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Le chien gardien d’étoiles, intégrale de Takashi Murakami

Titre : Le chien gardien d’étoiles, intégrale

Auteur : Takashi Murakami

Traduction :

Éditeur vf : Pika – Graphic

Année de parution vf : 2024

Nombre de pages : 324

Histoire : Dans une carcasse de voiture, le corps sans vie d’un homme, mort depuis plus d’un an, est retrouvé ainsi que celui d’un chien, mort depuis trois mois à peine. Okutsu, un assistant social, décide de reconstituer la vie de ces deux êtres jusqu’à leur fin, et en même temps, il se remémore sa propre histoire avec le chien de son enfance.

Mon avis :

Titre devenu culte avec le temps, il était indisponible depuis un petit moment. Je salue donc l’initiative de Pika de le rendre à nouveau disponible, qui plus est dans une édition intégrale intégrant sa collection « Graphic » bien plus qualitative que la « Masterpiece ». L’objet est donc parfait pour découvrir cette oeuvre particulièrement émouvante. 

Paru pour la première fois en 2009 au Japon, Le chien gardien d’étoiles remporte d’emblée le prix du jury du Japan Media Arts Festival, ce qui l’auréole aux yeux de la critique. Il a ainsi droit à un second volume 2 ans plus tard, et c’est la réunion des deux que nous pouvons découvrir ici, enrichie d’un épilogue inédit et d’une couverture réalisée exprès pour cette édition, les anciennes couvertures étant insérée en pages couleur à l’intérieur. Parfait.

Pourquoi un tel succès ? Le texte et le trait sont pourtant fort simples, résultant d’un auteur, certes non débutant, mais sans vive reconnaissance auparavant, en dehors d’une précédente série Paji qui a été adaptée en série télé. Il avait l’habitude auparavant de produire plutôt des séries légères et sans synopsis et c’est alors qu’il peinait à se renouveler qu’il a eu l’idée d’une histoire sociétale vue à travers les yeux d’un chien. Bingo ! 

Le chien gardien d’étoiles est donc une sorte d’anthologie fix-up où l’on suit des duos qui peuvent sembler banal de maître(sse) et leur chien(ne) mais qui ont tous une vie pas facile derrière. Il y a l’homme malade qui a perdu sa famille, la mamie aux envies suicidaires qui vient en aide à plus malade qu’elle avec la chienne qu’elle trouve ou le petit garçon délaissé et maltraité par sa mère. Trois portraits que l’auteur prend le temps de faire et qu’il fait se répondre dans l’univers qu’il a imaginé entre ville et campagne, où leur chagrin aura la place de s’exprimer et où leur guérison pourra trouver son chemin. 

Avec de telles intrigues de départ, on pourrait s’attendre à quelque chose de misérabiliste et je m’attendais d’ailleurs à sortir les mouchoirs vu ce qu’on m’en avait dit. J’ai au contraire trouvé ces histoires certes émouvantes mais jamais trop. On ne tombe pas dans le pathos à outrance à faire pleurer dans les chaumières. Pourquoi ? Parce qu’on est avec des personnages qui tombent mais se relèvent. La première histoire est peut-être quand même celle qui va le plus loin qui est la plus dure, mais il y a une réelle beauté dans la relation entre le chien et son maître qui m’a fait chaud au coeur malgré les circonstances. Dans la seconde, voir cette mamie prendre le taureau par les cornes et abandonner ses idées noires pour s’occuper de quelqu’un m’a semblé être une belle preuve de courage. Courage que j’ai retrouvé dans le parcours de ce petit garçon qui vaille que vaille lutte pour survivre. Alors non, je n’ai pas pleuré, leur force de caractère m’a au contraire semblé admirable.

