Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Rain Man de Yukinobu Hoshino

Titre : Rain Man

Auteur : Yukinobu Hoshino

Éditeur vf : Panini (seinen)

Année de parution vf : 2017-2022

Nombre de tomes vf : 5 ou 7 en vo (série complète)

Histoire : À la mort de sa mère, Taki Amamiya, jeune homme introverti à la chevelure blanche, se retrouve obligé de travailler pour un institut de recherche parapsychologique. Un jour, il apprend que son frère jumeau, dont il ignorait jusqu’alors l’existence, s’est suicidé. Suite à une série de faits étranges Taki découvre qu’il n’a pas de cerveau…

Mes avis :

Tome 1

Rain Man est typiquement le genre de titre à côté duquel je serais passée si je n’avais pas lu à plusieurs reprises des critiques enthousiastes sur le web. Il a le double handicap d’être publié chez Panini et d’avoir une couverture peu affriolante ce qui m’avait refroidie d’emblée. Pourtant, c’est un titre de SF à l’ambiance cinématographique très prenante, faite de mystères et d’anticipation comme j’aime.

L’auteur, Yukinobu Hoshino, est connu chez nous pour être l’auteur du manga le plus cher publié en France : 2001 Nights Stories, paru en 2012 chez Glénat pour la modique somme de 99€ ! On l’avait déjà découvert en 1996 chez Casterman avec Trou Bleu, terminé en 2 volumes. Deux titres de science-fiction également à côté desquels je regrette d’être passée, surtout le premier.

Dans le titre présent, Rain Man, qui a été publié entre 2015 et 2018 au Japon, il nous réembarque dans une histoire d’anticipation originale mêlant parapsychologie, mythes et légendes, et sciences. Nous suivons un jeune garçon à la chevelure entièrement blanche qui vient de perdre sa mère et qui est forcé de bosser dans un drôle de labo étudiant les phénomènes paranormaux. Au cours d’une enquête sur le terrain, il découvre qu’il a un frère jumeau qui se suicide alors brusquement sous ses yeux. C’est l’élément déclencheur à toute une chaîne d’événement qui vont venir faire basculer sa vie et ses croyances en la science, l’être humain, etc.

J’ai d’emblée trouvé Rain Man intéressant parce qu’il nous embarque dès les premières pages – en couleur ! – dans une ambiance très cinématographique un brin inquiétante qui mélange une SF très contemporaine, la science et les films catastrophes. Avec un découpage simple et sans fioriture, Yukinobu Hoshino développe au fil des pages un scénario froidement efficace faisant monter angoisse et tension autour d’une série de mystères qui prennent pied autour du héros, Taki. Le dessin très typé seinen contribue beaucoup à cette ambiance, rappelant un peu celui d’Iwaaki Hitoshi dans Parasite. Il est froid, précis, détaillé et très réaliste.

L’histoire se développe en prenant son temps. Je n’avais pas lu le résumé avant de commencer et je ne savais pas dans quoi je m’embarquer. J’ai donc été assez surprise par les révélations qui sont tombées. Le premier chapitre est intriguant. Le deuxième marque un peu le pas. Heureusement cela repart de plus belle ensuite, l’auteur mêlant la vaste intrigue qui va entourer Taki à celles plus courtes ayant un lien avec le travail du labo où il évolue. Dans ce tome, il est donc régulièrement question de phénomènes paranormaux : fantômes, manifestations télékinésiques, électriques ou autres, ce qui forcément appâte bien le lecteur. La dernière histoire avec les drôles de phénomènes dans la cité de Hitsujigayama est particulièrement bien écrite par exemple. Partant d’un présupposé, on nous emmène sur quelque chose de complètement différent en utilisant et détournant ce que l’on sait à la fois de la science et des phénomènes paranormaux. C’est très bien joué.

Rain Man est donc un titre de SF intelligent, intriguant, bien écrit, avec un background original mélangeant science et paranormal. Le héros est encore en cours d’écriture dans ce premier tome mais les questions qui l’entourent sont prometteuses. Je recommande ce titre à tous les amateurs d’une science-fiction loin du space opéra et plus ancrée dans notre quotidien.

Tome 2

Alors que j’avais été enchantée par le tome 1, j’ai commencé à déchanter ici. J’ai souvent trouvé le titre inutilement compliqué et tortueux avec beaucoup beaucoup de texte et de théories scientifiques dont le néophyte doit aller vérifier la véracité tout seul vu qu’il n’y a aucun accompagnement critique de la part de l’éditeur… C’est dommage parce que j’aime toujours cette ambiance qui mélange fantastique, mythes japonais et science-fiction vintage avec une ambiance presque de complot scientifique.

