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Angolmois de Nanahiko Takagi

Titre : Angolmois

Auteur : Nanahiko Takagi

Traduction : Marina Sanchez

Éditeur vf : Meian

Années de parution vf :  2020-2022

Nombre de tomes vf : 10 (série terminée)

Résumé : Jinzaburô Kuchii, un samouraï de Kamakura, est exilé à Tsushima où il est chargé par la fille du gouverneur, Teruhi, de défendre l’île des Mongols. Au lieu de la peine de mort, les proscrits ont reçu l’ordre de servir de pions sacrifiables. Ils doivent tenir sept jours jusqu’à l’arrivée des renforts de Kyûshû, mais face aux armes et aux tactiques étranges des Mongols, le maître du clan Sô, Sukekuni, et son fils, Umajirô, se font tuer.
Alors que tous s’étaient résignés à perdre, Jinzaburô apparaît seul sur le champ de bataille, vêtu d’une ancienne armure…
Un grand danger arrive de la mer ! Cette série fleuve avec de véritables éléments historiques représente avec un point de vue inédit « les invasions mongoles » qui ont secoué le Japon du Moyen-Âge !

Mon avis :

Tome 1

J’aime les épopées guerrières, j’aime les fresque historique, Angolmois était donc fait pour moi !

Avec ses 10 tomes, la série me réserve bien des surprises, j’en suis sûre. En attendant, ce démarrage est de très bonne qualité avec un récit qui se base sur un fait historique avéré : les tentatives d’invasions mongoles pendant le Moyen Âge japonais, c’est-à-dire au XIIIe siècle, et la lutte d’un petit groupe de japonais pour empêcher leur avancée depuis l’île de Tsushima. 

Nous allons ainsi suivre avec passion et courage, une jeune princesse, amoureuse des récits passés guerriers de son père, qui va tenter d’insuffler son courage auprès de proscrits qui ont été envoyés sur cette île pour la défendre. Son envie d’en débattre va trouver écho chez un ancien samouraï réputé : Jinzaburo, qui est le détenteur d’un style bien connu qui fait trembler plus d’un guerrier. Ensemble, ils participeront à la défense de cette île située entre la Corée du Sud et la pointe sud du Japon, au large de Fukuoka.

Le titre se présente d’emblée comme un mélange de fresque historique réaliste et aussi de titre plus léger avec un héros qui peut sembler débonnaire et une héroïne qui joue de ses charmes pour obtenir ce qu’elle veut. Le décalage est étrange surtout quand la guerre survient, ce qui se produit rapidement, et qu’alors on redevient sérieux. Ne vous fiez donc pas à certaines pages qui circulent et osez lire l’ensemble de ce tome qui est très révélateur. 

Dans la plus pure tradition des récits historiques guerriers japonais, nous allons être confrontés au méchant étranger envahisseur, et ce avec un déchaînement de violence assez rude, aussi bien lors des combats que des pillages. Face à eux, nous avons de courageux Japonais, qui n’hésitent pas à prendre les armes, enfin surtout une certaine frange de la population mise ici en avant avec le père de la Princesse, défenseur de l’île de Tsushima. Notre héros, lui, représente un peuple plus circonspect, qui en a peut-être un peu marre de servir de chair à canon en ces années fort agitées. 

La restitution de la partie guerrière est donc plutôt réussie avec une certaine nuance dans le propos en fonction du statut du guerrier, mais également avec une réelle violence quand la guerre se met en branle. J’ai aimé la force tranquille de l’auteur pour raconter cela, en nous présentant d’abord les protagonistes, puis le lieu des combats et enfin les deux camps qui vont s’opposer. C’est assez classique mais efficace. C’est un peu caricatural mais ça parle de suite. Il y a un beau souci du rendu des armures, des armes et des techniques guerrières qui me plaît. Je me demande juste si les 10 tomes, comme Pelleliu dans un autre genre, seront exclusivement consacré à ce champ de bataille ou si cela s’élargira, ce qui ne serait pas pour me déplaire.

