Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

The Red Rat in Hollywood d’Osamu Yamamoto

Titre : The Red Rat in Hollywood

Auteur : Osamu Yamamoto

Éditeur vf : Vega-Dupuis (Seinen)

Années de parution vf : 2019-2022

Nombre de tomes vf : 10 (série terminée)

Histoire : Après la Seconde Guerre mondiale, alors que la guerre froide s’intensifie, une purge anti-communistes éclate aux États-Unis. Le gouvernement américain dénonce tour à tour des personnalités hollywoodiennes parmi les plus célèbres.
Ce manga vous dévoile comment, à Hollywood, le milieu du cinéma a combattu l’impitoyable oppression du pouvoir.

Mon avis :

Tome 1

Vega est un jeune éditeur dont le choix des titres m’interpelle très souvent. Ici avec un seinen dont le thème est la chasse des communistes pendant la Guerre froide aux Etats-Unis, dans le milieu du cinéma, ils ne pouvaient que me rendre curieuse. C’est en effet un sujet qui m’intéresse et que j’ai déjà croisé dans plusieurs films. Qu’en est-il sous la plume d’Osamu Yamamoto, auteur prolifique connu depuis les années 80 dans son pays ?

Osamu Yamamoto est un artiste qui a déjà été publié chez nous en 2006-2007, chez un éditeur désormais disparu (Milan) avec l’Orchestre des doigts où il raconte la vie d’une école d’aveugles et de sourds-muets, un sujet déjà assez ciblé. On le retrouve ici avec son titre le plus récent : The Red Rat in Hollywood, dont le sujet est tout aussi précis puisqu’il évoque un point sensible de l’Histoire contemporaine américaine.

Je ne vais pas vous le cacher, j’ai trouvé le sujet très intéressant et bien traité, là-dessus rien à redire. On sent que c’est documenté. C’est raconté de façon très pédagogique pour ne pas nous perdre au milieu de tous ces personnages. Comme ce sont des personnes ayant vraiment existé, les noms ne nous sont pas inconnus : on a des acteurs célèbres (Lauren Bacall, Katharine Hepburn, Audrey Hepburn, Gregory Peck, Humphrey Bogart…), des scénaristes très connus (Dalton Trumbo, William Wyler, Lester Cole…) et même des figures politiques (Hoover, Reagan…). Les événements contés sont également connus comme certains tournages de films, certaines réunions de soutien ou la commission sénatoriale. Cet aspect réaliste est très réussi.

Là où cela a péché pour moi, c’est du côté de la narration et de l’enrobage, si je peux dire. C’est trouvé l’ensemble très classique et ampoulé dans la forme. Cela donne l’impression d’un titre carré, qui manque de folie et de surprise. Tout est assez rigide et ça m’a vraiment empêché de ressentir quelque chose pour les personnages qui étaient de fait en danger avec cette chasse aux sorcières lancée dans le milieu du cinéma. Après, ce n’est qu’un tome d’exposition, alors peut-être que le mangaka parviendra à installer un meilleur rythme par la suite et une intrigue plus tendue, prenante, où on aura peur pour les personnages clés, mais c’est absent pour le moment pour moi.

Les dessins sont à l’aune de cela, très carrés et très figés. Il y a également un côté grandiloquent qui peut agacer à la longue, à l’image des Américains qui parlent toujours avec la bouche grande ouverte et quand je dis grande, je n’exagère pas. Ça fait un peu trop insistant. Pour autant, le portrait fait des personnes connues est réussi, on les reconnait vraiment, de même que les scènes de certains films reproduites ici. Et c’est, c’est un vrai plus si vous êtes cinéphiles et que vous aimez les films de cette période comme moi.

The Red Rat in Hollywood fut donc une bonne lecture mais pas une lecture coup de coeur comme je l’aurais souhaité. Je voulais lire un thriller politique bien ficelé et ce n’est pas ce que j’ai pour le moment. Je reste un peu sur la réserve parce que l’auteur s’appuie peut-être un peu trop sur sa documentation et que pour raconter une vraie bonne histoire, il faut savoir s’en éloigner pour tisser sa propre ambiance. Affaire à suivre.

