Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Tales of the Kingdom d’Asumiko Nakamura

Titre : Tales of the Kingdom

Auteur : Asumiko Nakamura

Éditeur Us : Yen Press

Année de parution Us : Depuis 2022

Nombre de tomes Us  : 3 (en cours)

Résumé : Purple-eyed Adarte, blue-eyed Adolte. One enveloped in light-the graceful son; and one shrouded in darkness-the prisoner. Destined to walk different paths in a kingdom where a beautiful man is lauded as a hero while his enigmatic assistant toils to support him…

Mon avis :

Tome 1

Forte d’avoir redécouvert l’univers de l’autrice récemment avec ses BL de l’univers de Dokyusei, j’ai eu envie de plonger plus loin et d’aller également vers des titres plus dépaysant. Pour cela, j’ai franchi l’océan direction les Etats-Unis et le très beau Tales of the Kingdom, faute de publication en France.

Il faut dire que parfois quand les éditeurs français découvrent une autrice dans un certain registre, ils peinent parfois à en sortir pour proposer autre chose. C’est malheureusement un peu le cas d’Asumiko Nakamura, qui a pourtant une bibliographie bien plus diversifiée que ce qu’on nous montre en France. J’ai donc été ravie d’aller piocher chez nos voisins outre-atlantique, surtout qu’ils nous offrent là un très bel objet, cartonné avec des pages reliées et un grand forme. Top.

L’histoire qui débute ici s’inspire clairement de l’univers des Mille et une nuits revisité par notre autrice avec un trait encore une fois magnifique qui se rapproche de celui d’Aoi Ikebe (Au fil de l’eau, Ritournelle). C’est enchanteur ! Avec ce style tellement aérien et virevoltant qu’on lui connaît, elle nous embarque dans un univers de conte totalement dépaysant où les tenues bouffantes des personnages rejoignent leurs fines têtes et membres formant des triangles étranges et marquant, accompagnant à merveille la puissance des thèmes développés.

La série propose dans un premier temps l’histoire de deux frères sur le mode Le Prince et le Pauvre ou Le masque de fer, l’un d’eux étant emprisonné pendant que l’autre vit tranquillement. Une rencontre va tout changer et leurs vies vont être plus tard bouleversées par cela. A travers ce drôle de paradigme de départ, l’autrice décrit une relation fusionnelle entre deux frères jumeaux et la quête d’identité autre que celle du monarque ou de frère jumeau. A travers une histoire douce et cruelle, elle les confronte à eux-mêmes mais aussi à leur relation de jumeaux et le choix final est incisif ! Asumiko Nakamura sait vraiment écrire des histoires émouvantes et marquantes.

Après cette longue introduction à l’univers où on a pu découvrir les thématiques et ambiances : orient, relations entre frères, monarchie, identité…, l’autrice nous retourne et nous embarque avec un nouveau duo, cette fois un roi et son serviteur qui veut l’assassiner. Un peu sur le même modèle, elle va nous embarquer dans une drôle de relation à deux, une relation de dépendance-rejet, basée sur un monarque tout puissant et blasé de tout, et un serviteur contraint qui a un lourd passé et une tâche sordide à mener. J’ai à nouveau beaucoup aimé la noire poésie de ce duo, leur détresse, leur mal être. C’est extrêmement bien composé pour nous émouvoir et nous interpeler sur la vie d’un monarque, la nécessité des serviteurs, la relation dominant-dominé, etc.

Ce n’est pourtant que le début de cette vaste aventure aux consonances orientales, l’autrice nous montrant par la suite, à rebours, l’histoire du passé de ce serviteur Han pour tenter de comprendre comment il en est arrivé là. Elle nous plonge pour cela dans une autre culture, d’autres moeurs et une nouvelle relation entre jumeaux étrange et puissante, car l’un doit s’efface pour que l’autre vive pleinement, et que bien sûr un drame va survenir.

Telle une spirale, l’autrice reprend et brasse un peu toujours les mêmes thèmes et le même style de duo dans cette histoire. Elle enchante et émerveille par le dépaysement des ambiances, des costumes, des us et coutumes. Elle émeut par les relations torturées mais pleine d’amour des duos de frères et interpelle sur la solitude des rois. C’est tout en nuance, très subtil et surtout plein de promesses avec encore un univers graphique incroyable. Fan de beaux dessins, d’univers orientaux et de fantastique, je suis ravie de mon choix de l’avoir acquis et j’espère que ça fera peut-être se bouger les éditeurs français que de voir ça chez leurs confrères étrangers.

Tome 2

Quelle expérience graphique encore ! Définitivement à la hauteur de la beauté dramatique de cette histoire !

Pour qui aime les contes tragiques, la poésie shakespearienne et les expériences, Asumiko Nakamura nous en fait vivre une sacrée ici ! Dans une très belle édition reliée, où seul le papier manque de qualité, Yen Press nous également en anglais de la suite des aventures des jumeaux Shao et Dao, issus du peuple Han, et maudits par leur double naissance. Le ton est sombre, merveilleux, l’autrice y revisite avec force et drame les ambitions des contes arabiques d’autrefois. C’est somptueux.

La mangaka fait preuve d’une narration graphique d’une grande puissance métaphorique qui vient écraser notre coeur au fil des pages, rappelant par une sobriété hautement évocatrice ce que Aoi Ikeba a pu faire sur des tires comme Ritournelle, juste en jouant sur les ambres et ce qu’on imagine derrière. C’est fascinant et percutant.

