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Egregor : Le souffle de la foi de Jay Skwar et Jae-Hwan Kim

Titre : Egregor : Le souffle de la foi

Auteurs : Jay Skwar et Jae-Hwan Kim

Éditeur vf : Meian

Année de parution vf : Depuis 2019

Nombre de tomes vf : 10 (en cours)

Résumé : Dans un village paisible et éloigné de tout vit Foa, un apprenti forgeron. Il n’aspire à rien d’autre qu’à mener une vie sereine, mais peut-être lui faudra-t-il réviser son destin, car une nuit, une sombre menace se profile à l’horizon de son village. Un officier rescapé apparaîtra et viendra en aide à ses habitants, prenant en main les directives pour répondre à cette menace afin de venger la mort de ses hommes tombés au combat. Mais tous ignorent qu’ils font face à quelque chose qui les dépasse. Notre héros lui-même n’a pas idée de la destinée à laquelle il est promis, ni même qu’il lui faudra déjouer une terrible machination…

Mon avis :

Tome 1

J’ai beau être une fan d’héroïc fantasy depuis bien longtemps, je n’en lis pas tant que ça en manga, BD ou autre lecture graphique. Pourquoi ? Parce que souvent, je ne retrouve pas le souffle de mes lectures romanesques hors rares exceptions. Egregor fut l’une d’elles.

Egregor est un projet qui tient à coeur aux éditions Meian. Série directement écrite pour l’éditeur français, celle-ci a connu une première mouture en 2017 avec Jay Skwar comme scénariste et créateur, et les deux mangakas japonaises Kaya Tachibana et Harumo Sanazaki aux dessins, mais la série dut s’arrêter au bout d’un tome. Un an plus tard, après un changement de dessinateur au profit du coréen Kim Jae Hwan, qui a participé plusieurs récits ancrés dans l’univers de Warcraft, la série revient et ne s’arrête plus depuis. Elle compte 8 tomes à ce jour et bientôt 9, pour notre plus grand plaisir.

Bien que fort classique dans son approche, ce global manga su se saisir de l’essence du genre pour proposer ici le premier tome d’une riche aventure qui se promet d’être sombre et pleine de rebondissements avec certes des personnages un peu trop manichéens mais une puissance d’immersion rare et un beau bestiaire ainsi qu’une mythologie prometteuse.

Amateur d’héroïc fantasy classique, vous serez à la fête. Les auteurs nous gâtent, avec comme dans les plus grands classiques du genre (Seigneurs des anneaux, Roue du temps,…), un petit village où il fait bon vivre qui se retrouve sous l’attaque des créatures les plus terrifiantes de leur monde. Pourquoi ? Parce que s’y sont regroupés, sans le savoir, un groupe de jeunes héros aux multiples particularités.

J’ai beaucoup aimé la force tranquille avec laquelle les auteurs, dans un trait manhwa assez classique, viennent avec un dessin dynamique nous brosser le portrait de cet univers d’inspiration médiévale, brutal et ingénieux à la fois où magie et sang se mêlent avec violence. Ils prennent le temps de nous introduire dans les multiples strates de celui-ci, qui de la Reine du royaume, qui des chevaliers défenseurs, qui des habitants du village : guérisseuse, forgeron, jeunes premiers, etc, qui des créatures ennemis. Tout est expliqué progressivement au fur et à mesure que l’intrigue se détaille sous nos yeux.

Celle-ci est assez classique dans un premier temps mais déjà prenante grâce à une énergie et une noirceur communicatives et happantes. Les auteurs font le choix de nous plonger directement dans les brutalités de ce monde en nous montrant ce que risquent ses habitants pour mieux nous faire saisir contre quoi devront lutter les héros. Aventures et magie seront au rendez-vous par la suite, car ce premier tome introductif fait surtout la part belle à la rencontre des futurs héros aux destins grands et sombres, on l’imagine.