Premier tome déjà avec un beau souffle, Angolmois se présente comme une fresque guerrière historique prenante, jouant aussi bien sur des registres sérieux que plus légers et balayant un large spectre de personnages. Avec son soucis de fidélité historique, l’auteur rend ce récit de suite prenant. Il n’y a plus qu’à poursuivre pour découvrir les menées de chaque camp !

> N’hésitez pas à lire aussi l’avis de : Constantin, Le tempo des livres, Vous ?

Tome 2

J’avais quelques craintes sur les capacités de la série à rebondir et à tenir pendant 10 tomes sur cette petite île assaillie par les Mongols, je suis totalement rassurée avec ce tome plein de fougue et d’astuces narratives !

Avec ses couvertures épiques où les héros partent tous en guerre les uns à la suite des autres, Nanahiko Takagi sonne le clairon et nous appelle nous aussi au combat à ses côtés. J’ai beaucoup aimé découvrir dans ce tome comment on faisait la guerre autrefois. Je ne crois pas avoir déjà lu un autre titre le montrant pour cette époque donnée et je trouve ça fort enrichissant. Il faut dire que le titre est riche en détails : types d’armes, techniques d’attaques, stratégies, etc. On est plongé en plein dedans. 

Le titre en plus se diversifie ici, après une première bataille assez frontale et classique, place au repli dans la montagne pour panser ses plaies et préparer la suite. C’est une guerre d’usure qui se prépare et il est bon de voir se dessiner les différents chefs des deux côtés. L’auteur n’oublie pas de développer son héros, Jinzaburo en nous relatant avec émotion son passé familial. Il nous présente aussi de nouvelles figures charismatiques des deux côtés, aussi bien chez les Japonais que les armées mongoles. Tout cela étoffe joliment la série. 

On se plaît à suivre ce rythme qui temporise avant d’accélérer à nouveau pour nous emporter dans de nouveaux affrontements. C’est très bien joué. L’auteur mélange habillement développement des personnages, développement de la guerre et découverte de ce passé à travers plusieurs tableaux montrant comment on vivait alors. C’est savoureux.

Cependant, il y a toujours ce ton décalé parfois qui me dérange. Le côté héros débonnaire qui se transforme sur les champs de bataille passe encore, mais la princesse qui tombe sous son charme en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire n’est pas crédible. Je trouve aussi dommage qu’on joue sur ce registre quasi humoristique pour introduire chaque nouvelle figure importante, ça leur donne un je ne sais quoi de léger qui me chagrine un peu alors que je sens en même temps leur charisme. Ça m’empêche d’être totalement emportée.

Suite riche et efficace où l’auteur montre qu’il est capable de bien faire rebondir son histoire pour lui trouver sans cesse de nouvelles lignes narratives malgré le huis clos du lieu où elle se joue. C’est le tome qui achève de me convaincre qu’on va avoir là une saga passionnante à suivre !

Tome 3

Avec une narration qui s’affine de plus en plus, Angolmois n’en finit pas de me surprendre, révélant la richesse de son histoire et de sa mise en scène guerrière.
 
Après avoir livré une première bataille, puis une première contre-attaque, c’est l’heure de la retraite. Profitant de ce moment une fois de plus pour développer son héros, Nanahiko Takagi propose la montée en puissance discrète mais convaincante d’un homme qui ne paie pas de mine sous ses airs débonnaires mais qui est un vrai meneur d’hommes qui sait aussi bien motiver, soigner que diriger ses troupes. J’ai adoré !
 
Jinzaburo est exactement le genre de héros qu’on attend pas et c’est ce qui fait toute sa force. A ses côtés et également en face, on nous plante des hommes et femmes tout aussi surprenant. Même si ça m’agace de voir la Princesse si vite s’amouracher de lui, j’aime la fougue et le courage de cette dernière dans cette épreuve. Même si je le trouve très caricatural, j’aime la force de frappe du Colosse qui accompagne Jinza. En face, le multiculturalisme fait rage et on découvre des chefs de brigades venant de différents horizons : Chine, Corée, Mongolie, avec tous des styles de combat différents mais également des allures marquant leur ethnie. C’est très percutant et intéressant de montrer cette variété des forces en présence. 
 
