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Boys Run the Riot de Keito Gaku

Titre : Boys Run the Riot

Auteur : Keito Gaku

Traduction : Blanche Delaborde

Éditeur vf : Akata (M)

Années de parution vf : 2022-2023

Nombre de tomes : 4 (série terminée)

Histoire : Ryo, assigné femme à la naissance, se sent mal dans son corps et l’identité de genre qu’on cherche à lui imposer. Refusant de porter son uniforme de fille, il essaie autant que possible de se rendre au lycée en tenue de sport. Mais quand un nouvel élève débarque, son destin change ! Malgré le look de « voyou » de ce dernier, ils découvrent qu’ils partagent la même passion pour la mode. Aussi, passé un premier contact difficile, ils décident tous les deux de se lancer dans un grand projet : créer, ensemble, une marque de vêtements avec pour rêve et revendication de pouvoir s’affirmer et s’exprimer en dehors de ce que la société essaie de leur imposer !

Mon avis :

Tome 1

Akata est le seul éditeur de manga français à avoir un catalogue autant orienté diversité et recherche d’identité. Etant donné que ce sont des thèmes qui m’intéressent parce qu’ils touchent de près à l’humain et que ça pousse à des écriture fine sur notre nature et nos pensées, je m’intéresse à chaque fois aux titres qu’ils sortent avec cette visée. Boys run the riot avec son positionnement sur la question de la transidentité, question qui m’intéresse mais que je maîtrise for mal, ne pouvait donc que m’interpeler.

On peut avoir des craintes quand des auteurs s’attaquent à un thème pareil, mais avec Keito Gaku qui est lui-même une personne transgenre mes inquiétudes furent levées. Boys run the riot est ainsi sa première série et il y met tout ce qu’il aime : sa passion pour la street mais également ce qui le touche intimement, pas surprenant alors qu’elle ait eu un tel succès, notamment aux États-Unis, où elle a été sélectionnée, en 2021, dans la catégorie « Meilleur Manga » des Harvey Awards, et où elle figure parmi les 10 meilleurs mangas de 2021 du School Library Journal. Mais parfois un accueil peut être exagéré et on peut être déçu à partir de nos attentes : ce n’est pas du tout le cas ici !

Avec sa jaquette accrocheuse au concept intrigant où se mélangent question d’identité genrée mais également passion pour la rue et ses arts, le titre interpelait d’emblée. En enlevant la jaquette et en découvrant la couverture et son dessin qui nous explose au regard, un deuxième niveau était atteint. Puis en franchissant le cap et en commençant à lire ce manga, découvrant son héroïne/héros dès les premières pages à l’efficacité ravageuse, je savais que ce titre était pour moi.

Ryo est né femme mais ne sent pas bien dans son corps, il le rejette et ne sent bien que quand il est identifié comme homme. Dur alors de subir la vie au lycée au Japon. L’auteur qui a dû connaître cela nous raconte avec beaucoup de véracité ce quotidien où Ryo oscille entre deux sexes, celui que la société veut lui imposer et celui qu’il ressent être au fond de lui. C’est poignant et rageant. Obligé de porter un masque devant les autres, il tente tant bien que mal de se rebeller en ne portant pas l’uniforme féminin imposé et en commandant lui-même sur internet les fringues masculins qu’il aime et dans lesquels il se sent lui-même. Mais souvent son sexe de naissance le rattrape, notamment quand il est en société, en compagnie de camarade de son âge. Ryo est donc bouffé intérieurement et sa rage, il l’exprime ponctuellement dans les graff qui lui permettent de montrer ce qu’il a sur le coeur.

Tout bascule le jour où il fait la rencontre de Jin, un nouvel élève au look singulier qui interpelle, qui semble avoir la liberté qu’il aimerait avoir. En se découvrant la même passion pour les fringues, une idée germe : créer leur propre marque de vêtements, mais quand on est lycéens dans une société aussi rigide, ce n’est pas si facile.

J’ai beaucoup aimé la véracité que j’ai ressenti dans le récit de cette histoire à fleur de peau. Ryo est un personnage qui m’a d’emblée touchée et convaincue. L’auteur exprime à merveille sa rage vis-à-vis de son sexe de naissance et vis-à-vis de ce que la société lui impose à cause de cela. Il nous montre le parcours du combattant que c’est rien que de réaliser qu’on est transgenre au Japon et c’est sans parler encore de change de sexe, mais juste de vivre, s’habiller et se comporter comme un homme, quand on est né femme. On comprend donc bien cette poudrière sur laquelle vit Ryo.

