Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Circée d’Anaïs Eustache

Couverture Circée, tome 2

Titre : Circée

Auteur : Anaïs Eustache

Éditeur : Luna

Année de parution :  Depuis 2022

Nombre de tomes  : 3 (en cours)

Résumé : Dans un Paris futuriste, la pollution est tellement présente qu’il est nécessaire de porter un masque pour sortir, d’ailleurs, toute végétation a disparue des grandes villes. Néanmoins la vie continue dans une précarité qui n’a jamais été forte, accentuée par les nouvelles énergies détenues par le secteur privé sous la bienveillance du gouvernement. Mais depuis peu, d’étranges végétaux font leur apparition, et les autorités s’interrogent, veillant à ce que la population ne s’en approche pas…
Thomas fait souvent des cauchemars et voit parfois d’étranges êtres voltigeaient autour de lui. Élevé par sa grand-mère passionnée de sorcellerie, c’est en se rendant à l’université dans laquelle il étudie la biologie et les géosciences, qu’il croise une première fois une étrange jeune fille aux yeux très clairs qui s’évanouit dans les airs. Avec ses amis, il se livre secrètement à l’étude des étranges plantes qui ont fait leur apparition, peut-être un espoir pour une vie meilleure. C’est à partir de ce moment que son destin va basculer, tiraillé entre la réalité, le monde des sorcières et la violence étatique…

Mon avis :

Tome 1

Je suis loin d’être une inconditionnelle des manfra, ces mangas écrits et dessinés par des francophones, pourtant quand j’ai vu celui-ci, il m’a interpellée. Reprenant en titre l’un des figures légendaires féminines que je préfère, la non moins célèbre Circé, connue et reconnue désormais grâce au roman magnifique de Madeline Miller, il me fallait voir comme l’autrice allée se réapproprier ce nom.

Circée est la seconde oeuvre d’Anaïs Eustache a être publiée. Elle le fait chez le petit éditeur Luna que je connaissais pas et qui semble être une résurrection de Clair de Lune, éditeur autrefois de manwha chez nous, qui avait disparu des étagères des libraires depuis un bout de temps. Série prévue en plusieurs tomes, elle mélange avec réussite fantastique et SF dans une fable écologique au début convaincant.

Dans un Paris futuriste qu’on entraperçoit dans les éléments composant la très belle couverture de ce premier tome, le héros, Thomas, jeune étudiant en sciences, vit avec sa grand-mère âgée qui perd la mémoire. Leur Paris n’est pas le nôtre. Rongé par la pollution, les plantes n’y poussent plus et pour avoir un air vaguement respirable, c’est à une société privée : Trèfle que l’on doit le nouveau carburant de la société qui se vend à pris d’or. La société est désormais encore plus divisée entre riches et pauvres, favorisés et défavorisés.

 C’est dans ce contexte un brin morose qu’on fait la connaissance de Thomas, un scientifique pur et dur qui ne croit pas aux délires ésotériques de sa grand-mère sur les sorcières et la magie, et ce, alors même qu’il a lui-même des hallucinations lui faisant voir des petites plantes autour de lui là où il n’y a rien. D’emblée, j’ai trouvé ce garçon, un peu perdu qui se laisse mener par ce quotidien difficile, fort sympathique. Il a ce côté cartésien qui va être mis à mal qui me plaît et l’autrice fait avec lui et l’univers un joli travail me rappelant celui de Saki Hiwatari, autrefois, sur Global Garden. On retrouve le même héros incrédule face à ce qui se passe, les mêmes mystères, le même genre d’intervenant venant tout bousculer et mêmes des dessins aux rondeurs similaires. De là à croire que l’autrice a été influencée…

Global garden - Manga série - Manga news

Bien que classique et gentillette dans sa forme, l’histoire est prenante à lire, grâce aux mystères qui peu à peu vont venir s’agréger autour du héros. C’est plaisant et amusant de suivre Thomas et de le voir perturbé à la fois par la mystérieuse plante qui a réussi à pousser dans Paris, qu’il étudie, mais que les autorités veulent faire disparaître et par la mystérieuse jeune fille qu’a rencontrée sa grand-mère et qui va régulièrement s’incruster chez eux sous prétexte d’aimer, elle aussi, la magie. Ensemble, cela va créer une bonne dynamique et donner un vrai allant au récit, s’ajoutant à la critique écolo sous-jacente de notre mode de vie actuel et de ses conséquences.

