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Le Cycle des Princes d’Ambre de Roger Zelazny

Titre : Le Cycle des Princes d’Ambre

Auteur : Roger Zelazny

Éditeur vf : Denoël Présence du futur / Folio (SF)

Année de parution vf : 1990-1993 (années 1970 pour la vo)

Nombre de tomes vf  : 10 (série terminée)

Histoire : Ambre est un royaume médiéval ; comme tous les autres il possède une capitale, un palais, une cour, une famille royale et des intrigues. Mais Ambre est aussi bien plus : lieu mythique considéré comme le centre de l’univers. Seul lieu réel, tous les autres n’en sont qu’un reflet, dans l’ombre, comme la Terre. Considérée comme très intéressante par la plupart des princes d’Ambre, elle leur sert de résidence secondaire, voire de cachette. Car la vie d’un prince ou d’une princesse n’est pas de tout repos. Seuls dépositaires du pouvoir quasi divin de se déplacer entre les mondes, ils n’en restent pas moins humains : au mieux rivaux, ils sont le plus souvent ennemis jurés. En effet, depuis la disparition mystérieuse d’Obéron, le père de cette grande famille, le trône est vacant et la succession des plus agitée.

Mon avis :  

Tome 1 : Les Neuf Princes d’Ambre

Quand j’ai découvert la saga des Princes d’Ambre jeune adolescente, en entrant au collège, j’ai de suite été fascinée par l’univers imaginé par Roger Zelazny, qui était probablement l’une de mes premières incursions dans de la fantasy pour adulte. J’ai ainsi dévoré les 10 tomes la composant, étrangement présents au CDI, mais depuis je n’ai jamais osé relire la saga de peur de ne pas retrouver cette même fascination. J’avais tort car elle est toujours bel et bien présente !

Roger Zelazny, c’est un auteur culte dans le domaine de l’imaginaire. Il a écrit de nombreux textes que ce soit en fantasy ou en science-fiction et a remporté de nombreux prix, mais c’est souvent avec Les Princes d’Ambre qu’on en parle car c’est celle-ci qui l’a fait connaître, malgré son prix Hugo quelques années auparavant pour Toi, l’immortel, ex aequo quand même avec Herbert pour Dune !

Je comprends parfaitement pourquoi les gens ont adoré ce titre car il en est de même pour moi. Malgré ses défauts et il y en a, l’univers imaginé par l’auteur fascine, de même que ses influences puisant dans de nombreuses mythologies et sa narration inspirée des jeux d’échec. C’est tout bonnement excellent !

Zelazny nous plonge dès les premières lignes dans un récit où il met le narrateur à la même hauteur que le lecteur : Corwin est amnésique. Nous allons donc nous coller à ses pas pour essayer de comprendre les mystères entourant sa vie et ceux-ci sont forts nombreux et assez incroyables. Avec une belle maîtrise d’un fantastique des plus classique, Zelazny va peu à peu nous conduire jusqu’à un point de bascule, le tout en étant aussi aveugle que son héros, ce qui est fascinant. Tout comme lui, on marche sur deux oeufs. Tout comme lui, on ne comprend pas grand-chose et c’est le génie de la chose. Ainsi, ce qui passerait pour une narration floue et incompréhensible avec des pouvoirs qu’on peine à cerner, devient en fait un ressort narratif propre à l’auteur pour mieux nous immerger dans son histoire et ça fonctionne.

Le récit est court mais vif et percutant. L’auteur ne perd pas de temps dans ces 250 pages à peine que compte le premier tome. Il nous présente la vaste famille de Corwin, prince d’un royaume caché : Ambre, dont les membres s’entre-déchirent pour obtenir la couronne. Corwin fait partie d’une fratrie dont il reste 9 frères survivants et 4 soeurs, souvent de mères différentes et dont le père est passé on ne sait où. Corwin redécouvre pas à pas ce qui unit et désunit surtout chacun d’entre eux. En allant à la recherche de sa mémoire, il va replonger dans les jeux d’intrigues de ces derniers et avancer à marche forcée vers les problèmes, ce faisant. Dans ce premier tome, nous allons donc plonger dans les pouvoirs de la famille princière, manipulant les ombres pour se déplacer et se battre, et utilisant des cartes, les atouts, pour communiquer et se déplacer. Ils sont fascinants.

