Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

The Sound of my Soul de Rin Saitô

Titre : The Sound of my Soul

Auteur : Rin Saitô

Éditeur vf : Akata (M)

Année de parution vf : 2022-2023

Nombre de tomes vf  : 4 (série terminée)

Résumé : Mizuki a onze ans et il vit avec une hypoplasie cérébrale qui provoque parfois chez lui une paralysie partielle. Malgré son jeune âge, il connaît déjà son rêve : devenir violoniste professionnel. Aidé par son ami sourd, il s’entraîne sans relâche pour trouver le bon rythme et surtout sa propre manière de jouer, de s’exprimer… Mais tandis que les semaines passent et que la question de l’entrée au collège approche, Mizuki va devoir faire face au validisme de la société…

Mon avis :

Tome 1

Akata nous gâte en cette rentrée littéraire avec non pas une, mais deux nouvelles séries ! Alors après Love Mix-Up qui est une gentille comédie romantique lycéenne avec un joli twist, place à The sound of my soul une émouvante histoire d’amitié, de musique, de handicap et de harcèlement (ouf !) pleine de bons sentiments.

Avec sa couverture toute douce, Rin Saitô fait souffler un vent d’air frais sur la collection de l’éditeur, rappelant un peu la dynamique de celle de Running Girl de Narumi Shigematsu. Les deux ont pour point commun de parler de handicap et d’avoir une jeune autrice derrière leur histoire. Ici, Rin Saitô a imaginé ce récit après la rencontre avec un violoniste : Mizuki Shikimachi, dont le parcours de vie l’a inspirée. Elle en a tiré une histoire se déroulant sur 4 tomes, dont le premier ici se termine cependant assez tôt pour laisser place à un oneshot semblant l’avoir inspiré.

Comme c’était prévu, j’ai été touchée par cette gentille histoire sur fond de handicap et ce malgré une autrice qui en fait peut-être un peu trop parfois, en rajoutant et rajoutant des couches de drames… Son héros, Mizuki, est un violoniste de génie. Cependant, c’est aussi un ancien prématuré qui a de graves soucis de santé, dont une maladie qui pourrait le rendre aveugle et paralysé. Mais pour le moment, il est ultra positif et adore sa passion pour le violon, passion qu’il aimerait transmettre à son meilleur ami, qui lui a perdu l’audition. En se rendant un jour à un concert de jazz, il a une révélation face aux vibrations du jeu d’un des musiciens et veut absolument devenir son élève.

Le parcours de vie de Mizuki et de sa mère, qui s’occupe énormément de lui, est touchant. Il est très bien retranscrit ici, de sa naissance et petite enfance (grâce au oneshot final), jusqu’à sa vie à l’hôpital de jour, ses cours et concours de violon en dehors, et sa volonté au bout d’un moment de connaître l’école ordinaire. Même si l’autrice passe assez vite, elle nous montre sans fard les différents aspects de sa vie et les implications de son handicap à chaque fois sur ceux-ci. Avec ce héros toujours positif et plein d’entrain, on passe ainsi sur les difficultés qui égayent son chemin.

Cependant bien que très touchant – On adore la relation entre Mizuki et Natsu, l’un passionné de musique, l’autre de danse, l’un avec un handicap moteur et cérébral, l’autre sourd. Ils sont adorables ensemble et leur attachement est beau à voir. – l’histoire a un côté mélo qui m’a un peu agacée. J’ai trouvé que l’autrice en faisait trop dans l’accumulation des handicaps et des obstacles. Quand le héros part vivre sa vie d’écolier ordinaire, elle en rajoute une couche en le mettant au centre de situation de harcèlement vues par des adultes qui ne font rien. C’est too much pour moi et ça m’a sorti de l’histoire. Je sais que ça existe, ce n’est pas la question mais narrativement, j’en vois peu l’intérêt et ce n’était pas ce que je cherchais, surtout avec des adultes juste spectateurs, n’agissant pas, ce qui me met très en colère.

Non, moi ce qui m’intéresse dans cette histoire, c’est la passion du héros pour la musique et la façon dont celle-ci va l’aider à surmonter son handicap, à faire avec, et à se faire des amis. Les passages où il joue sont vibrants d’émotion et très touchants. Le dessin un peu maladroit de l’autrice lui donne un charme tout particulier notamment lors de ces moments. C’est charmant. De plus, les relations qu’ils nouent autour de ce médium font sens et apportent un joli soutien à ce jeune garçon qui aurait franchement de quoi déprimer. Ainsi que ce soit son amitié avec Natsu, sa fascination pour M Nakayoshi, le jazzman, ou la rencontre qu’il va faire avec une jeune pianiste, tout ça nous conduit vers de belles histoires d’amitié et de solidarité.

Je pardonne donc à ce premier tome ses maladresses car l’histoire est vraiment pleine de charme. Si vous cherchez un joli titre sur le handicap avec un héros positif qui se découvre une passion communicative qui va l’aider à se forger un joli groupe d’ami, ce titre semble fait pour vous. Il a une douce aura qui touche et émeut, et des dessins dont la maladresse fait tout le charme. Une jolie découverte.