Tome 2

Après un premier tome intéressant mais assez indigeste à lire, cette suite garde les qualités du début et commence à en enlever pas mal de défauts. J’ai trouvé sa lecture bien plus agréable car moins chargée en détails qui nuisaient à la fluidité. L’histoire est mieux romancée donc mieux narrée ce qui contribue au plaisir de lecture plus grand que j’ai éprouvé. Pour autant, je pense que quelqu’un de complètement novice sur le sujet risque de continuer à le trouver un peu difficile à appréhender, notamment dans sa chronologie et dans les personnages impliqués, ayant la chance de ne pas être dans ce cas, j’ai bien aimé ma lecture.

L’histoire reprend là où on l’avait laissé avec ces membres de l’industrie du cinéma entendus par une commission du parlement américain. On découvre les conséquences de leur rébellion avec leur mise en placard. Les pressions subies sont terribles mais réelles. L’auteur n’épargne pas le gouvernement américain et les différentes branches le constituant, ni les magnats des finances ou encore les personnalités un peu faibles du milieu du cinéma qui ont cédé à la pression, parfois même tout seul. On voit donc les conséquences de cette chasse aux sorcières des communistes dans l’Amérique de la Guerre Froide. C’est assez saisissant et très parlant, donc passionnant à suivre.

En parallèle, Osamu Yamamoto nous relate quand même comment un scénariste se rebelle contre le système : Dalton Trumbo et comment avec d’autres sympathisants ils vont tenter de continuer à exercer leur art envers et contre tout. On suit ainsi les coulisses de la création de Vacances romaines, un de mes films préférés avec Audrey Hepburn, une actrice dont je raffole. J’ai adoré cela, surtout que je l’ignorais, donc j’ai appris plein de choses.

Bonus, en fin de tome, l’auteur prend le temps de nous détailler pour ces deux premiers tomes ce qui relève de la réalité et ce qui est de la fiction. On découvre ainsi, ici aussi, les coulisses de la création d’une oeuvre au contenu sensible, passionnant une nouvelle fois.

Tome 3

Entre Histoire et fiction (merci aux annexes de nous éclairer là-dessus d’ailleurs), The Red Rat continue à déployer sa diatribe contre le gouvernement américain d’après-guerre. Dans ce tome, l’auteur nuance cependant également son propos montrant que le communisme incarné par Staline n’avait rien à voir avec l’idéologie d’origine et qu’il y avait aussi de quoi le craindre. Mais les conséquences de la chasse aux sorcières qui a lieu aux Etats-Unis sont tout de même terrible et l’auteur l’illustre parfaitement dans les chapitres qui parcourent ce tome, que ce soit dans l’industrie du cinéma ou auprès de gens du peuple.

Malgré tout, comme dans le tome 1, je continue à reprocher l’aspect indigeste de la narration qui fait que c’est de plus en plus dur de suivre l’histoire, surtout qu’on s’éloigne parfois pas mal de l’industrie du cinéma qui était pourtant censé être l’angle d’attaque ici. Pour le moment, on n’a beaucoup trop de faits historiques (ou non) balancés brutalement sans enrobage narratif, du coup c’est abscons à lire. Et quand l’auteur essaie de nous accrocher en faisant vivre de vrais drames aux personnages soit il en fait des caisses, soit les personnages n’ont pas été assez creusés et dans les deux cas on passe à côté.

En conclusion, je laisse encore un tome à la série pour faire ses preuves et j’arrête les frais si ça ne me convainc pas.

Tome 4

Je comptais sur la série pour faire ses preuves et elle les fait parfaitement ici. Ce n’est toujours pas une vraie lecture plaisir, la mise en forme est beaucoup trop classique et académique, mais le sujet m’intéresse trop pour que je laisse tomber en chemin pour l’instant.