Alors que l’auteur n’a que peu de pages, il parvient à rendre cela très vivant. On cerne rapidement la personnalité des chacun des membres de cette famille qu’on croise. Ils ne sont tous que fourberie, ce que j’ai adoré ! Comme dans un jeu d’échec, tout n’est que manipulation, coup foireux et entourloupe pour parvenir à ses fins. On ne sait jamais sur qui compter et qui va trahir qui à quel moment. Les batailles sont nombreuses et surprenantes, se passant tantôt dans notre monde, tantôt dans celui des ombres, tantôt à Ambre. Cependant, elles sont parfois compliquées à visualiser notamment au début. Je comprends l’effet de style souhaité par l’auteur mais c’est frustrant tout de même. Cela devient heureusement plus clair par la suite.

La magie d’Ambre et les personnalités retorses de ces princes et princesses sont vraiment le gros point fort ici. Ils fascinent. Rien n’est manichéen ici, tout est tordu, même le héros a un je ne sais quoi d’anti-héros aux yeux des autres et le frère qu’il va affronter : Eric m’a fait penser à Elric de Moorcock qu’il précède de peu ou encore aux Harkonnen de Dune qu’on a découvert quelques années plus tôt. Les deux se livrent à un sacré duel, même si Zelazny aime bien introduire pas mal d’ellipses dans son récit pour rendre celui-ci plus vif et incisif, ce qui empêche de voir la totalement de leurs affrontements, mais entre duel à l’épée, bataille navale, assaut du château, on a de quoi se mettre sous la dent.

Avec une plume qui n’a pas vieilli et qui demanderait juste à s’étoffer un peu de descriptions plus longues parfois, notamment lors des interludes et des scènes de combat, Zelazny propose ici une entrée en matière des plus savoureuse et piquante. J’ai adoré me sentir déstabiliser aux côtés de ce héros qui n’en savait pas plus que nous sur les étrangetés l’entourant au début. C’était passionnant de découvrir son monde, derrière le voile qui le protège, en se collant à ses pas et en doutant de tous. J’ai beaucoup aimé les références mythologiques et celtiques de l’oeuvre, ainsi que l’ambiance très « jeu de stratégie » qui se dégage de chaque passe d’arme et relation. Même si j’ai peut-être trouvé que ça allait un peu vite et que j’aurais aimé qu’on s’attarde sur les personnages, leurs relations ou encore la ville d’Ambre, j’ai été fascinée et passionnée par ce récit que j’ai dévoré. Zelazny a su imaginer un univers de haute volée où intrigues et complots politiques se marient à merveille avec un système de magie original et assez visuel. L’écriture a peut-être vieilli un peu par rapport à un Jay Kristoff ou un Sanderson qui écrivent des scènes d’action bien plus percutantes lors de l’utilisation de pouvoirs similaires mais ça reste excellent. Et ce n’est que le premier tome ! J’en redemande !

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Xapur, Nevertwhere, Nicolas (Livre poche), Océan de pages, Nyx, Livrement Vôtre, Red Blue Moon, Mina, Vous ?

Tome 2 : Les Fusils d’Avalon

En débutant cette relecture, je savais que je m’engageais dans une sacrée épopée, mais j’avais oublié combien Zelazny pouvait être une auteur efficace et ingénieux.

A nouveau, en l’espace d’à peine plus de 300 pages, il m’a fait vivre une grande aventure. Avec une inspiration aux consonances arthuriennes, j’ai adoré retrouver son anti-héros Corwin qui tente de se venger de son frère Eric pour lui reprendre le trône d’Ambre. Pour cela, il va devoir tout reprendre à zéro ou presque et il va trouver sur son chemin des personnes inattendues.

Le premier tome consistait en une vaste mise en place. Le deuxième, lui, comme les suivant, nous permet de découvrir l’une des facettes de cette lutte de pouvoir fratricide. Nous allons ainsi à la rencontre de certains des membres de la famille que nous n’avions pas encore vu tandis que nous suivons la nouvelle ascension de Corwin.

