Livres - Science-Fiction

La Dimension Heisenberg d’Éric Lysöe

Titre : La Dimension Heisenberg

Auteur : Éric Lysöe

Éditeur vf : Le Chant du Cygne

Date de parution : 13 janvier 2022

Nombre de pages : 606

Histoire : Qui peut se targuer d’être vraiment libre ?
Confrontés malgré nous à une situation historique particulière, nous subissons l’influence des autres et la pression de nos traumatismes. Nous résistons en vain à l’apparente dualité d’un monde qui nous impose de choisir un camp, et nos vies entrent si vivement en collision avec celles des autres que nous risquons à chaque instant de nous perdre.
La Dimension Heisenberg est une fiction historique sombre, qui s’ouvre sur la rencontre – bien réelle – entre Niels Bohr et Werner Heisenberg en septembre 1941. Ce roman mêle fantastique et science-fiction pour mettre en lumière les mécanismes élaborés par les individus dans l’espoir d’échapper à la violence.
Plongez dans un espace-temps inconnu organisé autour des recherches scientifiques nazies, un monde de faux-semblants où nul n’est ce qu’il prétend être. Une seule solution pour parvenir à se retrouver : laisser tomber les masques un à un et rassembler tout son courage pour briser ses chaînes.

Mon avis :

Je remercie tout d’abord les éditions du Chant du Cygne, jeune maison d’édition qui m’a fait confiance pour la seconde fois avec son nouveau titre à la couverture signée Damien Nagy (lien vers son site rempli de superbes réalisations), alors que j’avais eu un avis un peu mitigé sur leur premier roman : Gestalt. Et cette fois, après la Dark Fantasy, place à une uchronie SF sur fond de nazisme, étrangement alors que sur le papier ça me parlait moins, j’ai largement préféré !

Mes seconds remerciements vont à Audrey de Light and smell qui m’a présenté l’éditeur et accompagnée sur cette lecture copieuse, car avec ces plus de 600 pages, il fallait de la motivation pour la larve que je suis en vacances, pour oser le sortir et l’ouvrir. Mes craintes ont cependant été balayées dès les premières pages grâce à une plume qui m’a d’emblée rappelé les auteurs tels que H.G. Wells ou Jack Finney, mes références en matières d’uchronie sur fond de machine à remonter dans le temps. Je sais, ce n’est pas le même trope ici, on est plus sur des dimensions parallèles, mais j’ai vraiment eu l’impression d’être dans ce genre d’ambiance et la fan que je suis a beaucoup aimé !

Malgré un rythme un peu en dent de scie et une histoire très très fournie en aventures et thématiques, Eric Lysoe a réussi à me tenir en haleine de bout en bout, et ce n’était pas gagné vu ma tendance à décrocher sur d’aussi longs récits. Il faut dire qu’il a écrit une histoire vraiment passionnante, qui pose plein de questions et interpelle le lecteur avec un héros assez atypique car pas forcément des plus plaisants à suivre, le tout dans un univers uchronique aux codes bien immersifs, malgré quelques bémols que je poserai plus tard.

L’histoire démarre sur les chapeaux de roue avec 100 premières pages environs vraiment accrocheuses pendant lesquelles nous allons découvrir l’Allemagne nazie sous un tout autre angle aux côtés d’un majordome danois juif, qui côtoie les plus grands savants de son époque. A la suite d’une rencontre un peu bancale, il va se retrouver embarqué dans une vaste machination, si on peut appeler ça ainsi, que seuls les nazis pouvaient inventer. En effet, pour gagner la guerre, ceux-ci n’ont rien trouvé de mieux que d’envoyer une partie de leurs scientifiques dans une autre dimension afin de tester les armes de demain qui leur apporteront peut-être la victoire. Que vient faire notre héros là-dedans ? Eh bien, il va traverser à son tour en voulant aider une jeune femme à retrouver son amant juif lui aussi.