La sensation de liberté toute proche que va lui apporter Jin en arrivant est donc jouissive. J’ai adoré la façon dont celui-ci même sa vie en étant totalement ouvert. Jamais il ne s’interroge sur le pourquoi du comment Ryo est si différent en dehors du lycée, il l’accepte, point. Et quand il voit que leurs passions se rejoignent, peu importe le reste, il voit juste en lui en partenaire avec qui vivre une grande aventure. En fait, il voit juste les gens pour ce qu’ils sont, sans étiquette et ça fait un bien fou !

Le carcan du lycée et de ceux qui le côtoient profs comme élèves est parfaitement rendu, de même que la difficulté intrafamiliale à s’affirmer comme étant différent. Mais l’aspiration à la liberté, le besoin de créer, de s’exprimer l’est tout autant et apporte une vraie bouffée d’air frais. J’ai beaucoup aimé la représentation de la rue dans le titre, que ce soit avec les graff libérateurs de Ryo ou cette mode où on peut être à l’aise dans ses baskets loin des carcans de l’uniforme. On est libre.

On sent également que l’auteur ne va pas s’arrêter à nous montrer le petit projet des deux héros prendre forme, il va nous proposer une histoire plus globale autour de la différence, la transidentité n’en étant qu’un pan. Il commence ainsi dans ce premier tome à montrer la jeune amie de Ryo : Chika, qui est bien plus libre de penser que les autres et qui détonne. Il montre également sur la fin, leur ami photographe Itsuka, qui vient d’une famille bien plus modeste que ses potes et n’a rien d’un gars populaire contrairement à eux. Il y a aussi cette prof, entraîneuse de basket, à l’esprit archi ouvert. Et pour finir, on aperçoit le premier de la classe Kashiwabara avec son cousin qui semble également transgenre, qui va donc apporter un regard supplémentaire. Ça sent bon la diversité et le renversement des codes rigides de la société qu’on va bien pointer du doigt.

Dans une forme assez classique des récits seinen adolescents, Keito Gaku entreprend donc une remise en cause globale de notre société si peu inclusive. Il est prêt à ruer dans les brancards et nous aussi. Aux côtés de Ryo et Jin, un vent de liberté souffle, un vent qui n’est qu’une petite brise pour le moment mais qui va assurément se transformer en bourrasque et tout emporter sur son passage. Boys run the riot est un récit contestataire et libérateur âpre mais moderne et d’actualité qui est jouissif à lire derrière les difficultés qu’affrontent ses héros.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Psylook, Vous ?

Tome 2

Après m’être fait limite alpaguer sur Twitter parce que je n’avais pas employé les bons termes pour parler d’une fille trans, je me rends compte à quel point un titre comme Boys Run the Riot, où la question du choix des mots pour parler du genre et de la sexualité des gens est hyper important, compte et doit être lu par le plus de monde possible.

Dans ce nouveau tome, Keito Gaku reprend les deux thèmes au coeur de sa série : la marque de vêtements que veulent créer les garçons et l’évolution de Ryo dans sa vie en tant que garçon trans. Ce sont deux sujets très différents et qui pourtant se rejoignent dans la liberté et la tolérance qu’ils promeuvent mais aussi le vent de révolte qu’ils font souffler.

J’ai d’abord été déstabilisée par la place prise par la marque des garçons dans un premier temps. Je trouve que ça occupait trop l’espace et mettait surtout en avant le côté rebelle et frondeur de Jin, alors que j’aurais voulu qu’on parte sur autre chose. Parler de ces méchants adultes qui ne comprennent pas la jeune plus évoluée et libre qu’eux m’a semblé une caricature grossière de la réalité, alors que jusqu’ici l’autrice avait été bien plus fine.

Heureusement la suite m’a donné tort en s’attardant longuement et avec brio sur Ryo, qui pour payer sa passion, prend un petit boulot où il va devoir se confronter aux autres et trouver comment parler de lui. J’ai beaucoup aimé les différentes étapes, que ce soit le premier entretien foireux où le patron ne comprend pas qu’il ne veut pas être genré comme une fille, où les débuts dans son boulot où tout le monde le voit comme une fille avant qu’il fasse une rencontre qui va tout changer, enfin tout, pas tout à fait.

L’autrice nous décrit avec justesse le côté impitoyable de la vie en société qui veut nous faire rentrer dans des cases et qui nous piège nous-même. Ryo veut qu’on le considère comme un garçon mais il véhicule lui-même des clichés du genre pour cela, comme si quelqu’un qui n’aimait pas une fille ne pouvait pas être un garçon, etc. L’autrice décortique avec justesse tout cela, montrant les fausses idées qu’on se fait, les éléments de genre que la société nous impose, les images et jugement qu’on porte à tort sur les autres. C’est très fort.

