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Ashidaka : The Iron Hero de Ryo Sumiyoshi

Titre : Ashidaka : The Iron Hero

Auteur : Ryo Sumiyoshi

Éditeur vf : Glénat (shonen)

Année de parution vf : 2020-2022

Nombre de tomes : 4 (série terminée)

Histoire : Un shonen cyberpunk Next gen ! Depuis un combat apocalyptique opposant un Dieu et un Démon, l’humanité s’est vue dotée d’une paire de « bras d’acier » supplémentaire et vit sur une Terre infestée de droïdes mécaniques. Parmi eux, ceux qui possèdent plus de deux bras d’acier sont considérés comme des « descendants du démon », des « multibras » tués ou abandonnés à la naissance. Notre héros, Ashidaka, fait partie de ces derniers, et survit en chassant les droïdes.
Passionné par ces créatures et leur customisation, il cultive son talent jusqu’à ce qu’un beau jour, le Démon revienne sur Terre pour bouleverser l’ordre établi… Après avoir fait preuve de ses talents dans le très artistique Centaures, Ryo Sumiyoshi rejoint le grand éditeur Kodansha (Akira, Gunnm, L’attaque des Titans, Ajin…) pour se frotter à l’exercice le plus technique du manga : réaliser une série shônen.
Dans une ambiance cyberpunk post-apocalyptique qui n’est pas sans rappeler Nausicaä de Miyazaki, elle continue à explorer un thème qui lui est cher : les être hybrides, en se tournant vers un récit d’aventures tout en action grâce au jeune héros Ashidaka.

 Mon avis :

Tome 1

J’ai découvert Ryo Sumiyoshi il y a quelques années avec l’excellent Centaures qui fut aussi bien une expérience graphique qu’émotionnelle, une lecture vraiment à part et marquante. Cependant, quand j’ai entendu parler d’Ashidaka lorsque Glénat en a commencé la publication numérique en simultrad avec le Japon, je n’ai pas été plus emballée que ça. Je n’avais pas l’impression de retrouver la patte graphique de l’autrice qui m’avait tant plu. Mais les copains blogueurs ont tellement fait d’éloges sur la sortie du premier tome en relié que j’ai eu envie de me faire mon avis moi aussi.

Avouons-le tout de suite, je suis ravie d’être allée au-delà de mes a prioris parce que j’ai adoré ce que j’ai découvert. Certes, nous sommes loin de l’ambiance graphique de Centaures et contrairement à ce titre, je n’ai pas vécu une expérience graphique folle avec Ashidaka, cependant l’autrice ne s’est pas perdue pour autant. Elle a adapté son style au type de récit qu’elle propose, un cyberpunk sale et sombre qui fait mal là où il passe. On retrouve d’ailleurs toute la force de son trait déjà présent dans Centaures, dans les regards et les faciès en colère ou frustrés des personnages, ainsi que dans la vivacité des scènes d’action qui sont à couper ou plutôt déchirer au couteau. Le revers de la médaille, c’est tout de même que cela manque de lisibilité parfois. Cela pousse du coup à s’attarder sur les pages pour tenter de comprendre alors que le rythme du récit pousse plutôt à aller plus vite. Déstabilisant et pas toujours plaisant.

Le récit proposé, lui, l’est bien plus. C’est clairement lui qui fait toute la force du titre et qui a retenu mon attention. Cependant il n’est pas forcément simple d’en parler tant ce premier tome nous plonge progressivement dans les méandres d’un monde à multiples mystères et ramifications.

Tout commence dans un monde futuriste et sombre, où chaque être « humain » né en possédant une paire de bras supplémentaire en acier. Cette évolution a eu lieu après l’attaque et la défaite d’un monstre mythologique : le démon aux 100 bras d’acier. Sauf que dans cette société, des êtres naissent avec des paires de bras supplémentaires et ils sont rejetés, abandonnés ou tués car ils représentent une menace. On pense qu’ils seront à l’origine du retour de cette horrible bête mythologique.