Dans ce nouveau tome, la tragédie continue à frapper les communistes anciens ou actuels travaillant dans l’industrie du cinéma. Chacun réagit de façon différente. Certains affirment leurs convictions, d’autres trouvent d’autres moyens de lutter et d’autres encore renoncent et retournent leur veste. A chaque fois, c’est quand même triste et terrible de voir la façon dont le gouvernement américain a procédé. On sent encore plus la misère et les drames que cela a suscité dans ce 4e tome, je trouve, puisqu’on y voit une partie purger sa peine en prison et une autre essayer de continuer à vivre après avoir été épinglés. Les destins de ces hommes sont tragiques même s’ils essaient d’être forts. Les portraits qu’en peint l’auteur sont saisissant. Il en profite ainsi pour dénoncer cette intolérance liée à des idées politiques différentes, mais également le racisme ambiant aux USA, la misère humaine rampante dans ce pays, ainsi que l’horrible guerre de Corée qui s’est ouverte.

Historiquement, c’est passionnant. Humainement, c’est tragique. Mais ça en fait du coup une lecture très intéressante.

Tome 5

Osamu Yamamoto continue à nous emmener toujours plus loin dans le récit de cette chasse aux sorcières dans le Hollywood des années 50. C’est rude, un peu austère mais passionnant.

Dans ce tome, nous continuons à suivre Elia Kazan, le réalisateur d’Un tramway nommé désir, qui tentera jusqu’au bout de résister à l’HUAC. C’est une histoire terrible et très triste comme les précédentes. On le voit vraiment tout faire pour rester droit dans ses bottes. Il résiste face à la pression de sa femme, il résiste face à la pression du Comité mais au bout d’un moment, ce qu’on lui fait subir à côté va trop loin. L’espèce de policier qu’on suit dans cette affaire depuis le début se comporte vraiment encore plus comme un salaud ici pour le pousser à bout parce qu’il a compris qu’il serait la pièce maitresse. Si lui craquer, les autres ne pourront plus résister.

C’est donc avec beaucoup de talent que le mangaka raconte cette histoire pourtant aride et complexe, la rendant passionnante et limpide pour nous, car il s’intéresse tour à tour à ses victimes, personnalités connues de tous les amateurs de cinéma dont on découvre ici les tourments. Dans ce tome en plus de Kazan, on croise également Marilyn, Kim Hunter (le Dr Zira de la Planète des singes) ou encore Marlon Brando pour les plus célèbres.

On avance petit à petit sur la ligne temporelle de cette histoire et l’auteur fait même croiser le récit de cette chasse aux sorcières avec la politique internationale américaine (Guerre de Corée), ce qui l’épaissit judicieusement et fait se croiser des événements importants, donnant une autre dimension à ce qu’on nous raconte. Passionnant !

Si vous êtes amateur d’Histoire mais que vous ne connaissez pas ce pan-là, je ne peux que vous conseiller ce titre pour le découvrir. C’est certes un peu aride à lire et il faut s’accrocher pour suivre tous les fils mais c’est très riche.

Tome 6

Après sa fusion avec l’éditeur historique Dupuis, Vega reprend peu à peu les parutions de son catalogue d’origine avec dans les derniers le sérieux et copieux Red Rat in Hollywood, cette fresque sur le milieu du cinéma américain pendant la Guerre Froide.

Le récit reste passionnant à lire mais très dense avec une narration académique qui n’aide pas forcément à alléger ou dynamiser le propos. Dans ce 6e tome, un nouveau virage s’annonce après toutes ces années passées à traquer « les rouges ». En effet, plusieurs dont Dalton Trumbo commencent à se rebeller, tout comme les noirs oppressés par la ségrégation américaine, mais il le suffit pas de se rebeller pour gagner, le chemin est bien plus ardu.

J’ai à nouveau beaucoup aimé tout ce que j’ai appris sur le milieu du cinéma et ses coulisses dans ce tome. C’est passionnant de voir comment se montent, se filment et se tournent certains grands films qu’on connait tous comme A l’est d’Eden ou la vie des grands acteurs / actrices ultra connus de nos jours comme Marilyn ou James Dean.