Pour cela, elle utilise de manière très fine les relations que Ryo va nouer au travail. Il y a d’abord cette fille, Mizuki (dont je me demande si elle n’est pas elle-même une trans), qui va l’aider à s’intégrer comme garçon et l’aider quand ça ne marchera pas. C’est un très beau modèle de grande soeur. Puis, il y a les garçons du travail qui voit d’abord en lui la fille qu’il était à la naissance, avant de le considérer comme un garçon manqué, d’apprécier cela et de tenter leur chance, pour réaliser que non, et alors les explications vont être compliquées et dures. Mais ce sur quoi tout cela va déboucher va être très puissant et j’ai adoré voir Ryo se battre, se tromper, lutter, se relever pour finir par nouer quelque chose de vrai avec Shimada.

L’autrice montre bien toute les difficultés à se faire accepter en tant que personne trans, à faire comprendre aux autres ce que ça signifie, mais aussi à démêler personnellement ce qui tient du genre et de la sexualité, deux choses complètement différentes. C’est un sacré embrouillamini mais c’est nécessaire de passer par là. Et la postface de la traductrice qu’Akata a inséré pour encore affiner la question, avec le choix des mots pour genrer, est un excellent choix, car cela apporte un éclairage essentiel.

Ce nouveau tome de Boys Run the Riot aura démarré calmement pour moi avec un focus sur la marque des garçons qui ne me passionnait pas, mais quand il prendra un virage plus radical pour évoquer l’intégration de Ryo, en tant qu’homme trans, dans une société mal à l’aise et maladroite avec le sujet, on sera alors dans le coeur du sujet. J’ai adoré la finesse de l’autrice pour décortiquer ces phénomènes, poser des mots et faire réfléchir. Le prochain volume s’annonce tout aussi fort autour du thème de l’outing, j’ai hâte d’y être !

Tome 3

Avec toujours une narration extrêmement claire et simple qui peut paraître classique et un peu fiable, l’auteur nous assène encore de nouvelles vérités percutantes et nécessaires à soulever qui touchent énormément.

Nous avions laissé le tome précédent sur le focus sur Ryo en tant qu’homme trans, nous le retrouvons dès les premières pages à subir violemment un outing non demandé par un Keito, lui-même LGBT, qui ne comprend pas en quoi ça gêne Ryo. C’est violent ! J’ai aimé que l’auteur aborde sans phare cet élément malheureusement souvent douloureux vécu par ces hommes et femmes LGBTQ+, tandis que les hétéros eux n’ont pas à vivre cela. L’auteur y va pas à pas, simplement sans esbroufe narrative mais avec force et en montant peu à peu le ton jusqu’à faire entendre la voix de Ryo. C’est percutant et éclairant.

J’ai aimé qu’à nouveau il associe l’importance des vêtements dans l’identité et le vécu/ressenti à soi-même. C’était bien senti de voir Ryo débarquer ainsi et offrir une nouvelle belle surprise avec l’un de ses t-shirt pour l’aider à parler à tous, vu que ça devenait difficile au lycée et dans sa classe. Il a raison de dire que le vêtement est un moyen d’expression et d’affirmation également. L’auteur alterne donc voix forte lors de moment clé où les héros énonce la vérité sur eux-mêmes qu’ils ont à dire et voix plus discrète où il nous rapporte ce qui se dit ailleurs, par exemple dans cette micro-société que sont les couloirs du lycée. C’est très bien vu.

Le mariage entre problématiques LGBT et Streetwear est donc aussi bien traité également. Il est intéressant de noter le portrait que l’auteur fait des réseaux sociaux, des influenceurs, de leurs collaborations et de tout ce qu’il y a derrière à travers la marque de nos héros et ce que vit Tsubasa. J’ai aussi trouvé percutant, avec Tsubasa qui est influenceur/ceuse, d’avoir une personnalité moins affirmée que Ryo dans ses désirs, quelqu’un que les réseaux et la société en fait ont poussé à avoir une autre image que celle de sa naissance, mais une image tout aussi restrictive et étouffante pour lui. C’était un excellent développement avec en prime de belles interventions de son cousin pour nous offrir une ouverture au spectre LGBTQ+.

Malgré tout parfois, on sent quelques maladresses dans l’écriture et la narration d’un point de vue purement technique. On sent qu’on est sur une première oeuvre ou équivalent. Mais l’émotion apportée par l’histoire, par les paroles qui se libèrent, par les sujets intimes abordés, fait souvent oublier cela pour vivre l’instant présent.

Boys run the riot est donc pour moi un ouvrage d’utilité publique, à mettre en les mains de tous dès l’adolescence pour aider ce qui vivent ces choses là à découvrir que non ce n’est pas normal de vivre un outing, non ils n’ont pas à être catalogué hétéro ou homo, garçon ou fille, que c’est bien plus vaste et complexe, qu’ils ont beaucoup plus de possibilités. Avec une histoire pleine d’émotions à vif Keito Gaku offre un beau champ d’expression à tous.

