Livres - Fantasy / Fantastique

Yardam d’Aurélie Wellenstein

Titre : Yardam

Auteur : Aurélie Wellenstein

Editeur : ScriNeo

Année de parution : 2020

Nombre de pages : 480

Histoire : À Yardam, la folie est sexuellement transmissible.
Dans l’espoir d’endiguer l’épidémie, la population est mise en quarantaine, isolée du reste du monde.
Le virus n’a pas épargné Kazan. À l’image de la ville qui s’enfonce dans le chaos, il sombre lentement.
Pour s’en sortir, il serait prêt à toutes les extrémités, y compris à manipuler Feliks et Nadja, un couple de médecins étrangers venu s’enfermer volontairement dans la cité pour trouver un remède. Dans son désespoir, il va accomplir le pire…

Mon avis :

J’ai découvert la plume d’Aurélie Wellenstein l’an passé avec Le roi des Fauves et j’ai dévoré une grande partie de sa bibliographie depuis avec parfois de gros coups de coeur et d’autres de légères déceptions. Je sais donc qu’avec elle, ça passe ou ça casse. Cette fois, c’est passé mais ce n’est quand même pas un coup de coeur, juste une très chouette lecture.

L’autrice m’avait habituée dans ses précédents titres à suivre des héros adolescents ou tout juste entrés dans l’âge adulte qui vivaient bien des épreuves dans un monde souvent sombre et suffocant à la limite du supportable. Je m’attendais donc à retrouver cette même teinte ici et ce fut le cas, mais pas tout à fait ^^!

En effet, cette fois, c’est un homme adulte dont nous suivons les aventures, première entorse à ce que j’attendais de l’autrice. Ensuite, oui l’univers sera sombre et dérangeant, mais finalement moins que ce qu’elle a déjà pu proposé et je suis restée un peu sur ma faim à cause de cela.

Cependant, Aurélie Wellenstein offre un univers vraiment intéressant dans Yardam. Dans une sorte de huis clos, elle nous conte comment la folie peut s’emparer collectivement d’une population quand un virus inconnu vient semer le désordre et qu’on arrive pas à le comprendre, le cerner et le maîtriser. Ce virus qui n’a pas de nom se transmet lors de relations sexuelles quand il s’agit de reproduire les « contaminateurs » si je puis dire, mais il peut aussi se transmettre lors d’un simple baiser et faire ainsi encore plus de ravages lorsqu’il s’agit de faire « des victimes » afin que les « contaminateurs » puissent continuer à vivre sans devenir fou. Notre héros est l’un de ces « contaminateurs » mais il est lui aussi une des victimes et c’est cela qui est terrible.

J’ai véritablement été plus fascinée par l’univers mis en scène par l’autrice que par ses personnages qui n’en sont que les dramatiques outils. En effet, cette maladie à l’origine de tout, qui fait des ravages et qui enferme la ville de Yardam dans une quarantaine inextricable, est terrible. Elle frappe aussi bien les victimes des baisers qui deviennent des coquilles vides, que les « contaminateurs » qui deviennent des sortes de vampires pris dans un cercle vicieux, celui de devoir coucher pour partager leur trop plein d’âmes et ainsi répandre le virus, puis celui d’embrasser pour voler des âmes sous peine d’être en manque, répandant à nouveau le virus dans une autre direction. C’est sans fin. En plus, ils doivent vivre avec ce qu’ils font au quotidien, littéralement, puisqu’ils entendent dans leur tête les voix de ceux qu’ils absorbent, et tout le monde n’est pas assez doué pour faire un choix raisonné quant à celle-ci, ça peut donc vite devenir le chaos dans leur tête.

Le héros, Kazan, est à l’image de ceux de l’autrice, un pauvre bougre qui n’a rien demandé, qui subit et est dramatiquement touché par tout ça. Pour une fois, c’est un homme adulte à qui on a affaire, ce que j’ai apprécié. Il a un parcours de vie assez terrible avec ce rejet de la part de sa famille à cause de la façon dont est morte sa mère. Il s’est donc construit de travers et cela va tout faire capoter dans notre histoire. D’un « pouvoir » qui aurait pu le tirer vers le haut, il le ressent lui comme une malédiction et une fois cela posé, tout est dit. L’histoire qu’il va vivre et qu’on va vivre avec lui ne peut être que dramatique.

Tout commence, lorsque la quarantaine est annoncée. Kazan essaie de s’échapper mais se faisant il fait une rencontre qui va tout changer en croisant la route de deux médecins qui souhaitent absolument entrer pour venir en aide à la population de Yardam. Sans trop savoir pourquoi, Kazan va les aider et une fois leur chemin croisé, beaucoup de choses vont être chamboulées dans sa vie.

Ce qui est surprenant dans ce récit, comme souvent dans ceux d’Aurélie Wellenstein, c’est qu’elle ne nous emmène pas forcément là on pouvoir le croire. Tout au long du récit, elle fait rebondir celui-ci dans des directions surprenantes et inattendues, allongeant ses fils narratifs, en créant de nouveaux ou en coupant des non prometteurs, tout cela pour créer au final une histoire dramatique et puissante.

