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Chromatopia de Betty Piccioli

Titre : Chromatopia

Auteur : Betty Piccioli

Éditeur vf : ScriNeo

Année de parution vf : 2020

Nombre de pages : 396

Histoire : Dans un royaume où règne une division stricte et inégalitaire de la population en castes de couleurs, le jeune Aequo, teinturier de la Nuance Jaune, s’apprête à reprendre la prestigieuse teinturerie familiale. Mais après un dramatique accident, le pire se produit : le jeune homme devient achromate et perd la vision des couleurs. À travers ce nouveau regard, il va découvrir son monde autrement… et se retrouve bien malgré lui entraîné dans un complot au sommet de l’État.

Mon avis :

Aurélien Police a toujours le chic pour mettre en scène des imaginaires hyper accrocheur dans ses illustrations de couverture. Alors sans même savoir exactement de quoi parlait ce texte, à l’origine, je l’avais mis sur ma wishlist, rien que pour cette cité enclavée où les couleurs semblaient exploser et s’échapper à la fois. L’occasion pour moi de découvrir en même temps la plume de Betty Piccioli, nouvelle venue sur la scène imaginaire, qui offre ici une dystopie fort colorée et efficace.

Nouvelle venue sur la scène imaginaire, je disais, oui, mais pas sur la scène jeunesse. Après avoir publié plusieurs courts romans pétillants et percutants pour les plus jeunes, Betty Piccioli s’est tournée ici, avec succès, vers la scène des jeunes adultes et il y a mis toute sa science d’une narration simple et efficace pour une aventure allant droit au but et ne s’allongeant pas inutilement, permettant au lecteur s’il le souhaite d’avoir ici un volume unique, ou s’il veut poursuivre l’aventure de se tourner depuis cette année vers un second tome se déroulant dans le même univers mais avec d’autres personnages. Une belle idée !

Comme toujours dans les romans ayant trait à l’imaginaire, ce que j’ai apprécié dans Chromatopia, c’est de découvrir toute la richesse et l’ingéniosité du monde imaginé par l’autrice. Elle nous plonge tout à la fois dans les méandres et les hautes sphères des sociétés peuplant le royaume-cité de Chromatopia qui, comme son nom l’indique, est régi par un système de castes reposant sur des couleurs à la symbolique judicieusement travaillée. Tout en haut, nous avons une famille royale en pourpre, puis des nobles en rouge, des bourgeois en orange pour les lettrés, jaunes pour les travailleurs, des fermiers et autres travailleurs du sol en vert, des pauvres aspirant à monter au ciel en bleu et la caste secrète des agitateurs en noir. Simple mais efficace !

L’intrigue se propose de suivre un quatuor de personnages naviguant entre les différentes castes et qui tour à tour mènent les aventures auxquelles nous allons assister. Ainsi dans les chapitres intitulés « pourpre », c’est la princesse du royaume qui mène la danse et elle doit se trouver rapidement un époux pour régner à ses côtés à la place de ses parents ; dans les chapitres « jaune », c’est Aequo un jeune teinturier qui vient de perdre sa vision des couleurs qui va nous accompagner à la découverte de la ville ; dans les chapitres « bleu » c’est Hyacintha jeune orpheline qui tente de survivre qui va nous prendre par la main et enfin faisant le lien entre eux, il y a le mystérieux Morgan, prêtre de la caste orange, dont on entendra parfois les terribles pensées pleine de regrets en italiques. Tout ce petit monde va se retrouver pris dans un mouvement visant à transformer leur royaume aux normes archaïques.

Avec une mécanique somme toute assez classique et des ressors déjà usités dans bien des dystopies, Betty Piccioli nous embarque cependant dans une histoire de vengeance, de révolution et de quête d’indépendance diablement bien écrite et entraînante où chacun des personnages aura son rôle à jouer et des surprises sur sa route. J’ai beaucoup aimé suivre ces jeunes en proie à un plan qui les dépasse mais qui dépassera aussi son créateur. Ce fut vraiment sympathique de se couler dans leur pas et de suivre aussi bien ce qui se passait au palais, dans la ville ou dans ses entrailles.

