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La Lanterne de Nyx de Kan Takahama

Titre : La Lanterne de Nyx

Auteur : Kan Takahama

Éditeur vf : Glénat (seinen)

Année de parution vf : 2019-2021

Nombre de tomes : 6 (série terminée)

Histoire : Quand le Japon découvre la France
1878, la France fait rayonner sa puissance industrielle et culturelle en organisant des expositions universelles, tandis que le Japon s’ouvre au monde après 200 années d’isolationnisme. À Nagasaki, Miyo, orpheline qui a pour seul talent le don de clairvoyance au travers des objets qu’elle touche, parvient à trouver un emploi chez Ban, commercialisant des objets importés d’Europe. Au contact de l’Occident, elle découvrira un monde nouveau qui la conduira jusqu’à Paris…
Dans cette série en 6 tomes, Kan Takahama continue à explorer la découverte du monde occidental par les Japonais, thème déjà évoqué dans Le Dernier envol du papillon et Tokyo, amour et libertés, mais ici rendu encore plus accessible via le regard de la jeune Miyo.

Mon avis :

Tome 1

Ce titre m’intrigue depuis sa sortie chez nous. Je pensais au début que l’autrice était française tant son coup de crayon fait occidental pour moi et à cause de ça je n’ai pas voulu m’y intéresser. C’était bien bête de ma part. En effet, après l’avoir entendu parler de son travail à la radio sur France inter ou France culture, je ne sais plus, j’ai trouvé celle-ci fort intéressante. Elle avait l’air passionné par ce qu’elle fait et surtout savait faire partager sa passion. Il ne m’en fallait pas plus pour vouloir découvrir La Lanterne de Nyx.

L’histoire nous plonge dès les premières pages dans le passé d’une jeune Japonaise de la fin du XIXe siècle qui vient d’une famille modeste et qui cherche du travail après la mort de son père. Elle parvient, un peu par hasard, à se faire embaucher dans une boutique vendant des produits importés, grâce à son don à lire les objets. En effet quand elle les touche, elle parvient à dire à qui ils ont appartenu et à qui ils vont appartenir. S’ouvre alors à elle un monde inconnu qui va lui mettre des étoiles dans les yeux, tout comme à nous.

J’ai adoré la façon dont Kan Takahama raconte son histoire. D’abord, le petit bond dans le passé du tout début est classique mais bien trouvé. On part d’une situation dramatique mais surtout historique clé pour le Japon, la Seconde Guerre Mondiale, pour arriver dans une autre période clé, les débuts de l’ouverture de l’archipel au reste du monde. On y suit ensuite une jeune fille atypique, très réservée, qui a du mal à sourire, qui ne se sent pas trop à sa place dans sa famille et qui va découvrir un tout autre monde grâce à ce travail qu’elle a trouvé.

Cet autre monde la fait rêver et nous fait rêver à nous lecteurs parce que la mangaka s’en sert pour nous faire découvrir à travers ses yeux toutes les innovations qui ont lieu à cette époque et qui arrivent de l’Occident jusqu’en Orient. C’est fascinant. En plus, l’autrice les exploite à merveille en les associant dans l’histoire qu’elle raconte et dans le quotidien de ses personnages, ce qui fait que les informations qu’on glane ne le sont jamais de façon lourde ou absconse. Au contraire. Elle bâtit petit à petit tout un univers très savoureux, d’une ambiance très particulière, autour de la boutique dans laquelle travaille Miyo.

Cette ambiance si atypique et propre au titre, nous la devons en grande partie également aux personnages. Il y a le décalage entre la naïveté et l’ignorance de l’héroïne qui joue énormément, mais aussi le grain de folie du patron de la boutique : Momo, un garçon assez mystérieux et farfelu. Et toute la petite troupe de personnages qu’on rencontre au fil des pages et qui vient se greffer à eux ajoute à cette ambiance amusante un peu hors du temps, pour créer comme une petite famille. C’est doux et chaleureux, ce qui permet à l’autrice de sortir peu à peu d’une simple histoire visant à présenter les dernières trouvailles européennes aux Japonais, pour au contraire raconter une histoire plus humaine, un histoire où des hommes et des femmes se rencontrent et changent au contact l’un de l’autre. On croise ainsi un cuisinier ours, une couturière ancienne maiko, une fille de bonne famille se sacrifiant pour son père, une femme de poigne tenant une entreprise d’importation, etc. C’est  fascinant et ça fait du bien de voir autant de rôles féminins divers et variés.

