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Le Molosse de Gou Tanabe et H.P. Lovecraft

Titre : Le Molosse

Auteurs : Gou Tanabe et H.P. Lovecraft

Traduction : Sylvain Chollet

Éditeur vf : Ki-Oon (Latitude)

Années de parution vf : 2022

Nombre de pages vf : 170

Résumé : Un voyage aux tréfonds de notre monde, là où se tapit l’innommable…
Dans « Le Temple’, un sous-marin allemand isolé en haute mer est victime d’une étrange malédiction. La peur s’empare de l’équipage et entraîne le vaisseau au plus profond des abysses, là où aucun homme n’est encore allé…
Les héros du « Molosse’, eux, n’hésitent pas à profaner des tombes pour assouvir leur passion de l’occulte. Fervents lecteurs de leur copie du Necronomicon, ouvrage de magie noire, ils vont découvrir que certaines choses doivent rester enfouies à jamais…
Ce même Necronomicon guide le voyageur de « La Cité sans nom’ au milieu du désert. Là, l’homme comprend que sa civilisation n’est pas la seule sur Terre, et que l’être humain est bien petit face aux forces de l’inconnu…
De son trait sombre et réaliste reconnaissable entre tous, Gou Tanabe met en images les pires cauchemars imaginés par H. P. Lovecraft, le maître du fantastique et de l’horreur. Aux frontières des mondes, les protagonistes mènent une lutte sans espoir pour ne pas sombrer dans la folie !

Mes avis :

Ki-Oon continue de nous régaler comme chaque année avec les adaptations des récits de Lovecraft sous le pinceau âpre et torturé de Gou Tanabe. Recueil de trois nouvelles, Le Molosse sort à point nommé avant le mois de l’imaginaire, moment parfait pour en faire la lecture au milieu des brumes de l’automne qui s’annonce.

Premier travail de Gou Tanabe sur Lovecraft, Le Molosse est sorti en 2014 au Japon et rejoint nos contrées cette année alors que le travail de l’auteur est désormais bien installé. La qualité est encore et toujours au rendez-vous avec cette belle couverture en simili-cuir pour un effet vieux livre, et le marron choisi rappelle celui de la Montagne Hallucinée premier texte arrivé chez nous. La boucle est bouclée.

Les thèmes de prédilections de l’auteur sont à nouveau bel et bien présents au cours de ces trois nouvelles écrites respectivement en 1920, 1922 et 1921, puis publiées quelques années plus tard dans les magazine The Weird Tales et The Wolverine où on a pris l’habitude de voir le travail de Lovecraft. L’auteur y parle à nouveau de folie, de religion, de mythes et profanation, explorant l’âme humaine sans far, ce qui ses récits d’autant plus percutants.

Cependant, narrativement, le format nouvelle crée parfois une dissonance et, soit du fait de Tanabe soit du fait de Lovecraft, on sent un récit accroché, trop rapide, à qui il manque des bouts de narration par moment. A vouloir aller vite, en peu de pages, cela crée un manque et une lecture perturbante où on doit parfois revenir en arrière pour comprendre car on a le sentiment d’avoir manqué quelque chose… C’est particulièrement vrai dans la première nouvelle, la plus jeune des trois, mais c’est encore le cas par la suite. L’un des deux auteurs, à déterminer lequel, manque encore de maîtrise dans ce format pour pleinement emporter le lecteur.

La lecture n’en reste pas moins saisissante. La façon dont ils content chacun la folie qui s’empare des hommes de chacune des nouvelles est puissante. Lovecraft aurait-il était inspiré par ce père rendu fou par la syphilis ? ou par son enfance assez recluse du fait de sa constitution fragile ? Le sentiment d’enfermement et les psychoses que cela fait naître sont en tout cas magnifiquement rendues dans la première nouvelle : Le Temple, qui se déroule à bord d’un sous-marin et aimant moi-même ce genre de décor étouffant, j’ai adoré !

Il est aussi incroyable de se dire qu’un auteur, qui est un homme ayant vécu dans l’Amérique profonde de la fin XIXe – début XXe, a un tel rapport à la religion. Il n’hésite pas à parler de profanation (Le Molosse) et d’une certaine forme de mysticisme (Le Temple, La Cité sans nom) alors que ça devait aller à l’encontre des idées véhiculés dans son petit cercle de proches. Il semble puiser avec force ses idées dans les lectures fantastiques et gothiques de son grand-père et nous les retransmettre avec un certain psychédélisme dans sa propre folie créatrice à travers ses récits, allant jusqu’à déconstruire un certain rapport à la religion non incarnée et dotée d’êtres bons par nature, telle qu’on la conçoit actuellement dans le monothéisme.

Ici, j’ai été saisi par la frayeur froide qui prend peu à peu les acteurs de chacun de ses histoires, que ce soit le capitaine du sous-marin de la première nouvelle, dont chaque membre de l’équipage semble perdre la tête après la rencontre avec un mystérieux bateau et une mystérieuse figurine ; ou le duo d’amis passionnés par le Necromicon qui va profaner la tombe de trop ; ou même le jeune explorateur qui tombe sur une cité incroyable. Tous sombrent peu à peu face à l’incroyable univers qui s’offre à eux et qui nous saisit d’effroi comme eux. Quelle imagination cauchemardesque ! Mais celle-ci ne l’est que par son étrangeté, car en dehors du Molosse, il n’y a point de violence dans ces divinités qu’on croire, elles ne font rien de mal aux humains qu’elles croisent, elles les fascinent juste par leur allure charnelle horrible pour nous, ce qui est si bien rendu par Tanabe.

A travers ces trois nouvelles, le lecteur continue d’explorer l’univers si saisissant de Lovecraft, sous le trait toujours aussi froid et cauchemardesque de Tanabe qui donne parfaitement vie aux récits parfois brumeux de l’auteur, sans leur enlever leur touche étrange et insaisissable. C’est un très beau travail à quatre mains bien que le format de la nouvelle soit parfois imparfait pour rendre toute l’immersion du récit. J’ai beaucoup aimé les pans mystiques et fous de ces nouvelles dans des univers, en plus, oppressants. C’était encore une fois saisissant !

(Merci à KiOon pour cette lecture)

>> N’hésitez pas à lire aussi les avis de : Vous ?

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7 commentaires sur “Le Molosse de Gou Tanabe et H.P. Lovecraft

  1. Volume mineur pour moi, hormis pour les completistes, interessant surtout pour la maturation de Tanabe depuis cette premiere tentative. Mais l’influence de lovecraft sur l’ensemble des artistes fantastiques reste incroyable…

    Aimé par 1 personne

  2. J’ai adoré, surtout le Molosse.
    Les dessins sont toujours aussi saisissant.
    Seul bémol, l’histoire du sous-marin Allemand, en 1927, H P Lovecraft n’avait pu imaginer des Nazis, donc un sous-marin Prussien (lors de la 1ère Guerre Mondiale) aurait plus collé à l’histoire et à l’époque.

    Aimé par 1 personne

    1. Bien vu, tu as le regard fin, je n’y avais pas pensé !
      Pour le reste, je ne sais pas si j’ai une préférence car chaque nouvelle a eu quelque chose qui m’a fascinée lors de sa lecture, du huis clos du sous-marin, à la créature qui les poursuit, jusqu’au temple mythique ^^

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