J’ai beaucoup aimé la première partie du texte encore plus directement inspiré par les récits chevaleresques que les autres. C’était amusant de retrouver Corwin dans un royaume dirigé par un ancien soutien devenu ennemis : Ganelon, à qui l’auteur a donné le nom de celui qui a trahi Roland dans la chanson. On sent qu’il y a un joli sous-texte ici. De la même façon que j’ai aimé voir notre héros retrouver son frère Benedict et faire la connaissance de la mystérieuse Dara, qui est directement inspirée de ces personnages trompeurs comme Morgane. Les personnages sont vraiment très bien écrits.

L’aventure est également très bien écrites car de bout en bout de ce tome, il n’y a pas de temps mort. On passe d’un héros qui tente de se refaire et de retrouver son chemin, à un héros qui a trouvé un allié et va chercher à se procurer l’avantage tactique qui lui manque. J’ai adoré voir Corwin louvoyer entre les différents lieux où il se trouve et les différents personnages qu’il croise pour au final toujours retomber sur ses pieds, à savoir poursuivre sa quête de vengeance et de justice, du moins telle qu’il la voit.

L’auteur joue toujours autant sur la figure du héros qui n’est un héros que selon la personne qui le regarde. On découvre ainsi que Corwin n’est pas très apprécié dans les autres réalités où il passe. On découvre qu’Eric n’est pas tellement détesté par les autres membres de sa famille puisqu’il protège leur royaume. Tout est question de point de vue et j’aime cette subtilité dans l’écriture des membres de cette famille où aucun n’est celui qu’on croit au début mais se révèle bien plus complexe.

Il y a aussi de la part de Zelazny une facilité fascinante dans son écriture du système de magie qui a cours dans la saga. Lors des pages et des pages où l’on suit Corwin qui traverse ou manipule les Ombres, je suis à chaque fois scotchée. J’ai presque l’impression qu’il froisse et défroisse les ombres comme je le ferai avec les pages de ce livre et qu’il les dessine et refaçonne comme il le ferait avec de la glaise. C’est bluffant. C’est la même chose avec la partie chevaleresque du récit. Les scènes de disputes et d’affrontement, voire de guerre et de bataille, sont hyper percutantes sans que l’auteur ait besoin d’en faire des tonnes et de s’étaler. Il va à l’essentiel et ça nous scotche comme devant un très bon film d’époque.

Mon voyage auprès des Princes d’Ambre n’en finit pas de me fasciner et de me passionner. Impossible de cerner ce héros qui a tout de l’anti-héros dans sa quête de vengeance qui peut l’emmener très loin. Impossible de cerner cette famille qui s’aime et s’entre-déchire sans arrêt. Impossible de cerner cette magie tellement changeante mais toujours fascinante. J’adore cet univers et je suis scotchée par ce que l’auteur arrive à faire à chaque en terme de densité de récit et intensité d’émotions en si peu de pages !

Tome 3 : Le signe de la licorne

Cette relecture continue de se passer extrêmement bien. Je n’arrive pas à réaliser que l’auteur a écrit cela dans les années 70 et non de nos jours tant sa plume n’a presque pas vieillie. Il propose des aventures toujours aussi entraînante avec cette fois un petit air d’Agatha Christie avec cette lutte à huis clos pour la couronne du royaume d’Ambre.

Les deux premiers tomes formaient un tout, la suite semble aussi dessiner un nouvel arc. Corwin est désormais sur le trône mais tout n’est pas fini loin de là. Son père est toujours disparu, il ne sait toujours pas qui a tenté de l’assassiner et ce que peuvent bien tramer ses frères et soeurs. Il va donc se lancer sur leurs traces et enquêter.

Les premiers chapitres m’ont semblé un peu mollasson mais une fois l’intrigue bien lancée, nous sommes face à une intrigue stressante qui rebondit sans cesse et nous emmène sur tout un tas de pistes dans des lieux et temps différents, nous permettant de faire enfin la connaissance d’autres frères et soeurs du héros.

