Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

A Tail’s Tale de Mizu Sahara

Titre : A Tail’s Tale

Auteur : Mizu Sahara

Éditeur vf : Noeve Grafx

Année de parution vf : 2021-2023

Nombre de tomes vf : 4 (série terminée)

Résumé : Nachi est collégienne et membre du club de soft-ball. Aux premiers rayons de soleil, toutes ses amies bronzent facilement… tandis qu’elle reste désespérément blanche. Une différence qui la dérange énormément. Mais peut-être sa rencontre avec Utsumi, un camarade du collège, lui permettra-t-elle de s’accepter ? Après tout, le garçon est lui aussi bien différent des autres…

Mon avis :

Mizu Sahara est une autrice à la plume sensible que nous avons la chance de retrouver régulièrement en France. C’est une autrice multiforme qui publie au Japon aussi bien des shojo, des boys love que des seinen, mais ce sont surtout ces derniers que nous avons eu en France, de My Girl dans les années 2010 à The Voices of a Distant Star cette année. J’ai donc été ravie de voir Noeve nous proposer également sa dernière série en date : A Tail’s Tale (Okashiratsuki en vo).

Cette série terminée en 4 tomes cette année au Japon est un beau tranche de vie avec une touche de fantastique, qui fut publié dans le Comic Tatan et le Comic Zenon. Il met en scène deux jeunes collégiens qui sortent du lot, l’une pour sa peau très blanche qui détonne au milieu de la peau bronzée de ses amies, l’autre avec la petite queue de cochon qu’il cache et qui l’éloigne des autres en faisant souvent l’objet de brimades. Ces deux complexés vont se rencontrer dans leur solitude et nous allons assister aux débuts d’une très jolie relation. 

Dans un cadre tout à fait banal, l’autrice se sert de cet élément fantastique qu’est la queue d’Utsumi pour mettre en scène une très jolie histoire touchante sur le fait d’être différent. On ressent toute la bienveillance et la douce affection qu’elle ressent pour ses personnages. Deux collégiens mal dans leur peau, qui se tiennent un peu à l’écart des autres et ne parviennent pas à s’adapter du fait de leur décalage. Leur jolie rencontre met du baume au coeur du lecteur, pour autant rien n’est facile. 

Mizu Sahara nous parle en effet avec subtilité de cette société qui souhaite que tout le monde soit uniforme et qui rejette, se moque ou brime ceux qui ne le sont pas. La critique est sévère, aussi bien envers les gens lambda, qu’envers ceux qui ont un certain statut comme les parents ou le système éducatif qui préfère camoufler le problème et protéger les bourreaux plutôt que d’aider les victimes par peur du qu’en-dira-t-on. Ça fait mal.

Heureusement, elle contrebalance par la naissance d’une belle relation très pure entre les héros, dont on sait dès la première page comment elle va finir, ce qui permet de surmonter chaque difficulté qu’on voit se dresser. On assiste ainsi à la naissance de leurs sentiments bien naïfs au début, avec ce désir de connaitre l’autre dans toutes ses nuances et bizarreries. Les deux héros sont des puits de bienveillance. C’est mignon tout plein de les voir devenir amis, lutter contre les préjugés de leurs camarades et se rapprocher. C’est très touchant et attendrissant. J’ai été touchée en plein coeur pour ma part.

La petite dose de fantastique qu’emploie l’autrice confère en plus à sa série une atmosphère très particulière, un peu en suspension dans ce décor pourtant très actuel. Elle crée une aura de mystère autour d’Utsumi qui contrebalance avec le quotidien banal et routinier de Nachi. L’étrangeté de sa famille attire la jeune fille mais aussi le lecteur, c’est une jolie astuce. 

Les dessins de l’autrice, à l’image de la couverture très poétique et chatoyante de ce premier tome, oscillent également entre poésie fantastique et quotidien actuel très terre à terre. Il se dégage un charme certain de ses dessins au trait parfaitement reconnaissable et identifiable comme étant de Mizu Sahara. Il y a effectivement une patte dans le design de ses personnages et la douceur qu’elle confère dans leurs visages et yeux fins et arrondis à la fois. J’aime beaucoup le dynamisme de ses planches et son sens du cadrage et des enchaînements. C’est à la fois mélancolique et très énergique.