On sent une autrice qui sait où elle va, qui s’appuie sur des classiques du genre pour développer un scénario orienté et des relations crédibles. Ainsi, on est touché de l’attention que Thomas porte à sa grand-mère. Celle-ci nous attendrit par sa fragilité. Les secrets de Maxine nous titillent surtout quand elle révèle une de ses qualités cachées. Et les amis de Thomas semblent amusant et assez proches de lui. C’est fort sympathique de les suivre tous même si c’est l’histoire et son background qui portent tout de même le tome. On se demande ce que cette couleur d’yeux qui change chez Maxine cache, pourquoi la police la recherche, pourquoi les autorités veulent éliminer une plante qui pourrait être une solution pour eux et quel rôle Thomas va jouer dans tout ça, vu qu’il semble prédestiné à quelque chose de grand.

Classique mais efficace, ce récit de science-fiction mêle diatribe écologique et ésotérisme avec un joli doigté. C’est doux, c’est facile à lire et addictif grâce à une belle dynamique d’ensemble et surtout des mystère savamment distillés. Cela rappelle aussi des shojo des années 2000 et j’ai aimé ce côté un brin old school derrière la modernité de ton du récit. C’est un premier tome qui donne vraiment envie de voir ce que l’autrice réserve par la suite. J’espère qu’elle aura le succès escompter pour mener son projet à bien. En revanche, le lien avec Circée est pour le moment assez ténu…

Tome 2

C’est un an après qu’Anaïs Eustache nous livre la suite des aventures fantastico-futuriste de sa sorcière victime d’expériences scientifiques dans un Paris futuriste plus vrai que nature et c’est avec grand plaisir que j’ai retrouvé tout cela !

J’avais déjà été agréablement surprise dans le premier tome par les qualités du scénario de l’autrice et ses influences évidentes de mangaka que j’affectionne. Je renouvelle ce sentiment dans ce deuxième tome tout aussi bien construit et mis en scène et avec des touches de Saki Hiwatari qui me font énormément plaisir.

Maintenant que les héros se sont rencontrés, place aux révélations sur l’héroïne, un classique toujours aussi efficace. C’est ainsi avec délectation mais effroi que j’ai découvert ce qu’avait vécu Maxine. L’autrice nous livre ici une belle histoire sur la chasse aux sorcières d’un côté mais aussi sur les expérimentations scientifiques de l’autre. Elle tisse habillement sa toile, révélant au fil des pages comment vivaient autrefois les sorciers et sorcières, ce qu’ils procuraient à la ville de Paris, le drame qu’ils ont connu, ce qui est arrivé à leurs enfants et ce que les autorités et un certain puissant labo tentent de cacher. Solide, clair et fascinant ! Bravo Anaïs Eustache.

Sous ses airs de romance rebelle, cette histoire où l’on suit la fuite en avant de Thomas, jeune étudiant en sciences, et Maxine, la belle sorcière en détresse qui le fait craquer, nous offre aussi une critique de l’évolution possible d’une société toujours attirée par le profit et qui cache bien comment elle se débrouille pour régler ses soucis au détriment d’une partie de la population. Le message se veut doux-amer et réussit très bien à passer.

Là où je suis plus frileuse, c’est dans certains tics d’écriture que reprend l’autrice. Elle nous met entre les pattes une sempiternelle héroïne en détresse, fragile, qui a des blessures et qui ressemble au petit oiseau à sauver. Bof. Elle nous met aussi une héroïne sous l’emprise d’une relation toxique qu’elle peine à voir. Bof. Thomas apparaît comme le gentil chevalier blanc qui fera tout pour sa belle malgré ses airs de geeks. C’est la nouvelle mode, ce genre de héros, dans les oeuvres jeunesse… Quant à la romance, elle va bien vite quand on voit où ils en sont en quelques chapitres à peine. Voilà, c’était ma partie ronchonage xD