Tome 2

Que je suis embêtée pour parler de ce titre car il me procure plein d’émotions contradictoires. Je n’aime pas les titres qui parlent de harcèlement à la japonaise car je trouve cela raconté souvent de façon fort caricaturale, mais ici, la force de ce petit garçon a tendance à avoir le pouvoir de soulever les foules sur moi.

Avec son dessin toujours aussi maladroit et chancelant comme son héros, Rin Saitô me fait danser et vibrer d’une page à l’autre. Quand elle met en scène le plaisir que prend son jeune héros à entendre et jouer de la musique, c’est magique. On sent tout l’effet cathartique que ce médium a sur lui et devrait avoir sur les autres pour les rassembler et leur ouvrir l’esprit pour qu’ils soient plus tolérant. Il y a cependant beaucoup de chemin à faire et c’est là où ça coince.

On se retrouve encore une fois avec une histoire de harcèlement à la japonaise très clichée qui me hérisse le poil. Je ne dis pas que ça n’existe pas, je ne dis pas que ça ne se passe pas parfois comme ça, mais les auteurs ne semblent pas avoir l’imagination pour le raconter autrement et ça me lasse. Le fait en plus de lire cela, alors que je suis, moi, une institutrice française me perturbe énormément, car j’ai l’impression qu’on pointe l’inaction et l’aveuglement volontaire de mes collègues japonais. Je ne sais pas pour là-bas, mais souvent en France, les propos sont forts caricaturaux sur l’inaction des enseignants, mettant tout le monde dans le même sac alors que ce n’est pas le cas et je crains que ce soit pareil là-bas, ce qui m’agace prodigieusement.

Ainsi, alors qu’au vu des couvertures et des chaleureux moments musicaux, j’aurais aimé vivre cette lecture comme une lecture doudou, c’est plus une source de colère qu’autre chose. Je ne parviens pas ou difficilement à ressentir l’effet apaisant de la lecture. Je ne suis que colère quand je lis les brimades qu’il subit des enfants et adultes sans qu’aucun ne soit inquiété. Je trouve que l’autrice va d’ailleurs très loin et que ça fait trop. Chaque recoin de la vie de ce garçon est pourri par cela. J’en viens à me demander comment il fait pour résister et ne pas se suicider vu la douleur qu’il doit ressentir à chaque instant et partout en prime… C’est dur et ça ne tient qu’à moi, mais ce n’était pas ce que je cherchais ici.

J’espère vraiment que dans la suite de son histoire, Rin Saitô va changer de braquet et profiter de cette jolie relation amicale et musicale qui se noue entre Mizuki et Yui, pour qu’enfin son héros ait le soutien qu’il mérite et que nous lecteurs, on ait une histoire moins sombre et source de colère. J’ai besoin du pouvoir apaisant de la musique, de la force de l’amitié et de la chaleur de l’amour.

Tome 3

Lecture et pleine de bons sentiments, The Sound of my soul poursuit sa route vers l’émancipation de son héros, émancipation de son handicap, de son corps, de sa musique mais aussi de la société. C’est plein de bonnes intentions malgré un traitement assez enfantin.

Il se dégage en effet de cette lecture un grand sentiment de joliesse enfantin qui me perturbe pas mal. C’est mignon tout plein, les intentions sont là, mais j’en viens à trouver tout trop simple, trop facile à cause de la narration, alors que ce qui arrive au héros ne l’est pas. L’autrice va vite, trop vite pour moi. Elle survole son sujet, elle ne va pas en profondeur dans ce que ressentait le héros autrefois et dans ce qu’il ressent à présent alors qu’on est à un moment charnière. Ça ne passe pas chez moi.

Je sais que l’intention est de rendre cela facile à lire et de nous montrer un héros attachant mais je peine à ressentir cela pour ma part. Je le comprends dans son mal être mis-à-vis du regard de la société sur les handicapés. Je le comprends dans son choix de se mettre un peu en recul mais aussi son enfin de briser ce 4e mur. J’ai plus de mal avec le discours qui fait presque reposer sur lui la responsabilité de sa solitude, limite en excusant ce que les autres ont fait ou n’ont pas fait. Ce fut difficile à lire et accepter…

En revanche, ça se lit tout seul. J’ai pris plaisir à le voir retrouver son chemin, grâce à la musique et aux rencontres qu’il fait. C’était certes trop rapide, mais j’ai aimé le rôle de ce petit garçon handicapé comme lui qui lui fait comprendre qu’il n’est pas sur la bonne voie et qu’on sentait que ça n’allait pas dans sa musique. J’ai aimé le voir travailler sur lui et avancer, se trouver, trouver sa musique, retrouver une de ses amies et sa famille. Je trouve juste ça vraiment gênant qu’il n’y ait aucun point sur le travail à faire par la société pour l’accepter avec son handicap. J’ai l’impression qu’on est dans cette mentalité japonaise (mais pas que) qui fait reposer l’effort uniquement sur la personne fragilisée et qui laisse la majorité rester insensible et horrible envers les gens différents comme si c’était ça la norme. Ça m’agace prodigieusement et ça me fait pas mal bloquer.

