Livres - Histoire

Les Thébaines de Jocelyne Godard

Titre : Les Thébaines

Auteur : Jocelyne Godard

Éditeur vf : Le livre de poche

Année de parution vf : 1998-2005

Nombre de tomes : 11 (série terminée) – 6 volumes doubles (terminé)

Histoire : Jamais encore, en Egypte ancienne, une femme n’a coiffé la double couronne et tenu le sceptre et le fouet du pharaon. Ce défi insensé, une seule va l’oser : Hatchepsout. Unique héritière de Thoutmosis Ier en cette xviiie dynastie, elle régnera, associant au pouvoir le falot demi-frère qui est aussi son époux.
Dans le sillage de la femme-pharaon suivent les Thébaines. Elles sont jeunes, cultivées, ambitieuses. Avec audace, elles vont prendre en main leur destinée dans une période de paix et de développement.
Ce premier volume d’une saga consacrée tout entière à Hatchepsout nous fait partager l’intimité d’une femme exceptionnelle, dont nous ne connaissions guère que le nom. Autour d’elle revit l’Egypte quotidienne avec ses artisans, ses scribes, ses soldats et ses prêtres.

Mon avis :

Tome 1 : La couronne insolente

En fan de romans sur l’Egypte, j’ai dévoré dans ma jeunesse tous les Christian Jack, Violaine Vanoeyeke et autres que je trouvais, du moment que ça parlait de pharaon, reines, pyramides ou autre tombeaux royaux. Mais le temps faisant, je trouvais de moins en moins de choses à découvrir. Il y a une saga cependant qui est passée entre les mailles du filet et qui dormait dans ma bibliothèque depuis bien longtemps : Les Thébaines de Jocelyne Godard.

Après une carrière de photographe et de journaliste, celle-ci s’est consacrée pendant de longues années à l’écriture et nous a offert ici une vaste saga de 11 tomes évoquant la XVIIIe dynastie depuis la naissance d’Hatchepsout jusqu’aux dernières épouses et filles d’épouses royales après la chute de Toutankhamon et l’avènement d’une nouvelle lignée avec le général Ay. C’est une longue aventure qui nous attend.

Cependant, je dois avouer que l’angle d’écriture choisi par l’autrice n’est pas de ceux qui me passionnent le plus… En effet, ce fut une bonne lecture, bien écrite, très riche en détails et vivant, mais où je m’attendais à plus dans la reconstitution des personnages historiques. Je sais que le titre est Les Thébaines et non Hatchepsout mais j’aurais souhaité la voir vraiment s’incarner sous mes yeux et ce ne fut pas le cas…

Premier tome d’une série de quatre consacrés à Hatchepsout et les femmes de son époque, ce sont peut-être ces dernières plus que la première qui ont eu le devant de la scène. Or, je suis une indécrottable fan de grandes figures historiques et si l’une d’elle est citée, il me faut la voir vivre et suivre pas à pas ce qu’elle fait. Ça ne me dérange pas qu’à côté on suive des personnages plus modestes à grands renforts de détails, mais j’ai besoin que la future souveraine soit traitée de même et ce ne fut pas le cas. Le concept, sur le papier, est donc une bonne idée. Ça change de suivre les femmes autour de la future reine. Mais la réalisation ne m’a pas pleinement convaincue.

Avec un appui historique certain, l’autrice offre une bonne reconstitution de l’époque, riche en détails sur le quotidien de ces hommes et femmes gravitant autour de la famille royale. On sent revive sous nos yeux les fresques et papyrus que les archéologues modernes ont découverts et qui sont exposés dans nos musées mais ça manque d’une histoire immersive à nous faire vibrer. Tout n’est qu’une suite de petits moments, petits fragments, qui s’agencent parfois mal les uns avec les autres, comme avec des manques et surtout qui manque de vie car cela manque de dialogues pour faire entendre leurs voix.

L’autrice s’attarde ainsi énormément pour faire revivre les us et coutumes de l’époque, le quotidien des hommes et femmes entourant les pharaons et leur famille, surtout les femmes mais ça reste un peu froid. Et surtout quand on connaît déjà la vie sous l’Egypte ancienne, c’est assez redondant au final et il n’y a presque pas d’histoire, voire de grande Histoire autour pour compenser et animer cela. C’est juste une suite de beaucoup de détails sur le mode de vie, le rythme, les activités, les tenues, les objets du quotidien,  la religion, etc de l’époque qui empiète sur l’histoire. Le destin d’Hatchepsout et des femmes de son époque (courtisane, danseuse, artisane, épouse…) qu’on suit n’est pas assez creusé, détaillé, rendu vivant. On saute énormément de moments et on a l’impression d’être face à un résumé de sa vie où en plus on n’entend presque jamais sa voix. Les pharaons et héritiers potentiels souffrent du même problème et disparaissent en une ligne comme si de rien n’était… En général, dans les romans historiques les auteurs se servent justement des blancs de l’Histoire pour donner corps et vie aux personnages, ici l’autrice ne le fait pas et ça rend l’ensemble très froid et formel. 