L’auteur continue de s’attacher à rendre son histoire la plus réaliste possible même s’il a inventé de A à Z son héros en s’inspirant apparemment d’un personnage connu. Il nous livre ainsi au détour d’une page le destin de cette armée Mongole, ce qui rend le récit encore plus stressant et angoissant, je trouve. Il cite également des écrits de l’époque pour relater ce qu’il s’est passé et ainsi éclairer ses choix narratifs et graphiques. On vit vraiment cette histoire comme si on y était et ce n’est pas l’utilisation et l’explication de l’évolution des arts guerriers d’alors qui vont me dédire. J’aime énormément cette dimension.
 
L’auteur joue ainsi à la fois sur le registre historique et le registre guerrière pour écrire une histoire passionnante à suivre. Il développe en plus avec force ses personnages, profitant de cet instant suspendu et des pauses de la guerre pour bien nous faire saisir la force intérieure de chacun. La Princesse comme Jinza sont aussi des personnages fascinants à suivre et découvrir et cela n’est pas prêt de s’arrêter tant tout chance à chaque instant dans cette guerre si courte et si longue à la fois sous la plume de Nanahiko Takagi.
 
Amateur de récits guerriers aventureux mais aussi de récits guerriers plus réalistes et terre à terre, cette série est faite pour vous. Avec ses pauses et ses tensions, la série se bâtit peu à peu une sacrée aura autour de son héros anticonformiste et des habitants qui l’accompagnent dans cette sombre aventure. Un beau moment héroïque et humain.
 
Tome 4
 

Je continue à trouver la série passionnante alors qu’elle ne prend pas forcément la tournure que j’attendais au début. Mais cette résistance de la population et de l’auteur est belle à voir. 

Quand j’ai commencé la série, je m’attendais à lire les combats perpétuels des Japonais contre les Mongols. Hors plus la série avance, plus elle se fait autre et fine. Ici après une tentative d’embuscade un peu raté au final dramatique, la lutte se fait de plus en plus sur le mode de la guérilla en pleine nature, en utilisant celle-ci de toutes les façons possibles pour décimer l’ennemis petit bout par petit bout. C’est une autre façon de faire la guerre, une guerre d’usure, qu’on voit peu et que je me plais à suivre ici.

En plus, l’autrice continue de nous livrer des détails passionnants sur la vie et la guerre à cette époque. On découvre, sans surprise, le côté morcelé des troupes mongoles qui rassemblent en fait plusieurs peuples, plusieurs ethnies sous le même étendard, alors qu’ils ont des cultures, des façons de combattre différentes et que les tensions sont bien présente. On nous dévoile aussi comment on faisait la guerre à l’époque et les différentes techniques et armes utilisées. On assiste à l’évolution des armes à feu avec l’utilisation de bombes et canons par les Mongoles, mais aussi celle des lances japonaises avec un modèle qui aura son importance plus tard. On apprend plein de choses. 

Mais une fois de plus, c’est par Jinza que viendra l’émotion. En nous faisant le récit de sa chute passée, on pénètre dans les arcanes du pouvoir japonais et c’est édifiant. J’ai été touchée par cette relation quasi paternelle qu’il avait lié avec une des branches influentes de l’élite de son pays. Assister à la chute de celui-ci à cause de magouilles politiques fut ainsi d’autant plus rude mais tellement finement orchestré, ce qui montre le fin politique qu’était alors le Régent. J’aime ce genre d’intrigue très très politique. En plus ici, cela continue d’humaniser ce héros un peu trop lointain sinon avec son caractère débonnaire décalé. 

