Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Adabana de NON

Titre : Adabana

Auteur : NON

Traduction : Sophie Lucas

Éditeur vf : Kana (Big)

Année de parution vf : 2022

Nombre de tomes vf  : 3 (série terminée)

Résumé : Un meurtre se produit dans une petite ville. La victime était une lycéenne et la personne qui alla se dénoncer à la police était Mitsuki, une lycéenne et également l’amie de la victime. Quelque chose cloche… Mais petit à petit de nombreuses révélations verront le jour et le secret derrière ces deux amies.

Mon avis :

Tome 1

J’aime bien de temps en temps lire un petit thriller choc qui va bien me remuer. Quand j’ai lu l’extrait d’Adabana rendu disponible par l’éditeur (c’est toujours chouette quand ils font ça pour nous aider à nous faire une idée 😉 ), j’ai su ce serait le cas pour cette série, mais sa brièveté me faisait peur. Au fut des bons avis globaux sur son ensemble, je me suis lancée rassurée et je dois dire que ce premier tome tient parfaitement la route. 

Mangaka ayant déjà à son actif une série terminée en 20 tomes au Japon (Hare-Kon) NON a donc débarqué chez nous cette année avec cette courte série en 3 tomes, en semi-grand format, avec de belles couvertures aux fonds simples mais percutant sur lequel les héroïnes se détachent, dans des ambiances très différentes et intrigantes tant elles tranchent avec ce qu’on pourrait attendre ici.

De la même façon, les premières pages de ce thriller débutent plutôt calmement avec une jeune lycéenne lambda à qui sa mère met la pression comme c’est souvent le cas, et qui a une amie un peu moins coincée qu’elle. Elles vivent leur petit train train d’ado, mais un jour tout bascule et l’histoire va démarrer alors que Mizuki, la plus lisse des deux, va se rendre à la police pour avouer le meurtre et le démembrement de sa meilleure amie : Mako. Que s’est-il passé ?

Le récit est très bien construit. Il reprend tous les codes des thrillers modernes et actuels, avec un rythme un peu lent, mais qui, quand même, happe le lecteur. Il y a beaucoup de mystères et de non-dits, une certaine incompréhension face à la situation au vu des premiers éléments qu’on a et surtout le dévoilement au fil des pages d’une héroïne glaçante sous ses airs de petite fille sage. Le fait que les premières pages, en couleur, nous montre celle-ci l’arme à la main, donne le ton. Puis ensuite toute la procédure judiciaire nous entraîne dans le récit glaçant de ce qui a conduit à ce moment.

Je dis glaçant et pourtant je trouve que c’est assez « soft ». Même si elle a tué sa meilleure amie et peut-être d’autres, le récit nous en est fait de manière assez détachée, au point de nous empêcher de ressentir vraiment de la crainte ou de la frayeur. Il y a presque une banalisation de cette violence, et c’est ce qui dans un second temps interpelle. On est de plus confronté avec cette affaire à des sujets actuels : violences faites aux femmes, pédophilie et pédopornographie, harcèlement, pression familiale… Cela donne une teinte très moderne même si c’est clairement déjà vu et revu.

Ce qui au final fascine, ce n’est pas tant le récit de ce qui s’est passé et les multiples niveaux que l’on découvre au fur et à mesure mais plutôt le comportement de Miyuki, qui détonne terriblement. Cette jeune ado qu’on découvre toute lisse, toute banale et très réservée, se dévoile peu à peu être très inquiétante. Elle a de multiples visages. Il y a celle qu’on nous montre avant les meurtres, mais qui est le narration dans ce cas-là si ce n’est elle !, et celle qu’elle est dans le présent. La première est toute douce, avec peut-être une légère obsession et possessivité vis-à-vis de sa meilleure amie, tandis que la seconde a l’air d’une manipulatrice froide et très maligne. Laquelle des deux est la vraie ? Est-elle les deux en même temps ? Si oui, comment est-ce arrivé ? Autant de questions qui fascinent et que l’autrice met parfaitement en scène avec un rythme et une mise en scène très efficace.

Le choix du grand format est d’ailleurs particulièrement judicieux ici pour nous faire plonger de plein pied dans ce récit et nous mettre presque à hauteur d’homme. On regarde ainsi les yeux dans les yeux les protagonistes de cette histoire sous le trait assez réaliste de la mangaka, ce qui les humanise énormément mais peut aussi parfois nous glacer face à leurs regards froids et limite possédés. C’est à nouveau un trait qu’on a pu voir chez plein d’autres mangakas du Grand Jump ou du Young Magazine mais il y a une belle efficacité derrière et un travail minutieux sur les décors et les aplats de noir, reflétant bien l’ambiance du récit.

Ainsi comme je le pressentais, nous sommes ici avec un thriller à l’habillage classique mais qui se révèle être d’une redoutable efficacité pour nous raconter une histoire glaçante où mille questions se posent et où chaque révélation entraîne une autre question, notamment sur la personnalité si particulière de l’héroïne. Je suis happée.

> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : L’Apprenti Otaku, Les instants volés à la vie, Lucas, Vous ?

