Un jardin de mensonges de Susan Fletcher

Titre : Un jardin de mensonges

Auteur : Susan Fletcher

Traduction : Isabelle Chapman

Éditeur : J’ai Lu

Année de parution : 2023

Nombre de pages : 476

Histoire : Certains fantômes hantent les demeures, d’autres les cœurs…
Londres, 1914. Atteinte de la maladie des os de verre, Clara vit recluse depuis toujours, choyée par une mère qui lui raconte le monde. À sa mort, la jeune femme prend son destin en main et s’initie clandestinement à la botanique.
Elle est bientôt engagée par Mr Fox pour créer sur son domaine une serre de plantes exotiques. Mais, à peine arrivée à Shadowbrook, elle ressent un étrange malaise. Le mystérieux maître des lieux brille par son absence, la gouvernante est terrifi ée, et une présence semble hanter les couloirs de la demeure, où les fl eurs fanent en quelques heures…
Avec son étrange héroïne à la peau diaphane, Un jardin de mensonges est un brillant hommage aux grands romans gothiques. C’est aussi le récit de l’émancipation d’une femme qui tente de reprendre possession de sa vie et de son corps, servi par une plume aussi vénéneuse que sensuelle…

Mon avis :

C’est attirée par sa couverture très fleurie et poétique mais aussi par mon envie de lire des romans historiques autrement que sous le prisme de la romance, que j’ai eu envie de découvrir Un jardin de mensonges de Susan Fletcher paru chez J’ai Lu, qui semble avoir édité plusieurs romans à succès de l’autrice dont le connu : Un bûcher sous la neige. Ici la proposition de roman gothique revisité de l’autrice m’a totalement séduite et surprise.

J’ai d’emblée sentie que la plume douce et délicate, poétique et colorée, émouvante et âpre de l’autrice allait me plaire. Elle sait faire vivre ses personnages et les épreuves qu’ils traversent. Elle sait communiquer les émotions qui les traversent et rendre palpables les décors où ils évoluent. Elle m’a donné envie d’y retourner !

Je suis une fan d’ambiances gothiques telles que dépeintent dans les premiers romans du genre fin XVIIIe – début XIXe. J’ai donc été ravie de retrouver tous les marqueurs du genre ici mais avec une pointe de modernité incarnée par l’héroïne tellement touchante et cristalline de l’autrice. Avec son esprit cartésien, cette jeune femme souffrant de la maladie des os de verre ne se laisse pourtant pas abattre ni dicter sa conduite et son franc parlé ainsi que les épreuves qu’il a vécu auront su très tôt me conquérir. J’ai adoré vivre cette aventure à ses côtés.

L’autrice a su nous faire vivre comme si on y était le défi représenté par la maladie de Clara, ainsi que la façon dont elle aborde la vie en conséquence. Avec elle, c’est une vision très colorée et odorante de Londres et de la campagne anglaise que l’on va découvrir avec passion et émotion. Pourtant Clara n’a pas eu la vie facile, fille d’une mère célibataire qui a dû se marier à cause d’elle avec un homme qu’elle n’aimait pas. Orpheline de mère bien trop tôt qui a dû apprendre à vivre sans cette femme qui apportait toute la couleur de son existence, elle a su trouver tout de même sa voie dans son amour pour les fleurs et les plantes. Ce sont elles qui la conduiront dans la demeure du mystérieux Mister Fox pour aménager une serre.

Susan Fletcher n’a pas eu son pareil pour faire revivre aux côté de Clara, dans cette étrange demeure cossue, toutes les ambiances gothiques chères aux romans que j’aime tant. Mais pas de Jane Eyre ou Northanger Abbey ici, l’autrice est plus maligne et nous propose une toute autre histoire de sa propre invention qui évoque à la fois la place de la femme à cette époque, la différence entre foi et science, l’amour dans et hors mariage et bien d’autres questions très modernes. J’ai adoré ! Je suis allée de surprise en surprise dans cette lecture, la vérité n’étant que rarement où je l’attendais et l’aventure portée par une plume pleine d’entrain et de douce poésie mélancolique, car les décors de la campagne anglaise avec sa brume mystérieuse, ses hautes herbes et surtout ses demeures étranges furent parfaitement rendus.

Roman d’ambiance, une fois arrivée dans ce manoir, impossible de lâcher l’affaire. J’ai aimé mener l’enquête aux côtés de Clara qui va faire la connaissance avec les habitants, ou plutôt les domestiques du château et les habitants du alentours. C’était amusant de voir son esprit cartésien se frotter aux superstitions et on-dits du lieu. On plonge en plein dans ces ambiances de château au plancher qui craque, aux tableaux qui tombent, aux grattements contre les portes. On est aussi dans un petit village où les ragots courent vite, où il ne fait pas bon de ne pas être croyants et/ou mariés, où si on aime hors mariage, si on vit reclus, c’est forcément qu’on est mauvais. Les portraits de ces paroissiens est assez saisissant, de la gouvernante, en passant par les jardiniers, le pasteur ou le vilain petit canard du coin. Et il faut ajouter à cela le mystérieux propriétaire qu’on ne voit presque jamais et qui vit en solo au premier étage quand il est là. Savoureux !

J’ai adoré les surprises réservées par le scénario et le rythme de celui-ci pour nous les faire découvrir. Il prend d’abord le temps de présenter l’héroïne, ses particularité et sa façon d’aborder la vie. Il nous emmène ensuite à la rencontre de ce lieu si singulier où se déroulera l’histoire et nous laisse prendre nos marques au milieu de tous ses mystères. Puis il dévoile ceux-ci au compte goutte et encore, parfois on avance pour mieux reculer, mais c’est passionnant, car les révélations font sens et sont fines. Elles touchent bien sûr, on s’en doutait, à des secrets de famille douloureux qui en disent long sur la société d’alors et qui ne peuvent que nous bouleverser, nous rappelant à notre chance de vivre à notre époque.

Seule petite faiblesse du texte : son dénouement au rythme assez étrange, avec un développement mal intégré au reste du récit, je trouve, même si j’en ai aimé le ton doux amer. La précipitation, elle, aurait pu être évité, cela aurait été encore meilleur.

Au cours de cette lecture, j’ai donc été charmée à la fois par la plume de l’autrice si douce, son héroïne qui sait être forte malgré ses faiblesses, son ambiance gothique tellement savoureuse et ses thématiques classiques mais puissantes et toujours aussi bouleversantes. Susan Fletcher a su délivrer une très belle proposition personnelle sur un thème éculé qui est en train de revenir à la mode avec un « cosy mystery » différent des autres, plus intime, plus âpre, plus coloré aussi, où le handicap de l’héroïne devient une force et ses particularités, tout le charme de l’histoire. C’est un grand oui !

> N’hésitez pas à lire aussi les avis bien plus pointus de : Bianca, Vous ?