En plus, l’auteur mêle à ce récit, non seulement la traque des rouges dans le milieu, mais aussi la lutte civique en dehors. C’est très bien vu et ça apporte une dimension supplémentaire. Cependant, ce sont quand même les destins de ces hommes et femmes accusés de tous les maux qui sont au coeur de l’histoire. Ça m’a vraiment peiné de voir le choix de cette scénariste enceinte se voyant obligée de dénoncer ses anciens amis, ou encore la famille de Dalton persécuter parce que celui-ci ose se rebiffer à la vue de tous.

Dalton est vraiment le personnage central de ce récit. A chaque fois qu’il est là, sa force de caractère, transperce l’écran. C’est admirable de le voir se dresser ainsi pour vivre de sa passion. C’est dommage qu’il soit du coup aussi hermétique aux conséquences pour ceux autour de lui, car certes MacCarthy parvient à être écarté mais c’est loin d’être terminé, le peuple prenant allègrement le relais comme nous le montrent les derniers chapitres. Ainsi, s’il semble pouvoir revenir sur le devant de la scène grâce à la reconnaissance de la qualité de son travail, tout comme ses autres collègues écartés, c’est toujours en restant dans l’ombre d’un prête nom et le chemin vers la pleine et totalement lumière va être longue pour Dalton.

Avec sa visée pédagogique et informative forte, Red Rat in Hollywood reste un récit vraiment passionnant où on prend plaisir à découvrir l’envers du cinéma américain mais également les turpides d’une époque qui ne veut pas dire son mal être. Cependant, je persiste à trouver que la série gagnerait à être moins académique et rigide dans sa forme car cela pèse lors de la lecture.

Tome 7

Avec la ligne claire qui accompagne le scénario depuis plusieurs tomes maintenant, nous continuons à suivre cette terrible chasse aux sorcières qu’il y a eu aux Etats-Unis dans les années 50-60 aux côtés du fameux scénaristes : Dalton Trumbo. Régulière, la série est toujours qualitative quant à ce qu’elle raconte mais moyenne dans sa forme.

En effet, si j’apprécie toujours de découvrir ce pan méconnu de l’Histoire américaine que j’avais juste croisé dans un ou deux films auparavant, en revanche si je dois parler de sa version manga, il y a des failles qui se résorbent mal. En effet, je ne suis toujours pas séduite par le trait trop carré et figé d’Osamu Yamamoto qui donne une aura daté au titre alors qu’il nous est contemporain dans son élaboration. Je continue également à trouver sa narration poussive avec des bulles narratives trop présente qui dilue et distribue mal les informations, les rendant souvent lourdes à lire. L’ensemble du titre manque également un peu de souffle et paradoxalement souffre d’un côté surjoué théâtral que je n’affectionne pas particulièrement. Mais passé ce qui sera peut-être pour certains des points de détails, le scénario, lui, est excellent !

En effet, nous suivons parallèlement le renouveau politique américain qui se préfigure avec les mouvements anti-apartheid et la montée de J.F.Kennedy, et les nouveaux scénarios de films de Trumbo : Spartacus et Exodus, qui vont amener les producteurs a enfin le soutenir et le faire revenir nommément sur le devant de la scène. J’ai adoré voir à nouveau la façon dont la machine anti-communiste américaine se mettait en branlant mais suscitant enfin une réaction de révolte de la part des amis et soutiens de Trumbo. Ce n’est pas trop tôt ! C’était plaisant aussi d’avoir encore une fois les anecdotes des différents tournages et productions, puis projections de films. Ce sont de vrais petits plus « de l’intérieur » appréciable pour l’amatrice de cinéma que je suis. Enfin, du point de vue de la construction des personnages, j’ai aimé le court focus sur la fille de Trumbo qui évoque les conséquences que tout ça a eu sur sa vie et ses convictions et engagements aussi. C’était un très beau moment plein d’émotion quand enfin elle ose assumer être sa fille sans avoir peur.

