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My Happy Marriage d’Akumi Agitogi, Kosaka Rito et Tsukioka Tsukiho

Titre : My Happy Marriage

Auteurs : Akumi Agitogi, Kosaka Rito et Tsukioka Tsukiho

Éditeur vf : Kurokawa

Années de parution vf :  Depuis 2023

Nombre de tomes vf : 4 (en cours)

Résumé : Issue d’une longue lignée de nobles dotés de pouvoirs surnaturels, Miyo Saimori n’en a pas. Mal aimée, considérée comme une nuisance par son entourage, elle est envoyée dans la famille Kudô pour épouser leur chef, réputé cruel et sans cœur.

Mon avis :

Tome 1

Annoncé à grand renfort de pub sur les réseaux, de cartes cadeaux en magasin et d’une certaine aura grâce à son adaptation prochaine en animé et sa nomination aux 46e Prix Kôdansha, My Happy Marriage est le nouveau titre estampillé « shojo » de Kurokawa qui en sort environ un par an !

Sorte de Cendrillon revue et corrigée par les Japonais dans un cadre historique rétro avec un zeste de fantastique, il s’agit en fait de l‘adaptation d’un light novel d’Akumi Agitogi chez Kadokawa, qui est ici mis en dessin par Rito Kohsaka avec l’appui de Tsukiho Tsukioka pour le design des personnages. Ce titre fait partie de cette nouvelle génération d’oeuvre publiée sur des plateformes numériques (le site web Gangan Online des éditions Square Enix) où les frontières entre les catégories éditoriales sont de plus en plus poreuses, ce qui permet pour l’éditeur français de le classer en shojo tandis que d’autre y voient un shonen. Mais est-ce vraiment important ?

Le titre est avant tout une jolie fable, un peu âpre sur les familles déchirées, les pressions familiales et les vilains petits canards. On y suit Miyo, qui appartient à la célèbre famille Saimori, mais qui est issue d’un précédent mariage non souhaité par son père, qui depuis a refait sa vie et est bien plus heureux. Exploitée comme servante par sa belle-mère et sa demi-soeur, à l’heure où elle est en âge de se marier, on la confie à la famille Kudô, pour la fiancer au jeune maître. Cependant celui-ci a une horrible réputation. Va-t-elle s’en sortir.

En s’appuyant autant sur le célèbre conte de Cendrillon, l’histoire est fort classique. Dans une esthétique très shojo, les autrices mènent leur barque très naturellement. On passe aisément de l’ambiance oppressante de la maison natale de Miyo à sa nouvelle vie où elle doit trouver sa place, non plus comme domestique mais comme compagne. Cependant, tout se devine assez facilement tant c’est vu et revu, et je trouve l’émotion un peu plate pour le moment, peut-être à cause du dessin assez aseptisé et de l’héroïne décrite de manière un peu trop passive.

On ne passe cependant pas un mauvais moment. C’est agréable de voir dépeint ce Japon d’autrefois avec ses règles de vie en société archaïques. On rage contre la famille de Miyo. On a envie de bousculer son nouveau fiancée pour le rendre plus expressif. C’est mignon, même si malaisant, de la voir se plier en quatre pour lui afin de trouver sa place et touchant de la voir heureuse quand enfin elle reçoit une réponse positive, ce qu’elle n’a jamais connu. On la voit peu à peu sortir de sa coquille et aussi bien la domestique des Kudô que leur chef de famille la remarquent et l’épaulent à leur façon, le tout dans ce Japon du début du siècle dernier avec cette esthétique faite de bois, d’ombre, de kimonos, de premières autos qui me plait tant.

La critique sociétale est donc bien là, sur les mariages arrangés sans amour, sur la nécessité d’hériter et le poids de ceci. Je trouve en revanche le fantastique trop discret. On nous parle de famille ayant des pouvoirs pouvant leur permettre d’influer sur les autres et de gagner une renommée, mais on n’en voit aucun en action. C’est fort dommage. C’est pour l’instant seulement une jolie proposition alléchante mais absolument pas une réalisation et ça manque pour faire en sorte que la série se démarque.

