushimura dans la construction et la pensée de son oeuvre autour des questions de genres et de relations humaines. Ce titre est vraiment une pépite dont la lecture devrait être obligatoire pour bien des gens, notamment dans notre élite bien pensante 😉

Au-delà du récit en lui-même, sur lequel je reviendrai plus tard, j’ai été subjuguée dans ce tome par les réflexions des personnages autour des sentiments amoureux pour une personne en fonction de son sexe. Peut-on tomber amoureux de quelqu’un puis le reste si celui-ci change de sexe, de genre ? Est-ce que la personnalité de quelqu’un est définie par son genre, son sexe ? Quelle est l’influence des codes de notre société sur nos comportements genrés et normés ? Des questions puissantes et posées finement avec des réponses toutes aussi complexes laissant la porte ouverte. Une façon de composer qui me parle tout à fait et me touche en plein coeur !

J’ai pour cela été ravie de retrouver notre trio d’adolescents et leurs amis autour des questions que posent l’asexuation d’Hinase et son non choix entre genre masculin et féminin. L’auteur/autrice traite ainsi finement des questions de sexe, de genre mais aussi de sentiments qu’on peut se poser à l’adolescence et ne se cantonne pas à ce triangle amoureux mais élargit totalement son propos. On va suivre ainsi indifféremment Shiori et Ritsu qui s’interrogent sur leurs sentiments pour Hinase, sentiments passés, présents et également futurs en fonction du choix de iel. Mais on va également écouter leurs amies et découvrir leurs conceptions de l’amour et des relations amoureuses, voir leurs préférences en matière d’objet de leurs sentiments, l’évolution de ces derniers quand la personne change, etc. Sont abordés aussi les préférences physiques qu’on peut ressentir, pour les grands, les petits, les gros, les minces, et la souffrance que cela peut faire ressentir à ceux rejetés pour ces raisons. Décidément le/la mangaka ne gâche rien, tout est sujet à réflexion et c’est fait avec pertinence.

Pour autant, l’intrigue principale avance peu ici. On est très concentré sur les sentiments de Shiori et Ritsu, on en oublie Hinase qu’on ne fait que croiser et avec qui il y a une sorte de statu quo quant à ses changements hormonaux et son devenir. Certes, on nous suggère qu’il se passe quelque chose mais on garde ça pour un prochain tome et en attendant on ne fait que répéter et prolonger ce mystère sur les êtres asexués comme lui qui sont décédés trop tôt, notamment avec cette femme qu’ils rencontrent et son/sa ancien(ne) coloc. Mais concrètement ce n’est pas une situation qui me déplaît car le développement choisi ici est pertinent et intéressant et couper court à ce triangle amoureux pour aller au-delà me va très bien !

Intelligente, pertinente, émouvante, cette série bien trop discrète sur les étals des librairies gagnerait vraiment à être connue tant elle répond à des interrogations actuelles sur les questions de genres. Ce nouveau tome fut encore un régal sur le sujet grâce à un(e) auteur/-trice bienveillant(e), ouvert(e) et à l’écoute qui nous propose de belles pistes de réflexions sans jamais rien fermer et en offrant aussi la parole aux seconds couteaux. Une très belle aventure humaine.

Tome 5

Arrivée à mi-chemin, la série  de Tsumuji Yoshimura est toujours aussi intense et les thèmes évoqués toujours avec finesse. Série trop discrète, A l’image de Mona Lise mérite vraiment d’être lu par tous pourtant !

Les questionnements de l’autrice sur l’identité et les sentiments de ses personnages sont toujours aussi beaux et intenses. Je me régale un peu plus à chaque tome des variations qu’elle propose et des situations qu’elle choisit pour cela. Cette fois, c’est un personnage pourtant très secondaire depuis le début qui va être mis au centre et nous interpeler.

Hinase est toujours en pleine interrogation. L’autrice lea laisse donc un peu de côté le temps de nous présenter Shirogane, le meilleur ami de Kurokawa qui lui aussi se pose bien des questions sur son corps et ses sentiments, mais trouve une réponse différente de celle que j’ai eu peur de nous voir offrir. Avec lui, l’autrice interroge sur la convergence ou non du corps et des sentiments dans ce monde où on peut choisir. Est-ce que devenir un garçon implique forcément d’être en couple avec une fille et donc hétérosexuel ? Ne peut-on se sentir bien dans un corps et aimer quelqu’un du même sexe ? J’ai trouvé cela très percutant et pertinent. L’autrice ose et vise juste. Bravo !