Tome 2

NON a vraiment compris les codes du thriller pour nous retourner la tête et s’offre un vrai exercice de style ici avec un tome surprenant qui tape là où on ne l’attend pas !

J’avais déjà trouvé le premier tome percutant mais la fin de celui-ci l’est tout autant, si ce n’est plus. Pourtant le démarrage était étrange. Il nous plongeait dans un pan de l’histoire que je ne pensais pas voir dévoilé ainsi, ni à ce stade. Je pensais bêtement que nous allions conserver le même format que dans le tome 1. Je me trompais lourdement. Par une belle pirouette, l’autrice part dans une autre direction, pertinente mais terriblement glaçante.

On sentait dès le début que quelque chose clochait dans cette histoire. On découvrir dans ces chapitres l’effroyable destin de Mako, jeune fille pauvre, qui a perdu sa mère et dont le père est handicapé. Elle est la seule à pouvoir fournir un revenu en plus des aides sociales qu’ils reçoivent, ce qui la met dans une grande précarité. Sous couvert de ce thriller, l’autrice dénonce justement ce fait, racontant la stigmatisation des pauvres dans le système scolaire et dans la vie quotidienne, ainsi que le problème que peut poser le travail des mineurs et ses dérives. C’est bien glaçant.

J’avais dit trouver ça finalement assez soft dans le tome 1, l’autrice se rattrape pleinement ici avec de nombreuses pages où j’ai eu le coeur au bord des lèvres à cause des situations sordides et violentes que vit Mako. D’abord sous l’emprise de son oncle, puis sous celle du jeune qu’elle pensait être son sauveur et qui vire psycho, c’est terrible pour elle, terrifiant même. Elle ne fait que tomber de Charybde en Scylla, ce qui glace le sang. La dénonciation de la pédopornographie, de la pornographie tout court et de la prostitution se fait avec force ici avec ce qui arrive à la jeune fille. On ne peut que trouver ces hommes détestables et avoir envie qu’ils soient sévèrement punis pour ce qu’ils lui font.

On découvre ainsi que le seul rayon de lumière de la pauvre vie de Mako est son amie Mizuki, celle qui dans le tome 1 s’est accusée de son meurtre. En voyant renaître leur amitié alors que la première vit des moments difficiles, on obtient une vision complètement différente de l’histoire et on voit peu à peu se dessiner le final qu’on attendait mais qu’on ne voulait peut-être pas admettre. C’est superbement joué de la part de l’autrice, un très beau retournement qui nous met une bonne claque derrière la tête !

Alors qu’il démarrait tranquillement, puis qu’il est tombé dans le glauque bien dérangeant par la suite, ce deuxième tome fut une belle surprise. Rompant les codes qu’elle avait elle-même installée, NON offre une grosse surprise au lecteur ainsi qu’un bel uppercut en dénonçant cet atroce fait de société que sont les violences faites aux femmes.

Tome 3 – Fin

Pour une série que j’appréhendais à sa sortie, je l’ai vraiment trouvée très très bien au point d’enchaîner les trois tomes ! L’autrice a su me surprendre, me rendre malade, m’énerver et me sentir misérable face aux injustices qu’elle décrit. Bravo à elle !

Comme une scénariste de séries américaines, elle nous entraîne ici dans un dernier acte, moins insoutenable que le tome précédent, mais tout aussi révoltant où elle met en lumière les failles d’un système et d’une société. Le rythme est parfaitement dosé ici, rapide mais juste au final ce qu’il y a à raconter. Il y a pile la bonne dose à la fois pour les révélations, l’enquête, le procès et l’après. Ce n’était pas gagné. J’ai eu peur qu’il manque quelque chose. Tout fut là au final.

Avec brio, l’autrice a continué de nous entourlouper, transformant complètement l’image qu’on avait de Mizuki, la couple auto-désignée. Toutes les incertitudes et étrangetés qu’on ressentait trouvent ici une explication logique et cohérente qui, avec force, nous donnent une nouvelle claque. C’est percutant, révoltant, atroce au point de donner envie de ruer dans les brancards. L’autrice met en exergue ici les failles d’un système, celui d’une société où certains crimes peuvent rester impunis grâce à cela. On comprend alors la posture de justicière sans retour de l’héroïne.

La relation Mizuki-Mako trouve son achèvement ici de manière bien tragique. J’ai été percutée par cet acte inéluctable que je voyais venir depuis un moment. La mise en scène très forte de l’autrice a su me toucher. Elle n’en a pas fait des tonnes contrairement à ce que je craignais mais a quand même su montrer l’horreur et l’atrocité de la chose, dénonçant comment les violences faites aussi bien physiquement que psychiquement sur quelqu’un peuvent la détruire. C’était âpre, c’était rude, c’était dur à voir. Quand on découvre tout le système on est dégoûté et très en colère.