Je vais être honnête, le postulat de départ est un peu bancal et les décisions du héros pas toujours crédibles, pas plus que le concept du Tesseract qui permet de voyager entre les dimensions sur le principe des échanges équivalents, mais qu’importe, c’était fascinant à suivre. J’ai toujours adoré quand un héros un peu naïf était embarqué dans une aventure qui le dépasse comme ici. J’ai toujours adoré les univers régis par des règles à la limite de ce que notre science admet. J’ai toujours adoré aller de surprises en surprises. Et ce fut le cas ici ! Car même si le récit connaît un petit coup de mou une fois le héros a traversé, l’auteur de ressaisit très vite et nous embarque dans un nouvel univers fascinant.

Une fois avoir traversé le miroir, je m’attendais au pire avec ces nazis et leurs expérimentations. J’ai eu effectivement quelques moments assez glauques (avec la femme-cheval) et une société clairement dérangeante (avec ces esclavage +++ des juifs) mais je m’attendais encore à pire et ce ne furent que de brefs moments. En fait, à partir du moment où le héros arrive, il s’escrime surtout à découvrir où il a mis les pieds et ce qui lui arrive, ce qui n’a rien de simple. L’auteur ainsi surprend en nous amenant sur une voie qu’on n’avait pas prévue. Certes, il y a aussi une intrigue visant à faire capoter les expériences militaires nazies mais celle-ci n’est au final qu’une toile de fond, par rapport à l’aventure humaine de Jakob.

En effet, j’ai eu comme première surprise de découvrir un héros assez antipathique, un héros dragueur lourd dont les relations avec les femmes m’ont vraiment posé problème, tout comme son obsession pour une certaine partie de l’anatomie féminine que Courbet a si bien peint et qui semble revenir sans cesse chez lui. Alors certes, il cache cela sous couvert d’une forme de galanterie et du syndrome du preux chevalier, mais je n’ai vu que ça… Cependant, l’auteur installe un jeu fort intéressant entre Jakob et Rudy, l’homme dont il va malencontreusement occuper le corps en passant de l’autre côté. C’est fascinant de sans cesse s’interroger sur la part de Jakob et la part de Rudy dans ce qu’il fait et les souvenirs qui l’assaillent, ce qui a maintenu mon intérêt de bout en bout, tant je cherchais à comprendre cet homme.

Ma seconde surprise est venue de la société dans laquelle il a atterri. En effet, je m’attendais à une version sombre des camps et des laboratoires d’expérimentation dans cette dimension Heisenberg, mais ce fut assez léger au final. A la place, l’auteur nous invite à découvrir les règles et codes qui régissent les relations des différents intervenants. On suit ainsi tour à tour la femme d’un haut dignitaire qui est une croqueuse de jeunes Aryens, une infirmière qui n’est pas celle qu’elle dit être et dont le secret m’a bien surprise – j’ai adoré parler de transidentité –  ou encore une scientifique juive obligée de jouer les esclaves sexuelles. C’est terrible et fascinant à la fois, offrant ici aussi un jeu de dupes savoureux entre les personnages et surtout autour du héros car on se demande qui va le percer à jour, quand et comment, s’il ne va pas se trahir et quels en seront les conséquences, car tout se passe bien facilement quand même pour lui et on se dit que ça ne peut pas continuer éternellement. Cependant comme on est dans une sorte d’hommage à ce type d’histoire, cet écueil ne m’a pas trop gênée.

Se greffe à cela, les fameuses règles qui régissent cette dimension. L’auteur se plaît à utiliser, de loin, des codes de la Hard SF avec une touche de physique quantique et des codes des Planet Opera avec la découverte d’un étrange peuple autochtone fait de lumière avec qui on a bien du mal à communiquer mais qui fascine. Pour cela, Eric Lyose mêle extraits de lettres, de journal intime et narration à la première personne, dans laquelle il manque peut-être un peu de dialogues pour dynamiser tout cela, parce qu’il y a plusieurs passages un peu longuets à force. Je sais que ces derniers ont failli avoir raison de ma collègue Audrey au cours de sa lecture d’ailleurs ^^!