Pour les curieux, les têtes connues sont de plus en plus nombreuses dans la série. Cette fois, nous assistons à l’arrivée de J.F.K. dans l’histoire, suivi bien sûr de son sérail, donc nous apercevons Sinatra et Marilyn Monroe entre autre. J’ai aimé que l’auteur n’esquive pas, loin de là, les relations troubles des Kennedy avec la mafia et « la passion » du candidat pour les femmes. Même s’il glisse de nombreux éléments fictifs pour combler les blancs et dynamiser son histoire, Osamu Yamamoto reste fidèle à l’Histoire telle qu’on la connaît et explique toujours en fin de tome ce qu’il a ajouté ou modifié. C’est vraiment top !

Tome marquant la fin d’une époque sombre et célébrant le retour à la lumière compliqué de son héros, malgré des failles de formes, il s’est révélé passionnant à suivre. J’aime la trajectoire personnelle et professionnelle de Trumbo telle qu’elle est écrite ici. Cela fait un bien fou de voir une partie du peuple se rebeller contre l’oppression et l’injustice du gouvernement, ceci en écho avec les productions qui arrivent sur les écrans, montrant encore la puissance de ce média.

Tome 8

Avec sa couverture un brin racoleuse, ce huitième tome des aventures des Onze d’Hollywood surprend. L’auteur s’amuse à y sortir de son cadre pour notre plus grande surprise et notre plus grand plaisir.

Comme l’annonce la dichotomie polychrome de la couverture, Dalton & Co. passent dans l’ombre pour laisser la lumière à un Kennedy nouvellement sur le devant de la scène. Pour autant, le récit se veut toujours aussi passionnant et instructif, malgré cette narration sur laquelle je trébuche à chaque fois à cause de ses allures rigides et trop didactiques pour moi, dans laquelle il manque la fluidité que j’attends d’un tel récit. Bref.

La première partie du volume s’attache à nous décrire, avec pas mal de souffle pour une fois, les trajectoires simultanées de Dalton et ses confrères et celle de Kennedy en lutte pour être élu. C’est excellent de voir la force dont ces premiers font preuve pour retrouver leur place dans l’industrie du cinéma d’Hollywood maintenant qu’une brèche s’est ouverte. On sent cependant combien cette fenêtre était étroite et l’audace et le courage dont ils ont su faire preuve pour profiter de ce bref moment et ainsi gagner leur combat.

L’auteur nous offre ainsi une histoire de la traque des communistes par les autorités américaines juste et fidèle. Il montre combien les oppositions furent grandes de tout temps et à quel point ça s’est joué d’un rien avec l’arrivée providentielle d’une nouvelle figure politique plus jeune et ouverte. Le parallèle avec la condition noire est parfaite en ce sens et très juste historiquement. Cependant, on sent dans tout cela un récit un peu précipité, peut-être fidèle à son temps, mais qui correspond mal au rythme assez lent de la série et surprend donc. On a le sentiment à mi-chemin d’une sorte de rush pour conclure cette partie et se lancer dans un récit inattendu.

En effet, dans un second temps, l’auteur se consacre au récit des années Kennedy, hors sujet complet avec son histoire de départ pour moi. Certes, je ne boude pas mon plaisir en découvrant celles-ci sous son regard assez affûté, loin des biais français que j’ai pu avoir jusqu’à présent, mais j’ai vraiment l’impression de lire une histoire bonus qui n’a pas sa place ici. Pour moi, Red Rat in Hollywood était le récit de ces hommes poursuivis à tort pour communisme et ostracisés. Je peine à voir le lien avec le récit de la politique et des affaires de fesses du nouveau président…

Osamu Yamamoto offre dans ce tome un drôle de dérapage hors cadre. Avec la fin, un brin précipitée, de son histoire d’origine, il rend l’hommage qu’on attendait à ses hommes, qui comme Trumbo, ont luté jusqu’au bout pour exercer leur métier malgré les pressions et persécutions. Mais il part ensuite dans un récit qui pour moi n’a pas vraiment sa place ici car cela dévie du propos originel. Alors certes, cela reste fidèle historiquement et passionnant aussi dans ce que ça dénonce, mais j’aurais préféré qu’il consacre plus de page à boucler SON histoire plutôt qu’à lancer celle sur Kennedy…

Tome 9

Dernière ligne droite de cette série historico-politique diablement addictive où certes le dessin et la narration pêchent un peu par leur classicisme mais où l’histoire est passionnante.

