Livres - Classique

Marie Stuart de Stefan Zweig

Titre : Marie Stuart

Auteur : Stefan Zweig

Éditeur : Le Livre de Poche

Année de parution : 1935 (1e édition)

Nombre de pages : 411

Histoire : Reine d’Écosse à l’âge de six jours, en 1542, puis reine de France à dix-sept ans par son mariage avec François II, Marie Stuart est un des personnages les plus romanesques de l’histoire.
Veuve en 1560, elle rentre en Écosse et épouse Lord Darnley. Déçue par ce mariage, elle devient la maîtresse du comte Bothwell. Lorsque ce dernier assassine Darnley, l’horreur est telle que Marie doit se réfugier auprès de sa rivale, Elisabeth Ire, Reine d’Angleterre. Celle-ci la retiendra vingt ans captive, avant de la faire condamner à mort. Son courage devant le supplice impressionnera les témoins, au point de métamorphoser celle que l’on disait une criminelle en une martyre de la foi catholique…
Sur cette figure fascinante et controversée de l’histoire britannique, le biographe de Marie-Antoinette et romancier de Vingt-quatre heures de la vie d’une femme a mené une enquête rigoureuse, se livrant à une critique serrée des documents et des témoignages. Ce récit passionné nous la restitue avec ses ombres et ses lumières, ses faiblesses et sa grandeur.

Mon avis :

Passionnée et fascinée par la plume de Zweig sur ses nouvelles depuis bien des années, j’ai voulu me frotter à celle-ci dans un autre contexte : sur un roman à vocation biographique, mais pour la première fois je me suis retrouvée face à un texte que j’ai autant adoré que détesté à certains moments. Paradoxal !

La plume de Zweig est toujours aussi belle et efficace. Il a l’art et la manière pour capturer l’essence d’un moment et l’écrire avec des phrases procurant de sublimes sensations tant il sait enrichir et faire vibrer son sujet. Là-dessus pas de doute. Ainsi quand il cherche, ici, à faire revivre le personnage de Marie Stuart et l’ensemble de l’épopée que fut sa vie, il y réussit avec force et passion, comblant chaque manque de sa vie par la richesse de sa plume qui lui permet ainsi de, par exemple, écrire tout un chapitre sur des années où il ne se passe pourtant rien. C’est un maître !

Mais en même temps, toute son écriture est terriblement orientée et c’est assez horrible et crispant à lire. En effet, Zweig fait preuve d’une énorme misogynie dans son écriture des deux femmes de son histoire : Marie Stuart et Elizabeth Tudor. Il en parle de manière à les décrédibiliser sans cesse, en les ramenant à leur condition de femmes telle que lui l’imaginait. Ce sont donc des femmes portées sur l’hystérie, qui se laissent guider par leur désir, qui peuvent désirer un homme qui les a violé et j’en passé. C’est assez abject parfois. Le pire étant l’épisode du viol de Marie par celui qu’elle sera forcée d’épouser que l’auteur fait passer pour un moment de passion incontrôlable suscité par une Marie trop provocante qui fini par aimer ça parce que pour la première fois de sa vie elle croise un homme « viril », ce qui la ferait tomber amoureuse de lui… A vomir ! Je sais que le texte a été écrit dans les années 1930 mais cela n’excuse rien. J’ai lu des autrices de la même époque qui n’aurait jamais écrit ça !

Il m’a donc fallu une grande force pour faire abstraction des valeurs de l’auteur qui transparaissaient dans le texte et m’intéresser uniquement aux faits et à l’histoire ainsi mise en scène. Je dois reconnaître que dans l’ensemble, Zweig a parfaitement su faire revivre le parcours de croix que fut la vie de Marie. On sent qu’il s’est bien documenté et qu’il s’appuie sur de nombreux documents d’époque, mais il ne s’arrête pas là, avec sa plume tellement vibrante, il rend vit à cette époque, ces lieux de vie et ces personnages désormais morts. C’est une fresque épique et dramatique qu’il compose, en s’inspirant de Shakespeare qu’il cite allègrement.

Si vous êtes curieux de découvrir la vie de Marie, cela peut donc être une première façon assez complète d’y entrer, du moment que vous savez que sa vision des femmes est très orientée. On y retrouve tout ce qui a fait le sel et les plaies de sa vie et même plus. Il nous fait revivre aussi bien sa naissance que sa mort avec emphase et contexte. On voit s’animer devant nous la jeune Marie jusqu’à ce qu’elle devienne maîtresse de son destin, si elle a jamais pu l’être. On croise avec bonheur et horreur les hommes et femmes de sa vie qui vont sans cesse la jeter sur les routes et dans les cours de toute l’Europe. On la voit tenter de prendre le pouvoir et lutter pour le conserver. On suit aussi toutes ses mauvaises décisions qui la conduiront à son emprisonnement et sa fin inéluctable. Nous ne sommes cependant pas dans un roman historique à proprement parler mais plutôt dans un objet hybride plus proche de l’essai de l’historien car il ne donne pas la parole aux personnages, il ne fait que rapporter les documents d’époque où on entend leur voix et leur prête la sienne. Nous ne sommes donc pas réellement dans quelque chose de romanesque mais dans un texte plus froid et clinique, même si la plume de l’auteur réchauffe l’ensemble.

Pour ma part, connaissant déjà bien la vie de celle-ci, j’ai pris plaisir à la revivre et surtout à analyser comment l’auteur nous la présentait, mais je n’ai rien appris de nouveau ou si peu dans les marges et détails dont il agrémente le récit. Si vous avez envie de quelque chose de plus complet, je vous inviterai à vous tourner vers des auteurs plus modernes comme Michel Duchein ou Luc Mary qui ont écrit plus justement sur le sujet.

J’aimais Zweig dans ses nouvelles, j’aime la plume de Zweig dans ses romans / biographies historiques mais il est dur de faire la part entre l’artiste et l’homme tant ses textes transpirent certaines de ses idées nauséabondes, ce qui rend certains passages de ses romans assez crispants à lire. J’ai aimé voir Marie Stuart et toute sa famille revivre sous mes yeux, mais j’ai été très énervée par la misogynie de l’auteur. C’est donc un roman que j’ai adoré tout autant que détesté par moment.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis bien plus pointus de : Ma toute petite culture, Ma vie en rose, Flo and Books, Céline, Vous ?

 

 

10 commentaires sur “Marie Stuart de Stefan Zweig

  1. J’adore la plume de l’auteur qui ici semble encore faire des merveilles. Il a un talent incroyable pour raconter et faire ressentir des émotions mais je t’avoue que la misogynie qui transparaît dans le texte est rédhibitoire pour moi. Je risque de trop focaliser dessus pour pouvoir me concentrer sur la vie mouvementée de cette figure historique…

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  2. Je n’ai toujours pas pris la peine de me pencher sur la plume de l’auteur même si je t’avoue que ce que tu en dis donnes autant envie que rebute. Néanmoins, il ne faut pas oublier le contexte historique et sociale de l’époque même s’il n’est toujours pas évident de faire le parallèle entre l’Homme et l’Artiste.
    Merci pour ton avis qui, malgré tes avertissements, reste tout de même plus que positif.

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  3. Du même auteur j’avais lu Marie Antoinette et je ne me rappelle pas qu’il y ait laissé transparaître autant de misogynie, mais du coup je ne lirai pas celui-ci, je pense que, comme tu dis, on peut trouver de meilleures biographies.

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