Livres - Science-Fiction

La Couleur du froid de Jean Krug

Titre : La Couleur du froid

Auteur : Jean Krug

Éditeur vf : Critic

Années de parution vf : 2024

Nombre de pages vf  : 528

Histoire : Antarctique, 2070.
Mila Stenson est l’héritière tourmentée d’une multinationale tentaculaire, fondée sur le cryo-dollar et le réchauffement climatique. Mais depuis quelques années, la situation se dégrade. La chute inexpliquée des températures menace son empire et des rêves étrangement vivants troublent son sommeil.
Lorsqu’un message, détecté dans la glace et rédigé dans une langue inconnue, arrive soudain à son attention, c’est le déclic. Accompagnée par Valda Kalitsch, une climatologue maladroite et brillante, et Paul Damann, un technicien polaire rongé par son passé, elle décide de répondre à l’appel austral. Une enquête dans la poudreuse et le vent déchaîné, à la toute pointe du froid, avec cette promesse de comprendre, peut-être, qui ils sont vraiment ?

Mon avis :  

En SF, j’aime être secouée et challengée mais parfois le challenge est un peu trop haut pour moi. C’est le sentiment que j’ai eu au cours de cette lecture vraiment vertigineuse lors de laquelle j’ai dû m’accrocher presque à chaque instant, où j’ai cru parvenir au sommet avant de chuter dans la dernière ligne droite… Est-ce que ça me retire de mon plaisir ? C’est ce que nous allons voir.

Découvert avec Le chant des glaces l’an passé lors de sa sortie poche, Jean Krug s’est rapidement imposé en trois romans, avec celui-ci et Cité d’Ivoire qui le précède, comme un auteur qui sait mettre ses connaissances scientifiques au service d’aventures propres à me retourner la tête. J’ai eu un peu de mal avec ma première expérience qui n’avait pas été aussi immersive et dépaysante que je l’aurais souhaité, mais j’avais déjà adoré son enthousiasme pour parler de l’univers qu’il aime et connaît si bien : les glaciers. J’avais en revanche eu une belle surprise avec son deuxième roman plus politique où avoir un scientifique comme auteur apportait vraiment quelque chose dans cette critique politico-climatique pertinente sur notre évolution technique et technologique. J’ai eu un peu un mélange des deux dans La couleur du froid.

C’était la première fois après Le chant des glaces que je rencontrais une SF mettant en avant à ce point le froid, l’Antarctique et les expériences qui y ont lieu. J’ai adoré découvrir et m’immerger les deux pieds devant dans ce cadre rude et âpre, peu propice à la vie. J’ai très vite été fascinée devant les noms de Vostok et autres bases scientifiques. J’avais froid avec les héros, j’avais peur avec les héros, j’étais seule avec les héros. Car l’aventure proposée n’est pas une sinécure. C’est à la fois une plongée dans le cambouis de l’Antarctique et une plongée dans les tréfonds de chacun des personnages. L’idée de donner vie et d’incarner ce froid qui nous pénètre là-bas était excellent et l’auteur a vraiment su jouer à la fois de nos connaissances sur ce lieu et de nos peurs quant à l’évolution de notre climat.

Mais tout son talent est de ne pas aller là où il est déjà allé, ni là où d’autres sont déjà allés et de proposer quelque chose de neuf et de rapidement vertigineux. L’inconvénient, c’est que pour le suivre dans cette aventure et dans les concepts qu’il propose, il faut avoir non pas le coeur mais le cerveau bien accroché et je l’ai rarement eu autant en surchauffe. D’habitude, lors des écrits de hard SF, je m’accroche mais j’arrive à visualiser, à comprendre l’essentiel et ça passe. Ici, j’ai vraiment dû faire des efforts intenses avec cette entropie et cette thermodynamique couplée dans une théorie tout droit sortie de l’imagination de l’auteur sur « la science du Froid », rendu vivant sous sa plume. Alors, j’ai adoré toute la mythologie dont il l’entoure, car pour moi ça tient quand même plus de la mythologie que de la science au final, malgré ses tentatives d’explications logiques et scientifiques. Mais c’est tellement tiré par les cheveux et non raccrochable, je crois, aux connaissances actuelles, que j’ai plus pris ça pour une extrapolation fantaisiste fascinante mais non crédible. Bref, j’ai aimé le voir nous en décrire les concepts et les concepteurs, les courants de pensées qui s’opposent, les expériences et observations, le tout au cours d’une aventure pleine de mystères.

