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Saisons Maudites d’Asuka Konishi

 

Titre : Saisons Maudites

Auteur : Asuka Konishi

Éditeur vf : Pika (seinen)

Année de parution vf :  2023

Nombre de tomes vf : 2 (série terminée)

Résumé : Natsumi vient de perdre sa petite sœur, Haru, décédée des suites d’un cancer pendant sa chimiothérapie. Effondrée, elle murmure à l’urne qui contient les cendres de sa défunte sœur : « Attends-moi, jusqu’à ce que je te rejoigne ». Cependant, Tougo n’a pas l’intention de laisser Natsumi dépérir : il a quelques idées pour lui redonner le goût de vivre…

Mon avis :

Tome 1

Avec son style très particulier, Asuka Konishi se remarque sur les étals. Je n’avais pas eu envie de tester son Criminelles fiançailles et ses allures de récit de yakuza, mais la thématique sur le deuil et la famille de Saisons Maudites m’a fait franchir le pas.

Comme je le pressentais son style graphique est vraiment particulier mais je m’y suis rapidement fait et j’y ai même trouvé un certain charme, celui d’une autrice qui a sa propre patte, ce qui est assez rare de nos jours avec les magazines qui semblent imposer une certaine charte de ce côté-là. Les compositions, elles, sont simples et classiques alors c’est vraiment ce trait très ciselé qui frappe.

Il frappe les esprits d’autant plus que l’histoire, elle-même, est étrange. Elle met en scène une jeune femme venant de perdre sa soeur qui était tout pour elle et qui va malgré tout accepter d’entrer en relation avec le fiancé de celle-ci pour en quelque sorte « la remplacer », ce qui est très étrange. Au premier abord, on pourrait dire que c’est une histoire très japonaise avec ces fiançailles arrangées entre anciennes familles influentes et/ou aristocratiques mais quand on y réfléchit, cela existe également dans bien des pays entre familles d’un certain statut. Ce n’est donc pas le sujet. Non, ce qui intéresse ce sont les dynamiques des relations décrites et là, c’est excellent.

J’ai beaucoup aimé apprendre à connaître Natsumi, la grande soeur d’Haru, la jeune fille qui vient de mourrir. Natsumi vient d’une famille éclatée avec un père qui s’est ensuite très vite remarié. Elle a toujours vécu uniquement pour sa soeur, ne trouvant pas de reconnaissance et d’amour ailleurs. Elle vit donc d’autant plus fortement son deuil. Natsumi touche parce qu’elle porte un masque depuis toujours, même devant sa soeur, celui de la fille joviale, ou devant les autres, celui de la fille efficace ou effacée, c’est selon. Face à elle, Togo, le fiancé d’Haru, sans qu’elle s’en soit aperçu s’est mis à s’intéresser à elle car il a perçu en elle un écho de lui-même. En effet, ce dernier venant d’une riche famille a toujours tout fait pour plaire à cette dernière et n’a jamais pu être lui-même. Leur rencontre va-t-elle les aider à s’affirmer comme individu ?

Le ton de l’histoire est volontiers mélancolique ce que le trait très posé de l’autrice renforce. On sent très bien le mal être de chacun et les restrictions qu’ils se posent. La critique sous-jacente de la pression familiale est très juste, pression pour être tel qu’on l’attend niveau caractère, pression pour bien présenter, pression pour les études, pour le travail et même pour le mariage. C’est terrible. On comprend que ces personnages suffoquent. 

La question du deuil est également bien prégnante et poignante. J’ai été très touchée par la détresse de Natsumi qui ne sait plus trop quoi faire à la mort de sa soeur. Cela m’a renvoyé à ma propre situation et m’a fait m’interroger sur la réaction que j’aurais moi-même à sa place. Voir celle-ci de l’intérieur mais également de l’extérieur grâce aux chapitres où Togo est le narrateur fut donc très pertinent. Celui-ci nous permet de mieux comprendre ce que renvoie cette jeune femme terriblement seule maintenant. 

Alors oui sur le papier, c’est un peu glauque de suivre un couple qui se forme suite à la disparition d’une ancienne fiancée soeur de la nouvelle. Mais dans les faits quand on lit ce titre, ce n’est tellement pas ça. De fiancée, Haru n’avait que le nom. L’attirance de Togo pour Natsumi et l’intérêt qu’il lui porte sont on ne peut plus honnêtes et compréhensibles. Et le traitement psychologique des personnages est bien plus fin que cette accroche racoleuse. Nous sommes sur un titre où on traite de relations vraiment complexes en allant fouiller loin dans les personnages.