La lecture des Thébaines de Jocelyne Godard souffre donc énormément pour la fan d’égyptologie que je suis de ma comparaison avec des lectures passées bien plus romanesques. Ici, cet entre deux entre récit documentaire et récit qui aurait dû se vouloir plus vivant pour conter le destin de ces femmes est bancal. Quelqu’un qui connaît peu l’Egypte ancienne prendra plaisir à découvrir tous ces détails. Mais quelqu’un qui souhaite vivre un vrai récit historique avec des figures connues ou méconnues qui emportent et transportent sera peut-être un peu plus sur la réserve comme moi. Je retiendrai donc le plaisir à retrouver cette ambiance, cette époque et à y découvrir une société bien plus égalitaire juridiquement parlant au moins que je m’en souvenais. Mais ayant lu les tomes de Violaine Vanoeyke consacrés au règne d’Hatchepsout, j’ai plus envie de retourner à ceux-ci pour revivre cette époque, car ici l’intrigue est bien trop effacée derrière le contexte historique et culturel pour moi.

> N’hésitez pas à lire aussi les avis bien plus pointus de : Elhyandra, Vous ?

Tome 2 : De roche et d’argile

J’avais été un peu déçue par l’entrée en matière de la série, trouvant celle-ci trop didactique et pas assez narrative. Mais ayant un second tome qui trainait depuis longtemps sur mes étagères, j’ai voulu aller au bout de l’expérience et j’en bien fait car la série décolle enfin.

Il y a toujours chez Jocelyne Godard cette envie parfois de trop bien faire et de nous plonger trop dans le décor de cette Egypte ancienne au détriment d’une histoire. Cependant, j’ai trouvé que cette fois, elle faisait un plus grand effort pour nous conter cette dernière.

Nous suivons toujours parallèlement Hatchepsout, désormais pharaonne, et des thébaines issues de l’élite, mais cette fois, on se recentre surtout sur une : Sechat, qui travaille sur les chantiers de notre reine et qui va avoir fort à faire. Après une première partie de vie un peu trop rapidement relatée dans le tome 1, l’autrice prend son temps ici pour évoquer les premiers temps du règne solo de cette future grande pharaonne. Elle détaille les soucis de succession avec son absence de mari, de descendant mâle direct (elle a seulement deux filles), la présence du fils bâtard de son frère qui va grandir dans l’ombre telle une menace. Elle évoque aussi les volontés de la Pharaonne qui se heurtent à celles des hommes voulant gouverner pour elle : elle n’est pas pour la guerre, mais pour la paix et les échanges. Tout cela promet une suite vive et intéressante.

En parallèle, nous assistons aux changements de la vie dans le harem royal qu’on avait suivi dans le premier tome. Il n’y est plus question de traîtrise entre favorite mais de construction d’une future cour pour le prochain Pharaon et son épouse, ainsi que de futures concubines. Il est aussi question de philosophie de règne à travers les nombreuses constructions entreprises par Hatchepsout que nous allons suivre tout au long de l’histoire avec les difficultés et périls qu’elle va rencontrer. Le tout se mixe avec la propre histoire de Séchat, celle qui va représenter une frange du peuple et surtout ce droit des femmes à être indépendante et à avoir une vie à elle. Léger anachronisme qu’on pardonne à l’autrice tant il fait rêver.

En effet, j’ai beaucoup aimé suivre le parcours de ces deux femmes désormais libres. L’un va tout donner pour le pouvoir et les idéaux qu’elle a pour son peuple. L’autre va découvrir l’importance de sa famille, de son intériorité de femme mais aussi du sens qu’elle veut donner en dépit de tout ça à sa vie. Pour souligner avec plus de force ces thèmes, l’autrice use avec talent de quelques mystères et frissons. Nous allons enfin pouvoir sortir plus souvent de Thèbes. On aura droit à des chantiers, des chasses, un enlèvement, une enquête, des deuils, des tentatives de meurtre. On ne s’ennuie vraiment pas cette fois dans ce tome et ça fait plaisir de voir les deux femmes grandir et atteindre la maturité sous nos yeux.

Avec les nombreux défis de ce tome, on assiste aux belles destinées croisées de deux femmes apprenant ce que ça veut dire pour elles d’être indépendante à leur époque, aux places qui sont les leurs. Avec toujours une belle richesse documentaire, Jocelyne Godard fait vivre cela comme si on y était. Parfois un peu lente et trop dans les détails, elle sait raviver la flamme et je n’ai qu’une hâte assister à la suite du règne d’Hatchepsout pour voir les grandeurs qu’elle va encore accomplir.