J’ai encore été saisie dans ce tome par l’histoire de nos deux jumeaux, dont l’un d’eux deviendra le serviteur de ce souverain qui n’a pas l’air de désirer en être un. L’autrice nous invite à remonter à la racine du mal qui a rongé cet homme en nous dévoilant l’identité et les secrets de son serviteur. C’est fascinant à nouveau et déstabilisant. Elle nous immerge dans une culture nomade où la loi du plus fort règne, où les hommes dirigent même de leur tombe, et où les faibles hommes comme femmes sont des proies tellement facile. Mais l’un d’eux, ou plutôt deux d’entre eux, se rebelleront silencieusement et tragiquement contre cet ordre établi et le dénouement vous déchirera le coeur à vous aussi, je le parie.

Astucieuse conteuse, Asumiko Nakamura nous happe par ce faux rythme qu’elle instaure implacablement sur l’histoire. Elle nous entraîne dans une tragédie grecque aux consonances arabes, avant de nous ramener dans le présent de son histoire où le drame continue de se jouer, mais juste pas sur les mêmes arpèges. Après le sable froid et brûlant des déserts nomades, place au feutre et au stupre des intrigues de cours et de leurs complots. On retrouve hypnotisé le roi de Sharibalte, qui le temps des fêtes d’Uri se retrouve dans un temple étrange où bien sûr un nouveau drame va se jouer. Cela a quelque chose d’hypnotique et de très sensoriel grâce à la mise en scène très charnelle et limite gore de l’autrice. Une nouvelle page s’écrit dans leur conte, une page sanglante et glaçante, effrayante, mais où l’on va voir une nouvelle facette du Roi, qui donne très envie d’y revenir.

Définitivement titre d’ambiance, Tales of the Kingdom subjugue par sa subtile et puissante mise en scène hypnotisante qui flirte avec les frontières des différents contes sombres d’autrefois. C’est sombre, c’est dramatique, mais qu’est-ce que c’est beau de suivre les terribles destinées de ces hommes.

Tome 3

Quand Asumiko Nakamura décide de nous ravager le coeur avec une histoire choquante et tortureuse, elle n’y va pas avec le dos de la cuillère. Tales of the Kingdom est définitivement un conte cruel qui semble presque sans issu pour ses personnages.

Avec élégance et horreur pourtant, l’autrice nous entraîne de manière glaçante de plus en plus loin dans les méandres de l’esprit du roi de Sharibalte. Après les orgies auxquelles on avait pu assister, elle nous avait laissé entrevoir un espoir grâce à sa relation avec son intendant, ce n’était que de courte durée pour cet homme torturé. La nouvelle épreuve qu’il impose à Shao/Dao est particulièrement troublante et dérangeante, ce n’est rien de moins qu’un viol, alors âme sensible s’abstenir. Elle décrypte avec puissance et finesse la symbolique qui se joue avec joie rendu fou par l’impuissance, mais c’est quand même violent et choquant malgré la poésie de sa narration.

Après cet uppercut qui nous a séchés d’entrée, il est l’heure de revenir en arrière et comme l’indiquait la couverture c’est l’enfance du Roi qui nous est désormais contée. Tandis qu’il n’était qu’un prince, son jeune frère, bâtard tout comme lui, va rejoindre le palais, un palais en pleine déliquescence tandis que son père se meurt. L’occasion pour l’autrice de nous montrer le pauvre être perturbé qu’il était déjà alors, ravagé par les maltraitances psychologiques de ce à quoi il avait assisté de ses parents. Le prince est un être qui va mal, qui est terriblement seul et qui nous émeut ainsi, nous faisant prendre en pitié cet être pourtant abject dans sa version adulte. L’autrice est forte.

C’est donc pétri de sentiments ambivalents que j’ai parcouru cette lecture. Fascinée par l’ambiance poisseuse et malaisante qui y est décrite. Déchirée par ce qui arrive à Shai/Dao et ce que cela révèle sur le Roi. Touchée par cette jeune version de celui-ci et sa façon de se raccrocher à chaque brin d’amour qu’il trouve même s’il s’en défend. Les pages où l’autrice le montre avec « son cheval » sont poignantes, de même que le personnage de Dovi, une domestiques très particulière, qu’on apprend à connaître ici. Mais rien n’est franchement dit, tout est fait dans la subtilité, la finesse des non-dits et des allusions feutrées, rendant chaque sentiment encore plus puissant et déchirant.

Cela reste vraiment splendide à voir et ce alors même que des scènes explicites, ou pour certaines suggérées, nous sont montrées pour venir nous choquer. L’autrice manie la sensualité avec beaucoup de fluidité et de rondeur, rendant celle-ci palpable et réaliste, malgré le malaise de ce qui se joue. C’est fascinant et dérangeant à la fois. Etrange et saisissant.

C’est à nouveau une lecture marquante qu’elle nous propose en nous plongeant toujours plus profondément dans les méandres de la vie de ce Roi dérangé, marqué malsainement par son passé. Si vous cherchez un conte vraiment sombre, qui va venir vous secouer et vous percuter, mais également vous fasciner et vous hypnotiser, rejoignez les curieux qui ne décollent pas de Tales of the Kingdom. Moi, j’en fais partie !

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2 commentaires sur “Tales of the Kingdom d’Asumiko Nakamura

  1. Un premier tome qui a l’air captivant tout comme les duos qu’il met en scène. J’aime beaucoup le fait qu’on rebondisse d’un duo pour aller à un autre, c’est le genre de narration qui demande de vraiment bien penser son oeuvre en amont. Et puis, le faut que ce soit un bel-objet livre aurait tendance à me donner très envie… Bref, c’est un ajout wish list 🙂

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