On assiste d’emblée à l’attaque d’un village, permettant de voir la menace à l’oeuvre avec violence, puis on découvre ce que pourrait être une petite vie tranquille si rien ne se produisait, mais bien sûr le destin les rattrape vite. La mise en scène des auteurs reprend bien des topos du genre mais a une belle flamboyances pour mettre en valeur les pouvoirs et capacités des héros. On sent un vrai souffle guerrier et aventureux en y assistant. Alors oui, nous avons le classique guerrier d’âge mûr qui se sacrifie, les jeunes premiers agaçants qui en font trop, l’élu discret et inattendu et les villageois généreux et chaleureux mais en danger. C’est un classique rassurant qui promet de beaux moments.

L’amatrice d’héroïc fantasy que je suis a donc pris un grand plaisir à découvrir les prémices de cet univers qui coche tous les prérequis du genre pour nous emmener sur les chemins et les méandres du royaume d’Egregor. Avec leurs dessins flamboyants et brûlants, leur histoire sombre et riche, les auteurs nous offrent les promesses d’une aventure dense et pleine de rebondissements assurément où les apparences seront peut-être trompeuses mais la passion au rendez-vous. Je n’ai qu’une hâte poursuivre pour découvrir les destinées de Foa, l’apprenti forgeron, et ses amis.

Tome 2

Décidément Meian a fait le bon choix avec cette série d’héroïc-fantasy certes classique mais vraiment palpitante et prenante également. Les auteurs savent prendre le temps pour bâtir leur histoire et développer leurs personnages sans se précipiter, créant ainsi une belle connivence et l’envie de toujours poursuivre, poursuivre. Ça me rappelle un peu mes sensations dans les premiers temps de la Roue du temps.

Après un premier tome dense qui posait bien les bases de l’univers d’Egregor, ses personnages et ses enjeux, les auteurs nous emmènent à la rencontre des héros après le drame qui va les redéfinir. La Moisson a été un moment tragique et sanglant mais surtout marquant. De nouveaux pouvoirs et de nouvelles voies sont apparus pour eux, place au spectacle.

J’ai beaucoup aimé ce tome consacré au développement des futurs jeunes héros. Chacun est à l’école de la vie pour apprendre à développer et maîtriser ses particularités, ce qui donne un scénario varié et dynamique où les auteurs s’amusent à sauter d’un lieu à l’autre, d’un personnage à l’autre, pour tisser leur toile et ce sans nous perdre mais en enrichissant toujours leur univers. C’est bien joué.

Certes, ils reprennent pas mal d’éléments typiques du genre et frôlent parfois le cliché avec notamment la caractérisation des femmes, qui ont encore ces allures d’héroïnes pulp, mais ce n’est pas grave. On prend un réel plaisir à en apprendre plus sur les énergies différentes qui les animent, sur les particularités de leurs écoles et de leurs mentors et sur les épreuves qu’ils vont rencontrer.

J’ai aimé voir les ambiances différentes autour de chacun. Il y a Foa, au Rempart du salut, entouré des futurs Egides, ces chevaliers quasi divins qui défendent le peuple grâce à leur énergie et leur prescience due à un implant. Lui qui voulait être forgeron va devoir se retrouver de l’autre côté des armes et il en a le talent caché. Pilui, lui, est à l’école de l’Acuité, où il va développer son talent pour l’archerie mais découvrir un mentor bien fourbe. Hatal, quant à lui, va voir son flegme mis à rude épreuve à la Guilde de l’Arcane où il va découvrir certains mystères. Reste Raust, enlevé par Alkonost, Faux, qui veut en faire comme elle un espion au sein de l’Adoration. Il va se retrouver confronter à son passé et à sa nature bestiale.

Chaque héros est donc en plein travail sur lui-même, étape nécessaire et bien gérée ici, pour leur faire gagner en carrure et maturité, afin qu’ils puissent ensuite lutter contre l’ennemi. Parfois, c’est un passage un peu trop vite passé, j’aime qu’on prenne le temps ici. Parfois, c’est rébarbatif, j’aime le fait qu’on change régulièrement de lieu, ça permet d’avoir des informations intéressantes au compte goutte et de les assimiler tranquillement. Ma seule petite frustration vient du manque de représentation féminine au sein de leur groupe de jeunes premiers, les femmes sont plutôt en retrait et dans des rôles de soutien un peu caricaturaux, en dehors de la mère de Foa et d’Alkonost, mais ça manque dans la jeune génération.