Certes, il y a ces points qui m’ont agacée, mais je dois reconnaître que c’est plaisant de sentir la nouvelle énergie du héros. J’aime le voir jouer, j’aime le voir marcher, avancer. Il dégage vraiment quelque chose le violon en main et les dessins de l’autrice sont tout doux et gentils, ce qui rend la lecture apaisante et entraînante dans l’ensemble.

Akata aime sortir des séries sur des faits de société, sur les minorités souvent invisible. Il se précipite peut-être un peu trop sur ceux-ci, sortant tout ce qui passe au lieu de faire le tri et de mieux sélectionner ceux qui sont les plus marquants. Je trouve ici que nous sommes avec un titre plaisant mais aussi totalement dispensable et pétri d’imperfections entre un ton trop jeune, une narration trop rapide et superficielle et des choix narratifs parfois maladroit, appuyant là où il ne faut pas à mes yeux. Bref, ça se laisse lire, mais ce n’est pas forcément une série que j’ai envie de garder dans ma bibliothèque…

Tome 4 – Fin

La série me plaît depuis le début mais je lui trouve aussi un certain manque d’intensité. L’autrice m’a entendue ou se réservait pour ce final, car là, c’est bon, mon coeur est touché !

Pour clore sa série, Rin Saito nous offre une petite surprise, mais pas une surprise douce et lumineuse comme on aurait pu s’y attendre, quoiqu’elle l’est également, mais c’est avant tout une claque derrière la tête et une flèche en plein coeur qu’elle nous tire. Comment ? En évoquant l’air de rien la tragédie de Fukushima et en la plaçant peu à peu au centre de son propos pour évoquer le rôle et la puissance de la musique pas uniquement pour son héros mais de manière universelle. Bien joué !

Jusqu’à présent les mésaventures de Mizuki étaient émouvantes mais il manquait quelque chose et le propos de l’autrice n’était pas toujours des plus clairs et rassurants. Elle change de braqué ici et c’est un vif succès. La tragédie de Fukushima fait partie désormais du vécu de toute une génération de Japonais et je me surprends toujours de la voir si peu évoquer dans les mangas qui nous parviennent alors qu’elle a eu des conséquences aussi bien sur leur quotidien que sur leur manière de penser et d’envisager la vie. Je suis donc ravie que l’autrice nous donne l’occasion de le voir ici.

Avec cette tragédie, Mizuki réalise des choses sur lui, sa musique, son corps, son handicap. Il avait déjà commencé peu avant en allant donner un récital dans une prison, ce qui lui avait ouvert les yeux sur le pouvoir de son talent et ce qui lui avait permis de sortir de sa bulle et de se reconnecter à ses camarades au collège. Mais là, ça va encore plus loin et c’est une très bonne chose. A aucun moment on ne suit un héros qui s’appesantit sur sa maladie et ses conséquences, au contraire, il est toujours archi positif et combatif. Il fait tout pour aller le mieux possible et ses efforts payent. Certes, son handicap le rattrape bien des fois mais en restant positif, il touche les coeurs des gens autour de lui, qui vont vers lui et l’aident ainsi à ne pas sombrer quand ça va mal. La lumière qu’il transmet est payée de retour et il en reçoit également. Voici le message à retenir !

Bien sûr, on pourrait reprocher au titre sa sur-positivité qui laisse quand même sous-entendre parfois que quand on va mal, c’est notre faute si les autres ne veulent pas venir vers nous et que c’est à nous de faire des efforts pour que ça change et non à eux. Je n’aime pas trop. On a le droit d’aller mal et ce n’est pas une raison pour être rejeté ou moqué par les autres. C’est aussi aux biens portants de faire l’effort d’aller vers ceux qui vont mal comme le montre justement Mizuki en allant aider les victimes de Fukushima. Ça doit aller dans les deux sens. Heureusement que l’autrice rétablit un peu l’équilibre de son message.

Le parcours de vie Mizuki, parcours basé sur une histoire vraie, est donc inspirant. Rin Saito a su nous montrer aussi bien les affres et difficultés à surmonter quand on souffre de handicap, que les mains tendues et prises et celle que le héros lui même va tendre pour porter secours aux autres à travers sa musique. La musique ce médium universel si richement décrit ici, aussi bien dans les bons que les mauvais moments. Avec ce décor si typiquement japonais du post-Fukushima, l’autrice transcende vraiment son titre et nous permet de clore sa série en apothéose. Bravo !

3 commentaires sur “The Sound of my Soul de Rin Saitô

    1. Disons qu’à force de le voir traité ainsi, ç’a en devient presque caricatural et lassant. Je préfère une série qui assume le sujet et le traite vraiment en profondeur, plutôt qu’une qui s’en sert ponctuellement comme ressort narratif…

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