Dans cette vaste famille, nombreux sont les alliés et les ennemis de Corwin. Ce fut donc riche d’assister aux discussions qui ont lieu entre tout ce petit monde dans une ambiance à huis clos assez étouffante et inquiétante où on sait que tout peut arriver. J’ai beaucoup aimé découvrir les uns et les autres, même si un petit schéma n’aurait pas été de trop pour retenir qui est qui, qui est où dans l’ordre de succession et qui descend de quelle union, tant c’est riche et complexe. Mais l’auteur semble également sur cela pour créer le flou en nous comme il le crée dans son héros qui passe d’un intuition à l’autre pour comprendre qui risque de le trahir.

Pas de développement majeur de l’univers cependant cette fois. On parle seulement à nouveau des Atouts et de la Marelle et de leurs possibilités, mais cela avait déjà été fait alors même si certains mouvements sont nouveaux, il n’y a pas de vraies surprises en ce qui me concerne. Les surprises viennent plutôt des frères et soeurs extrêmement retords de Corwin. On ne sait absolument pas sur lequel compter, lequel ment ou dit la vérité, lequel va le soutenir ou le trahir et cette incertitude donne tout son sel à la lecture de ce tome. Grâce à cela, on revient sur le passé du roi et on découvre qui avait programmé son accident et ce qui lui est arrivé à ce moment-là. Très bien vu !

Le final a également une saveur toute particulière, relançant l’intrigue dans une nouvelle direction après avoir passé l’ensemble du tome, ou presque, enfermé entre quatre murs à chercher des réponses. Là, on est propulsé dans un endroit inattendu qui va pousser le héros à changer de braqué dans le prochain volume. C’est très attirant.

Toujours écrit avec plein d’entrain, Les Princes d’Ambre renouvellent bien leur intrigue d’un tome à l’autre malgré un fil rouge bien bien présent autour de cette querelle de succession pour le trône. C’est diablement bien écrit, on se croirait dans une pièce historique dramatique ou dans les Rois Maudits de Druon tant tout ce monde est retord et leurs plans tortueux. J’adore !

Tome 4 : La main d’Oberon

Comme à chaque tome, intrigue et affaires familiales vont venir dynamiter cette lecture et la rendre ultra addictive, même s’il faut reconnaître aussi quelques longueurs qui à force se font sentir dans ce récit qui commence à être aussi long que les intrigues imaginées par les uns et les autres pour prendre le pouvoir.

Zelazny pense à ses lecteurs qui ne vont pas lire son histoire d’un trait et prend le temps à nouveau dans ce tome à plusieurs reprise de resituer les nombreuses ramifications de son histoire. Nécessaire car à force de suivre les multiples plans des uns et des autres, leurs retournements de vestes, leurs disparations et réapparitions, il y a de quoi se perdre. C’est passionnant mais parfois un peu trop alambiqué pour pas grand-chose.

Cependant, on ne peut que reconnaître au monsieur un véritable talent pour nous embarquer sur les multiples chemins d’Ambre et rendre la conception de cet univers de plus en plus fascinante au fur et à mesure qu’elle devient plus labyrinthique. Dans ce tome, c’est la fameuse Marelle qui intéresse notre petit monde et à travers elle Ambre. J’ai beaucoup aimé suivre notre héros, Corwyn, sur les chemins tortueux de la vérité, à la recherche de la compréhension de ce qui se passe. Il va ainsi nous en apprendre de bonnes sur cet univers et ce qui se cache derrière certains accrocs et personnages présumés disparus. Passionnant.

L’intrigue est en plus fort dynamique car le héros, en plus de ses recherches, doit toujours tenter d’échapper à ses frères et soeurs qui cherchent à l’éliminer et à passer devant lui pour récupérer un certain joyau afin de contrôler Ambre et la Marelle. J’ai adoré ce jeu de chat de la souris qui s’opère entre eux et la découverte de nouveaux opérateurs : Martin et Dara. L’auteur met toujours au coeur de l’histoire la nombreuse famille de Corwyn mais avec un beau focus sur Brand et quelques pages bien senties à nouveau sur Benedict. Il y a ainsi toujours un sentiment de mythe arthurien avec ces personnages et leurs trahisons, tel l’entourage d’Arthur et sa célèbre table, nous faisant bien tourner en bourrique autour de cette figure fantomatique d’Oberon, main cachée dirigeant tout à la Merlin. C’est assez fascinant.