D’ailleurs le tome s’ouvre sur la résolution du mystère de la dernière fois dans la cité. C’est très prenant. On a droit à la fois à des explications scientifiques pour les cartésiens et à quelque chose de beaucoup plus fantaisistes pour les mystiques. Ça met dans l’ambiance.

La suite, elle, est entièrement consacrée à Taki et Rain. On revient sur la notion de cerveau et de conscience avec l’invention par une entreprise d’un robot très humain ^^ Et là alors que ça pourrait être passionnant on s’embourbe par moment avec les explications à rallonge, les répétitions, les divagations. En même temps, c’est très fort et c’est un thème que j’aime beaucoup dans la SF alors je suis partagée. J’aurais aimé être plus emportée par l’aventure. Ce sera peut-être le cas dans la suite puisque comme tout dérape dans les dernières pages, on a enfin un peu d’action. A voir…

Tome 3

Heureusement avec ce tome, j’ai renoué avec ce que j’avais aimé dans le tome 1. Après il n’est pas exempt de défauts loin de là. Il y a un schéma conducteur qui commence déjà à être répétitif et c’est fort dommage pour une série aussi courte. On sent que l’auteur tourne un peu en rond autour des mêmes thèmes et que l’ensemble avance peu.

On se débarrasse rapidement de B-Rain en début de tome avec un tour de passe passe dont je ne suis pas friande. C’est dommage parce qu’il portait des interrogations très intéressantes sur la conscience mais la réponse de Taki à base de mondes parallèles ne m’a pas du tout convaincu. C’est malheureusement, le sujet qui a été choisi pour la suite de l’histoire apparemment, on le retrouve donc dans les chapitres qui suivent. Ainsi la deuxième histoire, qui reprend des choses déjà vu dans le premier tome (on se demande pourquoi…) ne fait qu’asseoir ça avec une certaine lourdeur avec un retour inutile et illogique de Mme Mimori.

Heureusement arrive ensuite la troisième histoire du tome, une histoire à base de maison hantée et d’interrogation sur l’origine et les pouvoirs de Taki et de sa famille. L’ambiance est top. Ça fait très gothique. On frissonne à souhait. J’ai beaucoup aimé même si ç’a été un peu trop rapide sur certains aspects. J’aurais aimé que ça dure plus longtemps et qu’on développe cette ambiance. Mais si on commence à faire des recherches sur la famille de Taki dans les prochains tomes, ce sera parfait. (Par contre, mon dieu comme la couverture spoile la fin…)

Tome 4

Décidément cette série est en dent de scie. J’ai à nouveau pris grand plaisir à la lecture de ce tome qui revient longuement sur les Rain man, leur origine, leur lien avec la famille de Taki, etc.

C’est passionnant. On a l’impression de suivre une chronique familiale pleine de mystère dans laquelle on a en plus insérer des sciences. Ça parle d’expériences génétiques, de lignages et de pouvoirs extraordinaires. Ça m’a vraiment bien plongée dans l’ambiance. Après, je continue à trouver que c’est extrêmement tiré par les cheveux. Il y a aussi parfois un mélange des genres assez glissant, notamment quand ça commence à parler des périodes expansionniste du Japon et des expériences faites à ce moment-là. Mais cette introduction subite de l’Histoire avec un grand H dans notre aventure parapsychique est la bienvenue pour moi.

Pour autant, j’aime quand revienne sur le personnage de Taki et sa relation avec son frère Ren, leurs origines et leurs pouvoirs. J’ai trouvé ça passionnant et très tordu à la fois. Je n’arrive pas à savoir vers quelle direction on se dirige, ce qui est à double tranchant. Si on reste dans la lignée de ce tome, je vais me régaler, parce que j’aime cette SF à l’ancienne. Mais si on part trop dans des délires scientifiques qui ne mènent à rien et qui fond pschitt, je serai très déçue. A voir.

Tome 5 (= Tome triple) – Fin

A série hors norme, fin hors norme. Depuis le début, Rain man m’intrigue autant qu’il me déstabilise. Peut-être sont-ce les raisons de son manque de succès chez nous. Mais Panini, comme c’est sa politique désormais, a trouvé une solution pour aller jusqu’au bout et nous a offert la publication des 3 derniers tomes en un gros volume unique bien dense à lire !