Vraie bonne surprise, Egregor se révèle être un titre qui a tout ce que j’aime dans les aventures classiques d’héroïc fantasy et là où parfois certains titres pêchent en voulant aller trop vite, ici, on prend le temps de vraiment poser l’ensemble des bases de l’univers pour rendre celui-ci encore plus palpitant et prenant. Un pari gagnant !

Tome 3

Quand une série démarre aussi classiquement, on s’attend à ce qu’elle suive un certain cheminement, mais Jay Skwar a su me surprendre, comme son dessinateur apparemment, en faisant prendre une direction inattendue à son histoire ici.

En effet, après un tome 2 où l’on voyait nos jeunes héros à l’école de la vie, je m’attendais à poursuivre sur le même chemin, surtout avec la lecture conseillée à la suite de cela du Journal de Foa, roman disponible sur le site de MeianICI. Et pourtant, l’auteur fait le choix d’introduire un gros caillou dans l’engrenage et de tout faire riper. C’est assez jouissif.

Avec cette introduction d’un nouveau conflit et de problèmes politiques, il fait basculer l’implication des jeunes vers des histoires d’adultes, ce qui est une belle idée à ce stade. On se retrouve certes avec de nouveaux personnages en grand nombre qu’on ne connaît pas, mais on voit bien que leur univers est bien moins linéaire que jusqu’à présent. Les égides ne sont pas tant des héros que des outils au service du peuple mais aussi des puissants et ces derniers peuvent décider de les rappeler à tout moment sans tenir compte de leur mission première. 

On passe clairement à une autre étape du conflit et s’il est dommage de ne pas voir un peu plus ce qui se passe du côté de l’Adoration, la surprise est totale avec cette « Convocation du tonnerre » et l’approche de cette « Eclipse rouge ». Tension, combats et interrogations seront au rendez-vous pour nous donner un sentiment d’urgence mais aussi nous perdre un peu, en nous faisant nous demander ce qu’il se passe ou va se passer au juste. La lecture n’en est que plus saisissante et passionnante.

Les dessins de Kim Jae Hwan font encore des merveilles à ce stade, offrant des combats explosifs aux nouveaux Egides qu’on découvre. Je me régale à sentir ce souffle épique et la puissance de leurs attaques sous son trait. Le bestiaire ennemi est également représenté avec force, collant des frissons avec ces zombies qui s’en prennent à la capitale. C’est excellent.

A chaque tome, Egregor parvient à continuer de me surprendre. Si une ligne d’héroïc-fantasy classique avec un jeune élu qui se découvre et apprend, l’auteur greffe également d’autres thèmes plus sombre autour des questions de l’utilisation politique des guerriers et des mythes, de la place des missions : le peuple ou le roi au premier ?, de l’héritage et de l’émancipation… C’est riche, c’est dense et c’est explosif. On se régale !

Tome 4

Toujours mené tambour battant, l’aventure d’Egregor ne mollit pas et aime prendre le lecteur par défaut à plusieurs reprise. L’auteur joue avec nous et on aime le laisser faire tant le plaisir de lecture est là.

C’est toujours le cas après l’appel des Egides et la découverte du piège des Faux d’Adoration mais l’auteur s’amuse à complexifier encore les choses en rendant les lignes de démarcation de plus en plus floues. Ainsi ce tome enchaîne combats terrifiants, révélations percutantes et mystères de plus en plus nombreux. On ne sait plus où donner de la tête.

Le hic dans l’histoire, c’est que l’intrigue a totalement basculé de ce côté-là et qu’on ne parle plus des autres camarades de Foa. Il y a aussi un petit sentiment de course à la surenchère en matière et révélations et mystères avec une accumulation juste dans ce tome qui ne sonne pas très juste. A croire que chacun a quelque chose à cacher et qu’à chaque fois cela entre en résonnance avec le groupe ennemi. Etrange.