On ne voit donc pas défiler les pages entre la mission que s’est fixée Corwyn, les révélations qu’il fait, les menaces qu’il cherche sans cesse à éviter et cet univers qui continue de déployer ses mystères. Ainsi, même si au final, l’intrigue avance assez lentement dans ses résolutions et est surtout constituée de petits faits anecdotiques, on sent une vaste toile se former à partir d’eux, ce qui fait que notre esprit bouillonne.

Zelazny a vraiment le petit truc pour nous passionner avec cette intrigue politique et familiale dans l’univers atypique d’Ambre et ses règles tellement contre intuitives parfois. La magie du lieu, ses règles, fascinent et ont probablement inspiré bien des lecteurs et des auteurs, à l’image de J.K. Rowling dont je suis sûre qu’elle a piqué ici la scène du jeu d’échec, tant ce qui se passe sur la Marelle rappelle une célèbre scène du premier tome de sa saga ^^ Ambre est et fascine toujours même plus de 20 ans après sa découverte en ce qui me concerne !

Tome 5 : Les cours du chaos

Je suis encore une fois ébahie de voir combien la plume de l’auteur, tellement efficace et concise à la fois à bien vieillie et se révèle riche en aventure. C’est une fantasy telle qu’on n’a plus ou si peu.

En effet, rares sont les auteurs de nos jours à réussir à faire tenir une aventure aussi pleinement entière sur aussi peu de pages (à peine plus de 200) et à développer en prime un univers qui s’enrichit de nouveaux éléments importants à chaque tome. Zelazny est assez incroyable pour cela. Avec sa plume très simple et direct, il propose en plus une prose qui traverse les âges sans problème à l’image de ses héros traversant les mondes.

Il revient peut-être encore plus à l’origine de son univers d’ailleurs dans ce tome, qui aurait presque pu être une conclusion. Après le coup d’éclat de Brand. On sait quel est le grand ennemi, mais rien n’est résolu. La succession est encore bien trouble et troublée, mais surtout la Marelle s’agite et est sur le point de faire tout effondrer. L’occasion parfaite pour revenir sur celui par qui tout à commencer : Obéron, ce roi qu’on a si peu vu jusqu’alors mais dont on a tellement entendu parler.

Ambre a toujours été une histoire sur la famille, mais c’était surtout une histoire sur les dissensions de celle-ci et les rivalités entre frères et soeurs. Ici, on revient aux fondamentaux avec la question de la relation père-fils et de l’héritage. J’ai beaucoup trop aimé les allures arthuriennes que cela a donné à ce tome, notamment avec le retour d’Obéron dans la vie de Corwyn, les révélations sur son identité, la mission qu’il lui confie et tout ce qui en découle, ainsi que les propres révélations sur Corwyn et sa paternité. L’auteur nous offre une nouvelle très jolie boucle narrative.

Comme toujours, il est passionnant de suivre Cowyn dans ses péripéties à travers les mondes avec cette fois un enjeu de taille sauver Ambre grâce à ce concept incarné qu’est la Marelle. Zelazny flirte entre merveilleux et science-fiction avec elle, nous plongeant dans une vision unique des mondes parallèles et de la magie mémorielle. C’était fantastique. Il ajoute en plus une nouvelle couche, qui fait presque Avengers Endgame avant l’heure avec ces Cours du Chaos qui interviennent dans l’ombre pour venir semer l’effroi et la zizanie. C’est une très belle relance. On a nouveau l’impression de découvrir une oeuvre dans une oeuvre, de voir une dimension magique s’ajouter à l’autre. C’est assez fascinant et ça augure pour la suite.