Personne ne s’y laisse compter et on voit de plus en plus d’hommes et femme comprendre son caractère de meneur d’hommes et de stratège à sa façon. Ainsi, il nous offre une belle séquence émotion avec le cousin de la Princesse lors de la bataille ou encore on le retrouve au coeur de son bataillon lors du repli, menant définitivement la danse, ce que la princesse sait apprécier vu qu’elle succombe de plus en plus. Classique mais bien fait.

En plus, le trait riche en détails de Nanahito Takagi contribue à rendre cette lecture toujours aussi immersive. On vit les attaques comme si on y était, on sent le sang et les cervelles gicler vers nous, on entend les os se briser et les bombes retentir, on tremble et on est happé par la folie de ces moments. C’est très chouette !

Série qui décidément garde le cap et se révèle surprenante par les nombreux rebondissements qu’elle adopte, ce qui la renouvelle sans cesse dans une direction inattendue, Angolmois est un pur plaisir de lecture pour lequel on se demande juste comment ils vont se sortir de toute cette horreur V.V
 
Tome 5
 

Nanahiko Takagi est vraiment très fort dans les moments d’interstice entre les batailles et autres affrontement pour nous proposer une histoire de plus en plus creusée et à l’assise solide. Après l’affrontement direct, les représailles, la stratégie et la guérilla, place au siège !

J’ai l’impression qu’à chaque nouveau tome, l’auteur se renouvelle pour nous proposer une nouvelle facette de cet affrontement décidément très riche alors qu’il se déroule juste sur une île. Je doutais au début de ses capacités à tenir sur 10 tomes, ce n’est plus le cas tant je le vois doué pour ajouter et ajouter sans cesse des éléments qui font gagner en épaisseur à l’histoire et pas juste qui retarde le dénouement. 

Ici, il fonce vers une dimension peut-être plus liée à la foi, foi dans une figure mystique et foi dans les racines de ce peuple. J’ai beaucoup aimé. L’auteur s’appuie pour cela sur des données archéologiques et histoires qu’il distille en plus dans l’histoire. Il invoque ainsi la figure tutélaire d’un descendant d’un ancien Empereur. Il met aussi en scène une frange de la population le protégeant, lui et les l’île : les protecteurs, ce qui donne l’occasion d’aller à la rencontre des fondations de celle-ci et de ses recoins secrets. Bien joué !

Avec un rythme qui ne se dément pas, il nous entraîne ainsi de plus en plus dans les profondeurs de celle-ci, la rendant également actrice des enjeux de l’histoire. J’ai aimé partir à la découverte de ces nouveaux lieux mais également de ces nouvelles franges de la population, car outre les gardiens protecteurs, ce sont leurs femmes, pêcheuses et guerrières, qu’il nous dévoile et j’aime ce genre de personnages charismatiques et banals à la fois. 

En plus, c’est l’occasion de rebattre les cartes. On s’éloigne un peu des Mongoles, même si on continue de noter que c’est un peuple bien disparates fait de nombreuses ethnies pas toujours en synergie. On se rapproche de ce fait des origines du peuple de l’île et on découvre leur forteresse ancestrale où nos héros vont se retrancher et organiser la défense. Une guerre d’un nouveau genre se prépare, une guerre de siège avec une nouvelle façon de prolonger ce conflit et de résister. J’aime d’avance.

Après, c’est souvent un peu cousu de fil blanc et la série ne brille pas par l’originalité ou la force de ses échanges et dialogues. Les relations qui se tissent, on les devine de loin. Les héros, hommes et femmes, mis en avant sont des archétypes du genre. Mais ça fonctionne bien. On les soutient, on les encourage, on a envie de les voir s’en sortir. Le feu est là !

Nouveau tournant dans l’histoire, l’auteur nous propose encore une nouvelle façon de faire la guerre, un choix plus défensif mais non moins intéressant. Ce retour sur les racines du peuple de l’île fut nécessaire et pertinent. L’évolution de la série est assurée. J’ai confiance, la suite va tout autant me passionner.