Pour ma part, j’ai été fascinée par cette aventure étrange et inattendue, aux ramifications totalement imprévisibles lors du démarrage. J’avais envie de découvrir ce qui allait arriver au héros, s’il allait céder ou vaincre l’esprit du corps qu’il habite, s’il allait réussir sa mission ou se faire percer à jour avant. Mais je suis consciente que ça avait un petit côté Série B, notamment avec l’auteur qui est parti un peu dans tous les sens et a traité d’énormément de sujets pas toujours en lien avec l’histoire principale. Il est parti de ce cadre d’Allemagne nazie avec tout ce que ça implique pour élaborer une histoire bien plus vaste et le parcours d’un homme étrange qui le restera de bout en bout. J’ai aimé l’ambiance et l’aventure. Je regrette un peu l’abandon des pans de SF pure au fil du tome et la fin un peu rapide. Ce fut tout de même une bonne découverte pour les amateurs de voyages dans le temps et entre différentes dimensions proches de la nôtre comme moi.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Light and smell, Vous ?

14 commentaires sur “La Dimension Heisenberg d’Éric Lysöe

  1. Tout comme Audrey, il est certain que ce roman t’as interpellé grâce à ses durs et sombres sujets. J’avoue que vos deux fascinants avis sont tentants mais le fond historique ainsi que le genre ne sont pas ce que je préfère.
    Je me le note quelque part malgré tout car j’ai très envie de découvrir cette maison d’édition à mon tour 😉

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    1. J’avoue que le fond historique est quand même assez léger à part pour fournir un cadre, alors si tu aimes après ce genre d’histoire de voyage dans le temps/entre les dimensions, d’expérimentation et de plongée dans la psyché dérangée d’un homme, fonce !
      Je comprends ton envie de découvrir cette maison d’édition, elle a de si belles couvertures !

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  2. J’aime beaucoup ta chronique qui présente de manière claire et étayée les forces de ce beau bébé.
    Comme tu le sais, je partage ton avis même si le fait que tout soit trop facile pour le héros m’a un peu plus gênée que toi, mais peut-être parce que n’ayant pas ton passif avec la SF, je n’ai pas réussi à y voir l’hommage qui t’a plu.
    Sinon, entièrement d’accord avec toi sur la personnalité de Jakob, la manière dont l’auteur nous invite à découvrir et suivre les relations entre les personnages, le jeu entre Jakob et Rudy…
    Encore merci pour cette lecture commune qui m’a aidée à passer outre le petit coup de mou que j’ai ressenti en cours de lecture, en plus d’avoir été une belle source de motivation pour dévorer ce beau bébé.

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    1. Merci à toi aussi sans qui je n’aurais pas découvert ni ce roman ni cette maison d’édition !
      Notre LC m’a permis d’affiner pas mal de points et je suis contente si tu trouve ça clair, car moi pas du tout lol
      Clairement le titre m’a bien retourné la tête et interrogée sur pas mal de points, ce qui est exactement ce qu’on attend aussi de ce genre de lecture, je trouve 😉

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      1. J’espère que la maison d’édition rencontrera un beau développement, sa ligne éditoriale étant intéressante et le travail éditorial de qualité…
        Je te rassure de nouveau, ton avis est parfaitement clair 🙂
        Oui, tu as raison. D’ailleurs, je n’ai toujours pas réussi à déterminer la part de responsabilité du héros dans ses élans de violence…

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  3. C’est un roman sur lequel il y a beaucoup à dire. Le sujet m’intéresse beaucoup et le genre aussi mais le héros semble assez particulier donc à voir si je pourrais le supporter sur une telle longueur de récit. Je le note quand même, ça peut être une découverte intéressante.

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