Côté narration, on va vite très vite et pourtant tout en ne conservant rien de superflu, l’auteur compose une histoire parfaitement complète à qui rien ne manque. On a les belles retrouvailles père-fils, on a le voyage en gage d’action, on a le conflit entre frères, on a la bataille, on a la nouvelle génération et bien sûr on a les manifestations magiques, parfois alambiquées et la nouvelle menace qui arrive. Zelazny est concis mais jamais trop rapide. Son histoire est brève mais jamais précipitée. Après, je ne cracherais pas sur des scènes plus longues la plupart du temps, avec plus de détails de batailles, plus de détails de lieux, plus de détails relationnels.

J’ai à nouveau pris mon pied avec cette nouvelle aventure éclair de Corwyn mais ô combien importante pour la construction de l’univers de la saga. Avec son mélange de SF inter-dimentionnel et de merveilleux arthurien, Zelazny a bâti quelque chose d’unique qu’il sait enrichir à chaque tome mais continuer de nous fasciner. Ici, avec le thème père-fils, il a fait mouche chez moi, et avec la nouvelle menace, il a su préparer le terrain pour la suite. On aurait certes pu s’arrêter là mais je serai volontiers au rendez-vous pour la suite.

Tome 6 : Les atouts de la vengeance

Je suis une fan de la première heure de la saga. J’aime l’univers plein de folie et d’imagination de son auteur et sa facilité à y embarquer. Cependant, je dois dire que je suis passée à côté de cette lecture. Malgré des qualités évidentes de narration, on est loin de la complexité des débuts. Zelazny semble prolonger bien artificiellement son monde dans une aventure dont on n’avait peut-être pas besoin.

Les cinq premiers tomes forment un tout mais l’auteur a eu envie (ou on lui a demandé vu son succès ?) d’y revenir et d’inventer les aventures de la nouvelle génération d’enfants princiers d’Ambre / d’Ombre. Est-ce une bonne idée ? Pas vraiment selon moi. Dans cette suite où Merlin le fils de Corwin est à l’honneur, on ne retrouve presque rien de la folie et la complexité de l’histoire d’origine. Ce n’est qu’une pale copie. Pas d’intrigue de cour ou si peu. Pas d’utilisation des propriétés de la Marelle et consorts ou si peu. C’est le calme plat du côté imaginaire.

Cependant, ce serait cracher un peu trop vite dans la soupe que de dire que c’est mal écrit. Zelazny a toujours le talent qu’on lui connaît pour poser des mots simples, une ambiance accrocheuse et des chapitre entraînant pour nous embarquer dans sa nouvelle histoire. Celle-ci ne relève juste pas assez de l’imaginaire tel que définit dans les premiers tomes à mon goût. Nous sommes plus dans une sorte de polar se déroulant en grande partie dans un monde similaire au nôtre, avec Merlin donc comme héros, qui se retrouve victime de tentatives d’assassinat chaque année à la même date et qui se demande pourquoi. La seule d’imaginaire nouvelle est l’invention qu’il a faite : sa Roue spectrale, une sorte d’ordinateur, d’IA, qui analyse les Ombres et y détecte tout ce que son manieur lui demande et qui se révèle également une arme grâce à l’énergie à laquelle elle peut faire appel et les informations qu’elle peut fournir. Invention plutôt intéressante pour un texte datant de 1985 mais tout de même un peu légère dans la description et l’utilisation qui en est faite pour le moment.

L’histoire est cependant rythmée de nombreuses aventures et rebondissements et se lit facilement et sans déplaisir du moment qu’on n’a pas trop d’attentes. L’auteur introduit de nouveaux personnages à côté de quelques anciens, ce sont ces premiers qui mèneront l’histoire, les autres servant plus de décor, mais j’avoue ne pas avoir ressenti l’engouement ressenti pour leurs aînés dans la première partie. Ils semblent bien trop simplistes dans leur caractérisation et sans grand relief dans leurs interventions. Zelazny m’avait habituée à mieux.

Arrivé à ce stade se pose donc la question de la suite : vais-je poursuivre ma relecture ou m’arrêter là ? J’avoue avoir longtemps hésité. D’un côté, je me suis un peu ennuyée dans ce tome largement en-dessous des précédents, mais de l’autre la lecture des résumés des tomes suivant où l’auteur semble prendre une direction radicalement différente d’avant avec une dimension « merveilleuse » plus appuyée qu’autrefois avec le bestiaire et l’imaginaire qui va avec, me donne envie. Je vais donc encore laisser sa chance au tome suivant au moins, en croisant les doigts pour que les personnages soient approfondis et l’intrigue complexifiée. Qui lira verra !