Tome 6

On n’en a pas fini avec nos résistants Japonais face à ces traîtres de Mongols tellement sournois. Entre trahison et résistance acharnée, je n’ai pas vu passer le tome.

Nous entrons de plus en plus dans le nerf de la guerre avec ce nouveau tome où d’un côté les Japonais résistent à bord de leur forteresse et de l’autre les Mongols trouvent le moyen d’attaquer sournoisement, une dynamique vraiment savoureuse qui fait tout le sel de ce type d’histoire guerrière faite d’assaut et de défense.

L’auteur gère merveilleusement son rythme malgré une intrigue classique. Il nous entraîne entre petits moments de vie à l’intérieur du vaste château où ils se sont réfugiés, interrogations quant à la suite, mouvements de troupes entre les deux camps, trahisons et plans machiavéliques, puis scènes de batailles. Tout s’enchaîne bien, se marie bien et on a vraiment le sentiment d’être plongé jusqu’au cou dedans, l’envie nous prenant de soutenir ces fiers et courageux Japonais.

Nous n’avions pas encore eu le schéma du traître, voilà c’est fait. C’est un classique toujours efficace, surtout avec un personnage aussi ambigu que Kazuhisa, qui ne semble pas avoir le même mauvais fond que Saburo, et qui veut juste protéger et retrouver sa famille. C’est toute l’ambivalence de la guerre et des choix faits à ce moment-là. Les Mongols auraient gagné, on n’aurait peut-être pas parlé de trahison. Il faut voir l’angle adopté.

Quant au siège du château, c’est encore une nouvelle étape dans cet affrontement avec cette fois une bonne dose d’ingéniosité de la part de l’auteur, qui nous propose embuscade, protection avec des branches effilées, jet de pierres et autres objets, catapultes et autres mouvements tout aussi variés. C’est un vrai plaisir, si on peut dire, de suivre cette attaque magnifiquement contrée. Et je ne parle même pas de la surprise finale d’autochtones décidément prêts à tout pour survivre, même les pires sacrifices pour eux et leurs croyances.

Nanahiko Takagi est un fin stratège, il sait comment capturer l’attention de ses lecteurs et maintenir celle-ci de bout en bout de ses tomes. Avec ce nouveau virage où trahisons et sièges se mettent en branle, il n’a pas fini de nous scotcher et passionner pour le destin de ces hommes et femmes courageux et ingénieux.

Tome 7

C’est toujours avec ce savoureux mélange d’histoires de vie, de philosophies zen et guerrière et de bataille que Nanahiko Takagi nous tient et ne nous lâche pas.

L’auteur nous régale à la fois de développements personnels et de stratégies guerrières, ce qui fixe totalement l’attention du lecteur. Après la surprise de la fin du tome précédent où l’attaque qu’on pensait si simple pour les Mongols se retourne en fait contre eux grâce au courageux sacrifice des Japonais, la tension ne retombe pas et la bataille fait rage avec de belles prouesses chez ces derniers face à la fourberie et la violence des premiers. C’est percutant à lire, surtout au rythme rapide que prend l’auteur, mais on ressent beaucoup trop le manichéisme de cet affrontement avec les gentils Japonais contre les méchants envahisseurs. Ça manque de nuance.

Là où l’auteur fait vraiment un travail intéressant sur son peuple et ses membres qu’il choisit de mettre en avant, il oublie totalement leur ennemi. Certes le chef de ceux-ci en impose et se relève toujours des surprises que lui réservent nous volontaires Japonais, mais l’auteur ne donne aucun autre élément pour le définir au final. On ne sait rien de lui et aucune autre figure ne se détache dans son camp. C’est assez pauvre et d’autant plus regrettable qu’on le sait capable de bien plus et bien mieux. La preuve, le traître des insurgés est très bien développé ici avec un beau travail sur la violence et l’injustice de cette époque. Il a mal tourné certes, mais il avait des raisons d’en vouloir à l’ordre établi. Il a lui aussi été maltraité.

Cette frustration, je la ressens aussi dans la philosophie qui entoure tout ce que font les Japonais et qu’on nous décrit à merveille, mais qui est absente des Mongols, qu’on ne connaît que comme peuple envahisseur, alors qu’il est tellement riche dans sa composition qu’il mériterait qu’on détaille cela, comme on détaille les valeurs japonaises. J’ai pris plaisir à découvrir une branche du passé de Jinzaburo et de son apprentissage du style Gikei à travers des moments de vie et des révélations quasi métaphysiques. J’ai aimé voir aussi les croyances du peuple de l’île, sa façon de prédire l’avenir, son lien avec la nature. J’aurais aimé que l’autre peuple ait droit aux mêmes considérations mais mieux le cerner et le comprendre.

Après un début tout feu tout flamme, sans mauvais jeu de mots, l’auteur laisse le temps à ses guerriers de se reposer pour régler leurs comptes aux traîtres et avancer, une pause salutaire également dans le camp ennemis. Il va vite, trop vite parfois pour conter tout cela, mais il sait donner corps à ce courageux peuple Japonais qu’il nous propose de suivre. C’est ainsi avec fougue et attachement qu’on tourne les pages mais aussi avec frustration de ne pas avoir le même traitement côté Mongol. La nuance c’est bien, c’est encore mieux quand c’est partagé.

Tome 8

Ça y est, il est l’heure pour les Mongols de passer sérieusement à l’attaque ! Du moins, c’est ce qu’on pourrait croire si le mangaka ne faisait pas justement le choix pile à ce moment-là d’étudier les motivations de chacun…

Quelle lecture frustrante. Après tout ce temps, je pensais le dernier assaut enfin à portée de nous, c’était bien mal connaître Nanahiko Takagi qui a préféré emmener son intrigue dans une toute autre direction, surprenante, intéressante, mais frustrante.

Je me plaignais dans le tome précédent du manque de développement autour des Mongols, j’ai été un peu écouté, avec la mise en avant de leur chef, qui se révèle être… l’héritier de la couronne de l’ancien royaume de Corée ! Petit focus fort riche et révélation sur la figure de ce jeune homme dévoyé par son envie de bien faire et de protéger sa famille, sa dynastie, ce qui va se retourner contre lui. Avec beaucoup de finesse, l’auteur décrit un mécanisme mongol implacable pour soumettre les peuples, clans, plus faibles qu’eux et susceptibles de souffrir de leur politique expansionniste. C’est tranchant, incisif et éclairant !

Le retour à la bataille présente est donc d’autant plus pleine d’espoir suite à cet épisode frappant et pourtant l’auteur ne nous donne pas ce qu’on souhaite avoir. Astucieusement, il continue de faire monter la tension, montrant les préparatifs de chaque côté pour nous délivrer un message sur la multiplicité de l’âme humaine. Il y a d’un côté ceux qui prennent la fuite, de l’autre ceux qui gardent espoir, puis ceux qui savent que tout est peut-être perdu mais qui veulent continuer à se battre, sans parler de ceux qui croient que le nombre fait tout. Cela augure d’un final échevelé et riche en émotion que j’ai hâte de lire dans les deux derniers tomes.

En attendant, je trouve vraiment que l’auteur mène cela de mains de maître. Si le rythme est plus lent ici, l’intrigue n’en avance pas d’un bon pas comme à chaque volume et je me retrouve surprise à la fois que ça ait pris tant et si peu de temps pour en arriver là. C’est dire si j’étais prise par ce qui se déroulait sous mes yeux. Je continue de regrette la faible place des femmes, époque oblige certainement. Je continue à regrette cette caricature des Mongols bien des fois et leur faible développement par rapport aux Japonais même si ici on a un peu comblé mes désirs. Cela reste cependant un belle fresque historique fort prenante à suivre.

