Livres - Mangas / Manhwa / Manhua

Burn The House Down de Moyashi Fujisawa

Titre : Burn The House Down

Auteur : Moyashi Fujisawa

Traduction : Constant Voisin

Éditeur vf : Akata (L)

Année de parution vf : 2023-2024

Nombre de tomes vf  : 5 / 8 (en cours)

Résumé : La vie de Kyoko Murata a basculé quand, enfant, sa maison familiale a été anéantie dans un mystérieux incendie. Plusieurs années après, et tandis qu’un doute subsiste quant à l’origine de la catastrophe qui a détruite sa famille, la jeune femme se fait embaucher en tant qu’aide ménagère au sein de la demeure Mitarai. Makiko, matriarche irréprochable à la poigne de fer, lui impose des règles particulièrement contraignantes. Mais Kyoko compte bien faire sa place au sein de ce foyer… Quel est son véritable objectif en « infiltrant » ce lieu?

Mon avis :

Tome 1

Après nous avoir sorti l’excellent Utsubora, Akata a renouvelle l’expérience avec un nouveau thriller qui promet d’être de haute volée : Burn the house down.

Avec ce titre, l’éditeur s’inscrit dans une vague de polar dénonciateur des hypocrisies de notre société, comme c’était le cas avec Utsubora, mais c’est fois ce sera avec une série plus longue, plus punchy et moins arty, plus classique aussi. Première série aussi longue de son autrice, le titre fut publiée dans le magazine japonais Kiss, que j’apprécie énormément et qui est une valeur sûre pour moi. En plus, alors qu’elle travaille depuis près de 10 ans, la mangaka a développé une veine sociétale dans ses oeuvres d’après l’éditeur français, ce qui ne peut que titiller mon intérêt.

Avec une entrée en matière fort efficace, l’autrice nous entraîne dans un huis clos intimiste et inquiétant entre une jeune employée de ménage et son employeur, toutes deux liées, sans que cette dernière le sache, par un drame survenu des années plus tôt : l’incendie de la maison d’Anzu. Avec une ambiance un peu à la Almodovar, nous allons nous retrouver à suivre Anzu qui se fait passer pour une Shizuka et qui va se faire embaucher par celle qu’elle pense responsable de cet incident : la nouvelle femme de son père. Un jeu de dupes fort stressant.

Tout repose sur le jeu de chat et de souris dans lequel se lance l’héroïne. En s’immisçant dans la vie de la nouvelle femme de son père pour trouver des preuves dénonçant ce qu’elle a fait autrefois, elle met le doigt dans un terrible engrenage. On sent qu’Anzu/Shizuka est quelqu’un de foncièrement gentil, avec le coeur sur la main, mais elle se retrouve acculée et va se retrouver piégée dans cette situation sous le regard impuissant de sa jeune soeur et celui hagard de sa mère…

L’autrice a parfaitement su mettre en scène cette tension qui va progressivement monter au fur et à mesure qu’Anzu/Shizuka va tomber sur des détails de sa vie d’avant et qu’elle va nous révéler aussi bien dans le présent que le passé le vrai visage de sa belle-mère. Celle-ci a pris la vie son ancienne meilleure amie et est désormais une influence en puissance sur les réseaux sociaux, ne vivant ainsi que pour les apparences. C’est une critique percutante que Moyashi Fujisawa fait de notre société à travers elle, car nous allons découvrir la réalité derrière le joli visage qu’elle expose et ce n’est pas très beau à voir… Mère abusive, épouse menteuse et manipulatrice, amie en carton pâte, cette Makiko est horrible. Mais en même temps, je sens venir une certaine nuance dans son portrait à travers la mise en scène de la folie qui la gagne, elle qui était autrefois pauvre. Je suis attrapée, je suis intriguée.

La mangaka est vraiment douée pour alpaguer le lecteur avec ses mystères. Il y a d’abord la question de l’incendie bien sûr, puis la façon dont Makiko a fini dans les bonnes grâces au père d’Anzu, mais aussi les secrets de cette maison, lieu central de l’intrigue. Alors que je me demandais comme elle allait faire tenir son histoire sur 8 tomes dans ce seul lieu, elle a su me surprendre avec un rebondissement certes un peu vu et revu mais efficace et pertinent ici dans la critique faite de cette société hypocrite qui ne vit que pour les apparences. Elle met cela en scène avec une jolie utilisation des noirs et des regards pesants et inquiétants comme dans tout bon thriller où l’âme folle des personnages passe par leurs yeux.