 

Tome 7 : Le sang d’Ambre

Je l’avais déjà dit la dernière fois, j’ai énormément de mal avec ce nouveau cycle que je trouve à mille lieu du précédent. Baisse de qualité, baisse d’intérêt s’associent pour rendre ma lecture difficile alors que pourtant nous sommes de plus en plus dans une fantasy qui a tout du divertissement et de la revisite des grands courants du genre.

Avoir à ses trousses un mystérieux ennemi qui tente de vous assassiner à date fixe, voilà qui n’est pas drôle. Être trahi par son meilleur ami et se retrouver prisonnier d’une grotte de cristal ayant la propriété de vous priver de vos pouvoirs : rude coup pour le moral. Devoir sa liberté à une femme qui a juré votre perte et partir ensuite à sa rescousse pour le compte de quelqu’un dont vous avez tout lieu de vous méfier, voilà qui devient très compliqué. Tel est pourtant le lot de Merle Corey. Mages espiègles tapis dans les replis de la réalité, tueurs à gages surgis d’une ruelle obscure, torrents de fleurs jaillis du néant, rien de ce qui est susceptible de mettre en échec ses talents de supermagicien ne lui sera épargné. Décidément, il y a quelque chose de pourri au royaume d’Ambre et de ses ombres. Mais qui exactement ?

Nous retrouvons donc Merlin, fils de Corwin, après la trahison vécue dans le tome précédent, qui va tenter de percer le mystère de ce qui se trame. Récit plein d’aventure, j’ai eu l’impression de me retrouver dans un RPG pour enfant pendant toute la première sortie, ce qui m’a fait ouvrir grand les yeux d’incrédulité. C’est tellement différent de la finesse et la noirceur de la première série… Ici, j’ai l’impression d’être dans quelque chose de tellement plus léger et simpliste au niveau de la construction et du développement de l’univers que j’en suis un peu triste. C’est pourtant une jolie porte d’entrée pour des lecteurs plus jeunes, mais je n’en fait plus partie ^^!

J’ai cependant apprécié de retrouver la relation vaguement complexe qu’entretiennent Merlin et son meilleur ami Luke, le traître qui a essayé de le tuer et qui a réussi avec son oncle. La dynamique entre les deux est ce qu’il y a eu de plus savoureux dans ce tome, de même que les révélations et les aventures qu’elle déclenche. J’aime les duos improbables comme ici entre une victime et son potentiel meurtrier.

Du côté de l’univers, on en voit de toutes les couleurs, Merlin voyageant pas mal, mais s’il faut retenir une chose, c’est encore ces fameuses Marelles aux pouvoirs tellement étrange et fascinants, ainsi que les ombres qui en découlent, qui viennent tordre notre conception de la réalité. J’aime toujours autant la façon dont l’auteur s’en sert et nous berce avec, nous faisant basculer dans des mondes différents. Le retour des Atouts dans ce tome est aussi une jolie trouvaille, même si ça en devient classique à ce stade quand on a lu le premier arc de la série. Cependant, j’aime être aux côtés de gens pouvant en concevoir de nouveaux et ainsi faire bouger les choses, cela n’avait pas été trop exploité au auparavant.

Je liste beaucoup de choses que j’aime aimé dans cette chronique mais j’oublie de dire que j’ai quand même un peu beaucoup subi cette lecture et ça uniquement à cause de mon attachement à l’univers de la saga. Pour être honnête, bien qu’il y ait de nombreuses références aux contes, au merveilleux, à la Table Ronde, j’ai trouvé l’ensemble assez insipide alors que c’est plein d’énergie propice à l’aventure. C’est très paradoxal. Je peine vraiment à m’attacher à ces personnages et je trouve leur histoire tellement, mais alors tellement classique et linéaire, comparée aux plans foireux et tortueux de leurs oncles et grand-père. Je m’ennuie un peu. Ainsi nonobstant la promesse d’un univers totalement fou dans le prochain avec le détournement des chefs d’oeuvre de Lewis Carroll, je crois que je me serais arrêtée là, mais je suis faible.

