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Une sacrée mamie de Shimada Yôshichi et Ishikawa Saburo

Titre : Une sacrée mamie

Auteurs : Shimada Yôshichi et Ishikawa Saburo

Traduction : Tetsuya Yano

Éditeur vf : Delcourt-Tonkam

Années de parution vf : 2022 (pour cette édition double)

Nombre de tomes : 5 (série terminée)

Histoire : 1958, Hiroshima. À cette époque au Japon, il est difficile pour une jeune femme d’élever seule ses deux fils. Acculée, Hideko décide un jour de confier son plus jeune garçon, Akihiro, à sa mère qui vit à la campagne. Arrivé chez sa grand-mère, une vie complètement nouvelle va commencer pour Akihiro. Pas facile de quitter la campagne quand on n’y est pas préparé !

Mon avis :

Tome 1

Lors de sa première parution en volume simple en 2009, je m’imaginais mal m’intéresser à l’histoire d’un petit garçon et sa grand-mère dans la campagne japonaise d’après-guerre. Je n’avais donc même pas ouvert le moindre tome. Depuis mes goûts ont changé et j’apprécie les tranches de vie mettant en lumière le courage des simples gens et me dévoilant en prime comment ils vivaient alors. Je suis donc ravie que l’éditeur ressorte la série, qui plus est en volume double, pour découvrir avec émotion ce tendre duo. 

Une sacrée mamie est le résultat des souvenirs d’enfance de Shimada Yôshichi mis en scène par Ishikawa Saburo à qui on doit Aya conseillère culinaire ou Les couleurs de Yuki chez nous. Le dessinateur a quelque chose de réconfortant dans son trait un peu rond et daté, franchement bon enfant, il rappelle les saveurs d’une enfance passée, oubliée et un peu désuète mais rassurante. J’ai donc beaucoup aimé son travail ici, qui est en plus riche de détails dès qu’il s’agit de croquer la campagne et la ville de ces années-là. Il est parfait pour mettre en image les souvenirs de son compatriote.

Ces souvenirs, ce sont ceux d’un enfant de l’école primaire, qui se voit du jour au lendemain déraciné, tandis que sa mère, qui vit difficilement à Hiroshima seule avec deux enfants, le confie, lui le plus jeune, à sa mère qui vit à la campagne, à Saga. Nous allons donc nous retrouver à hauteur d’enfant à découvrir la vie radicalement différente des gens de la campagne dans ce Japon d’après-guerre où tout manque sauf l’amour.

C’est un récit finalement très positif malgré la misère et la pauvreté des gens qui le peuplent. A l’image de cette grand-mère courage, cette « sacrée mamie », tous ces gens surmontent l’adversité à force d’inventivité et de force de caractère. On découvre ainsi aux côtés d’Akihiro comment ils survivent au jour le jour, faisant des petites économies sur la nourriture à l’aide de la rivière du coin ou des produits abîmés, sur les vêtements en les rapiéçant avec de la récup, sur l’eau et l’électricité en fraudant, etc. On découvre aussi l’entraide qui s’opère entre gens du peuple où même quand on est pauvre, on aide son voisin encore plus pauvre, et ça je l’ai connu avec ma propre grand-mère, alors j’ai trouvé ça très beau.

Il y a aussi un beau portrait de la campagne japonaise avec ses paysages et ses habitants. On découvre avec Akihiro l’école de la campagne, ces garçons et filles qui ont besoin de s’y faire remarquer, mais aussi ceux qu’on va aider, les jolis liens amicaux qui se nouent à travers les sorties dans la nature environnante ou le village. On y voit arriver l’électricité et les appareils électriques qui vont peu à peu transformer leur vie mais de manière tellement lente et lointaine par rapport à nous que ça dépayse. C’est plein de bienveillance et même les méchants ragots ou les brimades de certains finissent toujours bien avec les gentils qui l’emportent et de belles valeurs à l’ancienne où les enfants font des bêtises et où les parents les grondent pour leur transmettre les bonnes valeurs. C’est charmant.

Chaque chapitre est l’occasion de découvrir un moment de la vie d’Akihiro avec sa grand-mère, mais aussi d’Akihiro avec ses amis et camarades de l’école, ainsi que ses enseignants. On se croirait dans une sorte de Petite maison dans la prairie version japonaise. Alors oui, la lecture est un peu dense, il y a quand même deux tomes en un ici, ce qui fait plus de 400 pages à lire avec des planches non dépourvues de texte, cela prend donc du temps, mais on en ressort totalement sous le charme de ce duo atypique.