Le trait de Ken Takahama participe à cette ambiance différente de ce qu’on peut lire ailleurs, sauf dans Le Pavillon des Hommes dont elle se rapproche en raison de l’époque évoquée. Mais ici, c’est vraiment un dessin très particulier, qui lui est propre et qui ne ressemble pas à celui des mangaka qu’on trouve chez nous habituellement. On se retrouve avec des personnages qui ressemblent beaucoup à ceux de nos auteurs de BD qui s’inspirent du manga. On a également une utilisation très forte des trames et fonds gris, ce qui peut surprendre. Les planches sont simples et en même temps regorgent de détails quand on est attentifs. Les personnages sont également très expressifs. Cela donne un ensemble harmonieux et très riche à découvrir.

En conclusion, j’ai été surprise de trouver autant de charme à cette série qui ne m’attirait pas au premier coup d’oeil. C’est une histoire charmante, qui prend place dans un cadre historique qui m’intéresse, et où petit à petit l’autrice bâtit une histoire qui à la fois nous touche de part le caractère des personnages et qui nous instruit grâce aux mille et un détails sur les objets occidentaux qu’on croise. C’est passionnant !

Tome 2

J’ai trouvé cette suite assez surprenante. L’autrice y développe encore son univers et ses personnages mais elle part dans une direction que je n’attendais pas. C’est triste et plein d’espoir en même temps.

Notre héroïne travaille toujours pour son cher Momo, mais l’histoire s’oriente clairement dans une nouvelle direction : le passé et l’histoire familiale de celui-ci. Nous savons désormais qui est sa mère et nous avons découvert qu’elle faisait du commerce elle aussi mais qu’elle avait des soucis. Momo entreprend donc de l’aider tout en développant son propre commerce et c’est autour de ça que va tourner l’histoire ici.

J’ai trouvé qu’à cause de cela, on perdait un peu en émotion. Miyo devient une sorte de spectatrice passive de ce qui se déroule devant elle. C’est triste. Elle assiste impuissante aux décisions des uns et des autres, sans pouvoir réellement agir sur son destin ou le leur. Ses pouvoirs ne servent plus à grand-chose, on se demande un peu pourquoi ils ont été introduits dans l’histoire à ce stade. On a l’impression que c’est Momo qui devient le héros à sa place du coup. En effet, on voit beaucoup plus celui-ci. C’est lui qui agit, c’est de sa famille, ses amis et ses projets qu’on parle.

Pour autant, ce n’est pas inintéressant. On continue à en apprendre énormément sur le Japon de ces années-là et ses relations avec l’étranger : la façon dont ils commerçaient, les produits qu’ils vendaient, comment ils voyageaient, etc. J’aime toujours autant en apprendre plus sur leur artisanat mais aussi sur les objets européens typiques de cette époque. C’est passionnant et bien intégré au récit. C’est une dimension culturelle que j’aime retrouver et qui me plait.

Ainsi ce deuxième tome m’aura surprise. Je l’ai moins aimé que le premier parce que j’ai été moins touchée par l’histoire, qui n’a pas pris le tournant que j’attendais. J’ai trouvé qu’il y avait moins d’émotions. Pour autant, le titre reste plein de promesses et je suis sûre que le tournant pris apportera plein de belles choses à l’avenir.

Tome 3

Après la surprise du précédent tome qui changeait complètement la donne concernant la géographie du titre et des relations, je m’étais dit que rien ne pouvait plus me surprendre. J’avais tort. L’autrice change à nouveau complètement la donne dans ce nouvel opus en lâchant une bombe.

L’histoire se partage comme prévue entre les nouvelles aventures de Momo à Paris et celles de Miyo restée au Japon. Celles du premier occupent une grande partie du tome. On découvre Paris et le milieu des antiquaires là-bas à travers ses yeux. C’est très cliché mais plein d’entrain également. J’ai juste trouvé que c’était un peu en-dessous des autres tomes pour ce qui est des découvertes culturelles et historiques à travers les objets rencontrés. Cependant l’autrice ne s’arrête pas à ça heureusement, elle s’attarde plutôt sur le personnage de Momo, qu’elle montre sous un tout autre jour. Garçon hésitant et mal à l’aise, on le voit qui tente de renouer avec une relation de son passé. C’est là que réside la beauté de ce tome, car celle-ci est une femme qui a été obligée de devenir une prostituée de luxe pour survivre et qui a radicalement changé à cause de cela. Leurs retrouvailles sont donc plutôt amères et le chemin à faire est un vrai calvaire pour Momo. C’est vraiment triste de voir cette femme subir tout ça et sombre, tout comme ça l’est de voir Momo impuissant. Seul point négatif dans cette nouvelle trame, la caricature d’antiquaire japonais à Paris qu’est le rival de notre héros…