Il est dur pour moi d’écrire cela mais quand on a aimé comme j’ai aimé les Princes d’Ambre première version, la chute est rude ici avec cette espèce de parodie de la saga à destination de jeunes lecteurs. C’est peut-être amusant, loufoque, inventif sur certains points et aventureux, mais c’est tellement en-dessous de ce dont est capable l’auteur que je suis quand même bien déçue. Allez plus que 3 tomes et on verra si ça redresse la barre.

Tome 8 : Le signe du chaos

C’est dur pour moi de l’écrire mais je m’arrête là dans cette relecture bien trop poussive des Princes d’Ambre. Après un nouveau tome qui ne tient pas ses promesses et un arc qui s’est bien trop éloigné de la qualité de celui-ci d’origine, c’est trop pour moi. J’abandonne.

Quand on m’annonce un tome qui se passe dans l’univers pastiché d’Alice au pays des merveilles, je m’attends au moins à ce que cela tienne plus de 50 pages, or ici ce n’est pas le cas. Avec un début à grand renfort de personnages et créatures mythiques de ce livre et de situations absurdes, j’avais espoir mais non. Et c’était vraiment ce qui m’avait poussé à poursuivre l’aventure que je trouvais déjà poussive depuis deux tomes, alors j’ai eu un sentiment de trahison, d’arnaque, que l’intégration qu’un gloubiboulga d’héroïc fantasy à coup de donjon n’a pas suffit à faire passer ^^!

La suite n’est pas mauvaise en soi, elle est juste très très loin de la qualité des débuts. L’auteur se contente de reprendre des gimmicks connus et reconnus avec un héros qui ne sait plus sur quel pied danser pour faire confiance à ceux qui l’entourent. Qui est avec lui, qui va le trahir, c’est la grande question, mais comme les échanges sont on ne peut plus légers et pauvre donc ça ne fonctionne pas. Cela donne plutôt l’impression que le titre a perdu plusieurs degrés de maturité depuis le début…

Je me suis donc laissée portée par l’histoire pour tout de même finir ce chapitre et voir quelles nouvelles tuiles allaient tomber sur ce pauvre Merlin et son ami Luke, ce que les nouveaux personnages croisés allaient leur réserver et le rôle qu’allait jouer son invention, la Roue Spectrale. J’ai réussi à le faire sans déplaisir, suivant ses péripéties, ses mini-voyages, ses discussions autour de sa famille, des Marelles… Mais je referme le tome avec un grand sentiment de vide et vacuité, où je cherche encore et toujours l’intérêt de tout ça.

Définitivement, cette suite n’est pas pour moi. Je m’arrête donc là dans ses aventure Ambriennes, préférant aller naviguer sur d’autres eaux anciennes le mois prochain.

12 commentaires sur “Le Cycle des Princes d’Ambre de Roger Zelazny

  1. Les dix tomes, tels qu’illustrés en intro à l’article, sont des rééditions en Présence du futur, illustrés par Florence Magnin. Ils présentent une particularité graphique. Mis côte à côte dans leur ordre de parution: leurs dos assemblés montrent une onzième image.

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  2. J’ai croisé Ambre (le cycle)il ya maintenant très longtemps, dans des circonstances presque identiques à celles décrites ici, jusqu’à me résorber itou à une relecture que je redoute vieillie. La présente chronique semble montrer le contraire et éveille en moi des envies de m’y recoller. Va me falloir montrer au grenier ..!

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  3. Comme toi, j’ai découvert le cycle des Princes d’Ambre à l’adolescence, et ça reste une œuvre fondatrice pour moi. Je ne l’ai pas relu depuis très longtemps (même si je veille soigneusement sur les magnifiques éditions poche illustrées par Florence Magnin). J’aimerais beaucoup mettre la main sur une édition américaine, mais elles sont généralement épuisées, tu me fais penser que je n’ai pas vérifié leur disponibilité depuis très longtemps. Merci de m’avoir rappelé de merveilleux souvenirs, en tout cas 🙂

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