La façon d’aborder la différence et le harcèlement change dans ce conte fantastique de Mizu Sahara. Elle traite de sujets mille fois traités dans les mangas mais avec une singularité et un ton qui lui sont propre et qui me touchent. Cette longue introduction que fut le tome 1 fut comme une bulle de bienveillance et de douceur au milieu d’un monde d’intolérance qui va brutalement frapper les héros ensuite, mais nous savons que les héros parviendront à faire leur chemin au milieu de ça pour être heureux. Alors nous n’avons qu’une envie assister à leurs prochaines aventures de vie.

 >> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Vous ?

Tome 2

Malgré son côté très lambda, le titre dégage une émotion folle à chaque fois qu’il commence à aborder la solitude qui ronge les personnages et moi, ça me va droit au coeur, faisant de ce petit OVNI une grande lecture.

Après l’époque du collège où Nachi et Utsumi se découvraient et s’attachaient l’un à l’autre, place au lycée où ce dernier est parti sans rien dire, abandonnant son amie. Nachi vit cela très mal et est devenue quelqu’un d’encore plus piquant. Nous allons suivre tout ce qui va conduire à leurs douces retrouvailles.

J’ai d’emblée beaucoup aimé retrouver cette ambiance mélancolique d’une vie de lycéen, cette fois, où on sent que les cours, les profs, la famille, la vie en général gonfle ces ados. Cela a un petit goût d’authenticité. Au milieu de ça, c’est poignant de retrouver Nachi qui erre dans la vie sans trop savoir où aller et qui a encore en travers de la gorge l’abandon de son grand ami Utsumi, ce qui l’empêche d’avancer.

Cet empêchement est au centre de l’histoire de chacun des personnages qu’on croise. J’ai ainsi été très émue par le récit de sa grande soeur qui a été abandonnée par sa mère et qui vit avec ce trauma comme elle peut, ayant beaucoup de mal à s’attacher et se détacher des gens, ce qui la bloque, même quand un gentil repris de justice du coin s’intéresse à elle. J’ai aussi été touchée par l’amie qu’elle se fait au lycée qui n’arrive pas à s’empêcher d’essayer de se rapprocher du prof qui la fait craquer même s’il la rabroue. C’est mignon.

Utsumi, lui, s’est renfermé sur lui-même depuis sa mésaventure et se cache derrière un masque ronchon, mais il ne supporte plus celui qu’il est devenu et qui laisse les autres se faire martyriser sans rien dire. Tout comme la soeur de Nachi, il aspire à respirer de nouveau et à être lui-même mais la société l’en empêche. C’est poignant. Alors quand l’élément de bascule survient, quand la fois de trois dans le harcèlement éclate, j’ai été tellement ravie de le voir courir vers elle, même s’il s’empêche encore de plein de choses, c’était émouvant.

Ce nouveau tome fut donc une nouvelle petite bulle d’émotion, de l’émotion pour chaque personnage qui essaie vaille que vaille d’avancer même si c’est dur, mais aussi d’émotion face à des situations de la vie courante pourtant très agaçantes ou rageantes. L’autrice profite de son histoire rocambolesque pour placer des piques intéressantes sur la parentalité défaillante, le harcèlement scolaire, la société patriarcale et misogyne et bien d’autres thèmes toujours d’actualité. Avec son trait poétique et sensible et la belle émotion qu’elle insuffle pourtant, cela me va droit au coeur.

Tome 3

Tandis que les tomes sortent à un rythme un peu chaotique, je perds malheureusement un peu de mon intérêt pour la série au fur et à mesure que ma mémoire de celle-ci s’effrite. Il y a toujours plein de bons sentiments mais les enchaînements me semblent un peu bancals…

J’ai en effet commencé ma lecture par des chapitres qui avaient presque ni queue ni tête pour moi, sans mauvais jeu de mots. Je ne comprenais pas pourquoi Nachi avait régressé ainsi et quand cela m’est revenue, je n’ai pas vu l’intérêt dans l’histoire de cette perte de mémoire… C’est clairement un rebondissement scénaristique que je n’aime pas car le plus souvent il ne sert à rien et ici c’était effectivement inutile. Il y a donc toute une première partie assez bof.