Burn the house down, bien que moins saisissant que l’artistique Utsubora, fut une lecture fort efficace au premier tome scotchant, qui démarre sur un mystère classique mais parfaitement orchestré et mené par une autrice qui a un message à nous délivrer : stop cette société d’apparence qui pousse les gens au pire et fait souffrir les victimes conjointes. Akata a encore fait une belle trouvaille pour sa veine polar et sa veine sociétale. Bravo.

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Tome 2

Même si les ressors sont gros, impossible de lâcher à nouveau les pénibles aventures d’Anzu et sa soeur dans cette quête vengeresque à hauts risques !

J’avais quitté Anzu sur un premier danger, ceux-ci s’enchaînent dans cette suite sous tension pour Moyashi Fujisawa se plaît à faire sans cesse monter la tension et à mettre son héroïne en danger. Sauf que là où elle était seule dans le tome 2, elle se voit entrer en relation avec plusieurs autres personnages ajoutant encore à la tension ambiante.

La narration de la mangaka est on ne peut plus classique, pourtant elle est aussi ravageusement efficace. Que ce soit avec l’espèce de relation de dépendance affective qui se noue entre Anzu et le fils de sa patronne, ou avec les interventions secrètes et non voulues de sa soeur, ou encore avec le piège et contre-piège tendu entre elle et sa patronne, tout est écrit avec de gros sabots et pourtant tout passe et nous passionne. On tremble à chaque avancée d’Anzu, à chaque désir exprimé d’un plan qu’on sent bien mal ficelé. Il y a plein de trous dans la raquette mais c’est ce qui rend à la fois cette lecture addictive et proche de nous dans un certain sens, car elle est humaine derrière ce plan rocambolesque.

Cependant nous ne sommes qu’au tome 2 et l’autrice s’en garde énormément sous le coude. On se concentre donc sur la passion pour les tenues vestimentaires et accessoires de Mme Mitarai dans ce tome, pour chercher ainsi des indices sur ce qu’elle a fait autrefois. Cela prend pas mal de temps, on fait pas mal de détours. Le rythme se promet donc d’être assez lent, avec régulièrement des embûches venant compliquer les choses. Celle de la fin de ce tome ne me paraît donc pas insurmontable en cela et je reste curieuse de voir comment ça va évoluer.

Avec ces fils d’intrigues assez classiques, l’autrice tisse la toile d’un thriller efficace où tout ce qui peut sembler surjoué passe bien au final car c’est prenant et addictif. La prévisibilité ajoute au charme et rend la série plus humaine derrière ses éléments plein d’exagération mis en avant dans la narration. On est donc happé par cette quête de vengeance aux dangers omniprésents et régulièrement réels et impossible de lâcher tant que ces deux soeurs n’auront pas obtenu justice.

Tome 3

Thriller terriblement addictif, Burn the house down entame une nouvelle phase avec ce tome d’une grande violence où un nouveau personnage vient se mêler de près de l’enquête d’Anzu.

Si j’aime toujours autant la narration de Moyashi Fujisawa pour nous conter ce drame humain et l’enquête à couteau tiré qu’Anzu mène en fouillant chez sa belle-mère et en l’espionnant, je trouve parfois que l’autrice manque cruellement de finesse et en fait trop. C’est le cas ici où le personnage du fils ermite de Mme Mitarai est dépeint de manière totalement excessive au point qu’on frôle le ridicule. C’est bien d’être percutante et de faire frissonner, mais encore faut-il que le danger soit crédible, ici on va trop loin dans la mise en scène choisie et ce pendant longtemps.

En effet, ce tome n’est qu’une suite de scènes où Anzu se fait méchamment menacer par un Kiichi totalement fou. Si je trouve intéressant qu’il découvre ce qu’elle fait et qu’il tente de la faire chanter, la façon dont s’est fait ne me plaît guère. L’autrice en fait des tonnes et part un peu dans tous les sens avec les agressions sexuelles qu’il lui fait subir et le récit de ce site putaclik dont il est le propriétaire et auquel il l’oblige à participer. Elle mélange un peu tout ici, pas besoin d’en faire autant. Je trouvais que la menace de la dénoncer était déjà bien suffisante.

C’était plaisant de voir une Anzu encore plus en danger parce que cela l’a poussée à évoluer et changer de stratégie, ce qui relance l’histoire. Celle-ci était un peu restrictive au début, maintenant elle s’ouvre avec l’ajout notamment de sa soeur dont elle accepte l’aide après bien des péripéties, puis de Kiichi finalement quand il reprend ses esprits. Anzu n’est plus seule à enquête ce qui ouvre de sacrées perspectives. On a ainsi droit à une rencontre avec le père des filles, à une présence plus accrue du frère de Kiichi et aux souvenirs de ce dernier, autant de pièces qui pourraient compléter ce puzzle.

Thriller déjà addictif à lire, l’autrice ajoute une dimension humaine dans ce tome qui a su m’émouvoir. Pas quand Anzu était en danger, on a déjà vu que c’était surjoué donc pas possible pour moi. Non, c’est quand elle va rendre visite à sa mère, moteur de l’histoire, qu’il se passe quelque chose. Anzu tombe le masque et avec le souvenir de leur relation passée à elles 3, sa mère, sa soeur et elle, l’émotion nous submerge, pure et puissante. C’est pour ce genre de moment que je lis la série.

Là où certains chercheront peut-être l’emballement et la tension montante, c’est dans l’émotion que le titre me plaît le plus. Je me moque un peu de voir l’héroïne cernée dans sa terrible enquête, je m’intéresse plus au moment où elle tombe le masque et redevient une petite fille que cette implacable dénicheuse de vérité. C’est plus la motivation que la résolution finale qui me touche. Alors ce tome m’a partagée, j’ai vécu un grand moment avec sa mère et un vrai calvaire dans l’enchaînement des scènes surjouées de son enquête tournant au fiasco. Espérons que la suite ne tombe pas du mauvais côté.

Tome 4

Comme dans un drama à succès, l’autrice continue de jouer avec nos nerfs, temporiser, développer des lignes annexes vers lesquelles elle part, tout ça pour mieux nous piéger dans sa narration. On la voit venir et pourtant on ne peut s’empêcher de tomber dans le panneau.

Lecture toujours aussi addictive, Burn the House Down en reste cependant chez moi au stade du divertissement. Je ne peux m’empêcher de trouver la narration grossière, dans le sens qu’elle utilise trop de grosses ficelles et un ton surjoué me rappelant trop les séries TV. Je sais que c’est souvent le cas dans bien des thrillers japonais mais là, ça se pose là quand même quand on voit l’exagération des sentiments des personnages. On en perd toute finesse.

C’est d’autant plus dommage qu’il y a une dimension psychologique intéressante mais que la narration charge trop, ce qui lui fait perdre en crédibilité. L’histoire de Kichi par exemple est dramatique. Enfant issu d’une famille pauvre, avec une mère qui craque complètement, harcelé au lycée puis tellement mal dans sa peau qu’il s’enferme volontairement pendant 10 ans. Les moments où il tente de ressortir, tout comme ceux où Anzu tente de le secouer, nous prennent à la gorge. Pas la peine d’en faire des caisses comme ici, juste ça, c’est suffisant. C’est dommage un manque de justesse sur de tels développements.

Parce que c’est justement ça, cette nouvelle relation, qui fait vivre l’intrigue, l’enquête étant à l’arrêt pour le moment. On a bien une petite poussée avec l’autre frère qui se met à tourner autant d’Anzu qu’il suspecte, mais ça meurt dans l’oeuf. Il y a également une nouvelle piste avec des blogs en ligne tenues autrefois par les mères de nos héros, mais c’est une nouvelle direction sortie un peu du chapeau et assez maladroite. Seule la fin, nous remet un coup de boost avec ce stress intense ressenti lors de cette confrontation inattendue, qui devrait relancer les rivalités dans le prochain tome. Pour le reste, c’est le statu quo complet.

Pour autant, malgré un ton trop mélodramatique et surjoué, la lecture reste prenante, addictive même. Anzu se retrouve de plus en plus et dévoile son vrai visage, ce qui la rend encore plus intéressante à suivre, même si ça nous sort de ce huis clos qui était l’originalité de l’oeuvre aussi. Le rendu devient plus classique mais en même temps, je ne voyais pas comment tenir 8 tomes sans sortir de là et élargir le propos. L’autrice a donc eu raison et tant pis pour l’originalité.

Burn the house down reste donc un thriller familial des plus recommandable, surtout pour les fans de séries télé asiatiques qui en retrouveront le ton, l’ambiance et le sens du rythme ici, dans une narration qui semble calquée dessus et nous réserve toujours des surprises. Avec le renforcement d’une nouvelle relation, la série offre de nouvelle promesse et la surprise finale a aussi son petit effet. Alors malgré des maladresses, on a envie de se jeter sur la suite.