Cette petite pause fut salutaire dans le drama du triangle amoureux autour d’Hinase qui, j’avoue, commence à me lasser par sa répétitivité et son manque d’avancement. On tourne en rond avec Shiori et Ritsu qui se déclarent et attendent encore et toujours sa réponse, tandis qu’Hinase peine à avancer vers une réponse. J’ai eu du mal avec le forcing de Ritsu pour obtenir un rendez-vous et se déclarer à nouveau. J’ai été triste pour Shiori qui se voit écarté et s’écarte également de lui-même. Mais le malaise et les interrogations d’Hinase sur ce qu’iel désire et ressent sont encore une fois très juste. Iel mêle à merveille manifestation physique et émotions dans ses réflexions et j’adore, surtout que l’autrice ne nous donne pas de réponse toute faite. Alors oui, ça traîne en longueur mais en même temps c’est normal, touchant et juste.

C’est juste dommage que l’autrice introduise une donnée médicale et s’en serve juste pour alimenter le mystère sans réellement l’alimenter pour elle-même. Du coup, on se retrouve avec cette donnée sans qu’elle ne serve à grand-chose et on trépigne un peu d’avance à l’idée qu’il se passe quelque chose de ce côté-là justement, l’autrice nous relançant brièvement à chaque tome mais pour un résultat bien minime. Je ne sais donc qu’en penser.

Série brillante dans ses propos sur le genre, le sexe, le désir et les sentiments, mais aussi l’amour et l’amitié, A l’image de Mona Lisa peine un peu plus dans sa narration, tournant parfois en rond. Ici l’autrice a trouvé la solution pour quand même nous intéresser en introduisant le cas d’un autre personnage et quelle brillante idée ! J’ai adoré découvrir la problématique de Shiro. Il m’a touchée.

tome 6

Même si l’épisode tourne un peu à vide en matière d’intrigue, il est toujours tellement juste en matière de rhétorique et d’idée sur l’identité, que c’est fantastique !

Ils sont rares les textes de fiction que j’ai lu où la question de l’identité sous toutes ses formes est aussi bien traitée. Tsumuji Yohimura nous offre vraiment tout un panel d’émotion qui touche en plein coeur et des questions également terriblement d’actualité mises ici en lumière avec beaucoup de sensibilité.

Pour cela, certes, il tourne un peu en rond dans ce tome sur la question des sentiments de Hinase pour ses amis d’enfance. J’avoue que c’est une question qui commence à me lasser. Du coup, j’ai un peu levé les yeux au ciel au début mais finalement la réponse proposée, ouverte et logique, m’a plu. Elle ne cède pas à la facilité du choix évident et poursuit dans cette complexité que j’aime dans la série. D’ailleurs si on pouvait en rester là voire partir à fond sur celle-ci avec un développement SPOILER sur le polyamour, ça me plairait bien !

Ainsi, ce n’est pas la romance qui a vraiment occupé mon esprit… comme toujours dans cette série, c’est beaucoup les questionnements identitaires qui me fascinent. Et l’épisode de l’uniforme est un modèle du genre ! Au passage, à l’heure où on voudrait l’imposer en France, ça montre les problèmes profonds que cela pourrait poser. Bref. C’est un épisode d’une rare sensibilité et crudité en même temps, qui nous plonge vraiment dans tout ce qui peut gêner Hinase : son corps et sa représentation sociale. J’adore ! J’espère que l’auteur continuera d’explorer cela, comme il le fait chaque fois qu’il le peut, notamment au début ici en questionnant ce qu’on demande et attend des gens en fonction de leur genre au travail. Pertinent !

C’est pour cela que je trouve chaque petite phase de l’histoire bien écrite. L’auteur fait attention à tout. Il y a bien sûr l’intrigue autour des choix d’Hinase, mais également de ce qu’un non choix pourrait impliquer. Nous avons enfin des explications sur cette si grande mortalité chez les « non-tranchés », et j’ai trouvé ça tellement bien amené, sans que ça tombe dans la caricature de l’extraordinaire. Excellent ! Cela sera passionnant de suivre les expérimentation d’Hinase à ce sujet dans les tomes restants. Mais l’auteur n’oublie pas pour autant ses personnages secondaires, ce qui lui permet encore d’élargir son champ de questionnements de manière judicieuse, ici avec un ami de Shiori qui interroge sur la frontière si floue parfois entre amour et amitié dans leur univers mais pas que. Ça parle très joliment de la jalousie et possessivité qu’on ressent aussi bien en amour qu’en amitié, ce qui peut questionner et rendre les choses floues. Magnifique !

Cette série continue donc de me passionner de tome en tome par ses questionnements tellement fins et ambitions autour des questions de sexes et genres. L’auteur ne fait jamais le choix de la facilité et décortique tout au sein d’une intrigue qui tient la route. Si là il tourne un peu en rond avec ses amis d’enfance, il trouve toujours un moyen de contourner cela et de proposer autre chose. Bravo. J’ai hâte de poursuivre et de voir les prochains sujets et développements.

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