Je remercie donc les éditions Delcourt-Tonkam d’avoir eu la riche idée de rééditer cette oeuvre un peu oubliée de leur catalogue, une oeuvre pleine de charme et de belles valeurs, qui permet de remettre les choses en perspective à une époque où les relations entre les générations ont tendance à se distendre et où la technologie nous éloigne parfois un peu trop de l’autre. Ce retour à la simplicité des relations humaines telles qu’on les vivait autrefois est une vraie source d’inspiration pour maintenant et une bouffée d’air frais amusante et émouvante.

 > N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Les lectures de Marinette, Livroscope, Les lectures du ChatPitre, La Bouquinovore, Nourritures en tout genre, Vous ?

Tome 2

Une fois qu’on a compris la belle dynamique d’Une sacrée mamie, quel bonheur c’est de retrouver cette histoire si humaine à chaque tome aux côtés de héros truculents dans leur vie simple.

Il y a peu d’évolution dans ce nouveau tome, les auteurs reprenant la même recette pour nous montrer combien on peut avoir une belle et riche vie même dans la pauvreté. On retrouve donc Akihiro et sa sacrée grand-mère dans leurs aventures de tous les jours à chercher comment se remplir le ventre, comment pouvoir voir sa mère, comment jouer avec ses amis. Simple mais efficace.

Dans ce tome, j’ai aimé voir le cercle autour d’Akihiro s’élargir. On le voit de plus en plus avec ses amis de l’école sur le temps scolaire et en dehors et cela crée de suite une ambiance chaleureuse. On s’amuse de leurs réflexions et bêtises d’enfants. On est attendri aussi par leurs préoccupants d’enfants et la réponse qu’en font les adultes, les aidant ainsi à grandir. C’est très touchant.

Le portrait de ce Japon pauvre d’après-guerre est toujours aussi subtile. On parle ici d’homme ayant connu la fortune puis la faillite, d’homme ayant fait don de leur richesse à des amis dans le besoin, ou encore de troupe de cirque itinérante. On est vraiment dans le typique et sous couvert de drôlerie, on apprend énormément sur cette époque et la façon dont les gens simples y vivaient. J’aime ce portrait plein de justesse et d’humanité.

En attendant, au fil des chapitre, on voit Akihiro grandir auprès de sa grand-mère. Il voit sa mère de temps en temps et espère toujours pouvoir aller revivre avec elle même s’il sait que la séparation sera désormais douloureuse maintenant qu’il s’est fait des amis. Il acquiert aussi un jeune chien à s’occuper. Il se fait de nouveaux amis, l’un orphelin de père comme lui, l’autre assez timide. On le voit beaucoup jouer avec ses amis d’ailleurs comme un enfant de son âge, ce qui fait plaisir, mais on le voit aussi grandir et garder son bon coeur, que ce soit lors des amourettes de son meilleur ami ou lorsqu’on lui confie une course.

Une sacrée mamie est donc encore et toujours une lecture charmante pleine de bons sentiments où les auteurs proposent une vision de la campagne très chaleureuse malgré les déboires de ses habitants. Ce portrait d’une vie simple dans le Japon d’après-guerre fait chaud au coeur et on est toujours par l’humanité des personnages et leurs petites histoires de tous les jours. Une lecture qui fait beaucoup de bien.

Tome 3

Sans défaillir, Shimada Yoshichi et Ishikawa Saburo continue de nous proposer d’émouvantes et drôles anecdotes de la vie à la campagne à travers ce duo si touchant de cette mamie et son petit-fils.

On ne change pas une recette qui gagne, les auteurs l’ont bien compris et prennent plaisir à continuer à nous présenter le quotidien du petit Akihiro qui vit chez sa grand-mère à la campagne de manière fort modeste mais le coeur rempli d’amour. C’est à nouveau drôle et tendre, mignon et touchant. On s’amuse de ses aventures d’enfants. On prend plaisir à le voir grandir et porteur des belles valeurs inculquées par sa grand-mère. On aime voir celle-ci se mêler de la vie du village et de l’école en distillant ses idées. C’est vraiment charmant.