Bonus : les amateurs du manga Reine d’Égypte seront ravis de croiser Senmout et autre Djéhouty dans ce tome, dans une ambiance proche de celle qu’ils connaissent et avec une pharaonne aux ambitions universelles similaires. Chie Inudoh aurait-elle lu Jocelyne Godard ?

Tomes 3 et 4 = Intégrale 2 Pièges et parfums du Nil

Après son édition en volumes simples au début des années 2000, la série a été rééditée en volumes doubles 10 ans plus tard et c’est désormais dans ce format bien pratique que je poursuis ma lecture. Heureusement dans un sens car vu qu’un tome sur deux semble en-dessous pour ne pas dire raté à mes yeux, ça m’arrange bien ^^!

En effet cette deuxième intégrale regroupe les volumes 3 et 4 du découpage original. On y parle donc dans la première moitié du voyage d’Hatchepsout dans le sud de l’Égypte vers les pays de l’Afrique noire qui borde ses frontières. Tandis que la seconde moitié, elle, est consacrée aux derniers soubresauts du régime de la souveraine qui a de plus en plus d’hommes contre elle.

Je me suis longuement ennuyée dans la première partie correspondant au volume 3. On nous promet un voyage fondateur pour le règne d’Hatchepsout mais on a du mal à voir en quoi tant l’autrice passe son temps à éviter celle-ci et la dimension politique du moment. A la place, une épopée maritime, le récit par le menu de comment on naviguait à l’époque, pas inintéressant en soi, mais là aussi c’est gâché par une intrigue totalement imaginaire de vol de cartes qui auraient permis de trouver leur chemin bien plus facilement à l’équipage. L’autrice se concentre sur Séchat et oublie trop sa pharaonne, dommage, ce n’était pas ce que j’attendais. Sans parler de ce besoin d’utiliser le viol comme ressort scénaristique pour ensuite l’oublier et passer dessus comme si ce n’était pas grave. Si ça l’est et ça mériterait un autre traitement ! Bref déception que ce tome !

Heureusement la seconde partie est d’un tout autre calibre. On se retrouve avec le dernier volume consacré au règne d’Hatchepsout et pour cela l’autrice met magistralement en branle tous les éléments qui conduiront à la fin de son règne. Elle nous montre avec nuances la querelle dynastique qui va naître avec le jeune Thoutmosis qui grandit et s’affirme. Elle va mettre en scène les changements qui s’opèrent au sein des élites, nobles et religieuses, quand certains cherchent à placer de nouveaux pions avec la nouvelle générations. Cela donne lieux à des complots et autres tentatives d’empoisonnement et assassinat. Les temps sont durs pour notre pharaonne. En plus le contexte historique est rude avec une épidémie qui va mettre à mal sa nature divine. C’est passionnant à suivre !

Cette fois l’autrice mêle très bien dimension historique et fictive et les histoires de famille de Séchat et ses enfants se prêtent bien à ce qui se joue en avant-plan. J’ai ainsi aimé suivre les ambitions de sa fille, amoureuse de Thoutmosis, cherchant à obtenir la place de Seconde épouse. J’ai été touchée par la force de caractère de son nouvel époux dans sa fonction de médecin. J’ai aimé l’intelligence brièvement aperçu de son fils et le rôle des deux époux dans le fonctionnement de l’état : hôpital et avancées médicales pour l’un, instruction de la nouvelle génération pour l’autre. Le tout s’insèrent également dans de multiples complots qu’ils participent à dévoiler, ce qui permet de tendre l’intrigue et de la rendre passionnante à suivre.

Après un début raté avec un voyage pas à la hauteur des ambitions annoncées, j’ai aimé suivre les dernières années du règne d’Hatchepsout sous la plume de Jocelyne Godard, à savoir suivre plus la femme que la reine. Car au final, l’autrice nous montre bien peu les accomplissements de celle-ci si ce n’est en arrière-plan et préfère nous émouvoir avec les dilemmes plus personnels de celle-ci par rapport à ses amants, ses enfants, sa succession. C’est un portrait différent de celui de Violaine Vanoeyke que j’avais découvert adolescente, j’aime également, même si ça manque un peu d’épaisseur historique pour moi. Je suis donc curieuse de voir comment vont se dérouler les premières années du règne du nouveau pharaon avec toutes ces jeunes femmes autour de lui et ce renversement de direction.

 

2 commentaires sur “Les Thébaines de Jocelyne Godard

  1. Dommage que ce premier tome ne soit pas assez convaincant…
    Pour ma part, je m’intéresse trop peu au sujet pour le découvrir avec cette saga qui est apparemment plus tournée vers les suivantes de la femme-pharaon.

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire