Livres - Fantasy / Fantastique

Le chant des géants de David Bry

Titre : Le chant des géants

Auteur : David Bry

Éditeurs : L’Homme sans nom

Année de parution : 2022

Nombre de pages :  323

Histoire : Entrez, entrez.
Asseyez-vous, n’ayez pas peur. Il reste de la place, là, au fond, près de la cheminée.
Oui. C’est bien. Très bien. Commandez des bières, des pommes braisées, ce que vous voudrez, mais faites vite. Vous autres, dans la paille, rapprochez-vous?; calez-vous contre les murs, les tonneaux, les pieds des tables.
Voilà…
Le feu ronfle, les bûches craquent. La nuit est tombée. Les marmites sont vidées.
Laissez-vous aller. Fermez les yeux. Juste un peu.
Et écoutez-moi.
Je vais vous raconter une histoire.
Celle de notre île d’Oestant où dorment trois géants : Baile, aux rêves de mort et de musique, Leborcham, mère du brouillard, des collines et des plaines, et enfin le puissant Fraech aux songes de gloire et de batailles.
Je vais vous parler de guerres, d’amour et de trahisons?; de cris, de sang et de larmes.
Je vais vous parler de grands espoirs, de ce qui est vain. De ce qui meurt.
Alors, fermez les yeux.
Laissez-vous aller.
Voilà.
Mon histoire commence sur la lande, en bord de mer, dans le château de l’étrange roi Lothar.

Mon avis :

Il y a des auteurs qui nous touchent dès la première oeuvre et avec qui ça se confirme à chaque lecture. C’est le cas avec David Bry pour moi. Sa façon de capturer les ambiances fantastiques, de faire surgir les contes et la nostalgie, entre totalement en résonance avec moi et chaque lecture est un superbe moment.

Découvert avec La Princesse au voyage de nuit, il m’avait déjà fait forte impression avec ce texte à l’ambiance doucement angoissante. Ce fut à nouveau le cas dans Que passe l’Hiver et son mélange de thriller, nature writing et récit mythologique nordique. Exploit renouvelé dans Le Chant des géants avec ses allures de conte celtique qui m’a rappelé le travail de Camille Leboulanger sur Le chien du forgeron mais avec moins d’âpreté et plus de poésie.

Je suis très sensible aux ambiances et à la plume des auteurs. Ici, j’ai été embarqué dans l’univers imaginé par l’auteur dès le résumé et la couverture de ce bel objet relié édité par L’homme sans nom telle une tapisserie ancienne, elle nous conte l’aventure que nous allons vivre. Tout est en symbiose et le lecteur est directement invité à laisser son présent pour plonger dans ce monde de contes et de légendes. La plume de David Bry nous y conduit avec douceur et poésie, rappelant bien des classiques de la littérature courtoise et des romans de chevalerie mais avec une teinte poétique et celtique qui emporte ou plutôt m’emporte totalement.

En soi, l’histoire n’a rien de révolutionnaire. Si vous avez déjà lu Tristan et Yseult, les romans des Chevaliers de la Table de ronde de Chrétien de Troyes où toute adaptation moderne de récit dans ces univers, vous ne serez pas surprise par ce récit de deux frères convoitant le même trône et la même femme, emportés par des légendes de géants rêvant l’avenir de leur peuple, et déchirant par là même ceux-ci à travers une guerre de pouvoir intestine. Pourtant, avec David Bry, il y a le petit truc en plus.

Grâce à sa narration qui joue avec les lignes temporelles, nous faisant faire des sauts de cabris à plusieurs reprise. Grâce à ces en-tête de chapitre et cet objet qui rappelle sans cesse le vieux livre de contes, j’ai été totalement dépaysée et j’ai eu l’impression de me retrouver au coin du feu face à vieux conteur me racontant le drame de cet ancien royaume et des deux frères qui ont tout fait basculer. J’ai d’emblée été charmée par l’opposition de ceux-ci avec le cadet doué et l’aîné jaloux. J’ai de suite vu le drame qui allait se jouer quand le premier déclenche une guerre quand il se dit attaqué par le pays voisin lors d’une visite qui tourne mal, mais aussi lorsque le cadet pose les yeux sur la fille de ce seigneur voisin. Tout est là, tout est dit, ne reste plus que le drame à se jouer.

Dans une ambiance un peu à la Shakespeare, j’ai vu se dérouler les écheveaux classiques de cette toile vouant leur pays à la guerre. J’ai adoré la façon dont les drames intimes de ces princes se mêlent à la politique de leur royaume et aux légendes qui font battre le coeur de leurs habitants. La magie se mêle insidieusement à ce conflit à travers des prophéties détournées pour mieux s’emparer du pouvoir. La transmission orale vient en appuis d’une campagne de propagande judicieusement employée. Les querelles avec les pays voisins sont utilisées pour mieux asseoir la soif de pouvoir de celui qui a vu son âme pervertie par des proches peut-être trop ambitieux et on ne peut qu’assister tristement à ce désastre en puissance.

On retrouve chez l’auteur son intérêt pour le rôle des femmes dans les conflits et j’ai aimé la finesse avec laquelle il les a utilisées. De la reine mère, passive – active qui tente de réconcilier les deux frères, apaiser leurs haines, mais le tout en vain et qui se retrouve prise entre deux feux. De la princesse, qui vit avant tout pour son peuple et accepte de se mettre de côté pour lui, quitte à être une épouse-otage. Mais c’est encore plus la femme guerrière qui brise les interdits, qui ose tout défier par amour, mais qui n’oublie pas qu’on peut être femme et guerrière, mère et guerrière, c’est cette femme qui m’a émue et pour laquelle j’ai eu un coup de coeur.