J’avoue que j’ai dans un premier temps était surprise et déstabilisée par la tournure prise par l’histoire qui pour moi s’éloigne de son premier sujet avec ce nouveau récit centré sur la famille Kennedy et le mandat de JFK, mais j’apprécie tellement la nervosité de ce qui nous est raconté que j’ai eu vite fait d’oublier cela.

Comme dans un grand thriller, les auteurs nous content avec passion et tension les drames qui se jouent sous cette présidence. Utilisant pour cela plusieurs théories qu’ils mixent à leur sauce, rien n’ayant été démontré et avéré historiquement, ils nous font le récit tragique, de leur point de vue, de la romance entre Marilyn et les frères Kennedy, ainsi qu’en parallèle le récit de la politique de celui au pouvoir. C’est passionnant.

Qu’on y croit ou pas, on ne peut qu’être peiné face à ce que vit Marilyn et horrifié par les magouilles que tous les hommes autour d’elles font, que ce soient les hommes politiques ou les hommes de l’ombre. L’auteur nous passionne avec ces complots montés par la CIA, la mafia, le FBI et tout ce qu’il y a d’organisation possible, tant la famille Kennedy dérange et a dépassé la ligne avec ses propres magouilles de l’ombre. Tout se mélange de manière palpitante : secrets d’alcôves sur le point d’être révélés, politique anti-communiste ou pro-communiste qui dérange, montée de la mafia dans le jeu politique, etc. L’histoire est passionnante.

L’auteur, à qui j’ai souvent reproché son trait très académique et un peu grossier, nous offre ici, je le reconnais, de superbes enchaînements de plans d’action palpitant, comme au cinéma, notamment lorsque le danger se fait entre ceux qui surveillent Marilyn en appartenant à différent camp. Leur affrontement les met directement en danger sous nos yeux et les courses poursuites et même assassinat sont excellents dans la façon percutante dont l’auteur les met en scène avec un découpage ultra soigné tout droit inspiré du cinéma. C’est le cas lorsque Kibby s’en mêle, c’est le cas lors de la mort de Marilyn, c’est le cas lors de l’assassinat de Kennedy.

Après, il est essentiel de lire les annotations à la fin de l’ouvrage pour définir ce qui relève de faits avérés ou ce qui tient de théories car ici on touche vraiment à une histoire imaginée pour l’essentiel par le mangaka qui s’inspire de théories d’autres personnes, sans que rien ne soit vraiment attesté ou prouvé formellement. On ne sait donc pas si ce qui est raconté est vrai ou non. C’est beaucoup à prendre avec des pincettes. Du coup, j’apprécie qu’il fasse l’effort de détailler cela afin qu’on sache sur quoi s’appuie ses théories, d’où elles viennent, etc.

Tome passionnant à lire autour de la célèbre relation JFK – Marilyn, ce tome certes s’éloigne de la première partie de la série centrée vraiment sur la chasse aux sorcières des communistes au sein du monde du cinéma, mais il reste très intéressant à lire grâce à une mise en scène digne des meilleurs thrillers du cinéma américains dont l’auteur semble s’être inspiré. Cela augure du très bon pour le prochain et dernier tome.

Tome 10 – Fin

Du début à la fin, cette série m’aura beaucoup intéressée dans son discours et le récit de cette époque sombre de l’Histoire américaine, mais un brin déçue également par l’académisme froid de sa mise en scène qui manque cruellement de relief et rend la lecture assez indigeste parfois.