L’autrice va vite, elle passe rapidement sur ce qui a conduit à la création de cette état-cité enclavé, sur sa religion et son fonctionnement, mais le peu qu’elle en dit suffit dans le récit. C’est donc une narration sobre et efficace. Cela lui permet de mieux nous entraîner dans les multiples ressorts de son intrigue où on retrouve une critique des institutions monarchiques avec transmission du pouvoir, critique des mariages arrangés, critique des relations seulement hétéronormées sans penser aux autres, critique d’une société à caste où forcément il y a aura encore plus d’injustices à tous les niveaux. L’histoire mélange ainsi politique, société et amours contrariés avec une belle efficacité dans un plan de vengeance et révolution qui se dévoile au fil des pages de manières assez implacable avec un orchestre fort astucieux au-dessus.

Menée tambours battants, l’histoire n’en oublie pas de développer ses personnages et l’autrice nous gâte avec des héros sensibles et plein de nuances comme sa ville. Aequo a le profil du héros classique de fantasy qui va gagner son indépendance et échapper au destin prévu pour lui par ses parents pour tracer sa route. Améthyste est une princesse qui va apprendre qui elle est vraiment et taper du point sur la table après avoir trop longtemps dit oui à tout. Hyacintha a la gouaille des orphelins survivants et s’en servira pour se sortir de tout. Mais surtout, il y a Morgan, le prêtre ancien rouge qui a refusé la main de la reine et a accepté d’être rétrogradé d’une couleur par amour et qui en veut terriblement au système. Si nos jeunes héros sont sympathiques mais un peu lisse, Morgan, lui, est mon coup de coeur tragique de l’histoire. J’ai beaucoup aimé la trajectoire de son destin contrarié.

Avec ce premier tome qui pourrait se lire indépendamment, l’autrice nous a offert une aventure efficace et pleine d’allant avec de multiples rebondissements et niveaux de lecture qui apparaissent au fil de la lecture. Son final, lui, est peut-être précipité mais il clôt bien l’ensemble des lignes et ouvre aussi des perspectives pour la suite disponible dans Robustia de manière assez maligne car ça donne envie mais ça ne frustre pas non plus si on s’arrête là. Alors j’aurais peut-être aimé une centaine de pages en plus pour développer l’aspect politique et social de cette révolution et ne pas avoir le sentiment que tout était vite vite écrit pour rentrer dans les 30 pages qu’il restait, mais j’ai tout de même apprécié ce qui avait été mis en branle et accompli.

Chromatopia est donc le genre d’aventure jeunesse que je prends un grand plaisir à lire car elle a une écriture efficace, des personnages attachants et un univers original simple et passionnant pourtant à découvrir. Betty Piccioli a su mélanger l’ensemble de ces aspects dans un récit riche en rebondissements, pirouettes et cabrioles dans un décor dépaysant. Je n’en demandais pas plus et j’irai jeter un oeil dans la nouvelle cité et société qu’elle propose de découvrir : Robustia, une cité où chaque métal correspond à une position sociale et où le combat peut vous élever dans la société.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Le syndrome Quickson, Saiwhisper, Amanda, Sorcière des mots Croque-Livres, Tasse de thé, Ororia, République des livres, Encres et calames, Vous ?

12 commentaires sur “Chromatopia de Betty Piccioli

    1. Je peux te comprendre. C’est aussi compliqué pour moi en dehors de quelques exceptions comme celui-là.
      En tout cas, vaut mieux ne pas te forcer car quand on bloque on a d’autant plus tendance à tout voir négativement ><

      J’aime

  1. La couverture est très joli en effet, et elle semble refléter ce système de couleurs mis en place pour la hiérarchie de ce peuple ! J’aime bien l’idée de pouvoir lire le premier tome sans être frustrée par la fin, pratique quand on met des mois à sortir des livres de ses étagères. 🤭 En tout cas, je te remercie pour la chronique et pour l’idée lecture. 🙂

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