Pour autant, je n’ai pas boudé mon plaisir. Les scènes de siège et de bataille sont ultra dynamiques, un brin désespérées aussi, donc palpitantes à lire. Elles rappellent certains titres majeur de la fantasy comme Game of Thrones ou l’Attaque des Titans dans leur mise en scène et rebondissement. J’ai apprécié de suivre ces subalternes dépassés par les événements qui tentent de palier aux manques des grands. J’ai aimé suivre ces grands, les Egides, ployer sous le poids de leur échec et se remettre en question même si c’est fait un peu maladroitement avec un pathos trop appuyé. Tout cela nous fait vraiment plonger dans des abîmes de désespoir.

L’espoir viendra-t-il de Foa et sa petite troupe partis à la recherche de la mère prisonnière de ce dernier ? Sa recherche d’information sonne comme un piège mais elle s’annonce aussi palpitante à suivre. Il n’y a que les moments où l’auteur tente de faire de l’humour ou d’ajouter de la romance dans leur groupe que ça tombe un peu à plat pour moi… Je préfère, du coup, l’espoir porté par leurs aînés pré-Egides qui en désobéissant remettent la mission principale de ce corps au centre de l’histoire.

Tome de batailles mais tome de transition aussi, « Le Message » m’a parfois donné le sentiment d’un trop de mystères, trop de révélations, trop de rebondissements et contre-pied pour un seul tome. Ces quelques maladresses ne m’ont pas empêchée d’apprécier le tournant bien sombre que continue de prendre l’histoire avec la séparation de plus en plus floue entre les deux camps. J’ai donc très envie de poursuivre pour avoir des réponses.

Tome 5

Jay Skwar a dû ressentir le même besoin que moi, il était temps de s’éloigner un peu de cette bataille et de reprendre de la hauteur. Dans ce tome tout feu tout flamme, il nous embarque sur de multiples fronts en quête de nouveaux ennemis à abattre et surtout de lieux et populations à défendre.

Egregor est vraiment une série dense et protéiforme. On sent ici que trop combien l’auteur a voulu faire de cette saga une histoire riche et multiple. Il brouille ainsi sans cesse les pistes entre gentils et méchants. Il nous envoie sur de nombreux fronts. Il met en scène des personnages à n’en plus finir lors de batailles toujours plus nombreuses. Et il n’en finit pas d’ajouter des mystères à tout ça pour épicer le tout.

C’est du coup à la fois ultra addictif à lire car des rebondissements pleuvent sans cesse, mais également un peu complexe, tant on a tendance à se perdre dans les méandres de l’intrigue, ne reste en tête que les idées générales car il serait trop dur de tout retenir. Son choix de mettre en avant autant de personnages subalternes empêche aussi un peu à l’intrigue de se détacher et d’apparaître clairement, tout s’embrouille comme les figures de ces personnages qu’on ne croise que brièvement et qui ont tendance à se ressembler. Ce n’est pas simple.

L’univers aussi est complexe. L’auteur fait appel à de nombreuses magies, de nombreuses créatures, de nombreux pouvoirs, de nombreuses factions. Dur dur de s’y retrouver parfois et ça peut donner le sentiment qu’il ne va au bout de rien, passant de l’un à l’autre, pour le moment, sans forcément y revenir. C’est dommage parce que c’est toujours intéressant quand il l’introduit et qu’on a envie de plus du coup. Peut-être que plutôt que de partir dans tous les sens, il serait bien de se recentrer.

C’est parfois un peu ce qu’il fait quand il revient aux héros primordiaux. On ne les aperçoit certes que brièvement, mais on prend plaisir à retrouver Hatal et les questionnements sur l’étranger, l’autre, le différent qu’il apporte. Je suis contente aussi de voir Foa et sa troupe poursuivre leur quête et l’auteur oser leur faire perdre et prendre du temps car non, ce n’est pas facile de sortir d’une ville assiégée. Il y a donc de vraies bonnes idées ici. 