Tome 5

Alors que je pensais l’intrigue arrivée dans un cul de sac, Moyashi Fujisawa me surprend encore en relançant fort joliment son histoire dans des voies que je n’avais pas vu venir. J’aime cette surprise !

Depuis le début, ce thriller oscille entre drame psychologique plutôt bien mené et mise en scène un peu excessive faisant perdre de sa crédibilité à l’histoire. Cette maladresse reste présente mais je l’ai trouvé moins forte ici. Certes, nous avançons à coup de tours sortis du chapeau mais les réactions sont moins excessives et cela passe mieux. Peut-être aussi est-ce que tout simplement j’aime qu’on sorte de ce huis clos et que l’histoire se complexifie au fur et à mesure qu’on en élargit le nombre de protagonistes.

Dans ce nouveau tome, on s’intéresse ainsi non plus seulement au duo que formait les mères de nos héros, femme et ex-femme du docteur, mais également à la famille de ce dernier et c’est assez révélateur. L’autrice nous présente le portrait d’un homme totalement soumis au matriarcat de sa famille et qui a fait vivre un calvaire matrimonial à son ancienne femme à force de ne pas la défendre. Avec une telle personnalité, pas de surprise de découvrir autant de cadavres dans son placard, ce qui est parfait pour nous lecteurs pour venir titiller notre âme vengeresse.

Et de vengeance, on va sacrément en parler ici, l’autrice se joue bien de nous dans ce tome en nous faisant croire l’histoire terminée et la vengeance de nos deux soeurs percée à jour, quand Makiko découvre ce que mijote la plus jeune des soeurs. Mais heureusement ça ne s’arrête pas là et l’autrice ménage bien ses effets pour nous révéler ce qui relancera l’intrigue. C’est assez classique, totalement inattendu et improbable, mais jouissif. Nos deux soeurs se découvrent ainsi de nouveaux alliés de tous les côtés, qu’elles doivent aussi bien à la douceur de leur mère qu’à leurs propres qualités. Epaulés de ces nouveaux alliés, elles peuvent continuer à mener l’enquête au plus près de Makiko, ce qui va encore se révéler édifiant.

Pour autant, petite frustration dans ce tome, l’enquête avance fort peu. On avait eu la révélation du cardigan, puis de l’enregistrement et enfin du blog. Les deux premiers sont à oublier, percés à jour et effacés. Le dernier est une piste qu’elles suivent toujours et qui les a conduites à une nouvelle autour d’une mystérieuse influenceuse, mais pour le moment on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. L’autrice semble temporiser et proposer plutôt un tome de transition ici.

D’ailleurs, elle temporise aussi du côté relationnel. Anzu n’a plus de relation avec les fils de Makiko. Elle sert juste de manager à Makiko désormais et on les voit peu échanger. C’est sa jeune soeur, Yuzu, qu’on voit plus ici dans ses tourments après avoir laissé échapper des informations à son père, qui a tout avoué à sa femme, ou encore dans ses regrets vis-à-vis de Shinji. Mais soyons honnêtes, ce n’est pas des plus intéressants. Ce sont des mécaniques vues et revues avec des personnages assez fades finalement. Le plus intéressant, c’est la façon dont elle décortique la relation toxique des parents d’Anzu et Yuzu, avec un père trop faible vis-à-vis de sa famille et une mère trop soumise, qui a tenté de se rebeller mais sans que ça fonctionne…

J’ai quand même pris énormément de plaisir à cette relance toujours aussi sombre de l’intrigue. L’autrice gère très bien les ambiances tendues de son récit, les petits coups de stresse, les peurs qu’elle instille. Il y a un petit côté m’as-tu excessif mais c’est aussi ce qui nous fait frissonner. Et quel bonheur de voir la galaxie des héroïnes s’élargir et ne plus les voir mener ce combat pour la vérité seule. Je suis très curieuse de suivre les prochains développements.

5 commentaires sur “Burn The House Down de Moyashi Fujisawa

  1. En grande fan de thrillers et de critiques sociétales, notamment sur cette obsession et omniprésence de l’apparence, je ne peux qu’être intriguée. Je suis assez curieuse de découvrir le visage de cette horrible belle-mère et la maniere dont l’héroïne va s’insérer dans sa vie…

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