Livres - BD / Illustrations

Idiss de Richard Malka, Robert Badinter et Fred Bernard

Idi

Titre : Idiss

Auteurs : Richard Malka, Robert Badinter et Fred Bernard

Editeur vf : Rue de Sèvres

Date de sortie : le 31 mars 2021

Nombre de pages  : 128

Résumé : « J’ai écrit ce livre en hommage à ma grand-mère maternelle, Idiss. Il ne prétend être ni une biographie, ni une étude de la condition des immigrés juifs de l’Empire russe venus à Paris avant 1914. Il est simplement le récit d’une destinée singulière à laquelle j’ai souvent rêvé. Puisse-t-il être aussi, au-delà du temps écoulé, un témoignage d’amour de son petit-fils. »

Mes avis :

Par bêtise, j’ai failli passer à côté de cette très belle bande dessinée – témoignage. La couverture au trait un peu naïf avec son héroïne à l’allure pauvre marchant dans la neige ne m’attirait pas vraiment. C’est après avoir découvert que c’était l’adaptation d’un roman de Robert Badinter, homme que j’apprécie tout particulièrement, sur l’histoire de sa famille que j’ai eu très envie de découvrir cette BD et j’ai bien fait !

Dessiné et mis en couleur par Fred Bernard, scénarisé par Richard Malka d’après le livre de Robert Badinter, Idiss est le récit de la vie de sa grand-mère et à travers elle de sa famille, une famille juive à l’époque de la montée de l’antisémitisme, d’Hitler, de Lénine et de Staline. L’histoire débute en Bessarabie (entre l’Ukraine et la Roumanie) pour s’achever en France. Elle relate le parcours d’une vie et l’histoire d’une population injustement opprimée à travers l’exemple d’une famille.

Le récit débute tranquillement mettant en scène la vie simple mais déjà miséreuse et difficile d’Idiss, la grand-mère de Robert Badinter, une femme forte qui parvient malgré tout à être heureuse et pleine d’amour en dépit des difficultés. Cependant, déjà en filigrane derrière, nous sentons poindre les persécutions anciennes contre les juifs qui montent qui montent. Le ton est donc donné, les auteurs nous proposent un savant mélange entre histoire personnelle et grande Histoire.

J’ai été touchée par l’histoire de vie de cette femme, Idiss, une mère courage comme on en fait peu. On la voit toujours tout faire pour survivre et lutter avec abnégation. Elle traverse ainsi la pauvreté systémique de l’époque avec astuce grâce à la contrebande et aux magouilles. Elle survit au retour de son mari, la pauvreté qu’il engendre pour eux avec sa passion pour les jeux d’argent et les dettes qu’il crée. Elle donne naissance à une fillette de qui elle sera proche toute sa vie.  Quelle femme !

Cependant la vie reste difficile, les tensions montent et son mari n’aide pas beaucoup. Ils finissent donc pas partir vivre à Paris auprès de leur deux fils aînés. Paris est symbole d’espoir, de vie meilleure, de moins de persécution et d’acceptation de peuple juif contrairement à l’endroit d’où ils viennent. Et dans un premier temps, c’est vrai. La famille à force de travail parvient à s’en sortir. L’image du self made man est forte pour les hommes de la famille. Cependant l’intégration n’est pas facile pour cette petite campagnarde étrangère, il y a la barrière de la langue, la culture qui est différente, ainsi malgré ses efforts Idiss n’est jamais parfaitement intégrée.

Malgré tout, le temps passe, la famille s’installe, prospère, les générations passent, des petits-enfants arrivent : Robert et son frère, deux garçons brillants. C’est le bon temps. Leur grand-mère est très présente et a une belle relation avec sa fille. Malgré quelques petites dissensions comme dans toute famille, tout le monde se porte bien. On pourrait donc croire à une accalmie. C’est mal connaître le cours de l’Histoire.

Nous découvrons alors la montée de l’antisémitisme, celle d’Hitler et la guerre arrive inéluctablement. Le récit de tous ces événements historiques est fait avec beaucoup de douceur et une certaine pudeur qui n’enlève rien au drame qui se joue. Les auteurs en font le récit en parallèle de celui de la fin de vie d’Idiss, très malade. C’est déchirant mais inéluctable. On assiste alors à des événements connus : l’arrivée des lois anti-juives et la peur que ça occasionne chez les familles juives qui tentent de fuir même si ça les condamne encore à une vie difficile. La dernière page, en ce sens, est glaçante avec ce portrait de ce qu’il est advenu de la famille de Robert : ses deux oncles déporté ou interné, un seul en revient ; son père et sa grand-mère déportés, n’en reviennent pas…

C’est donc un récit âpre et sans concession que nous font les auteurs. Robert Badinter raconte avec lucidité l’histoire de sa famille, de leurs premiers jours difficiles en ex-URSS jusqu’aux beaux jours parisiens, avec le drame nazi. C’est rude et pourtant tellement doux, chaleureux et poétique grâce aux dessins un tantinet naïfs de Fred Bernard, qui malgré une mise en page parfois surchargée parvient à nous transmettre tout l’amour et la force de cette famille au-delà des drames qu’elle vit, notamment grâce à une très belle mis en couleur aux crayons de couleur (?).

Je recommande donc vraiment chaleureusement cette bande dessinée aux curieux de cette époque charnière de notre histoire collective. En plus d’être un très beau livre (relié avec signé, papier épais, annexes sur le projet et les lois anti-juives françaises et allemandes), c’est un témoignage poignant et puissant d’un homme de lettres qui ose retracer le parcours douloureux mais lumineux de sa famille sur une période qu’il a lui-même connue.

Merci à Rue de Sèvres pour cette lecture et leur confiance.

>> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Les voyages de Ly, Yuyine, Natiora, Les mots de la fin, Mes échappées livresques

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11 commentaires sur “Idiss de Richard Malka, Robert Badinter et Fred Bernard

  1. J’avais plutôt bien accroché à la couverture quand je l’ai vue passer, mais maintenant que tu mentionnes ce qui t’avait déplu dans un premier temps, je vois en effet ce que tu veux dire. Dans tous les cas, je suis ravie pour toi que malgré ta réticence des débuts, tu aies découvert une oeuvre poignante, mais nécessaire. Pour le moment, j’aspire à des lectures moins sensibles, mais j’ai bon espoir de découvrir cet album plus tard.

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