Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

NeuN de Tsutomu Takahashi

Titre : NeuN

Auteur : Tsutomu Takahashi

Éditeur vf : Pika (seinen)

Année de parution vf : Depuis 2019

Nombre de tomes vf : 6 (en cours)

Histoire : Allemagne, 1940. Pour assurer la pérennité de l’État nazi d’Adolf Hitler, treize enfants ont secrètement hérité de son ADN et ont été disséminés aux quatre coins de l’Allemagne. Le jeune Neun est le neuvième d’entre eux. Mais lorsque Heinrich Himmler, haut dignitaire du Troisième Reich, décrète l’abandon du projet, une purge de ceux dont le sang est lié au Führer est lancée. Neun ne pourra compter que sur Théo Becker, un soldat allemand lui servant de tuteur, pour le protéger. Une course-poursuite à travers une Europe en guerre s’engage…

Mon avis :

Tome 1

Quand j’ai vu l’annonce d’un manga uchronique sur les nazis, je craignais un peu le pire. Vu la propension de certains japonais à ne pas reconnaitre leurs propres crimes de guerre et à idolâtrer un peu trop les nazis, j’avoue que j’ai ouvert le titre avec appréhension. Mais dès les premières pages, j’ai été rassurée par le ton donné par Tsutomu Takahashi (Sidooh, Bakuon Rettô, Blue Heaven, Détonation…), avec lui nous sommes plus près de ce que Tarantino a fait dans Inglorious Basterds que de l’apologie de ce régime ignoble.

Je connaissais déjà l’auteur pour ses titres pêchus, plein de violence et avec un dessin très original. Je suis ravie de retrouver cela ici. Comme Tarantino que je cite, je trouve que Takahashi a le sens du rythme et de la mise en scène, du coup, on ne s’ennuie pas une seconde dans ce premier tome qui démarre à 100 à l’heure et tient le cap tout du long malgré ces changements de rythme au fur et à mesure de l’avancement de l’histoire dans des directions surprenantes.

On y suit Theo, un officier SS, un « Wand », qui est chargé de protéger l’un des rejetons d’Hitler issu d’une insémination artificielle. Jusqu’au jour où quelqu’un décrète que tous ces enfants ainsi conçus doivent disparaitre. Theo et NeuN (son protégé) passent alors d’élus à proie comme le dit très bien la pub de Pika. C’en suit une énorme course poursuite entre eux et ceux qui les pourchasse, le tout dans une Allemagne où les nazis sont surpuissants et où on ne peut jamais deviner qui sera un allié ou un délateur.

Dès les premières pages, j’ai beaucoup aimé cette revisite de l’Histoire. On n’est pas dans une apologie du nazisme ou une fascination pour celle-ci. Au contraire, on cherche juste à nous montrer des hommes vivants sous ce régime, certains croyant à fond à la doctrine, d’autres commençant à en douter. C’est assez fascinant de voir Theo agir, il est d’une efficacité folle, comme on peut s’attendre de quelqu’un de son rang, et face à lui ils sont tout aussi froidement violent. Ça donne des scènes de violence crue où l’auteur envoie du lourd.

Son dessin très crayonneux où il balance des aplats de gris colle parfaitement à l’ambiance sale, crade, violente et dangereuse qu’il veut donner ici. C’est un régal.

L’histoire avance vite, on est plongé en plein dedans et les explications viennent au fur et à mesure. On découvre des membres connus du parti nazi, mais également des visages plus secondaires. On cherche qui se cache derrière cet ordre qui lance l’histoire et pourquoi il a ordonné cela. Ça donne plein de pistes de réflexion pour la suite. C’est également une façon très intéressante de voir comment les populations allemandes vivaient sous ce régime. J’ai aussi aimé qu’on parle de la conception que les nazis se faisaient de la science et de comment l’utiliser. Même si je sais qu’on est dans une uchronie, je trouve ça intéressant de s’appuyer là-dessus pour nous coller de bons frissons.