Les mystères du récit m’ont vraiment tenue en haleine 80% du temps. J’ai aimé suivre, souvent sur une double temporalité, d’abord le personnage de Mila, héritière d’un vaste conglomérat scientifique qui part un peu en Antarctique sur les traces de ses parents et pour l’avenir de la Terre, suite à de mystérieuses découvertes incompréhensibles. J’ai aimé la suivre dans son périple entre froid et science où elle est vite rejointe par la scientifique Valda et l’artiste Paul, ce dernier travaillant pour elle pour tenter de faire quelque chose de sa vie suite à un deuil impossible. L’auteur mêle ainsi de vraies quêtes intérieures de personnages aux histoires familiales complexes, entre deuil et abandon, et mystères pseudo scientifiques autour de ce Froid et de ceux le théorisant. Le côté périple, mystère et aventure aide vraiment à s’accrocher et ne pas se perdre dans l’histoire, contribuant à donner le vertige à chaque révélation et instant où on croit avoir saisi quelque chose de nouveau dans ce maëlstrom étrange et brumeux. Cependant il y a une sacrée surcharge cognitive qui a lieu petit à petit et j’ai été totalement perdue dans les 50 dernières pages T.T Dur dur alors que jusque là j’avais réussi à m’accrocher et suivre grâce à ce savant mélange d’histoires personnelles, de mystères et de sciences.

Je le regrette d’autant plus qu’à la fois les pistes scientifiques et les pistes humaines m’ont plu. J’ai adoré le personnage de Paul, ce veuf qui a perdu la vision des couleurs alors que c’était un artiste et qui a pris un job générique dans le coin le plus reculé du monde pour se cacher et se voiler métaphoriquement la face. J’ai trouvé à la fois poignant, poétique et fort symbolique, son histoire et son rapport aux couleurs et j’aurais aimé que l’auteur pousse cela encore plus loin, mais j’ai eu l’impression qu’il le lâchait en plein milieu de son évolution. J’ai également été fascinée par tout le travail conceptuel autour du Froid et j’ai grimpé de plus en plus haut au fil des trouvailles et révélations, pour là aussi avoir le sentiment d’avoir été lâché en plein vol avant de me crasher au sol lorsqu’on est arrivé à Arka Raan dans les derniers chapitres. On nous parle très tôt dans l’histoire et dans le résumé d’un certain message dans une langue inconnue. Je me suis donc dit que ce serait au coeur de l’histoire. J’ai eu l’impression que cela avait été longtemps oublié et puis quand ce fut repris, je n’en ai pas compris le but et l’intérêt. Son association avec toutes les théories sur le Froid est tombé à plat pour moi, je n’ai pas réussi à en comprendre le lien et l’importance. Enfin, il y a tout un volet politique et écologique, sur l’évolution climatique de notre planète que j’ai aussi trouvé sous exploité. On nous parle d’une Terre où le réchauffement est moins rapide que prévu. Je m’attendais là aussi à ce que ça nourrisse l’histoire. On est resté très en surface et l’explication m’a semblé un peu légère, un peu « c’est magique, pardon scientifique, et tais-toi…« . Je n’ai pas compris. Alors soit mon cerveau a fait une surchauffe et a loupé des informations, c’est possible, soit ça manque de développement.

La Couleur du Froid m’a donc emmenée aussi haut qu’elle m’a fait couler. J’ai adoré le vertige de cette conception du monde à travers une nouvelle entité vivante : le Froid. C’était fascinant, déstabilisant, challengeant. L’auteur a su nourrir mon imaginaire et me pousser à mieux comprendre la thermodynamique autour de nous, le tout dans une vraie aventure humaine riche et poignante autour des questions de deuil et d’abandon, avec également une touche de poésie autour de cette question des couleurs. Il m’a malheureusement définitivement perdue dans les ultimes soubresauts de cette quête et je n’ai pas trop compris ce que je faisais là au final, pourquoi on nous parlait de message, de dérèglement climatique, etc. Dommage. J’en garderai un sentiment de vertige et de froid quand même saisissant et effrayant.

(Merci à Critic et Jean Krug pour cette aventure pleine de frissons cérébraux et humains)

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Vous ?

16 commentaires sur “La Couleur du froid de Jean Krug

  1. Plein de choses m’intriguent dans ce que tu nous dis de ce roman, mais je n’ai jamais vraiment été attirée par les récits se déroulant dans l’Arctique, alors, du coup, j’hésite. Mais je le note dans un coin de ma tête, sait-on jamais, ce serait sûrement une lecture très intéressante pour le Cold Winter Challenge !

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  2. Tellement dommage que cette dernière ligne droite soit si complexe à appréhender véritablement…Je t’avoue que je ne suis pas sûre de tenter, malgré les points forts bluffants que tu soulignes !

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    1. Je crois que tu confonds , Ge, je ne pense pas que Steven ait lu ce roman 😅
      Mais oui, une lecture en demi-teinte avec des éléments que j’ai vraiment adorés et d’autres qui m’ont totalement perdue malheureusement…

      Aimé par 1 personne

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