Le héros fait bien sûr partie de cette caste de multibras. Il vit dans une décharge avec un ami-mentor-père. Ensemble, ils chassent les droïdes desquels ils se nourrissent, prélevant sur eux huile et pièces détachées dont ils ont besoin pour survivre. Ashidaka n’est d’ailleurs pas bien doué pour le combat, lui son truc c’est de démonter les droïdes. Sauf qu’Ashidaka n’a jamais oublié sa mère. Il tente donc d’aller la voir en ville mais tout le monde l’y persécute. Mais un beau jour, un immense mille-patte, sorte de réincarnation du démon aux 100 bras d’acier surgit et attaque la ville.

Voici les débuts de l’histoire, mais il y aurait encore mille choses à dire sur l’univers. Celui-ci, d’inspiration cyberpunk est extrêmement riche. Il m’a à la fois fait penser à Gunnm bien sûr, pour ce héros qui vit dans une décharge rejeté par ceux de la grande ville, mais également à District 9 quand on les voit combattre les droïdes. Cela plante de suite un décor âpre, sombre et mature et j’ai été surprise de voir le titre classé en shonen, mais tant mieux si l’on ose aussi proposer des récits plus durs comme celui-ci, cela montre la variété du genre.

J’ai beaucoup aimé l’art de la narration dont fait preuve Ryo Sumiyoshi, qui nous amène petit à petit vers un récit de plus en plus dense et mystérieux reposant sur une mythologie simple mais solide qu’elle explique progressivement sans que cela alourdisse son récit. Celui-ci est vif, oppressant et surprenant. Nous sommes dans un univers dystopique où racisme, rejet et persécutions sont au coeur de l’histoire. Cependant, l’autrice l’englobe dans un récit d’aventure avec des combats, des mystères mais aussi de l’espoir et de beaux sentiments.

Comme dans Centaures les personnages sont particulièrement bien travaillés. J’ai beaucoup aimé la relation père/mentor-fils/élève qu’il y a entre Ashidaka et Geji. C’est plein de douceur et d’amertume pour ses deux personnages que la vie a bien malmené mais qui ont trouvé une forme de réconfort dans leur présence mutuelle. J’ai également aimé que l’autrice ne fasse pas de la mère d’Ashidaka une caricature, le lien qui l’unit à son fils est plus profond et complexe. Enfin, le groupe de rebelles qu’ils vont croiser dans la deuxième partie offre de belles réflexions sur le sentiment de persécution et sa réciprocité. C’est vraiment sombre mais tellement humain. Je ne vais pas en dire plus pour vous laisser le plaisir de la découverte.

Sachez juste qu’il ne faut pas s’arrêter à la couverture pas très vendeuse de Glénat, ni aux dessins un peu austères peut-être si on se contente de feuilleter. L’univers proposé par Ashidaka The Iron Hero est vraiment très prometteur. Il met en scène une aventure sombre dans un monde à la mythologie bien posée mais sans concession et offre de belles réflexions sur le racisme et les persécutions, le tout dans un univers de cyberpunk qui plaira aux amateurs de SF et de Gunnm. Foncez !

Tome 2

Toujours dans une ambiance très proche de Gunnm et des autres titres de cyberpunk, Ryo Sumiyoshi développe son récit mais sur un schéma un peu trop semblable au premier tome dont il serait bon de s’éloigner.

En effet, la construction du tome est la même : combats impressionnants, découvertes et révélations sur l’univers avec l’arrivée de nouveaux personnages, et à nouveau préparation de nouveaux combats… C’est un peu trop classique pour moi car j’ai connu l’auteur plus inspiré sur son autre série. De la même façon, je trouve ses dessins, certes plus adaptés au présent récit, mais plus lisses et perdant ce grain, ce charme qui lui étaient si particulier, ce que je regrette.

Ashidaka a fait la rencontre de l’Armée anti-démons qui questionne largement sa philosophie de vie. Cette confrontation va être riche en enseignements et réflexions en tout genre pour lui mais également pour eux. C’est la partie la plus intéressante à ce jour de l’histoire, l’auteur mélangeant des questions militaristes, à des questions raciales et philosophiques sur la vie au sens large. C’est quelque chose qu’il maîtrise vraiment puisqu’on pouvait retrouver certaines de ces interrogations sous une autre forme et dans un autre décor, dans son précédent titre : Centaures.