Au Japon, l’histoire est toute aussi intéressante. Miyo ayant avoué ses sentiments et s’étant faite jeter, elle doit tourner la page et avancer à nouveau, mais ça n’a rien de facile. Heureusement, Momo étant quelqu’un qui a du coeur a pensé à elle et laissé auprès d’elle quelqu’un pour l’aider : sa mère. Celle-ci a un flair d’enfer et détecte bien vite la supercherie. C’est une terrible révélation qui remet en question une bonne partie de l’intrigue et me fait perdre tout un pan que j’aurais aimé voir se développer. Je suis donc à la fois ravie de la surprise et triste de perdre cela. Je suis partagée et le fait qu’on ait à peine pris le temps de nous montrer ces femmes n’a rien arrangé. J’attends donc un peu avant d’émettre un jugement définitif sur la question.

Comme attendu, La Lanterne de Nyx m’a à nouveau embarquée vers de nouvelles aventures sentimentales, humaines et culturelles entre le Japon et la France. Je ne suis pas forcément fan de tous les choix de l’autrice mais ils ont le mérite de m’interloquer et de me faire réfléchir.

Tome 4

J’étais un peu partagée dans le tome précédent par les choix scénaristiques fait par l’autrice mais elle m’a totalement réconciliée avec son histoire cette fois et j’ai enfin compris pourquoi elle avait fait ça.

Dans ce quatrième tome, on peut déjà saluer les progrès fait par la mangaka pour gérer les deux trames qui se déroulent en parallèle. Contrairement à la fois précédente, on n’a pas l’impression que celle qui se passe au Japon arrive comme un cheveux sur la soupe et qu’elle se sent obligée de l’inclure. Non, il y a un vrai intérêt et une vraie logique à ce qui s’y passe. On suit l’évolution de Miyo, à qui on fait l’offre d’une vie ! En parallèle, un accident se produit qui a des conséquences à la fois sur elle et sur Momo. Enfin, on voit une belle relation s’épanouir entre Miyo et la mère de Momo, personnage que j’apprécie vraiment énormément et que je trouve très humain. Au milieu de tout ça, on comprend bien qu’au final « le pouvoir » de Miyo ne sert plus à grand-chose et que c’est une bonne chose qu’elle l’ait abandonné, ça montre qu’elle a grandi et s’est débarrassée de ses artifices.

A Paris, l’histoire prend un tournant toujours aussi tragique. Judith, l’ancienne amie de Momo est au plus mal, elle est obligée d’être soignée dans un sanatorium… On découvre alors quel fut son passé avec notre héros et le drame qui l’a conduit là. C’est très triste. Je trouve que l’autrice a bien travaillé ce thème, celui de la prostitution forcée de certaines femmes qu’on appelait des demi-mondaines au XIXe. Il y a d’un côté la réalité, la vente d’être humain puis la survie, et de l’autre la perception fausse que les autres en ont, des femmes qui se complaisent ainsi dans le luxe. Au début, ce dernier point m’a fortement fait grincer des dents avant que je ne comprenne qu’en fait l’autrice y dénonçait la vision caricaturale de ces femmes. C’est très triste. On découvre une réalité terrible d’alors.

Pour autant, l’histoire ne sombre pas dans le mélodrame puisque Momo, lui, continue d’entreprendre encore et toujours. Pour lancer encore plus son affaire, il a l’idée de se mettre à vendre des estampes. C’est l’occasion pour le lecteur de découvrir ce marché et ses amateurs, qui sont souvent des grands noms de l’élite culturelle d’alors. Je sens que ce sera une grande source de nouvelles connaissances dans les prochains tomes et ça me tarde déjà. On a déjà la chance ainsi de découvrir un peu la vie nocturne et/ou culturelle parisienne.

Ainsi, à travers une banale histoire de boutique d’antiquités au début, l’autrice nous embarque de plus en plus dans un vrai voyage autour du monde. Elle parvient avec talent à tisser une histoire riche en découvertes culturelles tout en y mêlant des intrigues plus intimes où elle livre un message fort sur la place des femmes à travers le temps et les injustices qu’elles ont vécu mais aussi les conquêtes qu’elles ont faite. La Lanterne de Nyx est un titre surprenant et protéiformes.