Car j’ai vraiment aimé suivre l’histoire, elle, qui est bien balisée, bien amenée, bien construite, avançant bien et jouant juste comme il faut avec les mystères de l’univers autour des esprits, des plantes, mais aussi avec la dimension futuriste et cette capitale à l’air toxique où les écarts se sont creusés au sein de la population dans un état de plus en plus totalitariste. Pour résumer : le fond me parle, la forme un peu moins parfois ^^’

Tome 3

Il y a vraiment de bonnes surprises chez les auteurs francophones qui veulent se frotter au format manga, Anaïs Eustache est de ceux-là et même si ce tome est différent des autres, elle continue à y développer un monde fascinant qu’elle nous dévoile avec un beau suspens.

Pas de duo Thomas-Maxine dans ce tome, cette fois. Nous sommes dans une sorte d’étrange réalité parallèle où tout le monde à part Thomas semble l’avoir oubliée. Il va devoir mener l’enquête tout en évitant la police qui l’a à l’oeil. Un nouveau paradigme inattendu mais séduisant, un classique qui fonctionne toujours bien sur moi, tant j’aime ce genre d’histoires pleines de mystères et de questions.

J’ai donc apprécié retrouver l’univers futuriste imaginé par Anaïs où la magie a aussi joliment sa place. Cette fois, elle fait un pas de côté et tort un peu son univers, permettant ainsi d’introduire de nouveaux éléments : la question de l’origine de Thomas, suite à la question de pourquoi il n’est pas affecté par l’effacement de Maxine de la mémoire de tous, mais aussi l’arrivée de nouveaux personnages : Guy et Oliver, qui vont l’aider dans sa quête de vérité.

Je vais être honnête, au vu de l’espacement des sorties, j’ai été un peu perdue un temps, mais j’ai vite raccroché les wagons. Je trouve cependant, quand même, que certains virages sont un peu brutaux, que la narration en faisant trop d’ellipse est parfois comme une raquette trouée et qu’on se demande comment et pourquoi l’autrice en est arrivée là. Ce n’est pas des plus fluides.

Ça reste cependant prenant à lire car on se met facilement à la place de Thomas et qu’on se demande pourquoi tout déraille. On veut savoir ce qui cloche dans cet univers, comment on en est arrivé là. De plus, une dimension humaine s’ajoute avec la grand-mère du héros dont la maladie s’aggrave d’un coup, l’obligeant à être hospitalisée, on craint donc pour elle et cela a un impact sur Thomas, surtout que les découvertes qu’il fait lui sont directement liées, ce qui donne une belle émotion.

Graphiquement, même si c’est encore maladroit dans l’enchaînement séquentiel des images, il y a un bel univers fantastique mélangeant futur et magie. J’aime beaucoup la façon dont la dessinatrice insère sa magie végétale et d’ombre dans l’histoire, elle semble presque donner chair à celle-ci parfois et à d’autre elle nous fait bien frissonner. C’est joliment fait et assez entêtant.

Petite surprise donc que ce tome qui nous entraîne là où on ne l’attend pas, faisant une pause dans l’intrigue principale, le temps de développer Thomas, tandis que Maxine est hors jeu et hors champ. C’est joliment fait avec émotion et suspens, dans un cadre futuri-magique toujours aussi alléchant. Alors oui, cela reste encore fragile sur bien des points narrativement et graphiquement, mais que c’est prometteur.

8 commentaires sur “Circée d’Anaïs Eustache

  1. J’aime bien le contraste entre l’univers morose de Paris que tu nous décrit et les illustrations qui semblent refléter le monde végétal et magique qu’il aperçoit. Le lien avec sa grand mère semble attendrissant, même si leurs point de vue divergent, et je suis curieuse concernant l’implication de cette mystérieuse jeune fille. Un titre à retenir donc, merci Tachan ! 🙂

    Aimé par 1 personne

    1. Effectivement la dichotomie surprend mais est très bien gérée et donne un mélange de futur sombre et de merveilleux bien pensé.
      Comme toi, j’aime toujours quand il y a de jolies relations comme ici avec la grand-mère.
      Je pense que c’est vraiment un titre à tester même si on ne le voit pas trop au milieu de tous les autres en ce moment ^^ »

      Aimé par 1 personne

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