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Bertram le Baladin de Camille Leboulanger

Titre : Bertram le Baladin

Auteur : Camille Leboulanger

Éditeur : Critic / Libretoo

Année de parution : 2017 / 2019

Nombre de pages  : 270

Histoire : »L’auberge se tenait au croisement des deux routes les plus fréquentées de la région. C’était une bâtisse basse et longue, dont le toit était enfoncé en son milieu, comme si un géant était venu s’asseoir dessus. » Il y avait un temps où l’on savait écrire, et surtout où l’on savait créer le plus miraculeux des matériaux : le papier. Cependant, le secret de sa fabrication s’est depuis longtemps perdu. Désormais, des centaines de Musiciens parcourent les Terres Hautes, indifférents aux limites des domaines et des fiefs, pour récolter des histoires. Bertram le Baladin, célèbre Musicien de la Guilde, a perdu son luth – ou plutôt, on le lui a dérobé. Bien décidé à le retrouver, il est contraint de s’associer avec une femme, Sans-Nom, témoin du larcin. C’est ainsi que l’étrange duo part en quête du luth, dans un monde où la magie réside dans toutes les histoires : ragots, chansons ou légendes.

Mon avis :  

Après avoir découvert avec bonheur la plume de conteur de Camille Leboulanger le mois dernier avec Steven de Maven Litterae, nous avons eu envie de poursuivre notre exploration et de découvrir quelles autres cordes il avait à son arc avec ce récit d’aventure au décor historique qui allait nous plonger dans un beau Moyen Âge chanté.

Pour cela, ni une ni deux, j’ai sauté sur la belle édition de Libretto dont j’aimais beaucoup la couverture reprenant un dessin de troubadour / ménestrel. Ces derniers aiment éditer en poche des textes d’imaginaire souvent un tantinet différents. C’était le cas pour le très beau et poétique Célestopol d’Emmanuel Chastellière que je vous recommande au passage. Je me doutais donc que j’allais faire un beau voyage.

Tout comme dans le Chien du forgeron, j’ai aimé retrouver la plume très belle et entraînante de Camille Leboulanger, dans un texte pourtant antérieur. Il s’y glisse peut-être encore plus dans la peau du conteur, mais cette fois un conteur troubadour qui nous propose de l’accompagner dans l’écriture de sa chanson de geste devant laquelle nous sommes des spectateurs captifs de la première à la dernière page. Avec de magnifiques descriptions, l’écriture de personnages ciselés ballottés par les flots de l’histoire et une intrigue pleine de pirouettes et acrobaties, ainsi qu’une pointe d’humour sarcastique, il nous immerge totalement dans ce Moyen Âge revisité.

J’ai beaucoup aimé la scène de cette pièce en plusieurs actes. L’auteur ne perd pas de temps et dès l’introduction nous présente un héros rocambolesque, un brin filou, très aventureux et au grand coeur tout de même : Bertram le baladin, un homme célèbre pour sa voix mais surtout pour son luth si particulier à 6 cordes. Dès le début, l’auteur fascine avec ce personnage qui sort du lot et dont il pose à plusieurs reprises l’impressionnant charisme dont il fait part de part sa posture de ménestrel itinérant, dont les chansons sont les témoins et la mémoire de cet âge. Magnifique !

Mais l’auteur ne se contente pas de faire revivre cette figure du Moyen Âge qu’était le ménestrel / troubadour, il donne vie à tout un monde autour de lui au fil de l’intrigue. Plus aventure historique ou légère aventure policière, puisque notre héros part à la recherche de son luth qu’on lui a volé, elle se plante cependant dans un décor soigné. Par petites touches bien soignées, l’auteur fait revivre cette période telle qu’il l’imagine pour son histoire, avec des éléments inspirés de notre Histoire, avec d’autres imaginés pour rendre son récit encore plus merveilleux. J’ai aimé la description des lieux et des mécaniques de pouvoir qu’il détaille, avec la Citadelle de la Guilde des Musiciens tout en haut, qui détient sa milice et fait même un peu peur aux puissants laïques, sorte de religion dans l’Etat. J’ai aimé voir le pouvoir des puissants sur les petites gens dans les villes bien sectaires de l’époque, avec ses quartiers pauvres où brigands et esclavagistes font la loi et ses quartiers plus huppés où les puissants font ce qu’ils veulent des gens en-dessous dont ils n’ont que faire. C’est très bien décrit et parfaitement intégré à la quête du héros.

Celle-ci nous emmène sur les routes, dans une ville comme Strid et à la Citadelle. Elle nous fait fuir les Aigles Rouges, des criminels notaires, tenir tête à un riche puissant dont la fille Gia voudrait devenir la première troubadour femme de la Citadelle, ou encore combattre des esclavagistes et lutter contre les serres de la Guilde des musicien. On ne s’ennuie pas une seconde avec Bertram et les camarades qui le rejoignent sur sa route qui ont tous de multiples facettes façonnées par une vie âpre. Les surprises sont également au rendez-vous et j’ai adoré être décontenancée par celles de la seconde partie de l’histoire qui viennent leur conférer une nouvelle profondeur et offre une nouvelle lecture à ce à quoi on a assisté avant.