Antépénultième tome, ce 8e volume nous emmène dans des contrées inconnues, celle du royaume qui deviendra la Corée. Un voyage fondateur pour les événements en jeu qui permettra de mieux comprendre ce qui se joue côté Mongol et qui offrira une pause de qualité avant la bataille finale où chacun va jeter toutes ses forces et son intelligences. Les premiers coups finissent par être donnés et donnent la donne pour la suite : ce sera brutal, ce sera primitif, ce sera humain et terrifiant.

Tome 9

Comme les personnages, une urgence s’est emparée de moi à la lecture de cet avant-dernier tome avant le grand final ! Dernier assaut lancé, course-poursuite pour sa survie en pleine nature, renforts attendus désespérément, voici les ingrédients d’une recette réussie !

L’auteur nous a bien fait patienter en fixant ses troupes dans le château assiégé de nos cher insurgés. Désormais, les attaques repartent de plus belle et les Mongols y mettent toute leur sauvagerie. Cela donne une lecture à 100 à l’heure où on ne voit pas défiler les pages. L’urgence des personnages à se sauver est la même que celle qu’on ressent à lire leurs aventures. C’est vif, c’est brutal, c’est rapide.

Angolmois ne nous offre pas une intrigue spectaculaire mais dans sa mise en scène sobre, il est particulièrement efficace. Ainsi, quand ses héros comprennent que c’est le dernier tournant mettent-ils toutes leurs forces et prennent-ils la décision d’un dernier affrontement. Les forces sont totalement inégales ce qui renforce le sentiment d’urgence à lire les événements. Chaque rencontre est douloureuse et le poids de ce qui y est mis et fort, les pertes sont d’ailleurs lourdes. Ça tombe de partout et bien qu’allant vite, l’auteur prend le temps de nous offrir de belles scènes émouvantes lorsqu’ils périssent.

C’est aussi le tome des surprises – légères – et des rebondissements – mais d’où viennent tous ces hommes, où sont les renforts ?-, ce qui procure une envie de tourner de plus en plus vite les pages pour voir comment ils vont s’en sortir. Plus de discours zen ou philo sur la nature et les armes, place à la survie pure où les sentiments sont à fleur de peau, à l’image de cette princesse qui se bat, ose verser des larmes, ou appeler celui qui a envahi son coeur. Le décor forestier choisit accentue cette immersion et cette urgence avec le sentiment qu’on est vraiment retourné à quelque chose de primitif.

Fini les beaux plans, finis les palabres, les derniers chapitres de cette histoire sous tension nous prennent aux tripes et défilent sous nos yeux ébahis. Bien qu’extrêmement classique, le lecteur se retrouve happé par le destins de ces personnages banals qui luttent vaille que vaille pour leur survie tandis que ça tombe de partout et que la menace est démesurée. Un rythme prenant, une urgence à rester en vie, un combat à la David contre Goliath, il n’en faut pas plus que me rendre cette lecture palpitante.

Tome 10 – Fin

Après m’avoir passionnée pendant 10 tomes, il est temps pour le premier arc d’Angolmois, celui de la superbe résistance de Tsushima de tirer sa révérence.

Cela aura été avec passion et brutalité que j’aurai suivi ces derniers instants de l’invasion mongole sur l’île japonaise de Tsushima avant que ceux-ci ne se rendent à Kyushu pour continuer à sévir. Depuis 2019, au Japon, l’auteur a d’ailleurs entrepris de nous conter cette suite avec Angolmois: Genkou Kassenki: Hakata-hen qui totalise 7 tomes pour le moment. Il faut espérer qu’on l’ait un jour également en France pour poursuivre l’aventure.

Ce dernier volume aura encore été intense à lire, l’auteur ne nous épargnant rien de la violence, l’injustice et la frayeur de ce moment. Il nous entraîne au plus près de ce qu’on vécu les habitants de l’île, obligé de jouer leur vie comme jamais, face à un envahisseur sans visage, totalement déshumanisé et transformé en monstre inarrêtable. Si je regrette encore une fois le manque de travail sur le peuple mongol représenté ici seulement comme un brutal envahisseur sans incarnation, je comprends aussi que cela participe du sentiment de frayeur et panique général. Pas besoin de connaître son bourreau pour en avoir peur.