Takashi Murakami s’est ainsi livré à un superbe exercice de style, mélangeant histoires personnelles aux tonalités dramatiques et très belles rencontres. La description des relations de chacun d’eux avec leur chien(ne) m’a fait chaud au coeur. J’ai adoré la façon dont cela permet de peindre notre société en regard. Il y a d’abord cette famille qui se délite sous les yeux de ce chien, qui comme son maître, ne comprend pas ce qui lui arrive. C’est d’une tristesse et j’ai été d’une colère contre cette situation horrible. Il y a ensuite, une réflexion fort intéressante et pertinente sur les gens qui vivent seuls et qui ont du mal à tendre la main ou à saisir celle qu’on leur tend, ce qui est à nouveau fort intéressant dans notre société de plus en plus égocentrique. Ça fait réfléchir sur ce qu’on doit changer et sur la puissance du lien avec les animaux qui nous fait nous rendre compte de cela. Enfin, la question des enfants maltraités est au coeur du dernier chapitre et on ne peut qu’être révolté de la situation de ce dernier, qui heureusement va se trouver une autre famille, une famille de coeur, avec ses nouveaux compagnons, humains et non. L’auteur prétexte donc à merveille chaque rencontre pour dénoncer une société vraiment bancale et parfois inhumaine envers certains d’entre nous, ce qu’il faut corriger. 

Reste un dernier point, qui explique pourquoi je n’ai pas eu de coup de coeur malgré ces belles qualités : la mise en scène graphique et les dessins. Je n’ai pas adhéré à ceux-ci. Ils n’ont pas réussi à me transmettre l’émotion suffisant pour me transporter et transformer l’essai. Ils ne sont pas pour autant passe partout, ils viennent du travail de l’auteur sur les yonkama et les titres « non scénarisés » qu’il faisait auparavant, donc il y a sa touche, mais une touche peut-être trop proche de l’humoristique et du tranche de vie pour moi, qui n’a pas fonctionné. A l’inverse dans le même credo ceux de Fumiyo Kouno avec leur air pur et enfantin me touchent infiniment plus. Ici, ça n’a pas fonctionné et j’ai trouvé leur mise en scène archi classique en plus, sans le moindre grain de folie ou une quelconque prise de risque. C’était un peu fade pour moi. (Les goûts, les couleurs…)

Je comprends désormais pourquoi on me parlait tant du Chien gardien d’étoiles, ce sont d’émouvantes histoires venant remuer au fond de nous ce que notre société peut incarner de plus triste mais porteuse également d’un message d’espoir grâce aux relations qu’on peut nouer du fond du coeur et qui aident à se relever. Les belles rencontres humaines et canines de ce tome en sont l’exemple et ça fait chaud au coeur. Ce fut donc un beau récit poignant auquel il a juste manqué une touche graphique plus forte pour moi pour réellement m’emporter.

(Merci à Pika et Sanctuary pour cette émouvante lecture)

 >N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Vous ?

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13 commentaires sur “Le chien gardien d’étoiles, intégrale de Takashi Murakami

  1. J’ai eu la chance de lire les deux tomes grâce à ma bibliothèque municipale il y a quelques mois.
    Comme toi, j’en entendait énormément parler sans que la couverture me parle, puis en occasion les prix étaient assez élevés pour un manga aussi court en 2 tomes.

    Le tome 1 est particulière triste.
    Ici, le héros est un chien, on y suit sa vie dans « sa famille » d’adoption, il suit avec tristesse la vie brisée de son maître (chômage, maladie, fin de vie misérable). Seul ce maître reste avec son chien, et ce chien reste avec lui quoiqu’il arrive.
    C’est très triste, il y a de bons moments certes, mais ce manga est aussi un drame social qu’on vécu plein d’hommes japonais à la fin des années 90 (chômage = explosion du foyer).
    C’est très bien écrit, et les chapitres sont bien pensés mais ca reste une lecture atypique de par son héros, mais aussi la manière dont ce drame social est conté au travers du regard du chien.
    Je ne sais plus si j’avais été apaisé à la lecture de ce tome, révolté oui, car combien de gens finissent comme cela à travers le monde? Ca ouvre les yeux et met en exergue certaines situations qui ne devraient pas arriver.