Le procès devient ainsi, comme dans nombre de films et séries américains, le lieu de toutes les révélations mais aussi de tous les coups de théâtre et ici, le plan de Mizuki prend forme de manière fort théâtrale mais tellement efficace, qu’on ne peut qu’être fascinée par l’intelligence de la jeune femme et touché également par la profondeur de ses sentiments pour son amie qu’elle veut à tout prix venger. Alors non, ce n’est pas juste, ce n’est pas bien, mais ça fait tellement de bien de voir quelqu’un se jouer du système obtenir la justice qu’il n’aurait pas eu autrement.

J’ai ainsi beaucoup aimé la mise en scène de l’ensemble de ce tome, avec ses changements de rythme en fonction des actes de la pièce. J’avais peur de débordement, ce fut fait avec une froide efficacité. J’avais peur que l’autrice nous sorte une histoire totalement improbable et simplifiée comme dans Mon mari dort dans le congélateur, mais non. Même si on reste assez incrédule face à tout cela, l’autrice n’a pas choisi la voie de la facilité et assume la noirceur de son récit jusqu’au bout, jusque dans le moindre détail. Ça fait mal mais c’est une bonne douleur.

Je n’attendais rien de cette courte série choc, je suis donc la première surprise de ses qualités. Voilà le genre de thriller percutant que j’aime, où le propos est maîtrisé de bout en bout et où les ficelles du genre sont utilisées à bon escient avec un message clair tout du long qui vient nous achever. La critique faite du système judiciaire japonais est pertinent et doit être entendu. On ne peut pas laisser de tels crimes impunis à cause des failles d’un système. Quelque chose est à revoir ici pour que les victimes aussi obtiennent justice après toute cette noirceur. La lumière doit triompher.

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15 commentaires sur “Adabana de NON

  1. Autant je lis pas mal de thrillers en version roman autant je ne pense pas à aller voir du côté des mangas alors qu’il semble y avoir des pépites. En plus de l’argument série courte, ce thriller comporte tout ce que j’aime : sujets difficiles mais d’actualité, une personnalité ambivalente et complexe qu’il faut prendre le temps de décortiquer pour arriver à la comprendre, dénonciation de l’injustice, (ici du système judiciaire japonais, mais le nôtre n’étant pas non plus un exemple), coup de théâtre, retournement de situation… Je suis clairement très tentée !

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    1. Effectivement, il y a pas mal de pépites aussi côté polar en manga . J’en présente quelques uns ces derniers temps entre Lost Lad London, Adabana et prochainement Utsubora. J’espère bien que tu finiras par craquer et que ça te plaira autant qu’à moi 😉

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  2. Weshouille ! Merci pour la petite mention.

    Je suis très content que le titre t’ait plu. J’avais aussi beaucoup aimé, même si il manque quelque chose pour que ce soit un coup de cœur, dans le sens où le sujet est maitrisé, mais j’aurai aimé que ce soit traité plus en profondeur et densément. Mais c’est déjà une belle prouesse de ne pas se casser la margoulette avec un récit de ce genre.

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    1. Je vais ce que tu veux dire, on aimerait plus de sérieux, plus de densité psychologique, plus d’éléments côté judiciaire, mais il aurait fallu un tome de plus, je pense pour ça et comme tu dis, c’est déjà très chouette que l’auteur soit resté du bon côté.

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  3. Eh bien « le meurtre et le démembrement de sa meilleure amie » rien que ça ! Ça démarre fort ! Merci pour cette découverte, les illustrations ont l’air très belles, les visages très expressif, détaillés, j’aime beaucoup. Et j’aimerais surement Miyuki, et ses multiples facettes. Merci beaucoup pour cette découverte Tachan, je le note, il me plairait certainement mieux que « Mon mari dort dans le congélateur » justement, dont la fin t’avait moins convaincue. 🙂

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    1. Oui, je trouve celui-ci plus convaincant, mieux écrit, mieux pensé. C’est pas juste une sombre histoire pour une sombre histoire j’ai l’impression. Et là, où « Mon mari » est tombé dans le facile racoleur, là ça se tient jusqu’au bout.
      Bonne future découverte 😉

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  4. Quel bel avis détaillé ! J’ai terminé cette lecture récemment et je compte écrire dessus même si ce sera plus court. Comme toi ça a été une bonne surprise, j’ai été malmenée, dérangée et ça m’a plu d’autant que ça ne tombe jamais dans le voyeurisme gratuit. Par contre moi c’est l’aspect court qui m’a convaincue de lui donner sa chance contrairement à boy’s abyss qui va sortir chez kana et dont on avait un extrait avec le tome 3. Vu que la série est en cours et a déjà dix tomes.. enfin bref tout ça pour dire que Adabana est très recommandable.

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    1. Je suis partagée sur les formats parfois 10 c’est trop tout comme 3 c’est pas assez, mais parfois c’est l’inverse… Tout dépend de comment l’auteur a conçu son histoire à la base.
      En tout cas, je te lirai avec plaisir dessus ☺️

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      1. Oui ! Je me suis mal exprimée, ce que je préfère c’est une série courte mais solide, bien menée, comme ce fut le cas ici. Les séries plus longues j’y réfléchis à deux fois déjà pour le coût puis parce que souvent il y a des longueurs…

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