Dans ce récit, beaucoup d’éléments m’ont frappée : l’utilisation de la ville, la vie de misère du héros, la folie de la population quant à ce virus. Mais surprenamment ce que je garde en tête une fois le tome refermé, ce n’est pas tout ça, non, c‘est la superbe histoire tragique tissée entre Kazan et les deux médecins : Feliks et Nadja. Il est dur d’en parler sans spoiler un certain événement qui arrive assez tôt, qui surprend et qui fait tout basculer mais je vais essayer. Avec eux, Kazan va former un bien étrange triangle amoureux et c’est dans celui-ci que j’ai retrouvé tout ce que j’aime chez l’autrice. Sa description des sentiments de Kazan, la façon dont il peine tant à les gérer, dont ça le chamboule jusqu’au plus profond de lui-même est juste poignante. Ça prend aux tripes et ça ne nous lâche plus, au point de totalement transformer également la vision que l’on pouvait avoir des personnages et de l’histoire. Les pages qui lui sont consacrées sont magiques !

Cependant, l’autrice se limite par trop dans l’expression finale à celle d’une pandémie. J’ai été frustrée de ne pas retrouver toute la terrible noirceur dont elle avait su faire preuve dans Le roi des Fauves et Le Dieu Oiseau. Je l’ai trouvé bien soft ici. Alors certes, on parle de relations forcées, de viols, il y a pas mal de violence, on passe un temps fou dans la partie la plus miséreuse de la ville, on assiste à ce qu’il y a de pire dans un hospice, mais l’autrice m’avait habituée à aller plus loin et à être plus dérangeante. Ici, elle s’arrête avant que ça le devienne vraiment, retenant toujours ses coups et cela se sent. Avec un cadre aussi prometteur, elle aurait pu aller bien plus loin dans les sévices et la folie. Je ressors donc un poil déçue, ce qui m’empêche ici d’avoir un coup de coeur.

Faisant le pari d’un titre qui s’adresse à un public plus âgé, avec un héros de leur âge, paradoxalement l’autrice propose au final un titre moins dur. Alors que Le roi des Fauves et Le Dieu Oiseau s’adresse à un public de jeunes adultes mais conviennent plus à des adultes, selon moi, ici c’est l’inverse, je trouve que Yardam passeraient très bien avec un public plus jeune car il remue moins et va moins dans ce qui pourrait choquer. Du coup, même si c’est comme toujours très bien écrit, que j’ai adoré le développement autour du virus, de la ville et du héros, je reste sur ma faim. J’attendais et j’aurais aimé quelque chose de plus rude.

18 commentaires sur “Yardam d’Aurélie Wellenstein

  1. Ce qui t’a un peu gênée, le fait que ce soit moins sombre que d’autres romans de l’autrice, est ce qui me motiverait à faire sortir Yardarm de ma PAL. Je ne suis pas contre le très dérangeant, mais j’aurais tendance à plus facilement me tourner vers des romans « simplement » sombres…
    En tout cas, tu en as dis suffisamment pour m’intriguer quant au trio !

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  2. L’univers est effectivement très intéressant et déroutant ! Je suis contente qu’il ai réussi à te plaire malgré la violence qui en découle. Comme toi, certains personnages ou passages m’ont prise aux tripes ! Par contre, je ne pense pas qu’un public plus jeune puisse supporter ce livre… C’est quand même sombre, sanglant et sexuel ! Milieu/fin lycée, à la limite, mais pas forcément avant…

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    1. Haha je n’ai vraiment pas la même définition du jeunesse, pour moi c’est jusqu’à 18-20 ans parce que j’y englobe le Young Adult. Après, je me rappelle aussi avoir lu des romans adultes très tôt dès le collège, c’est peut-être pour ça que j’ai tendance à penser que ça pourrait le faire dès la fin collège.

      Mais clairement c’est encore une fois un très bon texte et Aurélie Wellenstein est vraiment une autrice que j’aime suivre 😀

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  3. Comme pas mal de ces romans, j’ai bien envie de me laisser tenter mais j’ai tellement été déçue par Le Roi des fauves que j’hésite encore. Je n’avais vraiment pas accroché avec les personnages mais l’originalité de l’univers m’avait bien plu même si je trouvais que c’était pas assez exploité.

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    1. Je ne suis pas forcément de bons conseils alors parce que moi j’ai adoré Le roi des fauves, c’est mon préféré avec Le dieu oiseau. Du coup, on risque de voir les choses différemment et peut-être que nos avis vont se croiser et que toi tu peux aimer Yardam, que je trouve chouette, mais en-dessous des deux autres 😉

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  4. J’ai eu cette sensation aussi que Yardam était légèrement moins choquant que les deux titres que tu as cité. Le cannibalisme est quasiment souvent vu comme un « crime du sacré, sa présence dans le Dieu oiseau est p’tête la raison de cette sensation. En tout cas, tu as apprécié ta lecture dans l’ensemble et c’est super

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  5. C’est amusant, c’est exactement l’inverse pour moi, j’ai trouvé ce titre très dérangeant et bien plus noir que les autres, y a carrément des paragraphes que j’ai lu en diagonale parce que un peu trop graphiques pour moi ^^.
    Mais je te rejoins sur le triangle amoureux qui m’a fascinée.

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