Nouvelle lecture ultra dynamique, « L’Appât » offre une intrigue tout feu tout flamme qui part un peu dans tous les sens mais nous fait bien sentir combien la menace est globale et l’univers sombre imaginé par l’auteur compliqué et riche. Si ces méandres nous perdent parfois, les mystères intriguent toujours et l’action percute également. Cela reste donc une aventure intense à suivre.

Tome 6

Pas le temps de souffler, Jay Skwar continue de nous entraîner dans la folle aventure de ses héros qui se déploie décidément sur de nombreux fronts, tellement qu’on en a la tête qui tourne parfois. 

Je m’étais plainte qu’il avait un peu oublié les autres apprentis héros en dehors de Foa, il a dû s’en rendre compte car à chaque tome à présent, il nous fait en retrouver un et l’ajoute ainsi à son intrigue principale. Une jolie trouvaille scénaristique. 

Pour autant, l’intrigue avance autant qu’elle recule, s’éclaircit autant qu’elle s’épaissit de mystères. C’est déstabilisant et frustrant parfois, jouissif à d’autres. Ainsi les scènes de bataille continuent à être explosives avec de jolis duels qui sont souvent révélateurs de lourds secrets. On découvre qui se cache derrière les Faux et leur maître et c’est la surprise. J’aime quand les auteurs nous font découvrir d’autres méchants que ceux que l’on soupçonnait et que les ambitions restent encore un peu floues, ça titille ma curiosité.

Le revers de la médaille, c’est que beaucoup de ces scènes sont avec des personnages assez secondaires qui, on le sait, vont disparaître ou avoir une utilité lointaine au final par rapport au groupe des héros. N’aurait-il pas mieux valu mettre en scène moins de personnages au premier plan mais les caractériser de manière plus forte pour que leurs interventions et leur rôle dans les révélations qui tombent aient plus d’impact ? Je m’interroge même si je reste totalement happée par ce qui se passe.

En plus, l’auteur continue de s’amuser à varier les lieux, à l’image des pirates qui viennent rejoindre l’histoire. Il ajoute également de nouvelles créatures comme le clan des araignées que nos héros affrontent dans les dernières pages. Les quêtes et batailles qui ont lieu n’ont rien de facile et tandis que la guerre gronde à toutes les portes, nos jeunes héros arpentent chacun des chemins compliqués : qui dans une quête pour retrouver sa mère, qui sur un bateau de marginaux, qui aux côtés d’un puissant assassin manipulateur. Reste à retrouver Raust, ce qui ne devrait pas tarder d’après les promesses de l’auteur.

Saga de fantasy toujours aussi diablement bien tournée et dynamique, Egregor accapare l’attention du lecteur avec tout ce qui s’y déroule mais le perd aussi un peu parfois avec toutes ces ramifications obscures. Heureusement la passion et la foi des héros l’y rattache sans cesse, rendant passionnantes leur quête initiatique respective.

Tome 7

En perpétuel mouvement, Egregor n’en finit pas de surprendre et d’embarquer son lecteur dans des aventures toujours plus sombres et complexes qui passionnent mais dont les mystères s’épaississent aussi plus vite que les révélations ne les éclaircissent. 

Avec sa traditionnelle, désormais, ambiance de dark fantasy classique, le tome s’ouvre comme plusieurs des derniers par le duel des anciens face au chef de la ville assiégée. Cela donne le ton ! Les combats seront épiques, les camps jamais tout à fait dessinés et les révélations dures et percutantes. Les auteurs auront bon utilisés des ingrédients maintes fois usités, la recette restera savoureuse sous leur gouverne. 

Cependant, force m’est de reconnaître que la passion qui m’anime en lisant la série ne vient pas forcément des chapitres portés par nos jeunes héros, mais plutôt de ceux où les antagonistes viennent nous asséner leurs révélations montrant ce monde tellement plus nuancé que le côté binaire des débuts le laissait croire. J’adore les voir tenter d’entraîner nos gentils héros dans leur monde rempli de nuances de gris et leur ouvrir les yeux sur leur propre univers. C’est fascinant et tellement plein de possibilités.