Tome 5

Devant se terminer apparemment dans le prochain tome, les aventures de nos héros de la Lanterne de Nyx prennent un sacré tournant dans ce tome qui est à lire en regard du précédent.

Momo est désormais tourné à la fois vers la reconquête de Juliette, qu’il espère pouvoir aider à guérir, ce qui nécessite pas mal de sous, et vers une nouvelle opportunité commerciale : la diffusion d’ukyo-e, sur laquelle il serait le premier. Si j’ai complètement décrochée de la première intrigue car j’ai du mal à sentir désormais de l’alchimie entre Momo et Juliette, et que l’autrice a rendu cette dernière trop acariâtre pour moi en insistant lourdement sur son pauvre passé de jeune fille vendue pour devenir prostituée… Trop de drama… En revanche, la partie commerciale et culturelle m’intéresse bien plus, sauf qu’en comparaison, elle lui consacre bien moins de pages et c’est triste. J’ai beaucoup aimé en apprendre plus sur ce pan de la culture japonaise que je connaissais bien mal. Kan Takahama nous instruit de façon totalement détournée au fil de son histoire, ainsi tout ce qu’on apprend, et c’est vraiment riche, passe à l’intérieur d’une narration très dynamique et on n’a pas l’impression ainsi d’avoir en face un article d’encyclopédie comme parfois ^^!

En plus, c’est vraiment l’occasion de passer d’un monde à l’autre. Momo est celui qui fait le lien avec son commerce, mais il est aidé cette fois par le voyage de Miyo, qui se rend en France pour parfaire sa formation avant l’aller aux Etats-Unis. Je continue à trouver celle-ci un peu trop transparente, peut-être à cause de sa trop grande naïveté. Par contre, je suis fan de tout ce qui se produit autour d’elle. Les adultes japonais qui l’aident et la pousse sont terriblement touchants dans leur rudesse apparente. J’ai beaucoup aimé le petit interlude avec Minpei, juste adorable et venant à point nommé pour aider Miyo à guérir de sa première tocade. Mais surtout, j’ai trouvé très amusant de vivre ce voyage d’un mois et demi à travers les yeux innocents de Momo. On découvre sa difficulté à communiquer, à prononcer certains sons, son émerveillement de toutes ces cultures différentes… Arrivée à Paris, il en va de même, c’est d’un regard neuf qu’elle découvre notre culture et ses multiples expressions. Fascinant.

Cependant, on la sent vite prise dans un tourbillon instillé par les amis de Momo ainsi que pour les acteurs de son futur travail. Kan Takahama ne perd pas de temps en observations stériles, elle fait avancer son histoire avec dynamisme quitte à accélérer un peu trop peut-être certains passages. Ainsi, tout se passe très vite, le voyage, son arrivée, ses premiers jours, ses premières rencontres. C’est très plaisant à suivre parce que tout le monde a le sourire et l’envie de l’aider à s’adapter, mais ça manque un peu d’approfondissement et du coup, j’ai eu l’impression de rester en surface. Je n’ai pas réussi à plonger pleinement dans l’histoire et à ressentir ce petit truc en plus.

Comme toujours, j’aime beaucoup l’univers de la Lanterne de Nyx qui mélange quête personnelle, romance et découverte de deux cultures qui se confronte. Le titre a une dimension culturelle très forte qui me parle et me rend curieuse. J’adore me cultiver en lisant ce manga mais le décor ne me suffit pas, j’aurais aimé à ce stade avoir aussi quelque chose d’un peu plus profond.

Tome 6

Si on m’avait que j’aimerais autant cette série quand j’ai vu passer son annonce à l’époque, je ne l’aurais pas cru. Avec ses dessins un peu trop occidentaux et le titre précédent de l’auteur sur une geisha (je crois), je n’étais pas du attirée par lui, mais il a suffi d’une belle interview de l’autrice pour me décider et je ne le regrette pas du tout.

Ce dernier tome offre tout ce que j’aime : de l’émotion et un final très juste sur une très belle histoire. J’ai vraiment été touchée et émue par ces derniers chapitres, le message qu’ils renferment et les personnages qu’ils nous font côtoyer, le tout en nous instruisant.