A ce sujet, le mangaka plante des personnages d’un charisme fou. Il suffit de voir Theo se mettre en marche pour frissonner. L’autre « wand » qu’il va rencontrer plus tard est tout aussi fascinant. De même, le personnage de savant fou qu’on va croiser m’a donné des frissons de dégoût pur. L’auteur est très doué pour transmettre des émotions extrêmes à travers ses dessins. Il est même parvenu à la fin à me faire ressentir une vraie inquiétude face à ce que pourrait devenir Neun juste parce qu’il est issu du sperme d’Hitler et alors qu’il a une bouille si mignonne.

En conclusion, ce premier tome de NeuN est une excellente introduction à un monde uchronique nazi qui colle des frissons d’horreur. L’auteur envoie du lourd dès le début. Son récit est pêchu, rythmé et violent à souhait. J’ai vraiment eu l’impression de me retrouver devant une oeuvre décalée à la Tarantino. J’espère qu’il parviendra à maintenir ce niveau tout du long.

Tome 2

Après un premier tome aussi engageant que dérangeant, cette suite va encore plus loin. On y suit toujours Theo et NeuN qui ont été rejoint par un autre rejeton-clône d’Hitler et sa protectrice, et tous ensemble ils cherchent à échapper aux sbires nazis censés les éliminer.

Dans ce tome, l’histoire marque déjà un peu le pas. On avance peu dans l’intrigue. Les événements se passent sur un temps assez restreints et sont peu nombreux, l’auteur ayant décidé de se concentrer sur un méchant aussi intrigant que terrifiant : le Doktor U. Mais même en le mettant en scène de façon aussi insistante, je n’ai pas eu l’impression d’avancer tant que ça et d’en apprendre vraiment plus sur lui si ce n’est choses déjà vues, revues et attendues sur les expérimentations qu’il peut faire. De la même façon, on passe notre temps à voir Theo tenter de protéger NeuN en se mettant en danger mais les scènes où cela a lieu manquent à nouveau de dynamisme et sont assez répétitives. Je suis donc pas mal restée sur ma faim.

Non, là où c’est devenu intéressant c’est en ce qui concerne le personnage de NeuN et des habilités qu’il est en train de développer. On le découvre avec une sorte de puissance hypnotique rare mais terriblement utile qui lui viendrait de son héritage hitlérien et qu’il partagerait avec le mystérieux Sechs. Je ne m’attendais pas à ce que l’histoire prenne un tournant fantastique comme cela, alors ce fut une bonne surprise, même si je préfère quand les choses sont plus terre à terre.

Ce deuxième tome où il se passe peu de choses a donc eu un effet un peu étouffant sur moi. J’ai été déçue de voir l’histoire aussi peu avancer, mais surprise du tournant pris par NeuN. Pour l’instant, je suis un peu sur la réserve, je m’attendais à une histoire prenant plus d’ampleur. A voir comment cela va évoluer par la suite, surtout après le dernier cliffhanger.

Tome 3

Après un tome 2 un peu faible, l’auteur redresse un peu la barre ici avec une intrigue qui reprend du poil de la bête et devient un peu plus lisible, même si les intentions des héros restent assez flous à part dégommer des nazis.

Dans ce tome, les héros mettent un visage sur un nom, leur nemesis : Sechs. La rencontre est d’ailleurs terrifiante de banalités. En effet, le mangaka aime avancer masqué dans une intrigue à l’ambiance lente et pesante où il nous présente comme banal un espèce de quotidien tranquille sous l’Allemagne nazi, c’est terrifiant. De la même façon, on commence à nous dévoiler les pouvoirs des deux antagonistes dans une ambiance de normalité effrayante. Pourtant, ça n’a rien de normal et les deux font vraiment peur. En effet, on découvre que l’un peut influencer les autres à un tel degré qu’il peut les pousser à se tuer en moins de deux ; et l’autre est capable de percevoir une poussière noire qui serait comme les résidus de nos sombres pensées à la veille de la mort. Des pouvoirs tout sauf normaux dont on voit l’application directe et tragique pour l’un en découvrant un peu son passé, mais qui restent entièrement à exploiter pour le second et qui feront sûrement l’objet de la suite de l’histoire.