Introduction menée toute en douceur, elle manque peut-être un peu de force justement pour sortir du lot et donner pleinement envie de suivre ces 4 tomes déjà sortis au Japon. La série est jolie, avec de belles intentions, mais elle en reste un peu trop là. L’ensemble est lisse, sans surprise et c’est assez malaisant de suivre une héroïne aussi douce et passive, qui a tout de la victime presque volontaire. J’espère que la suite aura plus de relief, plus de feu et que le surnaturel surgira comme promis. Pour le moment on reste sur une revisite de Cendrillon trop timide et traditionnelle pour moi malgré son joli décor ancien.

> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : Light and smell, Songe d’une nuit, Vous ?

Tome 2

Récit totalement ancré dans cette mode des récits d’époque dramatique avec héroïne soumise et maltraité, comme nous avons eu notre veine avec les pauvres enfants malheureux chez nous au XIXe avec Dickens ou Hugo, My Happpy Marriage est une lecture divertissante mais aussi un brin superficielle.

On sent que les auteurs veulent nous faire passer un message sur la méchanceté du monde qui entoure leur pauvre héroïne mais ils s’y prennent assez maladroitement encore une fois avec des effets trop appuyés, trop marqués, qui font perdre de sa crédibilité au récit. Les gentils sont très gentils, les méchants sont très méchants, les manipulateurs font plein de complots, tout cela est surtout très simpliste et c’est dommage. Ça empêche le titre de donner toute l’émotion qu’il aurait pu donner avec d’autres auteurs aux manettes.

Mais si on se moque de ce manque de nuances, on peut prendre plaisir à voir arriver aussi vite une belle cohésion dans le couple naissant entre Miyo et Kiyoka. Ce dernier a compris ce qu’elle avait vécu, il a reconnu sa valeur, et compte bien l’aider à retrouver son assurance perdue. Pourquoi est-il tombé sous son charme si vite ? Mystère mais cela offre de jolis moments où on voit cette jeune fille maltraitée autrefois enfin choyée et grâce à cela reprendre confiance en elle. J’ai toujours du mal avec son caractère trop pleurnichard, trop négatif aussi, mais je reconnais qu’on la voit tout doucement changer à son contact et grâce également à la domestique qui les encadre, telle une mère, ce qui est charmant tout plein.

Il y a aussi une dimension plus politique dans le récit qu’on se plaît à lire avec un sourire sarcastique. La jeune soeur de Miyo regrette ainsi de ne pas être celle qui est fiancée à Kiyoka est complote pour retourner les choses. C’est raconter avec de gros sabots mais c’est assez drôle d’un point de vue extérieur de voir cette peste prise à son propre piège quand elle voit sa soeur aînée honnie mieux lotie qu’elle. Cela permet en plus de voir combien ces familles étaient petites et versatiles derrière l’assurance qu’elles semblaient avoir devant les gens plus faibles qu’elles, alors qu’au final elles ne sont pas grand-chose. C’est vraiment le genre de personnages qu’on se plaît à détester.

Après, avec un tome très centré sur le couple naissant de nos héros, sur l’assurance lentement regagnée de Miyo qui se transforme sous nos yeux, du moins physiquement, à l’aide du regard de Kiyoka, j’espère qu’on aura aussi prochainement un versant plus fantastique dans l’histoire car une fois de plus on nous promet des pouvoirs qu’on ne voit que trop peu en action, on nous promet aussi un fiancé tout puissant, mais on ne voit que trop peu ce qu’il fait dans l’administration et tout cela manque pour contrebalancer cette romance bien trop guimauve, bien trop facile, bien trop rapide. J’ai besoin de consistance.

En progrès après son premier tome où la peinture de son héroïne maltraitée était vraiment trop sans nuance, cette suite commence à offrir le répondant que j’attendais. On se plaît à voir ce couple malgré lui prendre en assurance, se défendre et avancer à deux malgré les obstacles que les familles mettent devant eux. Maintenant, on nous a aussi promet du fantastique et on en veut, et pas juste une petite explosion finale !