Heureusement la série repart sur de bons rails ensuite. Les héros grandissent et vient la question de leur avenir. L’auteur force un peu le trait mais elle pose la question de l’acceptation par les amis et la famille d’une relation que ceux-ci jugent difficile pour celle qu’ils aiment, en l’occurrence Nachi. Problème peut-être de point de vue ou de culture, mais j’ai eu beaucoup de mal avec leurs interventions dans la vie de l’héroïne. Est-ce qu’il est nécessaire d’aller aussi loin pour une bête question d’apparence ? C’est là, pour moi, la limite du titre. A vouloir faire poétique et métaphorique au bout d’un moment ça ne marche plus. Je n’ai pas du tout trouvé crédible l’inquiétude de tout ce monde pour l’avenir de Nachi. En quoi être en couple et vivre avec Utsumi serait difficile juste parce qu’il a une queue en tire bouchon, qui en plus ne se voit pas une fois habillé ? Quelque chose ne fonctionne pas…

De la même façon, j’ai ressenti un décalage dans la façon dont est abordée l’évolution du personnage de Shiho. L’auteur lui invite un soupirant avocat qui sort de nulle part, tout cela pour forcer son rapprochement avec le jeune garçon avec qui on la voit si souvent. Ça ne fait pas naturel. J’ai eu l’impression que l’auteur ayant pondu ces personnages, il se sentait obligé d’un coup de faire quelque chose d’eux après les avoir oublié et en un chapitre, il a utilisé le classique ressort scénaristique du mariage arrangé pour les faire évoluer, ça coince un peu pour moi. Alors je suis ravie de l’évolution de leur relation parce que je les voyais ensemble, mais pas de cette façon, pas avec cette écriture.

C’est un peu l’histoire de ce tome. Beaucoup de choses m’ont semblé forcé pendant la première moitié, puis dans la seconde, on est reparti dans de banales histoires de quotidien lycée sans réelle portée. C’était sympa et nostalgique de voir notre héroïne vivre ses derniers instants avec ses copines, mais ça manquait d’impact et de but. J’ai donc préféré quand on en est revenu au sujet de l’histoire, sa relation avec Utsumi et ce qu’elle allait devenir après le lycée mais le saut dans le temps a un peu empêché de voir ceci s’installer et se développer donc je n’ai pas trop su qu’en faire. J’attends de voir ce que réserve le dernier tome où ils seront adultes, mais je suis assez dubitative face à ce 3e tome.

Après avoir débuté en coup de coeur, A Tail’s Tale se révèle malheureusement écrit de plus en plus maladroitement au fil des tomes. J’ai l’impression que l’auteur se perd un peu entre son propos et la façon de le mettre en scène. Il gère mal les transitions et les évolutions, cela donne un rythme saccadé et maladroit à l’oeuvre, lui faisant perdre de son impact. On reste attaché au devenir de ces jeunes parce qu’ils nous touchent, mais on est frustré face à la façon dont leur histoire est écrite. C’est un peu dommage.

Tome 4 – Fin

Il aura fallu 2 ans et demi à Noeve pour sortir ces 4 petits tomes mais pour pouvoir lire un si joli tome final, j’aurais patienter sans regret et pourtant ce n’était pas gagné…

Après un début fort réussi, j’ai vraiment eu l’impression que l’autrice se perdait dans ses propos et ses idées quant il s’est s’agit de les développer. J’avais donc de réelles appréhensions quand à cet ultime chapitre de la vie de nos héros. C’était ridicule car c’est ici que Mizu Sahara a su concentrer la quintessence de ce qu’elle avait à dire et j’ai ainsi frôlé le coup de coeur !

En effet, nous retrouvons dans ce dernier volume nos héros adultes confrontés à la vie à deux, au travail, à leur famille mais aussi à celle qu’ils aimeraient fonder, et naturellement les thématiques autour de la différence d’Utsumi prennent sens ici et se renforcent. J’ai adoré ! Que ce soit avec les pages consacrées à leurs parents ou celles sur eux et leur fille, j’ai pris une bouffée d’émotion qui montait et montait encore. J’ai été très  touchée par le discours bienveillant et honnête à la fois de l’autrice qui ne cache pas certaines réalités difficiles mais les met en scène de manière à nous donner de l’espoir.