La puissance scénaristique est donc là, incarnée uniquement par quelques personnages, tous dans le camp japonais. On suit en tremblant leur fuite pour réchapper à cette déferlante en règle où la mort est partout. Encore une fois, l’hécatombe est réelle et on perd des personnages qu’on appréciait, souvent de manière tragique, ce qui est très bien mis en scène par le mangaka. On assiste aussi impuissant, effrayé et révolté, aux exactions mongoles : tueries, viols, mutilations, captures et j’en passe. C’est un autre monde et une brutalité à laquelle on n’est plus habitué, représentée de façon très crue ici avec un auteur qui enchaîne les cases avec violence, à un rythme presque déchaîné, tant l’urgence était grande et la peur aussi.

Angolmois a vraiment incarné ce retour à une certaine primativité. Les peuples sont primitifs. Le lieu est primitif. Les croyances sont primitives. Tout cela rend le récit dépaysant et immersif. Alors s’il manque parfois un peu d’incarnation en dehors de Jinzaburo, je ne peux pas dire que le décor historique n’est pas incarné, lui. Il y a bien sûr de ci de là quelques erreurs, anachronismes, fantasmes, mais l’ensemble reste réussi. On comprend la rudesse de l’époque, son besoin de se raccrocher à quelque chose de concret et mystique à la fois incarné par des forces qu’on prête à la nature (leurs croyances animistes), ce besoin aussi d’un pouvoir incarné sur lequel se reposer (la princesse). Tout est parfaitement rendu, ce qui est assez émouvant étrangement.

Je referme donc ce volume avec le sentiment d’une histoire rondement menée, prenante, immersive où j’ai vraiment vécu ces quelques jours tragiques et plein de courage à la fois à côté du peuple de Tsushima. Et l’envie est là de revivre la même chose à Kyushu, tandis que l’invasion mongole se poursuit. J’espère donc que l’éditeur français nous annoncera prochainement quelque chose à ce sujet. En tout cas, merci pour cette intense découverte d’un pan méconnu de l’Histoire japonaise.

(Merci à Meian pour ces lectures passionnantes !)

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6 commentaires sur “Angolmois de Nanahiko Takagi

  1. On peut dire que tu as enchaîné les tomes !
    Je ne pense pas avoir déjà lu sur ce fait historique ni même le connaître d’ailleurs alors rien que cette dimension me tente, tout comme la fougue de la princesse (même si je pense que moi aussi, la voir s’amouracher rapidement risque de m’agacer). Le côté guerrier m’intéresse mais j’ai parfois du mal à suivre les scènes de combat dans les mangas, alors j’aimerais feuilleter le manga avant de me lancer.
    Merci pour ton avis, car de nouveau la couverture m’aurait un peu rebutée. Je suis juste un peu frustrée parce que mon père reste hermétique aux mangas alors que ce titre semble fait pour lui ! En roman, il aurait foncé l’acheter…

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    1. Oui c’est hyper addictif ce type d’histoire.
      Je ne connaissais pas du tout ce moment et ce fut une découverte très intéressante.
      Le côté guerrier est parfois présent assez crûment mais ça reste bref en général, alors ça va je trouve.
      Je comprends ta frustration pour ton père, j’ai la même avec mon oncle mais lui c’est pour touuuut ce qui est BD au sens large alors que sinon il aime à peu près les mêmes genre que moi (en dehors de la romance) en roman T.T

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  2. Et bien chaque tome semble t’avoir comblé et convaincu de manières différentes et plus que tentantes mais je me connais, je vais me lancer dans l’aventure pour finir par la mettre en pause !
    Quelle tristesse tous ces séries en cours de mon côté 😦

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