Ainsi, là où nous jeunes héros sont gentils mais encore un peu trop lisses et gentils, les personnages plus âgés ont des aventures plus sombres et percutantes où ils voient leur modèle remis en question. Ainsi, chacun est tenté de changer de camp ou du moins d’essayer de comprendre ce qu’il se passe. Et même si je suis contente que les auteurs consacrent dans ce tome un bout de leur histoire à chacun des jeunes, même Raust qu’on revoit enfin, c’est tout de même du côté de leurs aînés que les choses se passent pour moi.

Que ce soit un combat contre l’héritier du clan des araignées, des égides qui livrent bataille à une belle floppée de faux, un jeune héros qui retrouve sa mère mais se sent trahi, d’anciennes guerrières redoutables mais vaincues à qui ont fait de sacrées révélations sur les Egrégores, un jeune hybride que le tortionnaire va faire douter ou un jeune héros qui découvre que son mentor joue finalement double jeu, tout est retors ici et rien n’est ce qu’il semble être.

Dernier point, j’ai râlé un temps sur le sort des femmes de la série, même si elles restent dans une posture classique et pas toujours très actuelle. J’ai pris plaisir à voir la variété de leur rôle dans ce tome et notamment à les voir jouer aux guerrières au même niveau que les hommes dans les dernières pages. J’espère que cela persistera.

Encore et toujours un tome qui continue à aider la série à faire sa transition, c’est le cas depuis plusieurs, celui-ci est toujours aussi riche en révélations pour nous amener à comprendre que cet univers est décidément compliqués et rempli de nuances contradictoires et pourtant qui se complètent. J’aime quand les antagonistes ne sont pas de bêtes méchants et là, je commence à être servie !

Tome 8

Avec ce dernier tome en date, le prochain arrive très prochainement début 2023, les auteurs font enfin avancer significativement l’histoire mais avancée ne veut pas dire éclaircie, et l’histoire, elle, reste quand même assez floue et complexe tant les ramifications se sont étendues.

Avec des combats qui n’en finissent plus depuis l’attaque de la ville par une armée de zombies, puis des faux et autres créatures de l’Adoration, tous les héros sont sur le qui-vive. Introduits ou réintroduits progressivement dans le scénario, énormément d’Egides et autres héros, sont sur le pied de guerre, ce qui donne lieu à un théâtre d’action bien vaste et de nombreux lieux où on se bat. C’est chouette pour l’amateur de combats car il y a énormément de scènes du genre et que les auteurs, surtout Kim Jae Hwan, savent à merveille les mettre en scène, exploitant cet univers sombre tout feu tout flamme pour des scènes explosives. C’est beau, percutant et terrifiant, avec de noires créatures et des membres tranchés à tout va. 

Cependant du côté de l’histoire, on a longtemps eu l’impression de faire du sur place en contrepartie, car il fallait mettre en place ces différents théâtres d’intervention. Certes il y avait des révélations sur l’identité de certains obscurs personnages tirant les ficelles dans l’ombre et sur les intentions de ces drôles d’antagonistes bien plus complexes que les simples méchants qu’on nous décrivait au début, mais on attendait des avancées. Avec l’atteinte, enfin, du gouffre sans fin où est retenue prisonnière la mère de Foa, c’est ce qui arrive. Un point de convergence se dessine avec elle et l’histoire semble relancée. On parle d’héritage, de destinée, de contrôle des naissances, de grands plans, le tout dans une ambiance tendue et délétère où chacun risque sa peau pour s’en sortir mais où de grands pouvoirs vont apparaître.

Alors ça peut paraître lent ou fastidieux mais petit à petit les auteurs tissent leur toile pour laisser apparaître une vaste histoire assez complexe dont il me tarde d’avoir tous les tenants et aboutissements. Pour le moment, je persiste à trouver les personnages un peu sous-développés face à cette riche histoire qui a bien plus de charisme qu’eux, car on passe trop de l’un à l’autre sans s’attarder suffisamment. En revanche, le monde d’Egregor est passionnant et fascinant, regorgeant de chausse-trappes et autres surprises.

