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Tokyo, amour et libertés de Kan Takahama

Titre : Tokyo, amour et libertés

Auteur : Kan Takahama

Traduction : Yohan Leckerc

Éditeur vf : Glénat (seinen)

Année de parution vf : 2017

Nombre de pages  : 164

Résumé : Tokyo, 1926. Shinjuku est connu pour son quartier des plaisirs, Hanazono. Ishin, journaliste pour une revue érotique y rencontre Aki, une jeune métisse qui exerce le métier de modèle artistique. Dans une société aux mœurs libérées, leur relation sera pourtant empreinte d’une grande innocence. Cependant, l’ombre de la guerre vient menacer leur idylle… S’inspirant de l’histoire de ses aïeuls, Kan Takahama nous livre un beau récit où s’entremêlent un érotisme subtil et une sensibilité que nous lui connaissons déjà grâce au Dernier Envol du papillon.

Mon avis :

A force de lire du Kan Takahama, je commence à me rendre compte qu’il y a une certaine unité dans l’oeuvre de l’autrice qui me plaît assez, puisqu’on y retrouve son goût pour parler d’histoires intimes et une vision assez dramatique des relations amoureuses.

J’avais déjà senti ce goût pour le drame dans ses précédents textes, de même que son goût pour le Japon d’autrefois. Ainsi, j’ai beaucoup apprécie sa série La Lanterne de Nyx, terminée en 6 tomes, tout comme Le dernier envol du papillon, un oneshot cette fois. En revanche, L’Eau Amèrema dernière lecture se déroulait dans un cadre plus moderne. Cependant dans les trois, on retrouve le même trait singulier et propre à l’autrice avec ces gris profonds, mais aussi le même ton assez franc et réaliste où ça ose dire les choses. Même si parfois ça me bouscule, j’aime ça.

 Couverture La Lanterne de Nyx, tome 1 Couverture Le dernier envol du papillon

Ici, Kan Takahama m’a surprise avec le décor choisie pour son histoire : le milieu interlope de la littérature et des magazines érotiques du Japon d’avant la Seconde Guerre Mondiale. Autant l’avouer, c’était un milieu que je ne connaissais absolument pas et n’étant pas particulièrement portée sur l’érotisme dans mes lectures, sur le papier, ça ne m’intéressait pas. Et pourtant, j’ai été très surprise de trouver passionnant de suivre ces deux hommes et amis : Ishin et Eijiro, écrivains de textes érotiques, qui cherchent l’inspiration dans les quartiers de plaisirs de Shinjuku. Avec eux, j’ai découvert ces lieux, j’ai découvert ces textes, j’ai découvert comment ils avaient pu être publiés ou interdits. C’était passionnant.

Mais en plus de cela, j’ai été ravie de découvrir une belle histoire de vie. Ishin est au début un jeune homme qui prend plaisir à côtoyer les femmes pour son boulot et plus si affinité. A l’aide de chapitres assez courts, qui rendent la lecture vive et dynamique et permet de varier les anecdotes, l’autrice retrace ainsi sa vie de patachon. Puis tout change quand il a un coup de coeur pour une jeune modèle de nu. L’histoire se transforme alors. De texte un peu anecdotique, il devient un texte bien plus profond qui aborde bien des sujets forts intéressants.

L’autrice profite en effet de ce revirement pour parler de la liberté sexuelle, du vent de liberté qui soufflait sur les jeunes à Tokyo qui osaient vivre en concubinage, mais qui pour autant étaient toujours très attachés à leur famille, surtout quand ils étaient en position d’héritier. On découvre ce que la famille signifie pour les jeunes japonais alors. S’y immisce la question du patriotisme avec la guerre qui arrive, ce qui peut surprendre tant on n’avait pas vu venir cette dimension dans l’oeuvre. On parle alors censure, peur d’être accusé d’être un rouge, obligation d’être patriote sous peur de dénonciation, rationnement, conscription, etc. C’est passionnant.

Ce qui se dessinait comme une petite histoire anecdotique sur un écrivain de récits érotiques qui faisait cela aussi bien par plaisir, par amitié que pour faire la nique à sa famille, s’est révélé au fil des pages une très belle romance, profonde et dramatique où l’autrice nous offre le portrait d’un couple moderne, qui ose d’abord se donner du plaisir, puis se mettre en couple et vivre en concubinage, bravant les commérages d’une population campagnarde encore archaïque, mais aussi les traditions au sein des familles de notables. C’est très émouvant et parfaitement mis en scène par l’autrice.

Celle-ci avoue en postface s’être inspirée librement de la vie de deux de ses ancêtres mais en brodant énormément. On ressent tout de même une vraie émotion de sa part lors de certains passages du récit quand elle parle de ces hommes et femmes osant accepter leurs désirs mais aussi osant se mettre en but des bonnes moeurs et de certaines coutumes de vie un brin trop traditionnelles et dépassées. Ça fait du bien ce vent de liberté même s’il n’a rien d’aisé et je pense que de s’être inspirée de ces gens qui ont vécu a donné un verni très particulier à l’oeuvre.

Un peu plus à chaque oeuvre, Kan Takahama s’affirme comme une autrice dont j’apprécie l’écriture, les thématiques et dont j’apprécie les prises de risques. Elle a le chic pour me bousculer dans mes a priori pour m’offrir des histoires terriblement humaines, donc pleines de nuances et assez âpres. Ici, l’idée de départ de parler de la littérature érotique underground ne me préparait pas au récit de cette romance moderne si poignante dans un Japon en train de basculer. C’était superbe !

> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : Noctenbule, Millina, Tatie Scribouillis, Les mots de chocolat, Vous ?

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©Kan Takahama, 2013 / ©Glénat, 2017

7 commentaires sur “Tokyo, amour et libertés de Kan Takahama

  1. J’aime beaucoup La Lanterne de Nyx, mais je n’avais même pas noté qu’il s’agissait ici de la même autrice. Ce n’est pas mon genre de lecture, mais je l’avais acheté lors d’un destockage de ma médiathèque. Ton article m’incite à prendre le temps de le lire ce récit qui semble bien plus émouvant qu’on aurait pu le penser.

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      1. M’en parle pas.
        Moi, c’est plus ceux que j’ai lu que j’ai du mal à retrouver parfois, parce que j’ai une méthode de rangement bien à moi et qu’entre ça et les prêts aux copines, parfois je ne sais plus où ils sont lol

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