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Room de 61Chi

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Titre : Room

Auteur : 61Chi

Editeur vf : Editions H

Année de parution vf : 15 octobre 2021

Nombre de pages : 144

Résumé : La vie n’est qu’un cortège de boîtes : nous allons sans cesse de l’une à l’autre. Les affaires qui nous définissent voyagent de carton en carton, au fil des déménagements. Nous alternons entre le bureau et l’appartement, nous allons d’ascenseur en ascenseur.
En route vers diverses destinations, nous cheminons de pièce en pièce, ouvrant des portes, les refermant, suivant notre propre trajectoire…

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Mon avis :

J’avais déjà eu la chance de découvrir l’autrice, 61Chi, lors de la sortie de sa précédente BD chez nous l’an passé : Elle qui se laissait dévorer, où j’avais été frappée par le style très onirique mais entêtant de celle-ci. J’ai donc été ravie quand les Editions H m’ont également proposé de découvrir ce nouveau titre.

Room, c’est le titre avec lequel elle a débuté en 2014 à Taïwan et c’est aussi celui avec lequel l’éditeur français a remarqué son travail en 2015, à Angoulême, juste avant qu’elle ne reçoive quelques temps plus tard la médaille d’argent au Japan International Manga Award la même année. C’est donc un titre qui dégage quelque chose !

Ce quelque chose, on le perçoit dès la couverture qui a vraiment une atmosphère qui happe le lecteur. On y voit un jeune homme tatoué, l’air triste et solitaire, fumant une cigarette au-dessus d’un paysage urbain un peu morose, mais avec une ouverture centrale où se tient le titre : Room, qui est un vrai appel à l’ouverture ! L’autrice a parfaitement résumé son oeuvre ici.

En effet, dans Room, que j’aurais volontiers écrit au pluriel pour ma part, nous suivons un entremêlement de jeunes adultes urbains pour qui la vie n’a rien de folichon ou d’épanouissant. Avec ces lieux et cette fumée comme fil directeur, nous allons suivre un bref instant de leur vie, un instant fugace souvent triste au premier abord mais où il y a aussi le sentiment d’une possible amélioration, comme une porte qui s’ouvre à eux au détour d’une rencontre ou d’une nouvelle possibilité.

J’ai beaucoup aimé l’atmosphère singulière du titre. Les héros que nous suivons sont des gens lambda : une serveuse, un tatoueur, un coiffeur, un photographe, un professeur… On peut facilement s’identifier à eux. Cette sensation qu’ils ont une vie banale mais pas forcément heureuse comme on se plait trop souvent à le conter m’a plu aussi. L’une déménage, un autre vivote un peu, certains font des rencontres dramatiques et très significative ou apprennent quelque chose de grave, mais tous avancent malgré tout dans leur vie. Le lecteur peut ainsi se retrouver dans certaines histoires plus ou moins difficiles, ce fut mon cas. Il peut aussi se sentir touché par les drames qui se jouent qu’ils soient quotidiens ou plus rares. L’autrice, en très peu de pages, sait émouvoir.

J’ai beaucoup aimé le choix du cadre urbain, qui est ici presque un personnage en soi. C’est lui, en quelque sorte, qui fait le lien entre les histoires. Le regard du lecteur virevolte ainsi d’une cage d’escalier à une fenêtre emporté par une volute de fumée. Il passe de cette fenêtre à une autre fenêtre qui est la vitrine d’une boutique. Puis, c’est la vitrine qui se reflète dans la lunette de visée de l’appareil photo du suivant, etc. Le décor de ce récit est particulièrement vivant malgré le côté froid et apathique que son côté urbain peut faire ressentir également. C’est surprenant et en cela, j’ai bien retrouvé l’onirisme que l’autrice mettra dans son autre titre disponible chez nous : Elle qui se laissait dévorer.

Cependant, il faut reconnaitre que la narration fragmentaire, que personnellement j’ai adorée car elle me rappelle le format des « nouvelles » que j’aime tant, peut être un frein pour certains lecteurs, de même que la sensation d’être parfois extérieur au récit qui peut nous saisir. On adhère également ou pas au style graphique de 61Chi, qui est bien loin des bandes dessinées asiatiques qu’on peut être habitué à lire comme moi. C’est bien loin du trait lisse et commercial qu’on connait. On est beaucoup plus dans l’expérimentation avec un dessin qui vient des tripes. C’est un dessin original où l’autrice intègre différents esthétismes venant du design et des différents médias artistiques qu’elle a rencontrés. Son aspect crayonné, inabouti au premier abord, colle à merveille avec ses héros en construction et la grisaille de la ville nous entoure à merveille. On ressent ainsi encore plus fortement un sourire qui va venir éclairer la page.

Dernier point à souligner, et il est toujours bon de le rappeler quand c’est le cas, les éditions H ont fait un excellent travail d’éditeur, d’abord en suivant une autrice de leur catalogue, merci, mais également en proposant un ouvrage soigné. Imprimé en France, il est doté d’un beau papier fort agréable. L’ouvrage est en grand format, sans jaquette mais avec rabats, j’aime. Mais en plus, il est accompagné d’un vrai appareil critique qui permet de resituer l’oeuvre dans son contexte et d’en décrypte un sens parfois un peu hermétique. C’est un accompagnement diversifié qui répond pile poil à mes attentes.

Room fut donc une expérience de lecture fort singulière. Moins facile d’accès que Elle qui se laissait dévorer, par lequel l’éditeur nous avait fait découvrir l’autrice, il a cependant eu le même pouvoir de fascination sur moi. J’ai plongé dans les planches étranges mais immersives de l’autrice. J’ai suivi avec curiosité les trajectoires très urbaines des personnages et le fragment de leur quotidien qu’on nous livrait. J’ai peut-être été plus marquée par certaines histoires, je pense notamment à celle du tatoueur, puis à celle du professeur, dont j’ai beaucoup aimé soit la composition soit le sujet, mais l’ensemble est une oeuvre marquante où l’autrice affirme son style. Si vous voulez sortir de vos habitudes un peu lisses, n’hésitez pas à découvrir cette autrice qui sort du lot !

 >> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Vous ?

© 2021 Editions H

4 commentaires sur “Room de 61Chi

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