Cela s’associe avec des scènes d’affrontement de ces démons particulièrement effrayantes où on a juste l’impression, sous le coup de crayon un peu flou et brouillon du mangaka, de voir des insectes métalliques se battre les uns contre les autres. Et quand on n’est pas fan des bêtes à pattes crochues comme moi, ça file des frissons tant l’horreur et la dangerosité de celles-ci sont bien rendues. En plus, Ryo Sumiyoshi interroge vraiment sur la frontière entre les hommes et les démons l’air de rien, tant ceux-ci sont proches aussi bien dans leur apparence première que dans les interactions et interdépendances qu’ils ont. C’est assez fascinant.

Pour ma part, ce nouveau tome m’a à nouveau embarquée dans les aventures hautes en couleur et surtout viscérales du héros qui voit sa vie sans cesse remise en danger mais également celle de ses proches. Cette rencontre avec la résistance est fascinante et bien orchestrée. Elle permet d’en apprendre un peu plus à la fois sur les créatures qu’ils combattent et sur les combattants eux-même, même si l’univers reste encore plein de mystère. Cependant, le héros se fois confier un but, une quête, un rôle et c’était ce qu’il lui manquait. Cela devrait donc rendre le récit plus fluide et facile à suivre pour la suite.

Bien que très différent en apparence de Centaures, ma série coup de coeur de l’auteur, Ashidaka se révèle en fait riche également en réflexion sur notre rapport à l’autre, à la violence, à la famille et j’aime beaucoup cela car c’est assez inattendu.

Tome 3

Ashidaka est une série qui continue à me partager. J’aime l’univers et les réflexions amenées par Ryo Sumiyoshi dedans, mais je ne peux m’empêcher de trouver l’ensemble brouillon et bien plus faible que ne l’était sa série précédente Centaures.

Dans ce nouveau tome, l’autrice nous propose de suivre à nouveau son héros ultra énergique dans ses aventures contre le mille-pattes géant. Entre de nombreux combats et de grands élans héroïques, celui-ci va se trouver un nouveau compagnon mais aussi un nouvel ennemis. Le récit avance donc et est toujours aussi entraînant. L’autrice interroge également sur sa mythologie, créant du mystère autour de la famille de Geji et d’un ancien Gardien céleste. On ne peut donc pas dire qu’on s’ennuie dans ce tome.

Cependant, sous ce joli tableau se cache une narration assez brouillonne qui peut rendre la lecture moins agréable que prévue. En effet, souvent on peine à comprendre les tenants et aboutissants de ce qui se passe sous nos yeux. C’est inutilement alambiqué. Les explications techniques sur les arms ne sont pas des plus passionnantes et viennent encore ralentir le tout. Les personnages sont parfois trop verbeux et choisissent mal leur moment pour cela. La parution assez lente des différents tomes n’aident pas non plus à vraiment se plonger dans l’univers, pas plus que les dessins qui eux aussi manquent souvent de lisibilités lors des scènes un peu vives et dynamiques. C’est donc tout sauf une lecture aisée.

Et pourtant, malgré tout on se prend au jeu. On aime la vision très personnelle de l’autrice sur le cyberpunk, avec ce mélange d’organique et de folklore apportés par les humains et animaux d’origine, et de mécanique futuriste mais rappelant le steampunk avec les arms de tout un chacun. C’est fascinant. On aime voir se dessiner un héros avec une aura mythique qui se constitue autour de lui son groupe de camarades pour partir en guerre. On aime voir apparaître un antagoniste qui sème le doute et pose des questions sur la légitimité de leur combat. Ryo Sumiyoshi propose un manichéisme plein de nuance et de réflexion, qui interroge. Ainsi, ce n’est pas un simple affrontement des gentils humains contre les méchantes bestioles.