En effet, Osamu Yamamoto semble se contente de plaquer sur papier les idées qu’il cherche à développer et le récit de ces années-là aux États-Unis. Il ne fait aucun effort ou presque pour proposer un habillage attractif mais se contente d’un classique trait semi-réaliste seinen comme on a pu en voir plein mais qui n’a rien de vraiment personnel ou séduit. Pire, pour moi, cela me rappelle les vieilles BD franco-belge de mon enfance avec ce trait figé et ces cases qui se ressemblent toutes. On est loin des mangas pêchus et dynamiques que j’aime lire où les auteurs cherchent à impacteur par leur narration graphique.

Mais est-ce que ce fut réellement un problème pour découvrir son oeuvre ? En soi, non. C’est comme ces films hyper académiques qui sont là avant tout pour nous présenter une histoire et un message. Il ne s’encombre pas d’esthétisme pour porter ce qu’ils ont à dire. Ils vont à l’essentiel. Osamu Yamamoto a fait de même tout au long de ces 10 tomes extrêmement denses contant la chasse aux communistes aux États-Unis dans le milieu du cinéma, puis la lente transition pour en sortir avec Kennedy, le drame de son assassinat et les sombres années de la Guerre du Vietnam. Pour qui s’intéresse à l’Histoire américaine, ce fut passionnant à suivre.

J’ai beaucoup aimé avec Dalton Trumbo comme fil conducteur et son écriture / production de films avec. C’était fascinant de découvrir l’envers de ces films culte que j’avais vus et souvent adorés, apprendre comment ils avaient été écrits, tournés, avec quelles difficultés, pressions, etc. Dans ce dernier volume, l’auteur s’attarde longuement sur la fin de la chasse aux sorcières pour soupçon de communisme mais sur la naissance de la recherche de nouveaux suspects : ceux qui critique le patriotisme d’État. La bascule est fascinante. J’ai beaucoup aimé voir Dalton se plonger dans ces nouveaux tourments et tenter de sortir son film « Johnny s’en va-t’en guerre« , une histoire coup de poing vraiment saisissante avec un parallèle fort avec la Guerre du Vietnam et l’état de son ancien ennemi Kirby.

Tout le récit de l’auteur autour de cette période historique clé aux États-Unis est à nouveau joliment documenté même s’il avoue lui-même avoir fait certains partis-pris, tout est détaillé dans les annexes finales. On adhère ou pas à sa théorie du complot autour de l’assassinat de Kennedy et du rôle des agences, ainsi que de leur manipulation de l’opinion et du désastre de la Guerre du Vietnam, mais scénaristiquement, ici, ça claque et cela rend le récit passionnant au point de ne pas arriver à lâcher le livre mais sa narration assez ampoulée et indigeste parfois. C’est dire !

Le lien en plus qui est fait sans cesse avec le cinéma, les films, leur réception par le public, leur visée par les agences gouvernementales et autres, est excellent. L’auteur brasse tout cela pour nous faire saisir l’ambiance générale de cette époque et le rôle de l’art pour dénoncer certains choix et certaines idéologie. C’est fort. Bien sûr, c’est mieux d’avoir vu les films en question pour bien tout saisir mais tout est suffisamment explicité pour qu’on suite le cheminement de pensée de l’auteur et c’est passionnant. J’ai beaucoup aimé ce mélange de petite et grande histoire grâce à cela.

Mon âme d’historienne ressort donc comblée de cette lecture qui m’a passionnée. Mon âme de cinéphile a envie de revoir la plupart des films cités à l’aune de ce que je viens de lire. Seule mon âme de fan du 9e art est un peu frustrée face au manque d’envergure de l’objet « Bd ». Je n’imagine pas si ça avait été un génie comme Tezuka qui s’était emparé du sujet. On aurait des planches pleines de messages et métaphores graphiques bien plus percutantes que cette soupe classique un peu fade qu’on a eu ici. Heureusement le message l’emporte et restera plus longtemps gravé dans ma mémoire que le support. C’est chouette aussi de lire des mangas sur l’Histoire contemporaine. Merci à Vega pour cette proposition culottée offerte lors de leur création.

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