    Le tome 2
    Ce second volet de cette série permet de conclure habilement les différentes histoires décrites dans le 1er tome.
    Malgré des récits tristes là aussi, ce second volet est marqué par plus de bonheur même s’il aborde de nouveaux thèmes sociaux mais surtout et toujours des drames (abandon d’enfant, insalubrité, personne âgée délaissée etc..), mais c’est plus joyeux que le premier volet.
    Une très belle écriture accompagne les dessins, on se réjouit que ça se termine bien malgré tout, même si certains personnages vivent des choses absurdes et difficiles à supporter.

    Graphiquement, oui c’est une patte à part si je puis dire.

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    1. Je vois ce que tu veux dire. Il y a moi aussi des situations qui m’ont rendu furieuse, comme le délitement du couple de la première histoire et la violence du départ de la femme alors que son mari est malade. Certes, il ne s’intéressait peut-être pas à elle comme elle aurait aimé mais elle ne lui a rien dit avant et j’ai trouvé sa décision encore plus violente que ce que lui avait pu faire.
      De la même façon, j’ai détesté le personnage de la mère dans le second volume et ce qu’elle fait subir à son fils. la maltraitance sur enfant, ça me prend toujours à la gorge.
      Heureusement comme tu dis, on a aussi des touches de bonheur et d’espoir avec les êtres croisés, gens ou animaux, et ça fait du bien, sinon ce serait un récit bien sombre.

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  2. Je l’ai découvert récemment en librairie mais je ne savais pas qu’il s’agissait de la réédition d’un succès critique. Je t’avoue que le titre m’a tout de suite attirée mais que le prix et les dessins m’ont un peu freinée… J’espère pouvoir l’emprunter car les histoires ont l’air fortes et le fait que l’on ne tombe jamais dans le pathos est pour moi un gros plus, même si ce sont les relations humaines et canines qui titillent réellement ma curiosité.

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    1. Honnêtement c’est cher mais il y a un bon rapport qualité prix par rapport à bien d’autres titres dans cet ordre de prix en ce moment. Pika a fait du bon boulot.
      Je te souhaite vivement de croiser le titre car je ne doute pas qu’il saura t’émouvoir toi aussi ☺️

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  3. Je ne connaissais pas, mais je me serais forcément arrêtée sur cette couverture à cause des tournesols ^^
    Les dessins ne seraient pas rédhibitoires pour moi, par contre je ne suis pas attirée par ce genre d’histoires pour le moment. Je n’hésiterai pas à y revenir plus tard, ceci dit. Merci pour cette découverte 😉

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  4. Allez, je me répète comme souvent, mais je trouve cette couverture tellement lumineuse, tellement agréable. 🌻🙂
    Les trois portraits dressés dans cette histoire sont si tristes, pourtant tu ne sembles pas avoir souffert d’un surplus de morosité et c’est déjà une bonne chose je trouve car ça peut vite devenir pesant ce genre d’intrigue. La lecture semble touchante, dommage par contre pour les illustrations que tu n’as pas totalement appréciées. Mais dans l’ensemble, tu as passé un bon moment apparemment 🙂

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    1. Oui, je craignais d’ailleurs ce côté très sombre et triste, je pense que c’est pour ça que je ne m’étais pas intéressée au titre à l’époque. Finalement l’auteur est assez fin pour ne pas nous plomber et insérer humour, espoir et lumière dans ces histoires, ce qui est superbe.
      J’espère que tu auras l’occasion de tomber dessus 🙂

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  5. A noter que l’auteur voit son dernier titre publier chez nous en ce début de mois de mars, il s’agira du one-shot « le chien qui voulait voir le sud ».
    Synopsis :
    Depuis la triple catastrophe du Tohoku, Tamon est devenu un chien errant et il voyage inlassablement vers le Sud… Sur sa route, il rencontre de nombreux laissés-pour-compte de la société : un père de famille poussé au crime, un immigré, une prostituée et un vieillard aux portes de la mort. Mais ce chien ne juge jamais les humains et il pourrait même soigner le cœur de ces âmes meurtries par la vie… Pourtant, malgré les liens qu’il crée au fil de ses rencontres, il ne semble jamais vouloir s’arrêter. Toujours, il avance vers le Sud. Quelle est sa véritable motivation ?

    On reste toujours dans le genre « drame social » mais là, avec une dimension historique lié à l’évènement de mars 2011.

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