Certes le tome est un peu court. Il se lit vite. On aurait peut-être aimé un décor plus riche encore vu ses possibilités, ou des personnages masculins encore plus développés, notamment le roi qui finit fou, dont la peinture reste quand même un peu en retrait. Mais pour être honnête, ce sont des détails qui ne m’ont nullement gênés personnellement car le rythme choisit par l’auteur collait bien au récit développé, l’ambiance et les zones d’ombre collait bien au type d’histoire qu’on souhait nous conter. Tel le troubadour qui va de château en château raconter les hauts et tragiques drames et faits d’armes d’autrefois, ce conte a des zones d’ombres nécessaires. Y aurait-il eu plus de développement, je crains qu’on aurait perdu en charme et vivacité.

Le chant des géants a donc frôlé le coup de coeur pour moi. J’ai été totalement séduite et ravagée par le drame qui s’est joué entre ses deux frères autour non pas d’une femme comme je le vois souvent écrit, mais plutôt autour de ce pouvoir qui a rongé l’un et de cette jalousie qui l’a rendu fou, sous le regard d’un cadet désarmé à aider son aîné à sortir de cette spirale. Une dualité fraternelle bouleversante et tragique contée de main de maître ici avec un décor à l’ancienne qui m’a fait plonger dans une très belle ambiance celtique comme j’en souhaitais. Bravo M Bry, j’attends avec impatience votre prochain texte !

>> N’hésitez pas à lire aussi les avis plus enthousiastes de : Amanda, Yuyine, L’Ours, Sometimes, Zoé, Dream Dream, Caro, Rose, Zina, Yoda Bor, Vous ?

18 commentaires sur “Le chant des géants de David Bry

  1. Merci pour cet élogieux et enthousiaste avis qui me frustre tant car je n’ai encore eu l’occasion de craquer pour ce roman qui me tente énormément !
    Même si l’histoire se veut déjà connu, l’auteur semble réussir le paris d’en apporté une vision immersive et singulière à souhait à l’aide de sa plume à l’ambiance savoureuse qu’il me tarde de gouter.

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  2. J’aurais adoré être autant séduite que toi, hélas, je suis bien plus mitigée, le manque de contexte et de développement m’ayant donné l’impression de raccourcis et d’une certaine superficialité.
    Néanmoins, je te rejoins sur le personnage de la femme guerrière que j’ai adoré et la manière dont la princesse refuse de rester sur le banc de touche comme si elle était une chose fragile.
    J’ai aussi apprécié cette impression d’être au coin du feu pendant qu’on nous contait une terrible épopée humaine et fraternelle, d’autant que j’ai aimé les effets de style de l’auteur, même s’il en abuse parfois.

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    1. Ne l’ayant pas du tout vécu comme cela, je ne sais que dire. J’ai mis cette absence de contexte sur le dos du conte et ça ne m’a pas gênée. ça contribuait au mystérieux, au merveilleux même de l’histoire comme dans les vieux contes d’autrefois des frères Grimm par exemple, je trouve ^^
      Mais contente que tu aies quand trouvé un peu ton compte dans le reste.

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  3. Je retrouve totalement mon expérience de lecture dans ta chronique. Une intrigue déjà vue et pas très surprenante (sauf le final, honnêtement, j’ai été surprise) mais ce petit plus bryesque qui fait que ça marche fort bien.
    Cela dit, pas mon préféré, c’est d’ailleurs pour cela que je ne l’ai pas intégré dans mes 5 finalistes du plib cette année. Son côté très court ne m’a pas paru superficiel, allant vraiment bien avec le côté récit oral raconté au coin du feu, petite histoire bien ficelée et mise en scène. Mais effectivement, j’ai préféré Que passe l’hiver, plus feutré, allant plus dans le détail. Plus romanesque peut-être, justement, dans sa nature.
    Je te remercie pour le lien 🙂

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    1. Merci pour ce beau commentaire ❤️
      Je n’arrive pas à dire lequel des deux est mon préféré entre Que vient l’hiver et celui-ci. Les deux ont de très belles qualités et dans celui-ci j’avoue que le cadre, le côté shakespearien et la romance contrariée me plaisent énormément ^^

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  4. Tout comme Light And Smell, je n’ai pas autant aimé que toi. En fait, c’est même plutôt que je n’ai pas aimé car, n’appréciant pas du tout l’écriture et comme tout est connu et simpliste, il n’y a rien qui a pu trouvé grâce à mes yeux si ce ne sont la femme guerrière et le lore que je trouve très chouette.
    A priori, on aime ou n’aime pas mais j’ai l’impression que ça ne laisse pas indifférent·e !

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    1. Oui, j’ai vu ça. Je ne pensais pas que le titre serait aussi clivant. Je me suis totalement laissée bercer par cette ambiance de conte oral au coin du feu mais a priori cela a donné une simplicité que certains, comme toi, n’ont pas du tout aimé. Je l’entends et surtout je comprends que bloquant là-dessus rien au presque n’ait pu trouver grâce à tes yeux. Je suis aussi comme ça dans ces cas-là ><

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