Tome 3

Quelle surprise que ce tome qui conclut enfin la longue introduction de la série ! Il y a certes toujours un mélodrame et une psychologie de bar de commerce du coin mais enfin le fantastique arrive et on sort de ce marasme familial pour s’ouvrir au monde qui entoure nos héros. Enfin !

Je désespérais un peu de voir la série se sortir de ce marasme où elle s’était plongé avec l’enfance tragique de l’héroïne, battue parce que ne répondant pas aux attentes de sa famille. Je suis ravie d’avoir eu tort et que ce ne soit au final qu’une introduction à l’univers avant que celui-ci nous propose quelque chose de bien plus vaste et sérieux. Mais il fallait passer par là pour construire les bases de ce couple improbable sur le papier et pourtant si équilibré quand on le voit.

Les auteurs se livrent ainsi à un tome entre action et introspection où il faut une intervention musclée de Kiyoka pour mettre un terme aux exactions de la famille Saimori. Tel le chevalier blanc qu’il est, il est venu sauver sa promise et a mis le feu, un feu purificateur ! C’est à nouveau très cliché, très manichéen, ni mélodramatique, mais comme c’est pour mettre un terme à une situation qui durait de trop, on pardonne et on est ravi d’avancer au contraire. D’ailleurs, ce n’est pas le seul avancement de la série, on voit se dévoiler au fil des chapitres une héroïne qui a plus de niaque que ce que l’on croyait, même si cela repose sur des mécanismes patriarcaux qui me dérangent avec une femme soumise qui veut bien faire pour son mari…

Cependant l’émotion est enfin là pour moi, celle de cette enfant qui résiste aux coups et ne baisse plus la tête et s’affirme ; celle de ce mari prêt à tout pour sauver sa promise et montrant ouvertement son attachement, notamment en étant aux petits soins pour elle ensuite ; celle de l’ami d’enfance qui regrette son inaction qu’il a bien de la peine à changer au vu de son caractère et sa situation. Nous ne sommes pas dans un cadre où on nous promettrait de brutales transformations de personnages en héros, ce qui n’aurait aucun sens au vu du cadre historique et sociétal choisi, les auteurs préfèrent une mise en scène plus fine, qui prend des chemins plus complexes et c’est tout à leur honneur.

Je dois tout de même avouer que je suis bien contente que cela se termine pour passer à la suite car je n’aimais pas cette partie de l’intrigue. Ce qui m’intéresse, personnellement, c’est la dimension fantastique de l’oeuvre. Je suis donc ravie qu’on se tourne enfin vers les manieurs, malgré la dimension encore très familiale de la série où l’on suit le quotidien du foyer de Kiyoka et Miyo avec le désir de celle-ci d’apprendre les bonnes manières de la haute société pour épauler (beurk) son mari. Mais je suis contente qu’on parallèle, Kiyoka se questionne sur les potentiels pouvoirs endormis de Miyo et surtout qu’on croise enfin l’Empereur et son héritier qui évoquent oracles et autres drames avec des lieux saints profanés, libérant des esprits ou s’en prenant à des pouvoirs enfouis. Tout cela me semble fort mystérieux et donc fort prometteur !

Le tome de la libération ! Libération pour l’héroïne mais aussi libération pour le fantastique et pour les lecteurs comme moi qui l’attendait. J’ai aimé voir prendre fin cette introduction dramatique avec un Kiyoka tout feu tout flamme. Mais j’ai encore plus aimé les débuts d’une suite plus dense, avec une Miyo prenant sa vie en main et un Kiyoka confronté aux troubles mystiques de cette ancienne Edo où les esprits sont partout. J’ai hâte désormais et c’est la première fois depuis que j’ai débuté la série !

Tome 4

My Happy Marriage est vraiment une licence où j’oscille entre frustration et envie. Les auteurs y déploient une atmosphère un peu trop ampoulée, notamment autour de la représentation de la femme, et en même temps les touches de fantastiques sont particulièrement séduisantes mais fort ténues. 