L’histoire de Rain Man était complexe depuis le début, mélangeant science, pouvoirs para-psy, fantastique et mythologie. Si les premiers tomes proposaient des petites affaires étranges que notre héros résolvait grâce à ses pouvoirs, tandis qu’une mystérieuse organisation voulait mettre la main sur lui. Cela prend un toute autre ampleur dans ces derniers tomes.

Avec trois tomes, nous avons eu trois directives. Dans l’équivalent du premier tome de ce pavé, nous revenons sur les origines des Rain Man à travers une vision bien tortueuse de l’évolution où l’auteur tort à sa sauve la théorie de l’évolution qu’on connaît, pour dire que les pouvoirs du héros résulte de celle-ci, en plus du programme scientifique qu’on connaissait déjà. Dans l’équivalent du tome 2, cette fois, comme dans Dossier Ac’est au tour des mythologie du monde entier de se retrouver sous le radar de Yukinobu Hoshino, qui va à nouveau les tordre pour les faire rentrer dans ce qu’il souhaite nous raconter : une vaste menace pour l’humanité contre laquelle elle lutte depuis des millénaires et qu’elle tente d’avertir à travers les âges grâce à des symboles qu’on peine à interpréter dans nos temps modernes. Puis dans l’équivalent du dernier tome, la catastrophe arrive et il faut sauver tout le monde.

La lecture de ce pavé, au-delà de la pagination impressionnante et de l’objet pas très pratique où on a peur d’abîmer la reliure…, était vraiment très dense. La narration et les idées alambiquées de l’auteur n’ont pas aidé. Elles ont un quelque chose de fascinant et en même temps qu’est-ce qu’il y a comme enfumage. J’ai eu du mal avec ces explications à n’en plus finir qui se répétaient en plus. J’ai eu du mal avec la façon dont l’auteur tort la science pour son propos et pourrait porter des lecteurs peu avertis à se méprendre. C’était long, très long à lire, avec peu d’action, sauf dans la dernière partie. Et en même temps, ce fut fascinant.

Pour qui aime les histoires un peu ésotérique avec une touche de thriller, Rain Man est la lecture parfaite. C’est prenant de découvrir les machinations du gouvernement pour mettre en place un programme de création de Rain Man (=homme évolué). C’est fascinant de voir la lecture qu’il peut proposer de l’évolution de nos sociétés et notamment du rôle des femmes dans les transmissions génétiques de certaines caractéristiques. C’était étrange et inquiétant de suivre son raisonnement quant à tous ces symboles laissés par l’humanité à travers les âges juste pour avertir d’un danger (tumulus en trou de serrure, mégalithes, pyramides et j’en passe). Rien ne sonne juste et pourtant tout se goupille bien pour nous happer et fasciner.

C’est cependant dans la dernière partie que tout se rassemble et trouve une certaine cohérence, si on peut dire, mais il faut avoir survécu aux longues explications précédentes et ne pas avoir peur de se frotter, cette fois, à de superbes développements autour de la physiques quantiques, dont il me semble avoir remarqué quelques erreurs, mais je ne suis pas une spécialiste. L’éditeur tente bien de nous accompagner avec quelques notes mais c’est ardu et surtout, je ne suis pas sûre qu’une connaissance pointue soit une bonne chose pour cette narration déjà bien lourde, qui a juste besoin que ça pète une bonne fois pour toute !

Ainsi, j’ai bien plus apprécié les dernières pages où le combat final et la menace terminale prennent enfin place, offrant des pages vives et percutantes, tel dans un film catastrophe hollywoodien. On y retrouve même ce qu’on avait un peu perdu, le plaisir de ces petites affaires, devenues grandes ici, où la population est soufflée par l’effroi. C’était très bien mené. Seule la fin est trop abrupte et refait tomber le soufflé.

Série vraiment singulière, Rain Man a su proposer une intrigue fouillée mais aussi fouillis où science, paranormal, mythe et menace planétaire se mélangent en quelque chose d’unique. Le côté daté des dessins et de la narration a sûrement joué contre lui, pourtant le titre était prenant à lire, tel un thriller ésotérique surprenant avec des relents de l’excellent Dossier A parfois et une jolie touche de revisite de notre histoire terrestre. Une singularité à découvrir !

4 commentaires sur “Rain Man de Yukinobu Hoshino

Laisser un commentaire