Ainsi, il y est question de la quête du bonheur sous de multiples formes, souvent les plus banales et anodines, mais qui ont pourtant une force incroyable. Ainsi, il est question de différences et de ce qu’on doit affronter pour s’intégrer et forcer les autres à l’accepter et réfléchir dessus. C’est puissant et pertinent.

L’autrice joue très bien sur nos sentiments pour mettre cela en scène. Quand elle montre les parents de Nachi et Utsumi, c’est bouleversant, que ce soit le père d’Utsumi qui a toujours cherché à entendre son fils dire qu’il était heureux et que ça a rongé tant il voulait bien faire, alors qu’il lui suffisait de l’observer pour s’en rendre compte ; que ce soit la mère de Nachi qui a besoin de se remémorer sa vie avec ses filles en faisant le ménage pour voir tout ce qu’elle a accompli et se rendre compte qu’elle n’est pas nulle, qu’elle n’est pas seule. L’autrice montre combien ils furent tous deux des enfants chéris.

Elle conduit ainsi le lecteur à la prochaine étape de leur vie : devenir à leur tour parents et des parents aimants qui soutiennent leur enfant, car la question de la parentalité est également au centre du récit. La petite histoire de la soeur de Nachi, policière recueillant un bébé à placer, le montre. L’autrice n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat et à dire que c’est difficile d’être parent, que tout le monde n’est pas fait pour, qu’on a le droit de craquer, de ne pas y arriver, de demander de l’aide ou de renoncer. Elle est remplie de bienveillance et pas moralisatrice pour un sou, ce que j’ai adoré, moi qui ne veux pas d’enfant !

Ce fut ainsi une lecture lumineuse de bout en bout et encore plus quand Sena est arrivée dans l’histoire avec son grand sourire et sa force héritée de sa famille qui a tout fait pour qu’elle se sente bien dans ses baskets malgré sa particularité. Cela lui permet ainsi à son tour d’aider les autres et de ne pas trop souffrir de ses différences, même si elle aussi à des coups de mou, ce qui est normal. L’autrice rend normal la différence, la lutte pour être accepter, mais aussi les difficultés. Elle montre que c’est un travail commun et réciproque à faire. Un très beau message !

Merveilleuse série d’une extrême bienveillance. Après des hauts et des bas comme dans la vie, Mizu Sahara est parvenue à nous toucher avec cet ultime volume, concentré de tout ce qu’elle voulait dire qu’elle parvient enfin à exprimer de manière lisible, ce qui le rend d’autant plus émouvant. Oui on a tous nos particularités et nos complexes, aux autres de les accepter et à nous de les aider, il ne faut pas démoraliser, il faut savoir se battre et s’accepter dans les bons et mauvais moments. Un message plein de douceur à l’image de cette ultime couverture. Petit coup de coeur !

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© 2018 by Mizu Sahara / Coamix / © 2021 Noeve Grafx

13 commentaires sur “A Tail’s Tale de Mizu Sahara

      1. J’avais juste lu The Voices of à Distant Star que j’ai vraiment beaucoup aimé. Et sur celui-ci, l’esthétique m’a beaucoup parlé, mais je n’ai pas réussi à rentrer dans l’histoire et dans les personnages malheureusement.

        Aimé par 1 personne

      2. C’est donc propre à cette oeuvre si tu as aimé le style de l’autrice ailleurs. Tant pis, ça te fera faire des économies lol Même si j’aurais aimé que le max de gens la soutienne pour que revienne peut-être My Girl que j’ai loupé ><

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  1. Je suis très tenté par ce titre mais je n’ai jamais réussi à franchir le pas (depuis My Girl que je me souviens avoir feuilleté il y a des années en librairies).
    Avec des avis comme le tiens, je pense essayer avec ce titre. Tu conseilles d’autres titres de l’autrice sinon?

    Aimé par 2 personnes

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