Alors le titre a beau continué à être très très flou et brouillon aussi bien dans sa narration que ses dessins, il a aussi ce je-ne-sais-quoi que me fascine, m’intrigue et me pousse à avoir envie de lire la suite pour démêler l’ensemble des fils. C’est déjà pas si mal pour un shonen de SF à la petite touche western.

Tome 4 – Fin

Pauvre série malmenée dans sa publication. Elle souffre malheureusement encore plus dans ce dernier tome de sa publication compliquée et chaotique et l’on sent que cette fin est écourtée, avortée, empêchant l’auteur d’exploiter à fond les thèmes et l’univers imaginé. Que c’est frustrant !

Pour les amateurs d’univers post-apo à la Mad Max où tout n’est que furie, tension, action et combats explosifs, il y a de quoi se régaler dans ce dernier tome qui offre l’affrontement final bouclant la boucle de la série, avec un retour aux sources contre le classique ennemi premier d’Ashidaka. L’auteur nous offre ainsi des scènes à couper le souffle et à couper au couteau où son dessin âpre permet de bien mettre en tension les nouvelles armes et attaques de ses personnages. C’est explosif et on sent presque les pages se déchirer devant nous.

Pour les amateurs de belles réflexions humanistes et de beaux sentiments, il y a aussi une belle idée sous-jacente, celle de créer un monde meilleur où tout le monde serait accepté, peu importe ses particularités. Cette utopie trouve d’ailleurs moyen d’éclore dans les dernières pages et fait chaud au coeur, tout comme ce fut un bonheur de suivre un héros aussi positif encore et toujours dans l’adversité, entraînant tout le monde autour de lui au final.

Là où ça pêche, c’est clairement dans l’exécution de l’ensemble de cela. On sent l’auteur pressé. Le récit se précipite beaucoup trop. Il perd en lisibilité, gagne en lourdeur aussi bien graphique que scénaristique, ce qui rend l’ensemble à la fois trop rapide et fouillis, manquant d’approfondissement et étant déjà lourd dans ce qu’il propose et martèle un peu de manière répétitive comme si on n’était pas capable de l’assimiler du premier coup. La lecture s’est donc révélée besogneuse et pas forcément des plus agréables. Je regrette vraiment ce sentiment de potentiel gâché.

J’ai eu l’impression à plusieurs reprises que des fils de l’histoire étaient avortés, oubliés, enterrés, pour se concentrer uniquement sur l’action et ce dernier duel. C’est fort dommage. La confrontation avec les multiarms qui pensent différemment d’Ashidaka et sa clique est inaboutie. La mythologie derrière les héros légendaire, ainsi que dernière la paternité du héros, également, c’est frustrant. Il y avait tellement à faire et on a accouché douloureusement d’une souris. Alors certes le message final est sympa, l’habillage général aussi, mais dans les détails, c’est raté.

Je salue l’initiative de Glénat d’avoir voulu continuer à oublier une autrice qui sort un peu des sentiers battus avec Ryo Sumiyoshi, mais je déplore vraiment la qualité de ce titre, qui au final fut un gros pétard mouillé. J’avais pressenti bien des promesses dans le premiers tomes avec ces vibes à la Gunnm matinées de Mad Max, avec un zeste de mythologie asiatique et beaucoup de post-apo cyberpunk. La mauvaise gestion de la publication au Japon a gâché tout ce potentiel pour nous donner un gloubiboulga assez indigeste, avec certes un trait marqué mais souvent peu lisible, certes une histoire torturée mais surtout tortueuse à lire. Je suis déçue, ça aurait pu être tellement mieux.

(Merci à Sanctuary et Glénat pour ces lectures)

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© 2020 Ryo Sumiyoshi

7 commentaires sur “Ashidaka : The Iron Hero de Ryo Sumiyoshi

  1. Si on occupe le problème de lisibilité qui, pour la myope que je suis reste un gros point noir, ce premier tome semble plutôt réussi avec une certaine densité dans l’histoire et des messages forts. Je trouve aussi le point de départ plutôt original, du moins, par rapport à mes lectures…

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