Pourtant l’histoire n’a rien d’extraordinaire. On enchaîne les petites histoires anecdotiques et on passe très souvent assez rapidement de l’une à l’autre en oubliant la précédente, mais cela garde un charme fou et certaines ont un peu plus de profondeur que d’autres. Ainsi, c’était une bonne idée de mettre en scène, dans les premières pages, un personnage un peu caïd qui va se retrouver persécuter à cause de sale rumeur sur son père et que nos héros vont défendre grâce à une action pacifique chuchotée par la grand-mère d’Akihiro. J’ai également apprécié les chapitres sur l’ethnologue étranger venant étudier le Japon et s’émerveillant de sa foi protéiforme tout en s’excusant du malheur de l’arme nucléaire. Il y a aussi ce chapitre où Akihiro reconnaît chez une inconnue l’âme de sa mère, lui à qui elle manque tant. Il y aurait encore plein d’exemples tant l’émotion est là à chaque coin de page.

Les auteurs nous montrent avec douceur et bonhommie que la richesse ne fait pas tout et qu’une vie pleine d’amis peut être bien plus enrichissante. Ainsi même si c’est triste de voir un petit garçon séparé de sa mère et vivant dans la misère avec parfois un seul repas par jour, celui de l’école, on en vient à avoir le sourire avec lui, car lui il aime être là, il aime cet endroit, il aime sa mamie. Les auteurs nous font découvrir les vraies valeurs de la vie, ce qui a vraiment de l’importance et leur portrait de cette vie difficile ne met pas le seum mais apporte plutôt le sourire à nos lèvres. C’est charmant.

Une sacrée mamie est donc à chaque fois une lecture enthousiasmante où j’aime plonger dans cette ambiance rétro, rappelant l’enfance de nos ancêtres, car pour ma part, par exemple, je sais qu’on ne roulait pas sur l’or dans la famille de ma mère et qu’elle a peut-être bien vécu certaines des anecdotes du héros, sur les bonbons à se partager, les vêtements horriblement rapiécés ou le regard un peu envie vers les autres enfants plus aisés qu’elle ne l’était. Ce titre a donc d’une certaine façon une valeur universelle qui me va droit au coeur.

Tome 4

Maintenant qu’on a dépassé la moitié de la série, les auteurs se font et nous font plaisir mélangeant à la fois éléments fondateurs de l’oeuvre maintenant et petites nouveautés savoureuses, pour continuer à nous amuser avec ce duo atypique.

Akihiro s’est bien fait à la vie à la campagne avec sa grand-mère, loin de sa mère et de son frère, mais avec ses amis et ses voisins. On continue donc de le retrouver avec plaisir dans ce quotidien où il se prépare lui-même à manger, entretient la maison, aide sa grand-mère en cas de coup de dur. Cependant, c’est également toujours chouette de rencontrer quelques éléments perturbateurs venant redynamiser de temps en temps le récit. C’est le cas lorsqu’un nouveau petit garçon est dans le village pour les vacances, quand un typhon vient secouer tout le monde ou qu’on l’oblige à changer de place. Toujours des éléments qui peuvent sembler banal mais qui changent tout pour le jeune garçon.

On prend également plaisir à le voir grandir mais rester fidèle à lui-même. Sa mère lui manque toujours autant et les petits chapitres consacrés à celle-ci, que ce soit pour une courte visite de 12 minutes, ou une visite presque avortée mais sauvée par les gens de son entourage, font toujours chaud au coeur. De la même façon, on continue à aimer les sacrifices de sa vie avec sa grand-mère. On est touché de voir celle-ci prendre un nouveau travail pour pouvoir l’habiller et se jouer du sale garnement qu’elle doit garder. On est ému aussi par son grand sens de l’honneur, où elle se refuse à devoir quelque sorte et préfère toujours rembourser à sa façon. C’est une autre époque, une autre façon de vivre.

Akihiro, lui, nous distraie toujours par ses pitreries avec ses amis, mais on prend plaisir à le voir aussi sous un autre angle, notamment avec cette étrange bosse des maths qu’il a et que les auteurs se plaisent à glisser plus d’une fois ici. On s’amuse aussi de le voir s’intéresser aux filles à sa façon, avec sa nouvelle camarade et voisine de classe. Petit à petit il grandit. On n’oublie pas le chenapan qu’il est, qui cache ses mauvaises notes, qui ne pense qu’à manger, qui fait des bêtises avec ses copains. C’est toujours archi chaleureux.

Avec une recette maintenant approuvée et testée, Yoshichi et Saburo, nous offrent vraiment de chouettes petits moments du quotidien, un quotidien certes passé, certes très marqué également, qu’on n’a pas tous vécu mais qui touche, émeut et amuse. On se plaît à ce qu’ils mélangent chapitres classiques et chapitres avec un petit truc en plus, un petit truc nouveau. La lecture n’en est que plus confortablement et surprenante de temps en temps. J’adore.