Dans ce dernier arc se déroulant à Paris, tout se mélange. On retrouve une Miyo qui découvre l’apprentissage dans une grande entreprise. Elle apprend le métier de vendeuse mais surtout elle est formée à l’école de la vie et les horizons qui s’ouvrent à elle sous tout aussi complexes qu’au Japon. Qu’on soit à Nagasaki ou à Paris les relations entre les gens sont toujours aussi complexes et les émotions sont universelles. L’autrice nous offre une très belle aventure en ce sens. J’ai beaucoup aimé voir Miyo évoluer entre Kurokawa, l’ancien amant de Judith, cette dernière qui a du mal à se remettre, le fidèle Momo bien sûr et les trublions Marie et Victor. Ils forment un groupe aux nombreuses dynamiques.

Mais ce qui est particulièrement mis en lumière dans cette histoire et que j’ai trouvé attachant, c’est le thème de la deuxième chance. Aucun des personnages n’est parfait. Chacun a commis des héros et chacun se repend et travaille pour s’améliorer, c’est très touchant. Ce sont tous des hommes et des femmes avec des fragilités mais celles-ci ne sont jamais dénigrées, elles sont au contraire soulignées pour devenir des forces par la suite. C’est particulièrement frappant avec l’héroïne et son parcours de vie. Alors qu’elle peut sembler être un personnage un peu accessoire face à la vie bien plus dure qu’a vécu Momo, c’est son vécu qui permettra à tout le monde de trouver le bonheur. J’ai vraiment beaucoup aimé la façon dont elle s’insère dans la relation Judith-Momo pour porter secours à cette dernière et la sauver. J’ai été très très émue par ce passage.

La finesse de l’autrice, toutefois, la pousse à n’oublier aucun des autres personnages et dans cet ultime volume, elle offre discrètement, l’air de rien, un bel avenir à chacun d’eux à l’aune de ce qu’il désire au plus profond de lui. C’est souvent doux – amer, à l’image des histoires de Tama, Victor ou Kurokawa mais c’est porteur d’une grande force, celle de croire en soi, en l’autre et en l’avenir.

Le titre se veut également résolument féminin avec un portrait de femmes vraiment très fortes et marquantes. Malgré ses fragilités, Judith est une femme que j’ai appris à apprécier et qui illustre à merveille la terrible vie vécue par les courtisanes à l’époque, tout comme Tama. J’ai beaucoup aimé également le destin de Marie, archétype un peu de la femme instruite de la petite bourgeoise, sorte de bas bleu. Et quant on voit la belle histoire de Miyo, on ne peut qu’être enthousiaste aussi. C’est vraiment un titre qui traite les femmes avec justesse.

Dernier point dont je souhaite parler, c’est tout l’érudition dont l’autrice aura fait preuve tout au long de cette histoire. Comme elle le dit elle-même, le fait de s’appuyer sur certains personnages ayant existé ainsi que sur des faits historiques a vraiment donné une teinte toute particulière à son récit. Chaque événement qui se produit a l’air crédible. Les développements autour du marché de l’Art en Asie, en Europe et aux Etats-Unis sont crédibles. Et surtout, on a appris énormément de choses dans son titre en croisant aussi bien Edmond de Goncourt en France, que Mme Kai au Japon. J’ai adoré dans ce tome ce que j’ai découvert sur les estampes, leur origine, leur lecture et leur accueil. C’était passionnant de voir « en vrai » un salon d’amateurs du Japon. Quant à la teinte historique avec le récit de l’évolution de ce marché et le triste devenir du Japon, elle était parfaite.

Ce fut donc assurément une très belle lecture qui m’a charmée de tome en tome. J’ai eu un petit passage à vide au milieu mais cela n’a en rien affecté la suite. Au contraire, l’autrice a parfaitement su expliquer et justifier tout cela dans un final très juste où rien n’est oublié ou laissé au hasard. Cela donne un récit cohérent mais surtout très fort et émouvant où les questions de l’Art, du commerce et des femmes m’ont vraiment parlé. J’ai été émue par le destin courageux de ces femmes et de ces hommes dans cette fin de XIXe siècle bouillonnant, leur force de caractère mais aussi leur ouverture d’esprit étaient superbes. J’espère que l’autrice écrira d’autres titres de cet acabit.

Ma note : 15,5 / 20

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©Kan Takahama, 2016 / © Glénat, 2019

13 commentaires sur “La Lanterne de Nyx de Kan Takahama

  1. bonjour, comment vas tu? j’ai lu le premier tome. tout comme toi, je n’étais pas attirée à cause du trait trop occidental. mais l’histoire est très plaisante. il faudra que j’achète la suite à l’occasion. passe un bon mercredi et à bientôt!

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