Tome 4 – Fin

Avec un tome juste jusqu’au bout, Keito Gaku nous aura proposé cette histoire de jeunes en quête d’acceptation et d’émancipation qui s’ouvrent et déploient leurs ailes grâce à leur passion commune pour la street et les vêtements. Une jolie aventure !

Avec un format aussi court, l’histoire est bien gérée par l’auteur. J’avais peur qu’elle soit un peu trop condensée, elle l’est dans un sens, mais tous les éléments conclusifs sont là également. C’est donc une jolie fin bien menée et qui n’étire pas trop son sujet. Mais surtout, c’est une fin juste, pas un happy end, une fin prometteuse qui ouvre des portes sans les enfoncer, tout en justesse.

Keito Gaku ne tombe pas dans la facilité de transformer l’entreprise de ses héros en grande réussite qui dépasserait le cercle de leur lycée et de leur famille et amis. Il montre au contraire que celle-ci n’est qu’un vecteur pour qu’ils puissent ensuite prendre leur envol en se faisant des amis, en ayant plus confiance en eux, en osant assumer qui ils sont devant des parents par trop jugeant qui font peur pour cela. C’est ici le vrai message et non la création en soi de cette marque, ce que j’ai apprécié.

Cependant, c’était aussi intéressant de suivre les différents processus créatifs et marketins auxquels on assiste ici. Martelés peut-être un peu trop rapidement, ils furent juste. Oui, il faut une identité à une marque parce qu’elle trouve son public. Oui, c’est dur de vivre d’une telle activité et rares sont les élus. Oui, un coup de pouce du destin (un piston) est souvent nécessaire pour mettre le pied à l’étrier. Et encore plus oui, c’est quelque chose de très volatile. J’ai aimé ce sens du réalisme pour asseoir encore plus le cadre de l’histoire.

Mais clairement, ce sont dans les passages  où nos héros se confrontent à leurs parents que j’ai trouvé le plus de richesse. Bien que ce fut bref et que j’aurais probablement aimé plus de détails et voir un après, notamment, chez Ryo, c’était les moments qu’on attendait. Ainsi le voir faire son coming-out et expliquer qui il est à ses parents pour qu’eux aussi l’acceptent, fut important. De la même façon que pour Jin, il était bon de le voir se confronter à cette figure paternelle qui avait une image très conventionnelle de la réussite sociale à laquelle il dérogeait. Les deux donnaient l’impression de remuer une ancienne génération trop ancrée dans sa vision archaïsante et limitée de la société telle qu’elle « devrait être » et j’ai aimé voir nos héros oser aller à la confrontation.

Cependant pour être tout à fait honnête, derrière ce message militant fort judicieux et cette analyse intéressante de la société japonaise sous cet angle, je dois avouer que je ne sais pas si la série me marquera vraiment sur le long terme. Il fait justement partie de ces séries où le fond l’a emporté sur la forme et où je retiens plus le message que les personnages ou leur aventure et je crains que ça ne la desserve à mes yeux, car moi, c’est l’émotion qui me porte. J’ai donc aimé ma lecture sur le moment mais je n’ai pas forcément l’envie de relire le titre…

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© Editions Akata – 2022

 

13 commentaires sur “Boys Run the Riot de Keito Gaku

  1. Je suis entièrement en accord avec ton analyse qui soulève je dois dire les mêmes chose que j’ai pu soulever. J’avais également peur que le sujet soit mal traité, ou trop dans la caricature, mais ici ce n’est pas du tout le cas et c’est très plaisant. En plus comme tu le dis, la problématique de genre n’est qu’un pan de l’histoire et c’est intéressant, car n’importe qui se sentant à la marge peu y trouver de l’intérêt. En tout cas j’ai pour ma part été séduite et j’attend la suite avec grande impatience.

    Aimé par 2 personnes

      1. Le thème de base fait un peu peur oui vu qu’il peut très vite être traité maladroitement mais je n’ai entendu que des retours élogieux pour le moment! C’est vrai qu’on ne parle que trop rarement des arts de la rue.. Bon j’ai hâte de le lire maintenant^^

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      2. Oui, on a l’air d’avoir tous bien apprécié ce titre malgré les réserves qu’on pouvait avoir, c’est plutôt bon signe pour ceux qui ne l’ont pas encore lu 😉
        J’espère que tu aimeras toi aussi !

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  2. « de notre société si peu inclusive.  » +1

    « L’autrice nous décrit avec justesse le côté impitoyable de la vie en société qui veut nous faire rentrer dans des cases et qui nous piège nous-même.  » +1

    « L’autrice décortique avec justesse tout cela, montrant les fausses idées qu’on se fait, les éléments de genre que la société nous impose, les images et jugement qu’on porte à tort sur les autres. C’est très fort. » +1

    Aimé par 1 personne

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