Celle-ci devient d’ailleurs assez intéressante et dynamique ici, grâce 1/ aux souvenirs de Sechs, 2/ à la rencontre d’un autre enfant d’Hitler. Tous deux insufflent enfin un peu de vie dans cette intrigue au rythme souvent morne. Le premier glace le sang. Le second amène pas mal d’espoir de développement, notamment parce qu’on déplace l’histoire en Pologne auprès d’une cellule de la Résistance. L’action revient donc sur le devant de la scène même si ça continue à être assez flou quand à ce que ça va devenir.

Ainsi malgré des dessins à la veine expressionnistes de toute beauté qui me dérangent autant qu’ils me transportent, je peine toujours à rentrer dans cette histoire dérangeante et surtout floue au possible. L’auteur se repose trop sur son ambiance glauque, violente et perturbante, et ne développe pas assez sa ligne scénaristique ne laissant qu’un fil très ténu à suivre. C’est vraiment frustrant pour le lecteur.

Tome 4

Je suis toujours autant partagée sur ce titre. J’aime l’ambiance, l’univers, la patte graphique mais je trouve que l’ensemble reste brouillon, flou et peine à avancer. Du coup, le titre n’arrive pas à m’emporter complètement.

Ce nouveau tome se lit très vite. On y retrouve NeuN qui a rejoint un autre des enfants d’Hitler en Pologne, Rebekka. Celle-ci appartient à un groupe de rebelles qui travaille dans l’ombre pour mettre des bâtons dans les roues du Fuhrer. Sauf qu’après sa déconvenue avec Sechs et Acht, NeuN a du mal à faire confiance et ça pédale un peu dans la semoule dans les deux sens, chacun devant faire ses preuves. C’est Theo qui va partir en mission avec un des compagnons de Rebekka, dans rien de moins qu’un camp de travail allemand.

D’un point de vue « historique », j’ai beaucoup aimé cette plongée dans la miséreuse Pologne plongée sous le terrible joug des Allemands. On retrouve bien les figures autoritaires des soldats et officiers Allemands. On nous montre bien la vie difficile dans les camps et ce à quoi cela peut aboutir, comme on le voit dans le dernier chapitre, terrible. La résistance est bien illustrée également. Ça c’est réussi.

Le problème vient plutôt du côté fantastique de l’histoire. C’est très flou tout ce qui a trait aux pouvoirs des enfants d’Hitler et ça n’avance pas vraiment. Le duo entre NeuN et Rebekka a du mal à prendre et comme nous sommes plus dans un tome de transition, c’est un peu mou de ce côté-là. Pourtant, il y a de belles promesses et de belles mises en scènes graphiques, rappelant les artistes expressionnistes qui ont illustrés cette sombre époque. Je ne veux donc pas lâcher le morceau mais mon intérêt peine à venir.

La lecture de ce 4e tome, déjà, continue à avoir du mal à me séduire. Je trouve que la série peine vraiment à décoller. Le démarrage était bon mais depuis le tempo hyper lent et le peu d’avancée dans l’intrigue n’aide pas. A ce rythme-là on se demande combien de tomes il va falloir pour nous pondre quelque chose qui en vaut le coup et qui se tient parce que pour le moment, c’est le flou total. C’est d’autant plus dommage que l’ambiance de sobre terreur qui glace la moelle du lecteur est très bien faite, elle.

Tome 5

Après avoir pesté pendant tant de tomes, trouvant l’histoire brouillonne et honnêtement pas passionnante malgré une ambiance terrifiante, glauque et oppressante, j’ai enfin eu le tome que je voulais !