Ce nouveau tome est un mélange de toute cela. Miyo nous y accapare tout du long avec sa volonté de devenir une épouse à la hauteur de son cher Kiyoka. On la voit donc faire des efforts pour apprendre les bonnes manières qui lui font défaut mais aussi, et surtout, pour s’ouvrir aux autres, oser aller vers eux et leur faire confiance, elle qui a été éduquée tout autrement. J’avoue que les bons sentiments de Miyo me touchent tout autant qu’ils me hérissent le poil. Ils sont certes tout à fait d’époque avec cette volonté de la femme de « satisfaire » son mari, mais nos jours une telle soumission est aussi particulièrement agaçante. C’est pour cela que sa belle-soeur est un personnage hautement plus intéressant pour moi, même si elle a vécu quelque chose d’assez similaire au final. Elle a tout de même une personnalité plus haute en couleur.

Car si j’ai tant de mal avec la série, je ne pense pas que ce soit uniquement dû aux efforts de l’héroïne pour être « une bonne épouse », mais avant tout à sa personnalité sans relief pour le moment. Kiyoka a le même souci d’ailleurs, ce qui se traduit dans ce tome en une attitude particulièrement passive face aux difficultés de sa fiancée. Il se contente d’y assister de loin et d’offrir une petite aide de manière détournée. Ce n’est pas suffisant et c’est hautement frustrant, car on sentait quelque chose se construire entre eux et qu’on a l’impression de repartir en arriève.

En plus, la narration un brin répétitive de ce tome rend la lecture fort longue. On passe notre temps entre les leçons de Miyo, ses réflexions sur sa fatigue et ses cauchemars, et les interrogations et inquiétudes de Kiyoka. Ce n’est pas très joie et même un peu fadasse. Heureusement déboule un personnage un brin mystérieux, différent et qui ose mettre les pieds dans le plat : Arata Tsuruki, qui est en affaire avec Kiyoka. Vu comme il intrigue, il va venir secouer un peu ce couple trop attentiste et merci à lui. Grâce à ça, on va enfin avoir des avancées sur les personnages !

Le fantastique, lui, bien que toujours discret n’est pas occulté cette fois. On nous parle des missions de Kiyoka et des craintes qu’il peut avoir avec ses collègues. On le voit travailler, chercher et se préoccuper de la situation. C’est potentiellement fort intéressant mais ça ne demande qu’à être exploité enfin pleinement. Que c’est long ! Qu’est-ce que je ronge mon frein ! Car les beaux dessins et les bons sentiments des personnages ne suffisent pas, il faudrait un cadre narratif plus présent. 

Tome parfaitement inscrit dans la tradition des mangas à décor historique avec des femmes qui se soumettent aux désirs de la figure de « l’épouse idéale », celui-ci nous offre un focus un peu longuet et usant sur une Miyo voulant s’améliorer pour son fiancé… Si je n’ai pas aimé le fond, la forme est réussie grâce à un tome sous tension où l’arrivée d’un petit nouveau vient pimenter la donne et secouer une histoire un peu trop ronronnante. Il faut espérer maintenant des avancées pour notre couple, les secrets de la famille de Miyo et bien sûr les missions surnaturelles de Kiyoka. J’ai bon espoir !

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18 commentaires sur “My Happy Marriage d’Akumi Agitogi, Kosaka Rito et Tsukioka Tsukiho

  1. Petit plaisir estival, je me suis procurée les trois tomes disponibles de cette série que je trouve bien douce et jolie. Je ne lis pas assez de manga, surtout shojo, pour y retrouver le déjà vu que tu soulignes et pour le moment j’aime beaucoup les émotions véhiculées. Le côté fantastique est une surprise pour moi et je pense que cela devrait s’intensifier au fil de l’histoire, le tome 3 mettant en place une intrigue plus intéressante maintenant que Miyo commence à aller mieux. A suivre…

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