Mais plus que cette aventure, qui est fort plaisante, c’est le travail de l’auteur autour de la figure du troubadour, du ménestrel je ne partage pas son emploi du terme de baladin, qui pour moi un comédien ambulant qu’un musicien-chanteur comme ici -, qui m’a enthousiasmée et charmée. L’auteur transmet à merveille dans les lignes de son récit, notamment grâce aux figures qu’il croise, la fascination et le pouvoir que pouvaient exercer ces hommes. Quand on voit Bertram à travers les yeux de sa compagne de voyage Sans-Nom, on est saisi par la puissance de son chant, son rôle également dans le quotidien des gens et son importance dans l’écriture de l’Histoire. Quand on voit Bertram à travers les yeux de son public, on est captif de la fascination qu’il exerce sur eux par ses mélodies et sa voix. Quand on voit Bertram à travers les yeux des membres de sa Guilde, on comprend le pouvoir politique également qu’il peut avoir et le contrôle que certains essaient d’exercer. Enfin quand on voit Bertram à travers les yeux de son rival, Russ, on est saisis par la relation fusionnelle folle qu’il entretient avec son instrument et toute son épopée prend sens.

Ainsi même si au premier abord, j’ai eu l’impression d’être dans un récit d’aventure historique à l’ancienne, un peu comme en écrivait un certain Alexandre Dumas avec son héros plein de gouaille et de courage, ses aventures sur les chemins, ses rocambolesques retournements de situation et mésaventures avec les femmes notamment, au final je me rends compte que l’auteur nous a bien eu et que c’est plus un très beau récit introspectif sur le chemin de vie de personnes du peuple marquée par la vie, que ce soit la figure du troubadour Bertram, la femme abandonnée Sans-Nom, la petite crapule Chicot, le soldat Russ ou même la fille de notable Gia. Ce sont eux qui ont fait vivre l’histoire et lui ont offert ses notes pour devenir la chanson qu’on retiendra. Certes, ils ne sont pas tous traités pareil et je regrette un peu le personnage de Chicot que je trouve assez accessoire, juste présent pour porter certains rebondissements. Même Sans Nom qui l’accompagne depuis le début est assez en retrait et sert juste à ce qu’il ne soit pas seul. Russ, lui, intervient un peu tard alors qu’il a une relation fascinante d’amour-haine avec Bertram. Et que dire de Gia, qui est totalement sous-exploitée, alors qu’une femme troubadour, bon sang ! L’auteur a un peu trop tendance à pondre des personnages prometteurs pour les oublier et se recentrer sur son héros. C’est un peu dommage.

Cette nouvelle plongée dans le corpus fascinant de contes imaginé par Camille Leboulanger, nous a encore conquis avec Steven. L’auteur n’a vraiment pas son pareil pour se mettre dans la peau de celui qui nous transmettra une histoire au coin du feu. Après le conteur à l’ancienne du Chien du Forgeron, place au troubadour muni de son luth ici. Ce qu’il écrit sur la figure fascinante du créateur et transmetteur d’Histoire est superbe mais laisse aussi songeur. J’ai hâte de voir s’il reprend cette thématique dans ses autres textes. Nous ne sommes donc pas près de le quitter et on vous donner déjà rendez-vous en décembre pour une nouvelle lecture commune !

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Steven, Joyeux Drille, Une bulle de fantasy, Sophie, Ewylyn, La république des livres, La rivière des mots, Vous ?

13 commentaires sur “Bertram le Baladin de Camille Leboulanger

  1. Je n’avais pas fait le lien entre l’ancienne couverture et celle de cette édition tellement l’ambiance est différente. Dans tous les cas, la figure du troubadour que j’aime beaucoup semble ici traitée de manière fascinante, même si ce n’est pas le seul atout de ce roman dont tu parles très bien et qu’avec Steven, vous donnez envie de lire.

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    1. Effectivement les deux couvertures offrent des ambiances très différentes et doivent jouer également sur l’état d’esprit dans lequel on se met quand on se lance dans la lecture. C’est plus historique avec Libretto et c’est ainsi que j’ai vu les choses.
      Hâte d’aller lire l’avis de Steven pour voir les mots qu’il aura trouvé à son tour 😉

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  2. Un article que j’attendais avec impatience et qui rend un très bel hommage au travail de composition ainsi que de narration réalisé avec brio par Camille Leboulanger.

    Nous sommes d’accord pour dire que l’auteur confirme son talent de conteur hors pair. Je me suis imprégné de ce récit à la fois historique, policier et d’aventure.
    J’ai adoré ce savoureux et délicieux mélange des genres.

    Hâte de découvrir un tout autre genre en votre compagnie à tous deux.

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    1. Merci à toi également de me pousser à continuer la découverte de cet auteur car j’ai trop souvent tendance à m’éparpiller autrement.
      Je vais maintenant aller lire ton avis pour m’imprégner de tes sensations ^^

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