Tsutomu Takahashi aura pris son temps pour faire monter la sauce mais il ne m’aura pas du tout déçue au final. J’ai trouvé génial cette montée en tension pour faire exploser le pouvoir de NeuN et en comprendre l’utilité ainsi que les groupes qui vont se cristalliser autour.

L’auteur a une science de la narration parfaite ici, avec des jeux de va-et-vient entre les différents lieux et personnages gravitant autour de proche en loin de NeuN, pour mettre celui-ci dans une position centrale marquante. C’est excellent ! Tout cela se passe en plus dans un lieu clé pour l’histoire, un camp de travail nazi. C’est bien joué.

J’ai trouvé très intéressant le rôle pris par les Wand. Theo se transforme de plus en plus en fidèle de la figure christique que devient NeuN, tandis que Naomi se range dans le camp adverse comprenant bien le danger que le petit garçon représente. Cela augure un affrontement terrifiant.

D’ailleurs la violence est étouffante dans ce tome, à tous les coins de pages, aussi bien psychologique que physique, aussi bien visible qu’invisible, aussi bien dans le camp qu’en dehors. Et la mise en scène de cette violence est magnifiée par le coup de crayon à coup de lavis noirs et gris qui rendent l’ambiance encore plus sombre, déprimante et glauque. Le mangaka a vraiment le style parfait pour ce genre d’histoire.

Ainsi, je me suis régalée avec ce tome dont le rythme a enfin correspondu à ce que j’attendais, de même que l’évolution de l’histoire centrée sur la croissance du pouvoir de NeuN et son utilisation possible, ainsi que la cristallisation des camps qu’il provoque autour de lui et qui ont de quoi surprendre. Parfait !

Tome 6

Basculement total dans une ambiance glauque et totalement fantastique, enfin ! J’adore ! J’attendais ça depuis le début et je rongeais un peu mon frein, trouvant la série bien trop lente et dispersée. Ici, tout se rassemble et cela s’accélère pour ma plus grande joie.

NeuN est vraiment une série particulière. Je me suis longtemps demandée où l’auteur allait nous conduire. Dans ce sixième opus, il prend un sévère virage à 180°. Le héros est métamorphosé et l’histoire avec. On se concentre enfin sur son pouvoir de synchronisation, ce qu’il peut faire et la peur qu’il peut inspirer, et c’est vraiment glaçant.

Tout se passe en vase clos, sur une île carcérale perdue au milieu de nulle part. On a l’impression que le NeuN qu’on connaissait n’existe plus remplacé par quelqu’un de bien plus dur qui sait désormais utiliser son pouvoir et le fait sans seconde pensée. Cela donne un rendu assez terrifiant. Une histoire totalement suffocante où on se demande jusqu’où il va aller et s’il ne va pas basculer du mauvais côté puisqu’il se sert même de ses alliés. C’est très sombre et encore assez flou au final.

Le plus de ce tome est clairement l’ambiance carcérale, très mystère grâce aux pouvoirs fantastiques du héros. L’arrivée d’un nouveau personnage, un médecin, à travers le regard duquel on va tout suivre ajoute à l’étrangeté de ce tome, qui semble se détacher vraiment du reste. C’est fascinant. Tout plein de rouages se mettent également en branle en coulisses, qui peuvent faire très mal.

Le tome d’ouverture d’un nouvel arc qui ait froid dans le dos, interroge encore et toujours plus notre humanité et met en scène comme rarement un fantastique profondément dérangeant. C’est fascinant et suffocant à suivre mais ça me donne très envie de poursuivre, ce qui n’était pas forcément le cas avant.

Ma note : 14 / 20

11 commentaires sur “NeuN de Tsutomu Takahashi

      1. Mince, j’ai mélangé les deux sujets avec « bloom into You », j’ai cru répondre sur ton autre article…
        Oui, du coup, le mangaka de NeuN, est connu. J’avais essayé Sidooh aussi il y a pas mal de temps.

        Aimé par 1 personne

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