Très belle surprise, loin de l’aspect racoleur de sa formule d’accroche, Saisons maudites s’est révélé être un titre particulièrement fin et doté d’une belle psychologie avec des personnages émouvants qui sous la pression familiale ploient mais ne rompent pas. J’ai été touchée par leur détresse et leur rencontre, et j’ai hâte de voir s’ils parviendront à surmonter le frein de ce deuil qui pourtant devrait être leur point de départ. Je jetterai aussi un oeil à Criminelles fiançailles si c’est aussi bien écrit qu’ici.

Tome 2

Bien qu’un peu rapide, la suite et fin de cette courte série en deux tomes, a su explorer les nombreux points intéressants soulevés par celle-ci dans son premier tome et se clôt avec brio sur un beau désir d’indépendance de deux jeunes héros bridés jusqu’alors. Une excellente surprise ! 

Découpée en deux parties distinctes mais complémentaires cette suite directe offre à nouveau un très intéressant travail psychologique sur les personnages et une critique intéressante de la haute société.

Avec une première partie revenant sur Haru, la jeune fille décédée, l’autrice nous fait sentir le poids du deuil et des regrets de Natsumi. Le procédé utilisé est original, bien qu’un peu bancal, mais il sort de l’ordinaire et j’ai aimé voir s’entrechoquer les pensées des deux soeurs à travers le journal électronique laissé par la malade sur lequel tombe par hasard sa soeur aînée. On y découvre une jeune fille loin d’être parfaite, avec ses craintes sur la maladie et surtout un certain côté veule quand il s’agit de garder ceux qu’elle aime rien que pour elle. Cela permet de se détacher plus facilement de celle-ci et d’accepter sans gêne les sentiments de sa soeur et son ex-fiancé qu’elle-même avait déjà repéré. Le procédé est bien trouvé bien qu’un peu sombre et mélodramatique.

Le ton de ce tome est résolument sombre dans ce premier temps. L’autrice nous fait tomber une chappe de plomb dessus que l’on ressent jusque dans les dessins aux contours très noirs et à la caractéristique très lourde. Le poids des sentiments des personnages est étouffant et on se demande comment on va se sortir de tout cela. C’est très bien décrit et vraiment saisissant. 

Malheureusement, même si le message de la seconde partie m’a plu, l’autrice y va alors un peu trop vite en besogne et n’assure pas une bonne transition. Il aurait fallu pour cela un bon tome supplémentaire, je pense… 

Cependant, j’ai beaucoup aimé les choix faits. Voir nos héros affronter leurs parents, s’affirmer, faire le choix de suivre leurs sentiments et non une morale dictée par une société qui ne les connaît et ne les comprend pas m’a plu. Ils ont tout d’eux été bridés depuis toujours par leurs familles, alors que celles-ci n’en faisaient qu’à leur tête, c’est à leur tour. Alors oui, tout est un peu rapide, un peu facile. L’autrice évacue bien trop des questions pourtant importante sur leur devenir, leur relation, leurs conditions matérielles même, mais l’esprit est là. Cela rappelle d’ailleurs furieusement certains vieux titres des années 70, comme ceux de Kazuo Kamimura où on voyait une jeunesse défier les anciennes générations pour être libre. Voilà ce qu’il faut retenir ici, il faut savoir s’affirmer et suivre ses envies !

Bien qu’un peu rapide, cette duologie sur le deuil et la pression familiale de la haute société fut un très beau moment de lecture grâce à un travail évident sur la psychologie des personnages dans laquelle l’autrice s’est fortement impliquée, nous le faisant ressentir jusqu’à son dessin. J’aurais aimé un tome de plus pour mieux négocier le virage pris ici, mais j’ai beaucoup apprécié l’évolution des personnages, leurs doutes, leur force, leur décision finale. Je suivrai désormais le parcours de l’autrice.

> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : Les voyages de Ly, Julie, Audrey, Vous ?

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5 commentaires sur “Saisons Maudites d’Asuka Konishi

  1. Elle a un style à part. Les personnages sont un peu taillés à la fin, ils sont fins et tranchants.
    Mais elle maitrise le scénario.
    Dommage que cette série n’existe pas en numérique comme « criminelles fiançailles ».

    Aimé par 1 personne

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