Livres - BD / Illustrations

Les Strates de Pénélope Bagieu

Titre : Les Strates

Auteur : Pénélope Bagieu

Editeur : Gallimard

Année de parution : 2021

Nombre de pages : 144

Histoire : L’autrice de Culottées, Eisner Award 2019, livre ici son premier récit autobiographique, où histoires d’enfance et d’adolescence composent le portrait de l’adulte qu’elle est devenue.

Mon avis :

Je suis Pénélope Bagieu depuis ses débuts sur le net avec son blog BD où elle se faisait appeler Pénélope Jolicoeur et nous parlait de sa « vie tout à fait fascinante » (lien). C’est une jeune autrice de BD que je trouve très attachante et dont j’ai aimé voir l’évolution en tant qu’artiste et femme à travers ses oeuvres. J’ai donc été ravie de la voir sortir maintenant un récit autobiographique où elle se livre encore un peu plus.

Avec son format de carnet moleskine, Les strates détonne clairement sur les étalages des librairie. Sa couverture en cuir noir avec juste le dessin naïf d’une tête de femmes interpelle encore un peu plus. Cela donne à cet ouvrage un air de titre à mi-chemin entre le journal intime et le carnet d’artiste, ce qu’il est !

Pour qui ne connaît pas l’artiste, je ne sais pas si ce tranche de vie vous touchera autant, mais pour ma part, j’ai adoré ma lecture. Je reconnais que c’est un format assez particulier. On suit des anecdotes de la vie d’une femme, d’une artiste, qui dévoile pudique (ou pas) des moments marquants de son passé. Cela pourrait nous passer complètement au-dessus puisque après tout on n’a pas vécu sa vie et qu’elle n’a rien vécu de particulièrement remarquable, ce n’est pas une héroïne. Et pourtant, si ça nous parle car en fait la jeune Pénélope est déjà depuis toute petite une héroïne ordinaire.

J’ai beaucoup aimé la proximité que j’ai ressenti avec l’autrice ici. C’est une jeune fille / femme ordinaire qui se livre. Elle évoque avec pudeur, sincérité et honnêteté des épisodes de sa vie que l’on aurait pu vivre également. En cela, c’est un récit universel, en particulier pour ceux ayant grandi, comme moi, dans les années 90. A travers des récits de longueurs et de tons inégaux, Pénélope nous rapporte ses histoires de famille, ses histoires de coeur, ses coups de gueule, ses chagrins mais aussi ses agressions. Et c’est là qu’elle m’a le plus surprise !

Je ne m’attendais effectivement pas, en épluchant les strates de la vie de cette enfant qui va devenir l’artiste qu’on connaît, à tomber sur le récit brutal de certaines violences sexistes et sexuelles qu’elle a pu vivre. C’était poignant et glaçant, car relaté de manière brute et honnête. J’ai beaucoup aimé la simplicité de ce témoignage, qui lui donne encore plus de force et montre la brutalité de ces violences devenues malheureusement ordinaires. Bravo à l’autrice d’avoir osé se livrer !

L’ouvrage n’est cependant pas un pamphlet féministe, n’ayez pas peur, vous que ça fait fuir. C’est plutôt le récit intime d’une jeune femme qui regarde avec amour celle qu’elle était autrefois. Elle parle avec beaucoup de bienveillance et ses récits résonnent chez l’adolescent(e) qu’on a été. Elle parle d’amour inconditionnel pour son premier animal, de drague, de sexualité, de puberté, d’amitié, de brouille, d’amour pour sa famille, de précarité étudiante. On est attendri par le regard qu’elle pose sur celle qu’elle était alors. On est frappé par sa force et son courage. On est amusé par son autodérision et l’humour de la jeune femme.

Mon histoire préférée, certainement celle autour de son premier flocon, où elle raconte comment un petit mensonge de ses parents fait avec bienveillance s’est transformé en une sorte de talisman pour elle, afin de la rendre plus forte et sûre d’elle. Quant aux plus émouvantes, il y a celle qui clôt le volume qui est un si bel hommage à sa grand-mère, et celle qui l’ouvre sur sa relation avec son premier chat. Je me suis tellement retrouvée ici.

Je ne sais pas si l’ouvrage parlera à tout le monde. Moi, j’ai été ravie de découvrir un peu plus cette femme. Ses récits de vie ont parfois fait écho en moi, en l’enfant et l’adolescente que j’ai été puisque nous sommes à peu près de la même génération, et même sans ça, sa dénonciation des violences ordinaires faites aux femmes m’a mis une petite claque. En revanche, les dessins fort simples et un peu inégaux m’ont laissée sur ma faim. Je comprends qu’ils correspondent au concept de journal intime où on se livre rapidement et brièvement, mais j’aime les colorisations de l’autrice et ça m’a manqué ici. Je trouve le noir et blanc un peu froid. Quant au trait, il est parfois un peu vacillant. Ce n’est donc pas ce qui en fera un titre marquant, contrairement au texte qu’elle porte.

Les Strates fut donc une belle lecture immersive, lecture d’une génération, lecture d’une vie de femme, lecture d’une vie de future artiste. On aime le bel objet livre original. On aime le ton plein de bienveillance de l’autrice mais son absence de complaisance aussi et son humour. On aime son ton gentiment mais fermement contestataire. Indispensable pour tous les suiveurs de l’autrice. A lire pour tous les amateurs de tranches de vie made in 90’s.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis bien plus pointus de : Nina a lu, Vous ?

6 commentaires sur “Les Strates de Pénélope Bagieu

  1. Je l’ai vu pas mal passer dans les réceptions, mais je n’en ai quasiment pas lu ou entendu d’avis.
    Je ne suis pas très récits autobiographiques, mais la forme atypique de l’ouvrage et son ton donnent envie. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle partage ses moments difficiles comme ses agressions (le pluriel donne déjà mal au cœur) et je trouve ça très courageux…

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    1. Ayant une affection toute particulière pour l’autrice que je suis sur les réseaux depuis quasiment ses débuts, cela avait un résonnement tout particulier pour moi ^^
      J’espère que tu auras l’occasion de tester et je me dis que vu son succès, il y a de fortes chances.

      Aimé par 1 personne

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