Ce 8e tome, « La Fosse de la Damnation », porte vraiment bien son nom tant se lieu va être le théâtre de changements et basculements dans l’histoire. C’est une belle promesse pour une suite qui va ainsi peut-être enfin sortir de ce schéma de combats à tout va dans lequel la série s’est enfermée depuis plus de 5 tomes désormais. J’espère que le moule va être cassé et que l’aventure va reprendre de plus belle !

Tome 9

Ce mois d’avril sonne le retour de notre série d’héroïc-fantasy classique franco-coréenne préférée : Egregor – le souffle de la Foi, et ce près d’un an après le précédent tome paru pour la dernière Japan expo.

Pas simple de raccrocher les wagons tant l’histoire est riche et se déroule en ce moment sur plusieurs fronts. Pour nous aider, un petit résumé est présent de même qu’une présentation des personnages et on ne crache pas dessus, car l’histoire a beau être entraînante et pleine de souffle, encore faut-il comprendre tous les enjeux en jeu.

Dans ce nouveau tome, les auteurs continuent de nous emporter dans un récit vif, brutal et violent où quelques révélations viendront au choix éclaircir l’univers ou apporter de nouvelles interrogations. Pour ne pas frustrer le lecteur, en plus, ils lui font plaisir et visite l’ensemble des groupes phares de l’histoire. On ne perd donc pas de temps en circonvolution et on plonge direct au coeur de l’action ou plutôt des actions car les champs de batailles sont multiples. Entre surprises et suites de combats, pas le temps de s’ennuyer.

Pour autant, un léger sentiment de surplace se fait sentir, car à éclater son histoire en différent points de vue comme l’avait fait G.R.R.Martin, on ralentit et freine chaque pan de celle-ci. Ainsi si Foa avance et retrouve sa mère, les autres combats sont loin d’être terminés et se poursuivent de manière bien compliquées à suivre car ils ne sont que des bouts de bouts d’une plus vaste intrigue. Heureusement il y a du souffle dans chacun d’eux, de qui affronte un dragon, de qui est malmené par une horrible arachnide, de qui affronte un loup métamorphe et j’en passe. Le lecteur peut se sentir perdu mais au moins, il ne s’ennuie pas.

L’amateur d’héroïc fantasy continue à prendre plaisir à voir son bestiaire favori décliné et à passer d’un lieu propice à l’aventure à l’autre, que ce soit une grotte, un bateau pirate, une baie remplie de navire ou un lieu inconnu rempli de nain. Les mystères sont toujours là, propice à aiguiser notre appétit d’apprenti enquêteur, tentant de résoudre ces derniers. La découverte que font Hatal et Pilin sur la Moisson est de ceux-là. La dynamique de lecture est donc très agréable.

On se prête facilement au jeu d’encourager chacun des héros, même si on passe un peu trop facilement de l’un à l’autre. On est heureux pour Foa qui a retrouvé sa mère et va lutter à ses côtés. On prend plaisir à voir Raust livrer un combat bestial saisissant faisant exploser ses pouvoirs de métamorphe. On guette la moindre compréhension que feront Pilin et Hatal de la découverte qu’ils ont fait et on a bien envie d’embarquer sur le bateau et de l’un ou de percer le secret du mentor de l’autre. Et c’est sans parler des Egires dont le sens du sacrifice va les pousser dans des retranchements qu’on n’attendait pas, ce qui va nous couper le souffle et livrer un final tonitruant ! C’est ce qu’on retiendra !

Reste que nous sommes plutôt ici sur un tome dans la continuité des précédents avec lequel on souffre un peu à cause du rythme de parution. Il faudrait tout relire à chaque fois pour vraiment pleinement apprécier le travail de mise en scène des auteurs qui parsèment chaque tome de micro révélation qui élargissent leur univers. Heureusement l’ambiance de dark fantasy, elle, est au rendez-vous et contribue à garder le plaisir de lecture intact au milieu de l’ensemble de ces créatures et de ces jeunes héros en herbe, qui tandis que le désespoir pourrait les gagner, ne renoncent jamais. Oui, le souffle de la foi n’est pas prêt de s’éteindre !