Tome 5 – Fin

Dernières leçons de vie et dernières leçons tout court dans cet ultime volume du quotidien de Akihiro et sa grand-mère, jeune garçon courageux comme le sous-entend son prénom, qui aura appris à aimer ce quotidien âpre mais tellement plein de raisons d’être heureux.

On retrouve tout le sel de la série dans ces derniers chapitres où le quotidien de notre héros pourtant tellement différent du nôtre nous enchante. C’est beau de voir la joie de vivre qu’il trouve dans cette vie pourtant assez miséreuse. Cela rappelle énormément La petite maison dans la prairie mais avec une note bien plus grinçante et réaliste et moins évangéliste. Ici, certes le quotidien peut être rude, mais il y a aussi tellement de raisons de se réjouir à côté dans les relations qu’on a noué et les miracles de la vie. La mamie et son petit fils ne se laissent jamais abattre et font preuve de beaucoup d’astuces et parfois même un peu de roublardise à leur façon, mais toujours en respectant la ligne de vie définie par celle-ci.

Dans cet ultimes volumes, il fut ainsi amusant de voir l’auteur revenir sur les différents personnages ayant aidé à forger le nouveau Akihiro. Son professeur a le droit à un joli développement à plusieurs reprises pour enfin trouver l’âme soeur, ce qui est conté avec humour et émotion, interrogeant le lecteur au passage sur la place des femmes et les notions de féminité et virilité, pour mieux les déjouer. Son meilleur ami, Nanri, est également à la fête, toujours là pour épauler son ami, c’est son tour de recevoir de l’aide et cela se termine à nouveau par une superbe déclaration d’amitié. Et enfin sa grand-mère, celle-ci a bien sûr une place privilégiée dans l’histoire et l’auteur, mine de rien, lui offre de très jolis moments où on voit son grand coeur, son astuce et tout l’amour désintéressé qu’elle porte à son petit-fils à qui elle ne souhaite que le meilleur. C’est tout mignon.

Au milieu de tout cela, l’auteur fait vivre son histoire toujours grâce au récit de cette vie à la campagne. On s’amuse ainsi de voir les héros se perdre en forêt. On s’amuse encore des disputes à l’école entre garçons et filles. On rigole bien face aux rencontres que peut faire le héros, qui sont le reflet de son époque, que ce soit la fille des nouveaux riches ou le jeune garçon aux allures de kappa. Tout le décor est vraiment un mélange de chaleur humaine et d’humour simple mais un poil grinçant où on aime gentiment se moquer des autres. C’est basique mais efficace et toujours touchant.

D’ailleurs mention spéciale à la mise en place de l’auteur dans le dernier tome de l’édition simple (la seconde moitié du volume ici) où il débute chaque chapitre par une maxime rappelant tout ce que sa grand-mère a appris à Akihiro, pour terminer par un chapitre évocateur où le héros doit essayer de s’imaginer dans 10 ans, ce qui le pousse à réfléchir à sa vie présente et à tout ce qui lui manquerait si elle changeait, ce qui ne manquera pas de se produire. Emotion garantie.

Sacrée mamie aura été un sans faute pour moi de bout en bout. Ce fut une vraie bouffée de fraîcheur de suivre la vie toute simple à la campagne de notre garnement et sa grand-mère où l’amour déborde de partout. Ce titre apprend vraiment à relativiser et voir la vie du bon côté. Même quand celle-ci peut se révéler difficile, il faut savoir chercher les petits éléments qui nous rendront heureux comme le font Akihiro et sa grand-mère, on voit bien l’effet positif que cela a sur eux. Ce n’est donc pas sans émotion que je les quitte et je n’aurais pas été contre un petit bond dans le futur pour voir ce qu’ils sont devenus, la preuve que je me suis vraiment attachée à ses personnages.

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6 commentaires sur “Une sacrée mamie de Shimada Yôshichi et Ishikawa Saburo

  1. j’adore cette série, je n’ai pas tout lu, mais tous les tomes que j’ai lu m’ont mis du baume au coeur. C’est une série très touchante et positive, et qui fait réfléchir. Quand on voit comment la grand-mère garde le moral en toute circonstance, ça donne une bonne leçon et on a envie de garder le sourire face aux tracas de la vie. Mes filles ont aimé aussi

    Aimé par 1 personne

    1. C’est tout à fait ! Cette positivité donne une pêche de fou et nous fait bien relativiser ce qui parfois peut prendre des proportions démesurées pour pas grand-chose chez nous ^^!
      Contente de voir que la jeune génération aime elle aussi 🙂

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