Tome 10

Retour d’Egregor dans le sang, le choc et les larmes, que c’est bon un juste récit de dark fantasy classique avec affrontements et pouvoirs à gogo tandis que les destins se dessinent dans le feu des combats.

La couverture de Kim Jae Hwan annonçait la couleur, la relation entre Foa et sa mère était au coeur de ce 10e tome qui aurait pu marquer la fin d’un premier cycle mais que les auteurs ont prolongé de 2 tomes pour bien tout clore. Cependant, gourmands, les auteurs ne s’arrêtent pas là et nous gâtent de multiples fils d’intrigues où il faut être bien concentré pour tout suivre tant ils sont nombreux et les personnages loin d’être les principaux. Mais tout cela crée une ambiance suffocante où les lignes bougent sans cesse et où nous aussi nous ressentons le malaise, la peur et l’incompréhension des personnages confrontés à cette guerre qui les dépasse. C’est très immersif.

J’aurais aimé tout de même que ce soit aussi compréhensible que prenant, car il faut avouer que les auteurs forcent souvent un peu trop les transitions d’un lieu et personnage à l’autre, rendant la lecture plus compliquée qu’elle ne le devrait, surtout quand se chevauchent texte d’une scène précédente et dessin d’un nouveau lieu… Je ne suis pas fan. J’ai aussi eu le sentiment qu’ils ajoutaient peut-être trop de lignes d’intrigues, perdant le contact avec les héros du début et multipliant les lieux et personnages plus secondaires auxquels on n’est pas attachés, donc qu’on retient moins. Je préfère les choses plus carrées et plus classiques où on suit un nombre plus restreint de personnages où à la limite d’autres viennent s’agréger autour d’eux, plutôt que de se perdre avec des nouveaux qu’on aura aussi vite rencontrés qu’oubliés.

Toutefois, j’ai vraiment pris plaisir à voir l’intrigue se développer autour de la mère de Foa, d’Erebor et ses sbires, de leurs prisonniers et leurs cibles. On sent que quelque chose d’assez immense est en préparation ici avec cette volonté de renversements des bases du monde en le sapant parfois de l’intérieur. La seule qui pouvait les en empêcher connaît un sort funeste qui va totalement changer la donne et Erebor accorde à un de ses acolytes le droit de former quelqu’un d’assez inattendu. Ça m’intrigue énormément pour la suite. Les mystères sont encore nombreux autour de ce groupe d’antagonistes, et ils ne sont pas les seuls !

J’ai aussi beaucoup apprécié la mise en scène des pouvoirs et combats dans ce tome. Les auteurs ouvrent le bal avec une vision particulièrement frappante de la guérison et ses dangers. Ils poursuivent avec des combats mélangeant passes d’armes et magie lumineuse et éclairante particulièrement frappantes. Je lis pas mal de fantasy et je trouve difficile de mettre en image de manière convaincante de tels pouvoirs, ils y arrivent à merveille ici, avec de savant mélange en plus et pas mal de créatures du bestiaire qui font très bien le job, que ce soit des loups et araignées humanoïdes, des hommes ailés, des espèces de griffons et bien sûr les dragons. Les amateurs seront ravis.

Tome charnière, tome parfois un peu fourre-tout, il continue de nous plonger au coeur de cette guerre complexe qui a lieu sur de multiples fronts entre bien des opposants qu’on peine encore à cerner tant le bien et le mal sont en manque de définition ici. Malgré quelques maladresses narratives à cause d’un enthousiasme et d’une précipitation trop grande, on prend un vif plaisir à suivre ses affrontements où la magie, les passes d’armes et les créatures sont si bien représentés dans des enjeux complexes où l’émotion peine à surnager mais nous frappe en plein coeur quand c’est le cas. L’attente va encore être longue jusqu’à la fin de ce premier cycle.

(Merci à Meian et Sanctuary pour ces lectures)

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5 commentaires sur “Egregor : Le souffle de la foi de Jay Skwar et Jae-Hwan Kim

  1. J’ai lu tes avis sur les trois premiers tomes et je pense que cela pourrait me plaire ! L’idée de ce projet est intéressante et le classicisme parfois surprenant de l’œuvre me tente !

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